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[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

1999-5124(GST)I

ENTRE :

TUSKET SALES & SERVICE LIMITED,

 

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

 

intimée.

 

 

Appel entendu le 18 juillet 2000 à Halifax (Nouvelle-Écosse) par

 

l'honorable juge D. Hamlyn

 

Comparutions

 

Avocat de l'appelante :     Me Richard W. P. Murphy

 

Avocat de l'intimée :        Me Scott McCrossin

 

 

JUGEMENT

 

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 17 juillet 1996 et porte le numéro 01CB0202152, est accueilli, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, en ce qui concerne les opérations en litige, l'appelante peut réclamer un crédit de taxe sur les intrants fictif conformément au paragraphe 176(1) de la Loi. M. Pictou n'a pas effectué de fourniture taxable de véhicules d'échange dans le cadre d'une activité commerciale.


 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2000.

 

 

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d’octobre 2003.

 

 

 

 

Philippe Ducharme, réviseur


 

 

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Date: 20000727

Dossier: 1999-5124(GST)I

 

 

ENTRE :

TUSKET SALES & SERVICE LIMITED,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Hamlyn, C.C.I.

 

[1]     Le présent appel porte sur une cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (la « Loi »), dont l'avis est daté du 17 juillet 1996 et porte le numéro 01CB0202152, pour la période allant du 1er janvier 1993 au 29 février 1996.

 

[2]     L'appelante est une société qui vend des véhicules à moteur neufs et des véhicules d'occasion.

 

[3]     En 1994 et en 1995, l'appelante a vendu 14 véhicules à un certain Vaughn Pictou (« M. Pictou »), un Indien inscrit. L'appelante a accepté des véhicules d'échange. M. Pictou n'a pas exigé la TPS sur les véhicules ainsi remis en échange.

 

[4]     M. Pictou exploitait une station-service et un dépanneur sur la réserve de l'Acadie située dans le Comté de Yarmouth, en Nouvelle-Écosse.

 

[5]     Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé les crédits de taxe sur les intrants réclamés par l'appelante.

 

[6]     En établissant la cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre s'est entre autres fondé sur les hypothèses suivantes (qui ont été acceptées par l’avocat de l’appelante) :

 

[TRADUCTION]

 

6b)    l'appelante est un inscrit aux fins de la TPS et son numéro d'inscription est le 105 425 276;

 

6c)     l’appelante était une société faisant la vente et la réparation de véhicules à moteur neufs et de véhicules d'occasion;

 

6d)    l'appelante est tenue, aux termes de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, dans sa forme modifiée, de produire une déclaration de TPS une fois par trimestre;

 

6e)     au cours de la période visée par l'appel, l'appelante a vendu au moins 14 véhicules à moteur à Vaughn Pictou et, dans le cadre de ces opérations, a accepté des véhicules d'échange. Les détails de toutes ces opérations figurent à la première page de l'avis d'appel;

 

6f)     dans la déclaration de revenu qu’elle a produite pour la période visée par l'appel, l'appelante a réclamé des crédits de taxe sur les intrants fictifs pour les véhicules fournis en échange par Vaughn Pictou. Les détails des montants réclamés sont exposés dans le tableau figurant à la première page de l'avis d'appel, sous la rubrique « crédits fictifs refusés »;

 

6h)     l'appelante n'a pas versé de TPS à M. Pictou pour les véhicules qu'il avait fournis en échange, lesquels sont énumérés à la première page de l'avis d'appel. L'appelante n'a reçu de M. Pictou aucune documentation indiquant que la TPS avait été versée;

 

6i)      M. Pictou n'a jamais tenté de s'inscrire aux fins de la TPS.

 

[7]     L'hypothèse qui suit n'a pas été acceptée par l'avocat de l'appelante :

 

[TRADUCTION]

 

6g)     Tout au long de la période visée par l'appel, Vaughn Pictou a participé à diverses activités commerciales rentables, y compris l'achat et la vente de véhicules à moteur. Ses ventes annuelles excédaient 30 000 $.

 

QUESTION À TRANCHER

 

[8]     La question est de savoir si l'appelante a le droit de réclamer des crédits de taxe sur les intrants fictifs pour des véhicules à moteur fournis en échange par M. Pictou au cours de la période visée par l'appel.

 

ANALYSE

 

[9]     L'article 165, qui se trouve à la partie IX de la Loi, prévoit que l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada doit payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe égale à 7 p. 100 de la valeur de la contrepartie de la fourniture. L'obligation de verser la TPS découle de la fourniture de produits et de services effectuée dans le cadre de l’exercice d'activités commerciales. La définition de « fourniture » figurant au paragraphe 123(1) de la Loi est très large et englobe la vente, le transfert, le troc, la location, la donation ou l’aliénation de biens, la livraison de biens ou la prestation de services, et tout accord prévoyant la livraison de biens ou la prestation de services. La définition d'« activité commerciale » vise les trois activités distinctes qui suivent :

 

1.       L'exploitation d'une « entreprise » par une personne, à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle, ou une société admissible.

 

2.       Les projets à risque et les affaires de caractère commercial, à l'exception des projets ou affaires entrepris sans attente raisonnable de profit.

 

3.       La réalisation de fournitures de biens immobiliers, y compris les actes que la personne accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

 

[10]    Le terme « bien » est défini comme suit : à l'exclusion d'argent, tous biens – meubles et immeubles – tant corporels qu'incorporels, y compris un droit quelconque, une action ou une part. Le paragraphe 240(1) prévoit que toute personne qui effectue une fourniture taxable au Canada dans le cadre d'une activité commerciale doit s'inscrire aux fins de la TPS. Les petits fournisseurs, les personnes dont la seule activité commerciale consiste à effectuer, par vente, des fournitures d'immeubles en dehors du cadre d'une entreprise et les personnes non-résidentes qui n'exploitent pas d'entreprise au Canada sont expressément soustraits à cette obligation générale de s’inscrire. Le paragraphe 148(1) prévoit que, pour être admissible en tant que petit fournisseur tout au long d’un trimestre civil donné et du mois suivant, le total des fournitures taxables effectuées par la personne au cours des quatre trimestres civils précédents ne doit pas dépasser 30 000 $. Le ministre soutient que M. Pictou n'était pas un petit fournisseur et qu'il devait s'inscrire aux fins de la TPS. 

 

[11]    Suivant le mécanisme de crédit de taxe sur les intrants fictif, avant son élimination, la TPS était réputée avoir été payée par un inscrit, dans certaines circonstances, lorsque celui-ci avait acquis des biens meubles corporels d'une personne n'étant pas obligée d’exiger la taxe. Cela permettait à l'inscrit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants fictif à l'égard de ces acquisitions dans la mesure où les biens étaient consommés, utilisés ou fournis dans le cadre d'une activité commerciale. L'article 176 se lisait comme suit :

 

(1)        Aux fins du calcul du crédit de taxe sur les intrants et sous réserve des dispositions de la présente section, un inscrit est réputé avoir payé dès qu'un montant est payé en contrepartie d'une fourniture – sauf s'il s'agit d'une fourniture détaxée ou si l'article 167 s'applique à la fourniture – la taxe relative à la fourniture, égale à la fraction de taxe de ce montant si :

 

            a)         des biens meubles corporels d'occasion lui sont fournis par vente au Canada après 1993, la taxe n'est pas payable par lui relativement à la fourniture et les biens sont acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales;

 

            b)         des biens meubles corporels d'occasion lui sont fournis par vente au Canada avant 1994, la taxe n'est pas payable par lui relativement à la fourniture et les biens sont acquis pour être fournis dans le cadre de ses activités commerciales.

 

 

[12]    Au cours de la période en cause, l'appelante a vendu 14 véhicules à moteur à M. Pictou, un Indien inscrit. Dans 12 de ces opérations, l'appelante a accepté des véhicules d'échange qui ont été imputés au prix d'achat. Les véhicules achetés par M. Pictou lui ont été livrés sur la réserve. Aucune TPS n'était payable par M. Pictou à l'égard des acquisitions. M. Pictou n'a pas exigé la TPS sur les véhicules qu’il a fournis en échange. L'appelante a réclamé des crédits de taxe sur les intrants à l'égard des véhicules d'échange conformément à l'article 176 de la Loi.

 

[13]    Les trois gestionnaires et les vendeurs de l'appelante qui ont fait affaire avec M. Pictou à l’égard des achats, y compris les échanges, ont témoigné de la façon dont M. Pictou structurait et utilisait ses achats. En quelques mots, six des véhicules achetés étaient des véhicules neufs, dont trois ont par la suite été remis en échange à l'appelante. Des garanties étendues ont été obtenues pour deux des véhicules neufs. Pour chaque achat, M. Pictou et l'appelante ont utilisé une liste de vérification officielle pour la livraison, ce qui constituait la pratique normale de l’appelante dans le cas des ventes au détail par opposition aux ventes en gros. Un ensemble de services offerts pendant une période de cinq ans a été acheté par M. Pictou à l'égard de cette acquisition. Pour l'une des acquisitions, M. Pictou a fait installer un certain nombre d’accessoires de son choix dans le véhicule. En ce qui concerne deux des achats, les véhicules ont été remis à l'appelante, car M. Pictou les trouvait désagréables pour son dos.

 

[14]    Les témoins de l'appelante ont déclaré que celle-ci faisait affaire avec M. Pictou en tant que client de détail qui préférait échanger fréquemment son véhicule. Le statut d'autochtone de M. Pictou lui permettait de le faire sans tenir compte de la TPS, ce qui constituait une incitation à l'échange. M. Pictou a, semble-t-il, également acheté et échangé des véhicules auprès d'autres concessionnaires de la région en procédant de la même façon.

 

[15]    Il existait des preuves indiquant que, vers la fin de la période en cause, des cotisations avaient été établies à l’égard de M. Pictou en vertu de la Loi sur la taxe d'accise en ce qui concerne les opérations se rapportant aux véhicules, et certaines preuves indiquaient que, après la période en cause, M. Pictou s’était présenté comme marchand d'automobiles.

 

[16]    Au cours de la période en cause, M. Pictou et sa famille ont été vus se déplaçant, dans les différents véhicules, dans la communauté où il vivait et où l'appelante exploitait son entreprise. M. Pictou exploitait une station-service et un dépanneur dans la même communauté. Un témoin a déclaré que, à son avis, M. Pictou tirait ainsi un revenu qui lui permettait aisément d'échanger des véhicules comme il le faisait.

 

[17]    La meilleure preuve pour établir que les divers véhicules achetés ou échangés par M. Pictou faisaient partie d'une entreprise aurait dû être présentée par M. Pictou. L'appelante ne l'a pas cité comme témoin alors qu'elle avait le fardeau de prouver sa cause. À vrai dire, l'intimée ne l’a pas non plus cité comme témoin pour réfuter la preuve produite par l'appelante à l’égard de ce dernier.

 

CONCLUSION

 

[18]    Somme toute, même si l’appelante n’a pas produit la meilleure preuve, j'ai conclu que M. Pictou, en ce qui concerne les transactions de véhicules passées avec l'appelante, utilisait tous ces véhicules pour ses besoins personnels.

 

DÉCISION

 

[19]    L'appel est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que, en ce qui concerne les opérations en litige, l'appelante peut réclamer un crédit de taxe sur les intrants fictif conformément au paragraphe 176(1) de la Loi. M. Pictou n'a pas effectué de fourniture taxable de véhicules d'échange dans le cadre d'une activité commerciale et il n’était pas tenu d’exiger la TPS sur les véhicules d'échange.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de juillet 2000.

 

 

« D. Hamlyn »

J.C.C.I.

 

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour d’octobre 2003.

 

 

 

 

Philippe Ducharme, réviseur

 

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