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Dossier : 2005-700(IT)G

ENTRE :

ANDRÉ MORISSET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 17 octobre 2006, à Nicolet (Québec).

Devant : L'honorable juge B. Paris

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Luc Therrien

Avocate de l'intimée :

Me Chantal Jacquier

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2000 est accordée, sans dépens, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l'imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) est annulée, le tout selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2007.

« Brent Paris »

Juge Paris


Référence : 2007CCI114

Date : 20070222

Dossier : 2005-700(IT)G

ENTRE :

ANDRÉ MORISSET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]      L'appelant interjette appel à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national ( « Ministre » ) en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) ( « Loi » ), pour l'année d'imposition 2000. Par cette cotisation, le Ministre a refusé un crédit d'impôt réclamé par l'appelant en vertu du paragraphe 118.1(3) de la Loi pour deux prétendus dons de bienfaisance au montant total de 60 000 $. Le Ministre a également imposé une pénalité de 7 698 $ aux termes du paragraphe 163(2) de la Loi.

[2]      L'appelant prétend avoir fait le don de deux peaux d'ours polaire, ayant chacune une juste valeur marchande de 30 000 $, au « Centre universitaire de recherche internationale » ( « CURI » ), situé à Trois-Rivières. Le CURI était un organisme de bienfaisance enregistré par le Ministre. Les deux reçus de charité du CURI présentés par l'appelant indiquent le don d'un ours polaire mâle naturalisé et d'un ours polaire femelle naturalisé.

[3]      Le Ministre a refusé le crédit aux motifs que l'appelant n'avait pas fait de don au CURI, qu'il a acheté les deux reçus de Pierre Marchand, président et représentant du CURI, pour un montant de 20 000 $ et que la juste valeur marchande des biens figurant sur les reçus était nulle.

Faits

[4]      L'appelant est chirurgien-dentiste à Trois-Rivières depuis 1983.

[5]      Il a témoigné qu'en octobre ou novembre 2000, il aurait rencontré à son bureau M. Marchand, et que celui-ci lui aurait proposé de faire un don de charité au CURI. Selon l'appelant, il s'agissait d'un don en argent, avec lequel M. Marchand achèterait des objets d'art qui pourraient par la suite être « redistribués » au CURI avec « un don de charité plus élevé que la contribution financière » .

[6]      M. Marchand aurait montré à l'appelant des photos de tableaux, d'objets d'art, de bijoux indiens et apparemment de peaux d'ours polaires, que l'appelant pourrait acheter, et des certificats d'évaluation relatifs à ces biens, ainsi qu'un certificat attestant de la qualification de M. Marchand « comme évaluateur au niveau des pièces d'art » .

[7]      Les évaluations des peaux d'ours polaires indiquaient une valeur marchande de 30 000 $ chacune. Alors, M. Marchand a proposé à l'appelant « d'investir » 10 000 $ pour chacune des deux peaux. Ensuite, l'appelant donnerait les peaux au CURI et recevrait des « reçus d'impôt d'une valeur de 60 000 $ » .

[8]      Suivant cette rencontre, l'appelant dit avoir communiqué avec deux de ses amis de chasse, un M. Doyon et un M. Pérusse, qui avaient déjà eu affaire avec M. Marchand et qui ont dit avoir déjà fait des dons au CURI.

[9]      L'appelant voulait confirmer si ce que M. Marchand proposait était « correct » et si ses amis ont eu ses problèmes avec « l'impôt » . M. Doyon lui aurait dit qu'il « contribuait dans ce système-là » pendant quelques années et qu'il n'avait jamais eu de problème avec ses réclamations fiscales. M. Pérusse aurait dit à l'appelant qu'il avait contribué au CURI pendant deux ou trois ans.

[10]     L'appelant dit aussi avoir communiqué avec son comptable au début de novembre pour discuter de son « investissement » . L'appelant aurait dit à son comptable qu'il était intéressé à prendre des dons de charité et que son comptable lui a dit que s'il en prenait un, il était aussi bien d'en prendre deux pour vraiment diminuer ses impôts.

[11]     L'appelant a expliqué que M. Marchand l'aurait rappelé une ou deux semaines après sa première rencontre et que lui, l'appelant, aurait exprimé son intérêt à mettre 20 000 $ « [...] pour avoir des reçus pour avoir les peaux d'ours polaire pour justement faire le don à l'oeuvre de charité » [1]. À ce moment-là, M. Marchand aurait demandé d'être payé en argent.

[12]     L'appelant dit qu'il trouvait cette demande un peu louche, mais que M. Pérusse lui a confirmé que c'était comme ça que ça se passait pour lui aussi. M. Marchand aurait alors pris rendez-vous avec l'appelant, au bureau de celui-ci.

[13]     Pour avoir l'argent, l'appelant a fait deux chèques à son propre nom et les aurait encaissés à sa banque le 21 décembre 2000. Selon lui, il a été deux fois le même jour à la banque et n'aurait pas encaissé les deux chèques en même temps.

[14]     Il a ensuite rencontré M. Marchand, lui a donné l'argent et a eu de M. Marchand les deux reçus de charité. Il dit que M. Marchand lui a aussi « prêté » une des deux peaux à utiliser chez lui temporairement en disant qu'il le rappellerait pour reprendre la peau mais l'appelant n'a plus eu de contact avec lui. L'appelant n'aurait pas essayé de téléphoner à M. Marchand ou au CURI, et à peu près un an plus tard, a dû jeter la peau parce qu'elle commençait à sentir mauvais, à cause, soupçonnait-il, d'un mauvais tannage.

[15]     Les reçus de charité indiquaient que l'appelant avait donné au CURI un ours polaire mâle naturalisé et un ours polaire femelle naturalisé, chacun d'une valeur de 30 000 $, selon des évaluations faites par M. Marchand.

[16]     L'appelant n'a pas eu une copie des évaluations mais les aurait vues dans le cartable de M. Marchand pendant leur première rencontre. Il s'est dit à l'aise avec le montant de 30 000 $ indiqué aux reçus comme la valeur de chaque peau. En tant que chasseur, il était au courant des coûts qu'il faudrait encourir pour faire une chasse à l'ours polaire, et une connaissance qu'il avait rencontrée en faisant la chasse dans le Colorado a estimé à au moins 25 000 $ le coût d'une telle chasse. De plus, il aurait vu des annonces dans des magazines de chasse offrant des peaux d'ours polaires au prix d'entre 25 000 $ et 30 000 $.

[17]     L'appelant n'était pas capable d'expliquer pourquoi le reçu montrait, comme date de réception du don par le CURI, le 15 octobre 2000. Quant à la date du reçu lui-même, le 19 décembre 2000 - quelques jours avant que l'appelant rencontre M. Marchand pour lui donner l'argent - l'appelant croyait que ce dernier avait peut-être indiqué la date où il l'avait avisé par téléphone qu'il prendrait les peaux.

[18]     L'appelant dit avoir envoyé les reçus de charité à son comptable, qui a préparé sa déclaration de revenus pour l'année 2000, dans laquelle l'appelant a réclamé un crédit d'impôt relatif à des dons de bienfaisance d'une valeur de 60 000 $.

[19]     En mai 2002, le vérificateur de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l' « Agence » ), M. Marc Proulx, a commencé une vérification du CURI pour les années 1997 à 2001 et des présumés dons faits par l'appelant. Pour l'appelant, c'était la première fois qu'il avait eu des difficultés avec l'Agence.

[20]     Au cours de sa vérification, M. Proulx a rencontré Pierre Marchand et lui a demandé de voir les registres du CURI. Tout ce qui lui a été présenté était un journal synoptique qui détaillait les dépenses faites par l'organisme. Il n'avait pas d'inventaire des dons, pas de livre des procès-verbaux, pas de grand livre ni de journal, et aucun enregistrement pour les dons faits au CURI en 2000. Selon les relevés du compte de banque du CURI et du compte de M. Marchand et de sa conjointe, Simone Galois[2], obtenus par M. Proulx, il n'y avait pas de dépôt dans les comptes qui aurait correspondu aux montants payés par l'appelant à Pierre Marchand.

[21]     M. Proulx a effectué une visite aux lieux où le CURI gardait ses biens à Ste-Anne de la Pérade et à St-Mathieu du Parc. Au premier, il s'agissait d'une sorte d'entrepôt où il n'y avait aucun ordre apparent. À St-Mathieu, M. Proulx a vu une tente à l'intérieur de laquelle il y avait une présentation comprenant des petits animaux naturalisés dans une scène de nature simulée. Il a estimé à entre 50 et 100 le nombre d'animaux naturalisés à St-Mathieu. Il n'a vu aucune peau d'ours polaire, ni d'ours polaire naturalisé à ces endroits.

[22]     Le 30 mai 2002, M. Proulx a envoyé une lettre à l'appelant demandant les reçus et toute autre pièce justificative relatifs aux dons. N'ayant pas eu de réponse de l'appelant, M. Proulx lui a écrit à nouveau le 27 juin 2002 :

[...]

Nous procédons actuellement à l'examen de votre (vos) déductions(s) énumérée(s) à l'annexe ci-jointe pour dons de biens à l'organisme de bienfaisance « CENTRE UNIVERSITAIRE DE RECHERCHES INTERNATIONALES » et nous avons besoin des renseignements suivants pour l'année indiquée :

1. Quand (Date exacte) avez-vous acheté le bien donné, énuméré à l'annexe, pour lequel vous avez demandé une déduction dans votre déclaration de revenu pour l'année indiquée?

2. De qui avez-vous acheté le bien donné? Joindre une copie de la facture.

3. Comment le prix d'achat a-t-il été établi?

4. Comment avez-vous acquitté l'achat du bien donné? Joindre une copie, recto verso, de votre chèque annulé ou de la pièce de paiement.

5. Pendant la période où vous en avez été propriétaire, avez-vous assuré le bien donné? Dans l'affirmative, veuillez fournir une copie de l'avenant de la police d'assurance.

6. Veuillez fournir une copie de l'évaluation du bien donné et préciser le nom et l'adresse de l'expert qui a procédé à cette évaluation.

7. Comment s'est fait le contact avec l'organisme de bienfaisance ci-dessus?

8. Pourquoi avez-vous donné le bien à l'organisme de bienfaisance ci-dessus?

[...]

[23]     L'appelant a engagé un avocat, qui a répondu à la lettre de M. Proulx le 30 juillet, mais qui n'a fourni aucun détail sur l'achat des biens supposément donnés. Le 2 décembre 2002, le vérificateur a fait part à l'avocat de l'appelant de son intention de refuser le crédit d'impôt et d'imposer une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi, et le 30 janvier 2003, l'avocat a répondu indiquant entre autres que :

[...] M. Marchand sollicitait des dons en argent de nos clients et il leur représentait que les sommes versées seraient utilisées pour acquérir des collections et autres items de valeur pour leur compte. Par la suite, ces collections seraient données par nos clients à l'organisme de charité représenté par M. Marchand. Les collections achetées par nos clients ont été évaluées par Monsieur Marchand qui prétendait avoir toutes les compétences pour ce faire. M. Marchand remettait à nos clients un reçu pour don de charité pour un montant égal à la valeur des collections données par nos clients au Centre universitaire de recherches internationales.

[24]     Pourtant, aucun détail sur l'achat des biens figurant sur les reçus de charité n'a encore été donné au vérificateur.

[25]     Par avis de nouvelle cotisation du 20 février 2004, le Ministre a refusé le crédit d'impôt et imposé la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[26]     Le 7 avril 2004, l'appelant a signifié un avis d'opposition à la nouvelle cotisation et le 20 octobre 2004, l'appelant a transmis à l'agent des appels une copie des deux chèques des 20 et 21 décembre 2000, faits à son nom, chacun au montant de 10 000 $.

[27]     L'appelant a témoigné qu'il a eu de la difficulté à récupérer les chèques de sa banque parce qu'ils avaient été entreposés ailleurs.

Argument des parties

[28]     L'avocat de l'appelant prétend que la preuve présentée démontre que l'appelant a fait le don de deux peaux d'ours polaire d'une juste valeur marchande d'un total de 60 000 $ et que les reçus fournis par le CURI étaient conformes aux exigences de la Loi. Il soutient aussi que l'appelant n'a pas fait de faux énoncé dans des circonstances équivalant à faute lourde dans sa déclaration de revenus pour 2000.

[29]     Au cas où la Cour déciderait que l'appelant n'a pas donné de peaux d'ours polaire au CURI, l'avocat de l'appelant a maintenu que l'appelant aurait toutefois droit à un crédit d'impôt relatif à un don de 20 000 $ pour l'argent qu'il a donné à M. Marchand.

[30]     L'avocate de l'intimée soutient qu'il n'y a pas de preuve devant la Cour que l'appelant a fait un don au CURI. Il n'a pas été démontré que des peaux d'ours polaire ont été livrées au CURI, ou même que l'appelant possédait de tels biens. Le vérificateur n'en a trouvé aucune trace dans les registres de CURI ou au moment de sa visite aux lieux d'affaires de CURI. Même s'il y avait preuve de l'existence des peaux, il reste que l'appelant n'a pas réussi à démontrer leur juste valeur marchande.

[31]     De plus, l'avocate de l'intimée dit que la preuve ne démontre pas non plus que l'appelant aurait donné 20 000 $ en argent au CURI. Il n'y avait pas de preuve que le 20 000 $ aurait été remis à l'organisme. Finalement, l'avocate de l'intimée soutient que l'appelant a fait preuve en l'espèce d'un aveuglement volontaire face au stratagème de M. Marchand, qui était d'offrir des reçus de charité pour un montant trois fois supérieur au montant payé par un contribuable. Cet aveuglement volontaire suffisait pour étayer la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

Analyse

[32]     Est-ce que l'appelant a droit au crédit d'impôt pour dons de bienfaisance selon l'article 118.1(3) de la Loi? Pour y avoir droit, un contribuable doit avoir fait un don a un organisme de bienfaisance enregistré.

[33]     La première question est alors de savoir si l'appelant a fait un don quelconque au CURI.

[34]     En établissant la cotisation en l'espèce, le Ministre a tenu pour acquis que l'appelant, au lieu de faire un don de charité, a acheté les reçus de charité de M. Marchand au prix d'un tiers du montant des reçus. Évidemment, l'achat d'un reçu de charité ne constitue pas un don. Il incombe à l'appelant de démontrer que ce fait est faux.

[35]     À la lumière de toute la preuve, j'arrive à la conclusion que l'appelant ne s'est pas déchargé de ce fardeau. À mon avis, le témoignage donné par l'appelant n'était pas crédible. Il contenait plusieurs incohérences et contradictions et certains événements qu'il a racontés étaient tout a fait invraisemblables.

[36]     Par exemple, j'ai beaucoup de difficulté à croire que son comptable lui aurait conseillé de faire les prétendus dons, si l'appelant lui avait expliqué qu'on lui proposait un reçu de charité pour un montant trois fois supérieur au montant qu'il déboursait.

[37]     L'explication fournie par l'appelant pour avoir fait deux chèques et être allé deux fois à la banque chercher l'argent le 21 décembre 2000, pose aussi problème. L'appelant a dit qu'après être allé à la banque la première fois, il aurait téléphoné à son comptable pour avoir son avis sur la proposition de M. Marchand et se serait fait dire par son comptable de faire deux dons, ce qui a nécessité un deuxième chèque et une autre visite à la banque. Cette version des faits contredit ce que l'appelant avait dit plus tôt dans son témoignage, à savoir qu'il avait téléphoné à son comptable au début novembre et reçu le conseil de faire deux dons à ce moment-là.

[38]     J'ai aussi du mal à croire que l'appelant n'aurait pas vérifié les reçus au moment où il aurait donné 20 000 $ en espèces à M. Marchand et qu'il ne lui aurait pas posé de questions au sujet des renseignements apparemment erronés sur les reçus, tels que la date de réception du don (le 15 octobre 2000) et la description des biens (les ours naturalisés et non pas les peaux d'ours) et, enfin, la date des reçus (le 19 décembre 2000) qui était autre que la date où l'appelant aurait remis l'argent à M. Marchand. L'explication de l'appelant sur ce dernier point, que M. Marchand aurait mis la date à laquelle l'appelant aurait accepté de faire les dons, ne tient pas la route puisqu'il dit avoir confirmé lors d'un appel téléphonique avec M. Marchand au début de novembre qu'il allait faire le don de deux peaux.

[39]     De plus, il me semble peu probable que M. Marchand arrive au bureau de l'appelant avec une peau d'ours polaire, que l'appelant a décrit comme « gigantesque » et « monstrueuse » , ou que l'appelant ne cherche pas de conseil s'il devrait accepter le prêt de la peau. Il est incroyable aussi que l'appelant ait jeté une peau d'ours polaire qu'il croyait avoir une valeur originale de 30 000 $ sans jamais chercher à communiquer avec M. Marchand pour lui rendre la peau, bien qu'il ait eu son adresse et son numéro de téléphone sur les reçus du CURI.

[40]     D'autres divergences dans le témoignage de l'appelant sont évidentes. Par exemple, l'appelant dit qu'il avait vérifié auprès de M. Pérusse et de M. Doyon si l'affaire proposée par M. Marchand fonctionnait aux fins de l'impôt, ce qui lui a été confirmé par les deux, mais plus tard, dans son témoignage, l'appelant prétend que M. Pérusse lui aurait simplement dit qu'il avait fait affaire avec M. Marchand et que M. Pérusse n'aurait pas dit comment « ça se passait » . L'appelant a dit qu'en fait il n'avait aucune idée de comment M. Pérusse procédait avec ses dons au CURI.

[41]     L'appelant a aussi témoigné parfois que le paiement de 20 000 $ était un don au CURI pour ensuite expliquer que les 20 000 $ servaient à acheter les peaux et qu'il allait donner les peaux au CURI.

[42]     Somme toute, je conclus que je ne peux me fier au témoignage de l'appelant. Aucun autre témoin, tel M. Pérusse ou M. Doyon, ou le comptable de l'appelant, n'a été présenté pour corroborer son témoignage.

[43]     Le Ministre a aussi tenu pour acquis que la juste valeur marchande des deux ours polaires naturalisés indiquée sur les reçus en cause était nulle. L'appelant n'a pas réussi non plus à démolir cette présomption.

[44]     Tout d'abord, j'observe que l'appelant n'a présenté aucune preuve d'expert sur la valeur marchande des peaux d'ours polaires indiquée sur les reçus du CURI. Même si j'acceptais le témoignage de l'appelant voulant que les coûts d'une chasse à l'ours polaire remonteraient à entre 25 000 $ et 30 000 $, ceci ne constitue pas une preuve de juste valeur marchande. Les coûts associés à l'obtention d'un bien ne sont pas pertinents à la détermination de la juste valeur marchande d'un bien, qui est le prix que l'on obtiendrait dans le marché pour sa disposition : voir l'arrêt Conn c. Canada (ministre du Revenu national - M.R.N.) [1986] A.C.I. no 801 (Q.L.).

[45]     Je note que le témoignage de l'appelant quant aux annonces dans des magazines de chasse offrant des peaux d'ours polaires n'a pas été corroboré, et, en tout cas, que ceci ne démontre pas les montants reçus à la vente des peaux offertes.

[46]     N'ayant pas démoli les présomptions qui étaient à la base de la cotisation en litige, l'appelant n'a pas droit au crédit d'impôt qu'il cherche pour les dons de bienfaisance.

Pénalité

[47]     Il faut maintenant décider si le paragraphe 163(2) de la Loi s'applique aux faits de cet appel. Cette disposition se lit comme suit :

163(2) Faux énoncés ou omissions -- Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

a)          l'excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i)          l'excédent éventuel de l'impôt qui serait payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi sur les sommes qui seraient réputées par les paragraphes 120(2) et (2.2) payées au titre de l'impôt de la personne pour l'année, s'il était ajouté au revenu imposable déclaré par cette personne dans la déclaration pour l'année la partie de son revenu déclaré en moins pour l'année qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission et si son impôt payable pour l'année était calculé en soustrayant des déductions de l'impôt payable par ailleurs par cette personne pour l'année, la partie de ces déductions qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission,

(ii)         l'excédent éventuel de l'impôt qui aurait été payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi sur les sommes qui auraient été réputées par les paragraphes 120(2) et (2.2) payées au titre de l'impôt de la personne pour l'année, si l'impôt payable pour l'année avait fait l'objet d'une cotisation établie d'après les renseignements indiqués dans la déclaration pour l'année;

[48]     Il faut déterminer si la preuve présentée par l'intimée est suffisante pour décharger le fardeau qui lui incombe de prouver selon la prépondérance des probabilités que l'appelant a fait un faux énoncé dans sa déclaration de revenu pour 2000 et que le faux énoncé a été fait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde.

[49]     Je suis d'avis que l'intimée ne peut réussir en l'espèce. L'intimée n'a pas présenté de preuve tendant à démontrer l'existence du présumé stratagème de M. Marchand, c'est-à-dire de vendre les reçus de charité à un tiers du montant du reçu. La preuve présentée par l'intimée n'a pas non plus démontré sur la prépondérance des probabilités que l'appelant n'a pas fait de don au CURI. Bien que le vérificateur, M. Proulx, ait dit qu'il n'avait pas trouvé, au cours de son enquête au CURI, une preuve quelconque des prétendus dons faits par l'appelant, ni dans les registres du CURI, ni dans les relevés bancaires de M. Marchand et de sa conjointe, ni parmi les animaux naturalisés entreposés par le CURI, M. Proulx ne semble pas avoir posé des questions directes à M. Marchand sur ces prétendus dons.

[50]     Il est clair que les registres du CURI étaient totalement inadéquats. Par exemple, il n'y avait pas d'inventaire des dons en nature au CURI, pas de copie des reçus de charité émis par le CURI, et apparemment, pas de copie des évaluations faites par M. Marchand. Les registres comptables consistaient en un journal synoptique où l'on inscrivait les déboursés et les dépôts faits par l'organisme. M. Proulx a dit lui-même qu'il a été impossible lors de sa visite aux entrepôts du CURI de lier les biens à ces endroits avec les reçus émis par le CURI parce que les registres du CURI n'étaient pas en ordre. Mais M. Proulx n'a pas dit s'il avait demandé à M. Marchand une explication pour le manque de registres, ou s'il existait un autre moyen de déterminer les dons reçus par le CURI dans les années en question.

[51]     Faute de démontrer que M. Proulx a cherché particulièrement à voir ces peaux, et que M. Marchand ne pouvait pas les lui montrer, ou ne pouvait pas expliquer les circonstances de leur absence, la preuve à cet égard reste équivoque.

[52]     Finalement, le fait qu'il n'y avait pas eu de dépôt au montant de 20 000 $ dans le compte du CURI ou de celui de M. Marchand et sa conjointe en 2000 ou 2001 n'est pas une preuve en soi que l'appelant n'a pas fait de don de deux peaux d'ours polaires au CURI.

[53]     En conclusion, la preuve devant la Cour est insuffisante, à mon avis, pour soutenir la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[54]     L'appel sera donc accordé en partie, sans dépens, et l'imposition de la pénalité est annulée en l'espèce.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2007.

« Brent Paris »

Juge Paris


RÉFÉRENCE :                                   2007CCI114

N º DU DOSSIER DE LA COUR :       2005-700(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :               ANDRÉ MORISSET c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Nicolet (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  le 17 octobre 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :        L'honorable juge B. Paris

DATE DU JUGEMENT :                    le 22 février 2007

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Luc Therrien

Avocate de l'intimée :

Me Chantal Jacquier

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

       Pour l'appelant:

                     Nom :                             Me Luc Therrien

                 Cabinet :                            Lambert Therrien Bordeleau Soucy

                                                          Trois-Rivières (Québec)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           Notes sténographiques, p. 29.

[2]           La conjointe de M. Marchand était aussi une administratrice du CURI.

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