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Dossier : 2016-570(IT)I

ENTRE :

MOHAMMAD FEIZMOHAMMADI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 6 décembre 2016, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Gaston Jorré


Comparutions :

Représentante de l’appelant :

Mme Soheila Aliakbarli

Avocate de l’intimée :

Me Rachel Hepburn Craig

JUGEMENT

Pour les motifs du jugement ci-joints, l’appel relatif à la nouvelle cotisation établie sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2010 est rejeté, sans frais.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 16e jour de février 2017.

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


Référence : 2017 CCI 28

Date : 20170216

Dossier : 2016-570(IT)I

ENTRE :

MOHAMMAD FEIZMOHAMMADI,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Jorré

[1]  En 2010, l’appelant a vendu un condominium d’une superficie de 560 pieds carrés, que j’appellerai le logement de la rue Yonge. Le produit de la vente n’a pas été inclus dans la déclaration de revenus de 2010 de l’appelant.

[2]  Le ministre du Revenu national a considéré le produit de la vente comme un revenu d’entreprise. L’appelant est d’avis que le condominium était son lieu de résidence principal et qu’il ne devrait donc pas y avoir d’impôt sur le gain réalisé.

[3]  Soheila Aliakbarli, l’épouse de l’appelant, a témoigné pour le compte de ce dernier. L’intimée a déposé trois pièces.

[4]  L’affaire est essentiellement une question de fait et elle dépend de la question de savoir si j’accepte la preuve de l’appelant ou non.

[5]  L’appelant a été l’objet d’une nouvelle cotisation le 18 septembre 2014. Il a déposé un avis d’opposition et a présenté par la suite un avis d’appel auprès de la Cour le 19 février 2016.

[6]  L’appelant a joint à son avis d’appel une lettre de la Division des appels de l’Agence du revenu du Canada, datée du 12 février 2016. Cette lettre expose de manière assez détaillée les motifs de la décision du ministre au sujet de l’avis d’opposition. La lettre elle-même n’était pas une nouvelle cotisation.

[7]  Bien que cette lettre soit datée du 12 février 2016, elle n’a été mise en application que par la nouvelle cotisation datée du 18 avril 2016, soit celle qui est en litige dans le présent appel [1] .

[8]  Deux questions ne sont plus en litige.

[9]  Dans la nouvelle cotisation datée du 18 avril 2016 – la seconde nouvelle cotisation – le ministre a supprimé les pénalités pour faute lourde qu’il avait imposées plus tôt; il a également réduit le montant du gain en vue de faire droit à des dépenses supplémentaires.

[10]  Dans son avis d’appel, l’appelant a demandé que l’on renonce aux intérêts; dans la mesure où il s’agit là d’une référence au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, il ne s’agit pas d’un pouvoir que la Cour peut exercer. Le pouvoir dont il est question dans ce paragraphe est exercé par le ministre et il comporte son propre processus de demande.

[11]  Pour établir la cotisation, le ministre a formulé les hypothèses de fait qui suivent :

  • a) le 16 février 2007, l’appelant a conclu un contrat d’achat et de vente concernant un logement portant le no 2003 et situé au no 5508, rue Yonge (le « condo »);

  • b) le prix d’achat du condo était de 211 833 $;

  • c) le condo était une unité d’une superficie de 560 pieds carrés et comptant une chambre à coucher;

  • d) l’appelant a pris possession du condo le 3 novembre 2009;

  • e) l’appelant a mis le condo en vente le 19 décembre 2009;

  • f) l’appelant a vendu le condo le 12 janvier 2010 à une partie non liée;

  • g) le condo a été vendu 277 000 $;

  • h) l’appelant n’a pas conclu un contrat de bail pour louer le condo;

  • i) l’appelant n’a pas déclaré d’activités locatives pour le condo dans l’année d’imposition 2010;

  • j) l’appelant a engagé des dépenses d’un montant maximal de 21 283 $ en lien avec l’achat et la vente du condo;

  • k) l’appelant n’a pas inclus la vente du condo dans sa déclaration de revenus concernant l’année d’imposition 2010;

  • l) l’épouse de l’appelant a agi comme agente immobilière dans le cadre de la vente du condo;

  • m) pendant toute la période pertinente, l’appelant a été propriétaire du condo;

  • n) l’appelant n’a jamais changé l’adresse qu’avait l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») pour celle du condo;

  • o) l’appelant n’a pas désigné le condo comme son lieu de résidence personnel auprès de l’ARC;

  • p) l’appelant n’a jamais résidé dans le condo;

  • q) l’appelant n’a pas habité normalement le condo en 2010;

  • r) à aucun moment le condo a été le lieu de résidence principal de l’appelant;

  • s) l’appelant et son épouse ont acheté et vendu un certain nombre de biens immobiliers entre 2007 et 2011;

  • t) l’appelant et son épouse sont copropriétaires (à 25 % chacun) d’un bien immobilier situé au no 260, avenue Spring Garden (le « logement de l’avenue Spring Garden »);

  • u) le logement de l’avenue Spring Garden a été acheté en août 2007 au prix de 695 000 $ et il a été vendu en février 2010 au prix de 1 370 000 $;

  • v) l’appelant a acheté le 21 octobre 2010 un bien immobilier situé au no 18, avenue Holmes, unité 1009, à North York (le « logement de l’avenue Holmes »);

  • w) le logement de l’avenue Holmes a été vendu à profit le 29 septembre 2011;

  • x) l’appelant a déclaré des revenus locatifs tirés du logement de l’avenue Holmes en 2011 ainsi que sa part de 50 % du gain en capital imposable, dans sa déclaration T1 de 2011.

[12]  L’appelant a conclu un contrat d’achat et de vente concernant le logement de la rue Yonge le 16 février 2007, avant l’achèvement des travaux de construction du bâtiment. Il s’agit d’un logement en copropriété d’une chambre à coucher et d’une superficie d’environ 560 pieds carrés.

[13]  L’appelant a pris possession du logement le 11 mai 2009 et il en est devenu le propriétaire le 30 octobre 2009, au moment de la clôture.

[14]  Un mois et demi plus tard, soit le 16 décembre 2009, le logement a été mis en vente.

[15]  À ce moment, Mme Aliakbarli était agente immobilière et elle a été l’agente responsable de l’inscription du logement de la rue Yonge. Elle a plus tard renoncé à sa licence d’agent immobilier.

[16]  Le logement a été vendu six jours plus tard, le 22 décembre 2009, et la date de clôture de cette vente était le 12 janvier 2010.

[17]  Comme je l’ai mentionné au début, la principale question consiste à savoir s’il s’agissait du lieu de résidence principal de l’appelant.

[18]  Mme Aliakbarli a déclaré que la famille est arrivée au Canada en février 2001. À cette époque environ, ils ont acheté un condominium situé sur la promenade Lorraine, dans lequel ont vécu son époux et elle, ainsi que leurs trois enfants. Le logement situé sur la promenade Lorraine avait une superficie d’environ 980 pieds carrés.

[19]  En 2009, la famille a décidé de faire des économies en raison de leur situation financière. Cela était dû à la récession et, au meilleur de ma connaissance, à des difficultés liées à un autre logement, celui de l’avenue Spring Garden, dont l’appelant et Mme Aliakbarli avaient fait l’achat en 2007 et qu’ils avaient vendu à perte en février 2010, à cause du coût élevé de la démolition et de la reconstruction de la maison. L’appelant et Mme Aliakbarli détenaient chacun un intérêt de 25 % dans ce logement.

[20]  C’est ainsi que le logement de la promenade Lorraine a été vendu en avril 2009; la date de clôture était le 18 août 2009.

[21]  Selon Mme Aliakbarli, la famille a emménagé dans le logement de la rue Yonge en juin 2009. À ce moment, les deux enfants aînés ne vivaient plus à la maison et il n’y avait que l’appelant, Mme Aliakbarli et leur dernier enfant qui, à l’époque, étudiait à temps partiel à l’université.

[22]  Au cours de la période qui s’est écoulée entre le moment où la famille a emménagé, en juin 2009, et celui où elle est partie, au début de janvier 2010, l’appelant lui-même a été absent la majeure partie du temps jusqu’en décembre 2009, parce qu’il avait dû retourner à Téhéran à cause de la mort de son père. Mme Aliakbarli avait elle aussi dû se rendre quelques fois à Téhéran au cours de cette période parce que sa mère était tombée malade; elle s’était absentée pendant peut-être un mois à une occasion et pendant peut-être deux mois une autre fois.

[23]  Mme Aliakbarli a également expliqué qu’à la fin de 2009 les deux enfants aînés avaient décidé qu’il était préférable qu’ils reviennent à la maison pour pouvoir soutenir l’appelant. Pour ce faire, la famille allait avoir besoin d’un condominium de plus grande taille.

[24]  La famille a quitté le logement de la rue Yonge au début de janvier 2010. À ce moment elle est allée vivre chez des membres de la famille jusqu’à ce qu’elle emménage dans un autre condo, le logement de Northtown. Ce dernier a été acheté en janvier 2010 et la famille y a emménagé en février 2010.

[25]  Pour les raisons qui suivent, il m’est impossible de souscrire à la preuve de l’appelant au sujet du point principal, qui consiste à savoir si la famille a emménagé ou non dans le logement de la rue Yonge.

[26]  Je me permets de mentionner tout d’abord deux facteurs qui ne m’amènent pas à cette conclusion. Premièrement, un condo d’une chambre à coucher et d’une superficie de 560 pieds carrés est en soi plutôt exigu pour deux parents et un fils en âge de fréquenter l’université, mais de telles circonstances sont possibles.

[27]  Deuxièmement, en répondant au questionnaire qui a été déposé en tant que pièce R‑1, l’appelant n’a pas indiqué que la raison première pour laquelle il avait acheté le logement de la rue Yonge était pour en faire son lieu de résidence personnel [2] . Il a dit qu’il s’agissait d’un placement. La possibilité qu’un logement acheté pour une raison particulière puisse servir par la suite pour une autre raison ne me pose aucune difficulté. Là encore, la présence de cette réponse particulière dans le questionnaire n’est pas un facteur.

[28]  Cependant, il y a trois éléments de preuve impossibles à concilier avec le fait qu’un membre de la famille de l’appelant ait vécu dans le logement de la rue Yonge.

[29]  Premièrement, dans le même questionnaire qui celui qui a été déposé en tant que pièce R‑1 [3] , on demande à l’appelant : [traduction] « Avez-vous vécu dans ce logement? ». Sa réponse est [traduction]  « non ». On lui demande aussi le nom et l’âge des personnes qui ont vécu avec lui; il laisse en blanc la réponse à cette question.

[30]  Il s’agit peut-être d’une méprise de la part de l’appelant, mais je trouve peu vraisemblable que ce dernier aurait répondu ainsi si le logement en question avait servi de lieu de résidence familial pendant plusieurs mois.

[31]  Deuxièmement, dans l’inscription relative au logement en question, la pièce R‑3, vers le haut et le milieu du document, juste sous le nom des vendeurs, on peut lire la mention [traduction] « Occup » (qui signifie clairement « occupant » ou « occupation ») et, à côté de ce mot, le mot « Tenant » [locataire]. Il pourrait s’agir d’une erreur, comme on l’a laissé entendre, mais je crois que cela est peu probable car l’agent responsable de l’inscription était Mme Aliakbarli et c’est elle qui aurait fourni cette information au sujet du logement.

[32]  S’il y avait un locataire dans le logement, la famille ne pouvait pas y vivre.

[33]  Troisièmement, la pièce R‑2 contient deux états de compte d’électricité, l’un daté du 24 septembre 2009 et l’autre du 22 janvier 2010. Ils sont adressés à l’appelant, et se rapportent au logement de la rue Yonge.

[34]  Il y a toutefois quelque chose d’assez curieux à propos de ces états de compte. Tous deux sont intitulés [traduction] « FACTURE FINALE ». Le premier porte sur la période du 11 mai 2009 au 1er juillet 2009, et le second sur la période du 31 décembre 2009 au 12 janvier 2010.

[35]  Le premier état de compte fait état d’une consommation d’électricité de 164 kWh, ainsi que d’un montant total de 179,97 $.

[36]  Si l’on examine le second état de compte, plus tardif celui-là, on peut lire, sous la rubrique [traduction] « Comparez votre consommation quotidienne », la date de lecture du 12 janvier 2010 et une consommation de 20 kWh, ainsi qu’une lecture antérieure, datée du 1er juillet 2009 et une consommation de 164 kWh. De plus, du côté gauche, quatre lignes sous celle qui indique en caractères gras [traduction] « Total à payer avant le 10 février 2010 », on peut lire la mention suivante : [traduction] « Montant du dernier état de compte », lequel s’élève à 179,97 $.

[37]  La consommation de 164 kWh indiquée sur le second état de compte est exactement la même que celle qui figure sur le premier; le montant de 179,97 $ inscrit  comme [traduction] « Montant du dernier état de compte » sur le second état de compte est identique à celui du premier.

[38]  La seule conclusion possible est que la consommation antérieure et le montant de l’état de compte précédent qui apparaissent sur le second état de compte sont purement et simplement ceux de l’état de compte daté du 24 septembre 2009 pour la période prenant fin le 1er juillet 2009.

[39]  En conséquence, soit qu’il n’y a aucune consommation d’électricité entre le 1er juillet 2009 et le 31 décembre 2009, soit que, pour cette période, quelqu’un d’autre paie l’électricité et c’est cette personne que l’on facture [4] . Dans l’un ou l’autre cas, cela ne concorde pas avec le fait que la famille de l’appelant vivait dans le logement de la rue Yonge.

[40]  Compte tenu de ces trois éléments de preuve, lesquels sont incompatibles avec le fait que les membres de la famille vivaient dans le logement de la rue Yonge, il est tout simplement improbable que l’appelant ou des membres de sa famille aient normalement habité dans ce logement.

[41]  Pour qu’un logement soit une « résidence principale », l’une des principales conditions est qu’il doit être « normalement habité au cours de l’année par le contribuable, par son époux ou […] par un enfant du contribuable [5]  ».

[42]  Comme l’appelant ne répond pas à cette exigence, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa (Ontario), ce 16e jour de février 2017.

« Gaston Jorré »

Juge Jorré


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 28

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-570(IT)I

 

INTITULÉ :

MOHAMMAD FEIZMOHAMMADI c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 décembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Gaston Jorré

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 février 2017

 

 

COMPARUTIONS :

[EN BLANC]

 

Représentante de l’appelant :

Mme Soheila Aliakbarli

 

Avocate de l’intimée :

Me Rachel Hepburn Craig

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

[EN BLANC]

 

Pour l’appelant :

[EN BLANC]

 

Cabinet :

[EN BLANC]

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]  À l’époque où l’appelant a déposé son avis d’appel, il s’était écoulé nettement plus que 90 jours depuis qu’il avait déposé son avis d’opposition et il n’avait reçu ni un avis de confirmation ni, à proprement parler, une nouvelle cotisation. De ce fait, l’appelant pouvait interjeter valablement appel auprès de la Cour, aux termes de l’alinéa 169(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

On peut comprendre que l’appelant a considéré la lettre du 12 février 2016 comme une nouvelle cotisation. Cependant, à l’époque où l’avis d’appel a été déposé, l’appel ne pouvait porter que sur la première nouvelle cotisation, celle du 18 septembre 2014. Techniquement, il aurait fallu modifier l’avis d’appel conformément à l’alinéa 165(7)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu :

(7) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation […] et que, par la suite, le ministre procède à une nouvelle cotisation […] et envoie au contribuable un avis de nouvelle cotisation […] le contribuable peut, sans signifier d’avis d’opposition à la nouvelle cotisation […]

a) […]

b) si un appel a déjà été interjeté auprès de la Cour canadienne de l’impôt relativement à cette cotisation, modifier l’avis d’appel en y joignant un appel relativement à la nouvelle cotisation […] dans la forme et selon les modalités qui peuvent être fixées par la Cour canadienne de l’impôt.

Aucune question n’a été soulevée à cet égard. Cependant, sans décider s’il est nécessaire de le faire, étant donné que toutes les parties à l’audience ont clairement compris qu’il était question d’un appel relatif à la nouvelle cotisation du 18 avril 2016, que, conformément au paragraphe 18.15(3) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, les appels « sont entendus [par la Cour] d’une manière informelle et le plus rapidement possible, dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent » et que, compte tenu du pouvoir inhérent qu’a la Cour, à titre de cour supérieure d’archives, de régir sa propre procédure, je modifie de ma propre initiative l’appel pour qu’il s’agisse d’un appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation du 18 avril 2016.

[2]  Voir la moitié supérieure de la première page de la pièce.

[3]  Toujours dans la moitié supérieure de la première page de la pièce.

[4]  Dans la famille, il est fort peu probable que quelqu’un déciderait de changer la facture pour l’inscrire temporairement au nom d’un membre différent du ménage.

[5]  L’alinéa a) de la définition d’une « résidence principale », à l’article 54 de la Loi de l’impôt sur le revenu.

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