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Dossier : 2015-397(IT)I

ENTRE :

GEORGE SAMSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel d’Elizabeth Hilliard (2015‑393(IT)I) le 1er mars 2016, à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Dean Blachford

Avocate de l’intimée :

Me Charlotte Deslauriers

JUGEMENT

L’appel interjeté contre les cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 de l’appelant est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 10e jour de mai 2016.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle


Dossier : 2015-393(IT)I

ENTRE :

ELIZABETH HILLIARD,

Appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de George Samson (2015‑397(IT)I) le 1er mars 2016, à Ottawa, Canada.

Devant : L’honorable juge Patrick Boyle


Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Dean Blachford

Avocate de l’intimée :

Me Charlotte Deslauriers

JUGEMENT

L’appel interjeté contre les cotisations établies sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement aux années d’imposition 2008, 2009, 2010 et 2011 de l’appelant est rejeté conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 10e jour de mai 2016.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle


Référence : 2016 CCI 115

Date : 20160510

Dossiers : 2015‑397(IT)I

2015‑393(IT)I

ENTRE :

GEORGE SAMSON,

ELIZABETH HILLIARD,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Boyle

[1]             Les appelants, M. George Samson et Mme Elizabeth Hilliard, sont mariés l’un à l’autre. Leurs appels informels ont été instruits ensemble, sur preuve commune, à Ottawa. Le fisc leur a imposé à chacun, en vertu du paragraphe 162(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), une pénalité de 2 500 $ à l’égard de chacune des années 2008 à 2011 inclusivement pour défaut de produire, comme l’exige l’article 233.3 de la Loi, des déclarations de renseignements T1135 concernant leurs biens étrangers au plus tard à la fin d’avril de l’année suivante.

[2]             Les appelants ne contestent pas que chacun d’eux possédait des biens étrangers d’une valeur supérieure au seuil de 100 000 $ tout au long de la période considérée. Ils ne contestent pas non plus qu’ils ont omis de produire dans les délais prescrits leurs déclarations de renseignements T1135 pour chacune de ces années. Ils n’étaient tenus de produire de déclarations de revenu pour aucune de ces années, en raison des pertes afférentes à leurs biens étrangers et canadiens qu’ils ont déclarées et que le fisc n’a pas contestées. Ils s’estiment en droit d’invoquer contre les pénalités administratives prononcées sous le régime du paragraphe 162(7) ce qu’ils appellent une défense basée sur la diligence raisonnable, et ils affirment qu’il était raisonnable de leur part de croire, au moment des faits, qu’ils n’étaient pas tenus de déclarer leurs biens étrangers et de produire des déclarations de renseignements T1135 pour les années en question, au motif qu’ils n’avaient pas d’impôt sur le revenu à payer pour ces années et n’avaient donc pas à produire de déclarations de revenu T1.

[3]             Les appelants reconnaissent maintenant que la définition de la date d’échéance de production, s’agissant de leurs déclarations de renseignements T1135, est expressément indépendante du sous‑alinéa 150(1.1)b)(i), qui concerne les déclarations de revenu afférentes aux années pour lesquelles le contribuable n’a aucun impôt à payer, étant donné que cette définition, donnée à l’article 248, porte que la date d’échéance de production est le jour où un contribuable est tenu de produire sa déclaration de revenu en vertu de la partie I ou le jour où il serait tenu de la produire s’il avait un impôt à payer pour l’année en vertu de cette partie.

[4]             La question à trancher dans les présents appels est donc celle de savoir si les contribuables ont fait preuve de diligence dans leurs efforts d’observation de la Loi et ont agi raisonnablement à cet égard.

[5]             Chacun des appelants a témoigné. Ils ont également cité comme témoin M. Ken Grant, leur comptable, qui a effectué pour eux en 2013 une divulgation volontaire applicable à chacune des années 2007 à 2012, période qui comprend toutes les années en question dans les présents appels. Il appert que l’année 2007 était frappée de prescription et que la Division des appels à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a fait droit à leurs oppositions respectives concernant cette année. L’intimée n’a cité aucun témoin.

[6]             Les appelants sont tous deux agents immobiliers et investisseurs immobiliers. Ils possèdent une entreprise de courtage immobilier exerçant son activité sous la dénomination All Pro. Ils sont également copropriétaires de biens de location sis à Mont‑Tremblant (Québec) et sur les Bancs extérieurs de la Caroline du Nord. Ces biens leur ont rapporté sur la durée des revenus locatifs se chiffrant à des centaines de milliers de dollars, mais leur ont aussi causé des pertes nettes dans chacune des années en question. Leurs pertes locatives ont alors en effet dépassé les revenus provenant de leurs activités de vente de biens immobiliers et d’autres sources. Leur fils est aussi agent immobilier, et c’est lui qui gagnait la plus grande partie du revenu tiré de leur entreprise de courtage. Le coût des biens locatifs sis en Caroline du Nord était en 2002 d’environ 500 000 $US. Les appelants ont rempli ponctuellement leurs obligations de déclaration envers l’Internal Revenue Service (l’administration fiscale américaine) tout au long de la période considérée.

[7]             Les appelants avaient auparavant fait une divulgation volontaire à l’ARC en 2007 pour les années 1997 à 2006. Ils ont produit des déclarations T1 pour chacune de ces années, ainsi que les déclarations T1135 relatives à leurs biens sis en Caroline du Nord pour 2002 à 2006, dans le cadre du Programme des divulgations volontaires. Ils étaient à cet égard représentés par le cabinet DioGuardi Tax Law, s.r.l. Ils avaient des impôts sur le revenu à payer pour huit des dix années où ils étaient imposables. M. Samson admet que l’ARC, lors d’une rencontre relative à cette divulgation volontaire, lui a expliqué ses obligations concernant la production de déclarations T1135.

[8]             Les impôts à payer pour les années susdites se montaient à environ 85 000 $. L’ARC a renoncé aux pénalités y afférentes. Elle a adressé à chacun des appelants, en juillet 2008, une lettre d’une page concluant la première divulgation volontaire de chacun. Je remarque ce qui suit à propos de ces lettres :

i)        La mention objet montre à l’évidence que l’ARC a attribué des numéros de dossier distincts aux déclarations T1 et aux déclarations T1135.

ii)      Le paragraphe portant exonération des pénalités afférentes aux années imposables et aux obligations relatives au formulaire T1135 est rédigé comme suit : [TRADUCTION] « Veuillez noter que, après examen des déclarations de revenu T1 de 1998 à 2006 et des déclarations de renseignements T1135 de 2002 à 2006, nous validons votre divulgation volontaire et renonçons aux pénalités qui auraient autrement été applicables. »

iii)    Le paragraphe suivant expose en deux phrases les obligations du destinataire en matière de tenue de dossiers aux fins fiscales.

iv)    Le paragraphe suivant est ainsi rédigé : [TRADUCTION] « En outre, nous accusons réception de vos déclarations T1 pour 1997 et 2006. Comme vous n’aviez pas d’impôt à payer pour ces années, nous ne les avons pas prises en considération dans le cadre du PDV. Nous les ferons cependant suivre pour traitement. »

[9]             La demande de divulgation volontaire adressée à l’ARC par le cabinet DioGuardi en septembre 2007 excepte expressément de l’application du Programme des divulgations volontaires les déclarations de revenu T1 pour 1997 et 2006 au motif que le solde de l’impôt pour ces années est créditeur ou nul. Cependant, la lettre de DioGuardi, d’une page et demie, précise aussi qu’il reste une déclaration T1135 à produire pour 2006. Cette déclaration était incluse dans le Programme des divulgations volontaires, et l’on n’en a pas demandé l’exclusion de celui‑ci, malgré le fait qu’il n’y eût pas de déclaration T1 à produire pour cette année, en raison de l’absence d’impôt à payer. Il paraît raisonnable de penser que Me DioGuardi a dû expliquer la chose aux appelants. En outre, ce fait devait être relativement facile à comprendre pour M. Samson lorsqu’il a examiné cette lettre pour lui-même et sa femme.

[10]        Il appert de la lettre de Me DioGuardi que les appelants avaient aussi omis de produire les déclarations de revenu afférentes à des années antérieures à 1997, mais qu’il n’existait plus de documents pour confirmer leur souvenir selon lequel ces années s’étaient soldées par des pertes nettes ou pour calculer les pertes en question et les déclarer.

[11]        M. Samson s’est défini lui-même comme un autodidacte dans les domaines des finances et de la tenue de dossiers. Il affirme avoir appris la fiscalité sur le tas et ne pas se considérer comme un expert. Sa femme l’a quant à elle qualifié d’obsessionnellement attentif aux détails en ces matières.

[12]        Les appelants ont retenu les services de M. Grant, leur comptable, à la fin de 2010 pour s’occuper de leurs déclarations T1135 non produites depuis 2007. Selon M. Samson, leur nouveau comptable lui a expliqué qu’il n’était pas certain qu’une deuxième divulgation volontaire serait acceptée concernant les déclarations T1135, mais qu’il valait la peine d’essayer. M. Grant a donc adressé à l’ARC une lettre de divulgation volontaire en date du 30 août 2013, touchant les déclarations T1135 afférentes aux années 2007 à 2012 inclusivement. Il reconnaît dans cette lettre que ces déclarations sont en retard. Il y affirme également avoir informé les appelants de leur inobservation. Ces déclarations T1135 n’ont pas été produites en preuve.

[13]        Dans sa brève lettre de divulgation volontaire, M. Grant n’invoque qu’une seule justification à l’inobservation des appelants. On y lit en capitales grasses que, aux termes du formulaire T1135, la catégorie des biens étrangers déterminés ne comprend pas les biens utilisés ou détenus exclusivement dans le cadre des activités d’une entreprise exploitée activement. M. Grant ajoute, toujours en capitales grasses, que le revenu locatif, aux fins fiscales canadiennes, est un revenu tiré de biens, et non un revenu provenant d’une entreprise exploitée activement tel que défini dans le formulaire T4036 de l’ARC, et que les contribuables, n’étant pas informés de cette différence, se croyaient dispensés de produire une déclaration T1135 au titre du revenu locatif provenant d’une entreprise. Sa lettre ne dit nulle part que si les appelants n’avaient pas produit de déclarations T1135 dans les délais, c’était parce qu’ils croyaient ne pas être tenus d’en produire pour les années où ils n’avaient pas d’impôt à payer.

[14]        M. Grant a admis dans son témoignage que le motif invoqué dans sa lettre de divulgation volontaire pour l’inobservation n’était pas vrai et qu’il n’y avait pas eu confusion ou erreur de cette nature concernant le revenu locatif et le revenu d’entreprise. Interrogé sur les raisons qu’il avait eues d’avancer ce motif, il a répondu qu’il l’avait fait parce qu’il savait qu’il n’y avait pas la moindre chance que cette divulgation volontaire soit acceptée, étant donné que c’était la deuxième concernant un manquement à l’obligation de produire des déclarations T1135 et qu’elle s’appliquait à des années suivant de près la première divulgation. Apparemment, cette distinction entre le revenu locatif et le revenu d’entreprise, dénuée de pertinence aux fins considérées, avait été pertinente pour une question de fiscalité québécoise – sans rapport avec le point qui nous occupe – sur laquelle il travaillait aussi avec les appelants à l’égard de leur chalet de Mont‑Tremblant.

[15]        Bien qu’il ait admis en termes clairs dans sa lettre de divulgation volontaire à l’ARC que les déclarations T1135 étaient en retard et que ses clients se trouvaient ainsi en violation de la Loi, M. Grant a expliqué dans son témoignage qu’il pensait néanmoins qu’elles n’étaient pas nécessaires. Je rejette cette explication. La crédibilité de M. Grant est très gravement compromise par la contre-vérité avouée qui entache sa lettre de divulgation volontaire à l’ARC touchant le motif de l’inobservation des appelants. Cette explication donnée à la barre ressemble plutôt à une reconstruction du passé à des fins de justification qu’à un témoignage crédible rendant compte des faits qui se sont réellement produits.

[16]        L’ARC a rejeté cette deuxième divulgation volontaire par une lettre datée d’octobre 2013, et elle a établi de nouvelles cotisations imposant à chacun des appelants une pénalité de 2 500 $ pour chacune des années 2007 à 2011.

[17]        Les appelants ont retenu les services d’un autre cabinet d’avocats pour faire opposition aux pénalités fixées dans ces nouvelles cotisations. C’est à cette étape que les appelants ont fait observer à la Division des appels de l’ARC que la nouvelle cotisation relative à 2007 se trouvait hors de la période normale de nouvelle cotisation. Ce fait avait apparemment échappé à l’attention de l’ARC lorsqu’elle avait délivré les avis de nouvelle cotisation. La Division des appels a décidé de faire droit aux oppositions des appelants relativement à la seule année 2007.

[18]        Les appelants ont produit en preuve le rapport de l’ARC sur l’opposition de M. Samson. Ce rapport porte l’observation suivante concernant l’année 2007 : [TRADUCTION] « L’année 2007 a fait l’objet d’une nouvelle cotisation bien qu’elle soit frappée de prescription. Il semble que l’agente des divulgations volontaires ne se soit pas rendu compte que la prescription jouait pour 2007. » On lit en outre ce qui suit dans la décision de l’agent des appels : [TRADUCTION] « Il se peut que le contribuable ait fait preuve de négligence et que le paragraphe 152(4) ait été d’application à la nouvelle cotisation visant l’année d’imposition 2007. Cependant, il n’entre pas dans les attributions de la Division des appels d’établir ce fait. C’est à l’agente des divulgations volontaires qu’il incombait de le prouver, et elle ne l’a pas fait. Elle a demandé une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2007 sans même prendre acte que celle‑ci était frappée de prescription. » Les nouvelles cotisations relatives à 2007 ont donc été infirmées.

[19]        Le rapport sur l’opposition de M. Samson comprend les observations suivantes concernant les arguments de ce dernier fondés sur la diligence raisonnable :

[TRADUCTION] Le contribuable est un contrevenant de longue date. Il a fait l’objet de cotisations arbitraires en 1988 et 1989. Il n’a produit qu’en 1994 ses déclarations T1 afférentes aux années 1990 à 1993 inclusivement. Il n’a produit aucune déclaration de 1994 à 1996 inclusivement. Il a attendu 2008 pour produire, dans le cadre du Programme des divulgations volontaires, ses déclarations T1 relatives aux années 1997 à 2006 inclusivement. De même, c’est en 2013 seulement qu’il a produit ses déclarations T1 pour les années 2008 à 2011 inclusivement, après que l’agent de l’ARC chargé des non-déclarants le lui eut demandé. À la date du présent rapport [octobre 2014], il n’a toujours pas produit ses déclarations relatives aux années 2012 et 2013, omission au sujet de laquelle  la Section des non-déclarants l’a contacté.

(Il va cependant sans dire que M. Samson avait le droit de ne pas produire les déclarations T1 relatives aux années où il n’avait pas d’impôt à payer, sauf et jusqu’à exigence contraire de l’ARC.)

[20]        Le rapport sur l’opposition de M. Samson indique aussi qu’il était inscrit aux fins de la TPS et de la TVH, qu’il avait produit hors délai, soit en 2013, toutes ses déclarations de TPS/TVH de 2008 à 2011 inclusivement, et qu’il avait encore un solde à payer à cet égard.

[21]        Le rapport sur l’opposition de M. Samson citait en outre les extraits suivants du journal relatif aux non-déclarants :

[TRADUCTION]

DATE : 25 février 2013

Téléphoné au contribuable au [passage caviardé] et lui ai parlé en personne. Il semble rejeter la responsabilité sur son commis aux écritures, qui a pris beaucoup de retard dans son travail. Il explique avoir fait preuve de négligence au cours des quelques dernières années pour ce qui est de rappeler à leurs devoirs son commis aux écritures et son comptable.

[22]        Il est à noter que le comptable de M. Samson, M. Grant, dans son témoignage à l’audience, s’est déclaré vexé de cette explication donnée par son client à l’ARC. M. Grant affirme s’être acquitté de toutes les tâches de la divulgation volontaire dans les trois semaines après avoir reçu les documents nécessaires du commis aux écritures de M. Samson, le deuxième depuis qu’il avait lui-même été engagé.

[23]        Le rapport sur l’opposition citait en outre un extrait du journal relatif aux non-déclarants rendant compte d’un entretien téléphonique avec M. Grant :

[TRADUCTION]

DATE : 18 juillet 2014

Téléphoné à Ken Grant au [passage caviardé] et discuté du compte avec lui. Il explique avoir essayé à de nombreuses reprises de discuter avec ce contribuable des obligations de déclaration et des conséquences du défaut de produire, mais sans grand succès. Il a ajouté que le contribuable avait déposé à son bureau, un soir de la semaine dernière après les heures ouvrables, une boîte de documents contenant les renseignements applicables aux années 2012 et 2013.

[24]        J’ai déjà exprimé les sérieuses réserves que m’inspire la crédibilité de M. Grant, étant donné l’explication mensongère qu’il a donnée de l’omission de production des appelants dans sa demande de divulgation volontaire. Ces réserves se trouvent aggravées par sa conduite à l’audience, où il s’est montré parfois évasif, ne répondait pas clairement aux questions et avait tendance à ergoter.

[25]        J’ai aussi des doutes sérieux sur la crédibilité de M. Samson. Il s’est montré évasif, et il a à plusieurs reprises éludé des questions précises sur la clarté des explications, données dans la lettre d’une page par laquelle l’ARC avait accepté sa première divulgation volontaire, touchant l’obligation de produire des T1135 même pour les années où la production de déclarations de revenu n’était pas nécessaire, en raison de l’absence d’impôt à payer. Je ne pense pas qu’il n’ait pas compris les questions, et il me paraît trop intelligent pour ne pas saisir cette distinction qui ressort clairement de la lettre de l’ARC aussi bien que de la lettre du cabinet DioGuardi. En outre, M. Samson a permis à M. Grant de donner dans la deuxième lettre de divulgation volontaire une explication fausse comme quoi les appelants n’avaient pas saisi la différence entre revenu locatif et revenu d’entreprise. Le fait que cette lettre n’ait pas même fait mention du motif d’inobservation maintenant invoqué dans la présente audience n’arrange pas les choses. En outre, M. Samson semble constamment préférer rejeter la responsabilité sur autrui : c’était la faute de son premier commis aux écritures, puis de son second commis aux écritures, puis de son comptable. Il était visiblement insatisfait de son avocat à l’audience du présent appel, bien que ce dernier fît de son mieux avec le dossier dont il disposait. Le comptable, M. Grant, a contesté les affirmations le concernant que le rapport sur l’opposition attribuait à M. Samson. M. Grant n’a pas laissé entendre qu’il n’eût pas signalé à l’ARC que M. Samson n’avait pas rempli ses obligations de production même s’il les lui avait personnellement expliquées. Il n’a pas dit non plus que l’observation de cette nature formulée par lui se rapportât seulement aux déclarations T1 de 2012 et de 2013 : tout cela en effet se passait à peu près au même moment.

[26]        Les faits de l’espèce ne donnent aucun motif raisonnable de croire que les appelants ne fussent pas informés de leur obligation de produire leur déclaration T1135 de 2007 au plus tard à la fin d’avril 2008 et ainsi de suite pour chacune des années postérieures. Cette obligation était clairement formulée dans la lettre d’acceptation de la première divulgation volontaire. Il est en outre tout à fait raisonnable de penser que l’ARC a de même précisé la chose lorsqu’elle a expliqué les obligations de production des déclarations T1135 lors d’une rencontre avec les appelants, ou tout au moins avec M. Samson, dans le cadre de la première divulgation volontaire. Il est également raisonnable de penser que Me DioGuardi leur a aussi donné des explications claires sur ce sujet. La lettre de Me DioGuardi était explicite à cet égard. Il ne s’était pas écoulé assez de temps pour que les appelants eussent pu oublier ce qu’on leur avait expliqué. Je n’estime pas crédible le témoignage de M. Grant selon lequel il pourrait leur avoir dit qu’il en allait autrement parce qu’il croit qu’il croyait qu’il en allait autrement.

[27]        Vu les faits de la présente espèce, la diligence raisonnable et les efforts raisonnables d’observation auraient au minimum comporté la lecture et la compréhension de la lettre par laquelle l’ARC a accepté la première divulgation volontaire. Cette lettre ne faisait qu’une page et était rédigée en termes très clairs.

[28]        Mme Hilliard soutient avoir agi raisonnablement en comptant sur son mari pour s’occuper de l’exécution de leurs obligations fiscales. Eu égard aux faits de l’espèce, il n’y avait encore une fois aucun motif raisonnable pour elle de compter ainsi sur lui, puisqu’elle savait parfaitement qu’il avait l’habitude de produire ses déclarations en retard et, comme cette négligence l’avait aussi amenée à faire sa première divulgation volontaire, le problème dépassait la production facultative de déclarations de revenu, c’est‑à‑dire le cas où il n’était pas nécessaire d’en produire en raison de l’absence d’impôt à payer. Il ne suffisait pas que, à sa connaissance, son mari n’eût jamais [TRADUCTION] « fraudé » le fisc. (Bien que cette déclaration ait été faite en interrogatoire principal, aucun élément de la preuve ne donnait à penser que M. Samson eût en fait jamais essayé de frauder le fisc.). Mme Hilliard savait que son mari était un contrevenant fiscal invétéré.

[29]        Les appelants ont produit en preuve d’autres éléments au soutien de leur défense fondée sur la diligence raisonnable. Ces éléments concernaient la maladie, puis le décès de la mère de M. Samson, la grave infection dont le fils des appelants a souffert pendant la période considérée, ainsi que certains des ennuis de santé de M. Samson lui-même. Cependant, aucun de ces éléments n’était présent lorsqu’a commencé la série qui nous occupe des manquements aux obligations de production de déclarations T1135, c’est‑à‑dire en avril 2008, au moment de l’échéance de production de la déclaration relative à 2007.

[30]        Selon la lettre de son médecin, les troubles de thyroïde de M. Samson se sont manifestés au début de 2009, et il a fallu près de six mois pour enrayer le mal. M. Samson a ajouté qu’il s’était présenté aux urgences six mois auparavant pour consulter un endocrinologue. La démence de sa mère, qui a entraîné son placement dans une maison de santé, puis son décès, a commencé en 2011. La grave infection bactérienne qui a affligé le fils des appelants, Robert, s’est aussi déclarée en 2011.

[31]        Ces faits ne semblent guère pertinents par rapport à l’omission de produire des déclarations T1135, et l’on ne voit aucune preuve qu’ils aient empêché le fonctionnement normal des facultés des appelants au point de leur rendre impossible de se rappeler des obligations telles que celle de produire les déclarations T1135. Certains des autres ennuis de santé invoqués par M. Samson ne semblent pas différer de ceux auxquels doivent s’attendre de nombreux Canadiens de son âge. De même, la nécessité où il s’est trouvé de prendre soin de sa mère âgée ressemble assez à la situation de nombreux Canadiens de l’âge des appelants. Aucun élément de preuve ne tend à établir que les appelants n’aient pas pu travailler ou n’aient pas travaillé durant ces périodes, ou qu’ils aient engagé quelqu’un pour effectuer les travaux d’entretien de leurs biens dont ils s’étaient toujours chargés eux-mêmes. La preuve montre seulement que les appelants ont annulé certains voyages pendant la maladie de leur fils et les derniers jours de la mère de M. Samson : ils ne sont pas partis pour le Sud cet hiver‑là.

[32]        En tout cas, redisons‑le, ces événements sont bien postérieurs à la série considérée de manquements aux obligations fiscales. En fait, les maladies du fils du couple et de la mère de M. Samson datent d’après le moment où ce dernier a retenu les services de M. Grant pour réparer l’omission des appelants de produire des déclarations T1135 à partir de 2006.

[33]        Après l’audience des présents appels, M. Samson a demandé à notre Cour de l’autoriser à déposer des observations écrites supplémentaires, par lettre de sa propre main et non de l’avocat qui restait commis aux dossiers des deux appelants. En outre, M. Samson ne semble pas avoir communiqué copie de cette lettre à son avocat. L’intimée a répondu qu’elle ne contesterait pas cette requête [TRADUCTION] « à condition que les observations supplémentaires portent seulement sur la preuve déjà produite à l’audience et que l’appelant ne produise pas de nouveaux éléments de preuve ». Après examen de la requête de M. Samson à la lumière des faits de l’espèce, j’ai conclu que le dépôt d’observations supplémentaires ne serait ni opportun, ni nécessaire, ni utile dans la présente instance.

[34]        Les appels sont rejetés.

Signé à Vancouver (Colombie‑Britannique), ce 10e jour de mai 2016.

« Patrick Boyle »

Le juge Boyle


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 115

 

Nos DES DOSSIERS DE LA COUR :

2015‑397(IT)I

2015‑393(IT)I

 

INTITULÉ :

GEORGE SAMSON ET

ELIZABETH HILLIARD

c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa, Canada

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er mars 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Patrick Boyle

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 10 mai 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Dean Blachford

Avocate de l’intimée :

Me  Charlotte Deslauriers

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Pour les appelants :

Me Dean Blachford

 

Cabinet :

Tataryn Law

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William  F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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