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Référence : 2016 CCI 99

2013-700(IT)G

ENTRE :

HAROLD JAMES MORRISON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

TRANSCRIPTION DES

MOTIFS DU JUGEMENT

Je requiers que soit déposée, sous réserve de corrections très mineures, la transcription certifiée ci-jointe des motifs du jugement prononcés de vive voix à l’audience, le 27 novembre 2015, à Toronto (Ontario).

_______________« D.W. Rowe »_________________

Le juge suppléant Rowe

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), le 15 avril 2016.

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juillet 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Nº du dossier de la Cour : 2013-700(IT)G

COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

ENTRE :

HAROLD JAMES MORRISON,

appelant

­ et ­

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

TRANSCRIPTION DES MOTIFS RENDUS ORALEMENT

DEVANT L’HONORABLE JUGE ROWE

Centre judiciaire fédéral

180, rue Queen ouest, Toronto (Ontario),

le vendredi 27 novembre 2015, à 11 h 23.

COMPARUTIONS :

Me Jeffrey Radnoff                            Pour l’appelant

Me Katie Beahen                                Pour l’intimée

Également présents :

Carol Forde                                          Greffière

Miriam Claerhout                      Sténographe judiciaire

A.S.A.P. Reporting Services Inc. © 2015

200, rue Elgin,                  333, rue Bay,

bureau 1105                      bureau 900

Ottawa (Ontario) K2P 1L5  Toronto (Ontario) M5H 2T4

613-564-2727                       416-861-8720


Toronto (Ontario)

MOTIFS DE LA DÉCISION EXPOSÉS DE VIVE VOIX :

LE JUGE ROWE : Très bien. En raison de ma conversation avec les avocats et des références à la jurisprudence appropriée, je vais souligner qu’en l’espèce, le ministre a imposé à l’appelant une pénalité pour faute lourde à l’égard de l’année d’imposition 2008. J’ai examiné la preuve au cours de ma conversation, en particulier avec l’avocate de l’intimée.

Je dirai que je considère comme crédible la preuve présentée par M. Morrison. Il ne s’agit pas d’une personne qui, comme dans bien des affaires semblables, s’était dès le départ jointe à un stratagème qui était manifestement insensé. Un bon ami qu’il connaissait depuis 30 ans (un chimiste travaillant et vivant dans la même petite ville que lui, en Ontario) lui avait affirmé qu’une personne, M. Khan, avait obtenu un important remboursement totalisant près de 40 000 $, et il avait fait voir le chèque à l’appelant. Il lui avait ensuite déclaré qu’une certaine personne, M. Thompson, avait agi comme mandataire ou intermédiaire dans l’obtention des services d’un spécialiste des déclarations de revenus qui avaient mené au remboursement.

M. Morrison travaillait comme vendeur d’automobiles depuis de très nombreuses années et produisait ses propres déclarations de revenus depuis 40 ans; certaines années, il touchait un petit remboursement, et d’autres, il devait verser un faible montant. Il n’avait jamais communiqué avec l’Agence du revenu du Canada (ARC) ni n’avait eu de démêlés avec elle ni ne s’était plaint à son sujet. Il s’était fait remettre un formulaire de demande de redressement d’une T1, qu’il avait signé à l’endroit indiqué par les flèches. Je tiens pour avéré qu’aucun état des revenus appelé Statement of Agent Activities n’était joint à celui-ci.

Certes, comme l’a fait remarquer l’avocate de l’intimée, le formulaire de demande de redressement d’une T1 mentionnait une perte d’entreprise. M. Morrison n’y avait pas prêté une attention particulière, sauf qu’il s’était dit que, pour une personne ayant gagné environ 65 000 $ annuellement pendant dix ans, en reculant de cinq ans aux fins d’un nouveau calcul et en établissant un trop payé annuel de 2 000 $ ou 3 000 $, cela pourrait également produire un remboursement décent, si, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, c’est ce qu’établissait le ministre du Revenu national par l’intermédiaire de l’ARC.

Ainsi, le formulaire avait été envoyé, puis M. Morrison avait reçu une lettre dans laquelle on lui demandait de fournir des détails au sujet de sa perte d’entreprise. Il avait alors téléphoné au vérificateur, pour ensuite communiquer avec le spécialiste de déclarations de revenus, Rasool, en lui déclarant : « Des questions me sont posées. Voici une lettre que j’ai reçue. Que dois-je faire? »

Il avait effectué un suivi, puis, très rapidement, avait envoyé un courriel rédigé en lettres majuscules dans lequel il indiquait : « S’agit-il d’une escroquerie? Je vais signaler la situation à l’escouade des fraudes. »

Lorsqu’il a reçu la lettre insensée qu’on lui demandait de signer et d’envoyer à l’ARC, M. Morrison a refusé catégoriquement. Il a lu la lettre et a déclaré : « Ce sont des bêtises. Je suis un citoyen canadien. Je paie mes impôts depuis 40 ans. C’est complètement insensé. Je refuse de me laisser entraîner dans cette affaire. »  Il a retenu les services d’un avocat, puis un avis d’opposition a été déposé.

Ainsi, selon la preuve, j’estime que l’appelant n’a pas fait preuve d’aveuglement volontaire et qu’il n’a assurément pas agi de façon délibérée. Il croyait à juste titre qu’il avait certains motifs de demander un nouveau calcul des impôts payés précédemment à l’égard de déclarations produites pour des années antérieures, et il avait fourni les renseignements nécessaires à M. Thompson afin qu’il les transmette à Rasool.

Ces faits ne concordent pas du tout avec ceux établis dans l’affaire Bhatti, 2013 A.C.I. nº 123. Ils ne concordent pas non plus avec les faits établis dans l’affaire Brisson, 2013 A.C.I. nº 2010, ni avec ceux établis dans d’autres décisions citées, notamment la décision Torres rendue par le juge Campbell Miller.

Compte tenu de l’ensemble de la preuve, j’estime que le comportement de l’appelant en l’espèce ne me permet pas de conclure qu’il a commis une faute lourde en agissant de façon délibérée ou en faisant preuve d’aveuglement volontaire pour, comme l’a indiqué le juge Rooke dans l’arrêt Meads v. Meads, continuer obstinément de se duper lui-même.

Maintenant, j’ai pris connaissance de la décision ayant été portée à mon attention, la décision Morton c. La Reine, 2014 CCI 72 (CanLII), qui renvoyait particulièrement à une demande de redressement d’une T1, et dans laquelle l’avocat de l’appelant avait affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une déclaration. La Cour s’est reportée à cette affaire et à l’utilisation du formulaire. Cependant, en l’espèce, la seule mention du revenu et de la perte d’entreprise, de même que de l’importance des montants qui, selon l’appelant, se rapportent à un grand nombre d’années antérieures, ne me permettent pas, en l’absence d’un état des revenus appelé Statement of Agent Activities et de l’affirmation ridicule selon laquelle l’appelant était en quelque sorte une personne vivante différente de celle que lui avait attribué le gouvernement par l’intermédiaire d’un numéro d’assurance sociale, d’établir qu’il y a eu une fausse déclaration ou une intention, comme l’a conclu le juge Bocock, dans l’unique but de produire un remboursement, puisque M. Morrison avait fourni les renseignements par l’intermédiaire d’une personne qui, selon les conseils de son ami, était un spécialiste des déclarations de revenus autorisé, afin que l’ARC puisse examiner sa demande, déterminer si elle était justifiée et établir s’il avait droit à un remboursement.

Heureusement, à la suite de l’examen de la demande et d’une enquête, l’ARC avait répondu par la négative. Il n’y avait aucune perte d’entreprise. M. Morrison a par la suite collaboré avec l’équipe appropriée de la section des enquêtes de l’ARC, et il regrette de s’être laissé convaincre de présenter la demande de redressement d’une T1.

Cette erreur commise par l’appelant à la suite d’une recommandation d’un ami de longue date provenant de la même petite ville est très, très loin de correspondre au type de comportement justifiant l’imposition d’une pénalité, en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

L’avocate de l’intimée a correctement présenté à la Cour les renseignements et les documents nécessaires pour aider celle-ci à se faire une opinion, et a raisonnablement qualifié de crédible le témoignage de M. Morrison. Cependant, à juste titre, elle a affirmé que, dans les circonstances, la demande de redressement d’un T1 en soi suffisait à justifier la pénalité imposée par le ministre. Cette affirmation est légitime et constitue une bonne plaidoirie, et j’accepte cela.

L’appel est accueilli, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que la pénalité imposée en application du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu devrait être supprimée.

ME RADNOFF : Je souhaite bien sûr présenter des observations concernant les dépens.

LE JUGE ROWE : D’accord.

ME RADNOFF : À titre d’observation, je fais remarquer que l’ARC a décidé d’établir une cotisation dans chacune de ces affaires. Il se peut très bien qu’un procès soit nécessaire, comme vous l’avez affirmé, M. le juge.

Cependant, je crois également que, si une enquête avait été menée à l’étape de la vérification dans le cas de certains de ces dossiers, comme cela aurait dû être fait, plutôt que d’établir une cotisation pour chaque personne, certaines procédures judiciaires auraient pu être évitées.

Dans les faits, mon client devra probablement débourser près de 20 000 $ en honoraires d’avocat pour avoir pris part à la présente audience.

LE JUGE ROWE : J’en suis conscient.

ME RADNOFF : Et nous avons accompli beaucoup de travail, sans compter que les répercussions sur mon client, compte tenu de son âge, auraient été dévastatrices. Par conséquent, je sollicite des dépens en l’espèce. Je ne pense pas que l’attribution d’un montant de 10 000 $ soit déraisonnable. Il ne permettrait de rembourser à mon client qu’une partie de la somme déboursée pour payer ces frais juridiques. Il est vrai qu’il a commis une erreur. Cela ne l’empêchera pas d’en payer le prix.

Voilà mes observations, M. le juge.

LE JUGE ROWE : Mais, voyez-vous, il faut vraiment remonter à 2010 pour établir le moment approximatif où la situation en est arrivée au point où les excès étaient devenus évidents. Déjà à ce moment-là, et parfois même avant, les remboursements n’étaient pas envoyés ou faisaient l’objet d’un arrêt de paiement.

ME RADNOFF : Oui.

LE JUGE ROWE : Donc, les excès étaient nombreux. Bien que l’ARC fasse de son mieux, son rôle ne consiste pas vraiment à agir comme protecteur, à envoyer des avertissements et à les publier sur son site Web. Son seul avertissement général est : ne succombez pas à ce type de tentation.

ME RADNOFF : En fait, il n’est même pas question d’avertissement, mais plutôt —

LE JUGE ROWE : En ce qui concerne l’étape de la vérification.

ME RADNOFF : En ce qui concerne l’étape de la vérification, il faudrait appeler —

LE JUGE ROWE : Ou l’étape de l’opposition.

ME RADNOFF : Oui, appeler le contribuable.

LE JUGE ROWE : Je sais.

ME RADNOFF : Rencontrer le contribuable. Lui demander ce qui s’est passé. Éviter d’établir aveuglément une cotisation pour chacune des personnes visées. Cela les mène à des procédures judiciaires coûteuses.

LE JUGE ROWE : En effet.

ME RADNOFF : Je crois qu’il importe également de tenir compte des frais engagés par la Cour pour trancher toutes les affaires de ce type, parmi lesquelles, à mon humble avis — et je sais que l’ARC a fait de son mieux — certaines n’auraient pas nécessairement dû faire l’objet d’un procès.

LE JUGE ROWE : D’accord, maître. Qu’avez-vous à dire au sujet des dépens?

ME BEAHEN : M. le juge, je suis évidemment fortement en désaccord. Me Radnoff a manifestement affirmé que cette affaire n’aurait pas dû être instruite devant la Cour. Or, M. le juge, vous venez de dire que vous comprenez la raison pour laquelle la présente affaire devait faire l’objet d’une audience. Il le fallait afin d’obtenir tous les témoignages et d’examiner toute la question.

LE JUGE ROWE : Mais les gens ont droit à certains dépens. Le tarif se rapportant à la Cour de l’impôt est très bas. N’est-ce pas?

ME BEAHEN : Les dépens devraient correspondre au tarif, M. le juge. Il n’y a aucune raison de dévier du tarif en l’espèce. L’intimée n’a fait preuve d’aucun retard. Les interrogatoires ont été réalisés par écrit. Je ne peux rien affirmer au sujet des honoraires de Me Radnoff, mais il n’y a aucune raison de dévier du tarif en l’espèce, affaire qui, nous le convenons tous, avait à être instruite devant la Cour.

LE JUGE ROWE : Très bien. Maintenant, en n’allant pas plus loin, si je ne fais qu’affirmer que l’appelant se voit accorder des dépens, sans plus, cela correspond au tarif, n’est-ce pas?

ME BEAHEN : Oui, M. le juge.

ME RADNOFF : C’est un peu plus simple de prendre cette décision aujourd’hui, même si cela est manifeste. Comme l’a fait remarquer ma collègue, le tarif pour un procès comme celui-ci varie de 3 500 $ à 5 000 $ environ. Je crois qu’il serait tout à fait logique de fixer un montant. Cela permettrait de réduire les coûts pour mon client, ne serait-ce qu’en nous évitant les allers-retours.

ME BEAHEN : M. le juge, il n’y a aucune raison de fixer un montant. Si vous déterminez que les dépens correspondent au tarif, Me Radnoff pourra alors nous présenter son mémoire des frais afin que nous l’examinions. Il n’y a aucune raison d’éviter ce processus, qui prend peu de temps.

LE JUGE ROWE : Les délais ne sont pas très longs. Très bien. Des dépens sont accordés à l’appelant. Leur montant correspondra au tarif.

ME BEAHEN : Merci, M. le juge.

LE JUGE ROWE : L’an dernier, j’ai assisté à un séminaire dans le cadre duquel un juge de la Cour suprême de l’Ontario a traité de la question des dépens. Un autre juge de l’Alberta, la province où j’ai exercé le droit, était présent. Les deux juges ont affirmé que les dépens se rapportant à la Cour de l’impôt sont bas.

ME RADNOFF : Il ne serait pas inhabituel, et nous exerçons surtout en Cour supérieure, que le montant des dépens varie de 50 000 $ à 100 000 $ pour un procès comme celui-ci.

LE JUGE ROWE : Oui, mais voilà pourquoi, en plus des honoraires, la juge en chef McLachlin affirme que vous voyez des personnes agissant pour leur propre compte à tous les niveaux. C’est bien cela? Il faut gagner à la loterie pour avoir les moyens de vous embaucher.

Très bien. Merci beaucoup, maîtres. Votre dossier était bien plaidé. Merci.

ME BEAHEN : Merci, M. le juge.

LA GREFFIÈRE : Silence, veuillez vous lever. La séance est levée.

L’audience est levée à 12 h.

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de juillet 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste

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