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Dossier : 2014-1385(IT)I

ENTRE :

ELLEN LEIBOVICH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 16 novembre 2015, à Montréal (Québec)

Devant : L’honorable juge G. Smith


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. Charles Leibovich

Avocate de l’intimée :

Me Sara Jahanbakhsh

 

JUGEMENT

L’appel de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2011 est rejeté, sans frais, conformément aux motifs de jugement ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6jour de janvier 2016.

« Guy R. Smith »

Juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2016.

C. Laroche


Référence : 2016 CCI 6

Date : 20160106

Dossier : 2014-1385(IT)I

ENTRE :

ELLEN LEIBOVICH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Smith

[1]             Pour l’année d’imposition 2011, l’appelante a inclus les frais de scolarité versés à l’École St‑Georges de Montréal (l’« École St‑Georges ») comme des « frais médicaux » dans le calcul de son crédit d’impôt pour frais médicaux au titre du paragraphe 118.2(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »)1.

[2]             Les frais de scolarité ont été payés afin que le jeune fils de l’appelante, J., puisse fréquenter l’école. Nul ne conteste que la somme versée s’élève à 18 560,12 $.

[3]             Le ministre a refusé d’accorder le crédit, au motif que les frais de scolarité ne constituaient pas des « frais médicaux ». Selon l’alinéa 118.2(2)e) de la Loi, les frais médicaux d’un particulier comprennent les frais payés :

e) pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit — ou le soin et la formation — du particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a), qu’une personne habilitée à cette fin atteste par écrit être quelqu’un qui, en raison d’un handicap physique ou mental, a besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin — ou le soin et la formation — de particuliers ayant un handicap semblable au sien;

[4]             Au début de l’audience, l’intimée a reconnu que J. était aux prises avec un « handicap mental » pour les besoins de l’alinéa susmentionné (bien que ce point ait été initialement contesté dans les actes de procédure). Les points encore en litige dans le présent appel peuvent être résumés ainsi :

a)     L’école (l’École St‑Georges) fournit-elle de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés pour le soin – ou le soin et la formation – de particuliers ayant le même handicap que J.?

b)    Pour l’année d’imposition en cause, une personne habilitée à cette fin a‑t‑elle attesté que J. était quelqu’un qui, en raison d’un handicap mental, avait besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par l’École St‑Georges?

La question préliminaire

[5]             Dans sa réponse à l’avis d’appel, l’intimée a soulevé à titre de question préliminaire sa position selon laquelle, comme l’avis d’appel a été déposé 91 jours après l’avis de confirmation, il est hors délai. La réponse indiquait également que le ministre ne s’opposerait pas à une demande de prorogation du délai, mais qu’une demande de ce type n’a jamais été déposée. À l’audience, l’avocate de l’intimée a fait savoir que, à son avis, le retard était minime et qu’elle était prête à traiter l’avis d’appel comme ayant été déposé de manière valable.

[6]             Ayant pris cette question en délibéré à l’audience, je conclus maintenant que l’avis d’appel a été déposé dans les délais. Aux termes de l’article 26 de la Loi d’interprétation3, tout acte ou formalité peut être accompli le premier jour ouvrable suivant lorsque le délai fixé pour son accomplissement expire un jour férié (le dimanche en l’espèce). Ayant calculé le nombre de jours suivant l’avis de confirmation, je conclus que l’avis d’appel qui a été déposé le lundi 7 avril 2014 a été déposé de manière valable.

Les faits

[7]             L’appelante n’était pas présente à l’audience, mais elle était représentée par Ron Evans, son époux et le père de J. Il a été la seule personne à témoigner. Il a présenté comme preuve diverses évaluations cliniques que je désignerai individuellement ou collectivement comme les rapports cliniques (le ou les « rapports cliniques »)2.

[8]             J. est né le 13 mars 1999. Il n’y a aucun doute que ses parents étaient préoccupés par son retard sur le plan de la parole et du langage dès son jeune âge et qu’ils ont demandé l’aide de professionnels de la santé compétents. Le rapport clinique du 5 mars 2003 – alors que J. avait presque 4 ans – recommandait une [traduction] « thérapie orthophonique » de même qu’un test psychologique visant à clarifier les [traduction] « forces et faiblesses » de J. ainsi qu’à [traduction] « aider ses parents au chapitre des décisions qu’ils [devai]ent prendre concernant son éducation ».

[9]             J. a fréquenté l’école Talmud Torahs Unis (« TTU »), une école primaire de Montréal, de la maternelle à la 7e année où il a étudié le français, l’hébreu et l’anglais. Il faisait beaucoup de sport et était membre du club d’échecs.

[10]        En raison de difficultés continues à l’école, il a fait l’objet de plusieurs évaluations. Selon le rapport clinique de mars 2006, [traduction] « J. était suivi par le professeur en enfance en difficulté deux fois par semaine », et [traduction] « un tuteur lui donnait des cours privés aux deux semaines ». Le rapport comprenait plusieurs recommandations, notamment une thérapie orthophonique continue et l’utilisation [traduction] « d’aides visuelles à l’apprentissage ».

[11]        D’autres examens cliniques effectués en 2007 et en 2008 ont confirmé que J. éprouvait des difficultés quant au traitement des informations auditives, ce qui a donné lieu à un diagnostic de « trouble du processus auditif central » (le « TPAC »). Concrètement, cela signifiait que J. avait de la difficulté à traiter, à distinguer, à reconnaître ou à comprendre les informations auditives bien que, selon le rapport clinique de 2008, une personne atteinte du TPAC [traduction] « affiche une intelligence et une sensibilité auriculaire normales ».

[12]        Le rapport clinique de 2007 faisait état de plusieurs recommandations relatives à la salle de classe, dont l’utilisation d’un système auditif MF personnel, d’aides visuelles et d’un système de diagrammes représentant graphiquement ou de manière schématique les étapes à suivre dans une tâche ou un projet donné, y compris l’usage de programmes informatiques. Voici les conclusions du rapport (aux pages 11 et 12) :

[traduction]

[...] Sans égard au futur placement scolaire, [J.] doit pouvoir profiter d’une intervention thérapeutique directe et continue, individuellement ou en petits groupes, que ce soit par l’entremise du service d’enseignement spécial, d’un bénévole, d’une personne‑ressource, d’un aide spécial, etc. Cela lui permettra de bénéficier d’un enseignement correctif concentré dans un environnement auditif optimal. [...]

[...] Un tutorat scolaire et une coordination étroite entre le tuteur et l’enseignant sont recommandés pour optimiser l’effet thérapeutique. [...]

[...] Il serait utile d’enseigner à [J.] comment analyser le langage corporel, soit les gestes et les expressions faciales, puisque ces expressions fournissent des indications importantes pour un élève éprouvant de la difficulté à traiter la parole rapidement.

[...] Cet élève a besoin d’un environnement scolaire où le rapport enseignant/élèves est favorable, où il pourra bénéficier d’une attention individuelle (et d’une cohérence entre les enseignants et les psychoéducateurs) et, peut‑être, où les matières pourront être assimilées dans la langue maternelle. [...]

[13]        Le rapport de 2007 (page 10) mentionne un logiciel disponible [traduction] « ciblant des aspects du décodage phonémique ou axé sur la méthode synthétique » et précise que ce logiciel est offert, entre autres, [traduction] « à l’École Vanguard (destinée aux élèves atteints d’un trouble d’apprentissage grave, mais présentant un bon potentiel scolaire) ». Il s’agit de la seule école expressément mentionnée dans les rapports cliniques.

[14]        L’appelante a déclaré qu’une demande d’inscription au niveau primaire de l’École Vanguard avait été présentée au nom de J. et que ce dernier avait été admis. Une lettre de l’École Vanguard datée du 26 mars 2007 a été présentée comme preuve pour corroborer ce point même si une lecture attentive de la lettre donne à penser que l’admission de J. n’était que provisoire. Il était considéré comme un [traduction] « candidat admissible ».

[15]        J. n’a jamais fréquenté l’École Vanguard. En fin de compte, selon le témoignage de M. Evans (de même que le rapport clinique du 31 mars 2008, à la page 4), les parents de J. étaient satisfaits des services éducatifs fournis à l’école TTU, et c’est à cette école que J. a terminé ses études primaires.

[16]        Bien que cela ne soit pas directement pertinent aux fins des questions en l’espèce, il y a lieu de souligner que, lors de son contre‑interrogatoire, M. Evans a reconnu que l’école TTU offrait un programme scolaire ordinaire et que J. a suivi le même programme d’études que les autres élèves.

[17]        Après avoir terminé ses études à l’école TTU, J. a été admis à l’École St‑Georges pour sa 8e année. M. Evans a présenté un exemplaire de la brochure de l’École St‑Georges pour l’année scolaire 2015‑2016 de même qu’une description de l’école. Dans son témoignage, il a affirmé que cette école avait une bonne cote dans le milieu scolaire et qu’elle était vue d’un bon œil en raison de son rapport enseignant/élèves peu élevé comparativement aux écoles publiques. En outre, elle offrait des services individuels et pouvait répondre aux besoins de J.

[18]        Lors de son témoignage, M. Evans a fait savoir qu’environ 40 % des élèves du groupe de J. éprouvaient une certaine forme de difficulté d’apprentissage et que, bien que cet aspect ne soit pas publicisé, il était généralement bien connu dans la collectivité que l’École St‑Georges avait pour clientèle des élèves atteints de troubles d’apprentissage.

[19]        L’appelante a déclaré que l’École St‑Georges avait été avisée des troubles d’apprentissage de J., que des copies des rapports cliniques avaient été fournies aux responsables de l’École avant son admission et que ces responsables ont affirmé que l’École serait en mesure de répondre aux préoccupations de l’appelante et aux besoins de J.

[20]        L’appelante a présenté comme preuve une copie du dossier scolaire de J. pour l’année se terminant en juin 2015 – un dossier fort positif faisant état d’une moyenne de 86,88 % pour l’année en question. Le rapport a également été présenté en vue d’attester la réussite de l’École St‑Georges pour ce qui est de traiter les troubles d’apprentissage de J. et de s’adapter à ceux‑ci.

[21]        Au cours de son contre-interrogatoire, M. Evans a reconnu que, mis à part l’environnement scolaire adapté et les mesures d’adaptation spéciales offertes pour faire face aux troubles d’apprentissage de J., ce dernier a suivi le même programme d’études que les autres élèves. On a également montré à M. Evans une lettre de l’École St‑Georges à son intention datée du 30 mars 2012 (la « lettre »)4 qui mentionne plusieurs des rapports cliniques et qui contient les passages suivants :

[traduction]

[...] Bien que l’école n’offre pas de services destinés spécialement aux élèves atteints d’un trouble d’apprentissage, nous estimons que notre méthode d’enseignement, notre programme d’études amélioré et axé sur les élèves et nos diverses ressources nous permettront de bien répondre aux besoins spécifiques de J., [...]

[...]

L’École St‑Georges est un environnement qui favorise l’épanouissement de tous ses élèves, dont bon nombre de jeunes atteints d’un grand éventail de troubles d’apprentissage. Je crois que notre école permettra à Joshua de réaliser son plein potentiel.

[Non souligné dans l’original.]

[22]        M. Evans a reconnu avoir reçu la lettre, mais n’a pas fourni de contexte quant à sa rédaction en mars 2012.

La position des parties

[23]        La position fondamentale de l’appelante est que J. a reçu un diagnostic de trouble du processus auditif central, soit un trouble d’apprentissage, que ce trouble constitue un handicap mental, qu’une personne habilitée à cette fin a attesté que J. était quelqu’un qui avait besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés et que l’École St‑Georges fournit de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés de ce type pour le soin ainsi que la formation d’autres élèves atteints de troubles semblables.

[24]        L’appelante soutient que, comme J. a été admis à l’École Vanguard, une école destinée aux élèves atteints d’un trouble d’apprentissage grave, mais présentant un bon potentiel d’apprentissage, et que l’École St‑Georges a été en mesure de répondre efficacement aux besoins de J., il s’ensuit que l’École St‑Georges est également une école destinée aux élèves atteints d’un trouble d’apprentissage grave, mais présentant un bon potentiel d’apprentissage.

[25]        En ce qui a trait à l’attestation, M. Evans reconnaît qu’il n’a pas été à même d’obtenir ou de fournir une preuve directe, puisque personne, y compris les professionnels de la santé consultés, n’était prêt à recommander une école en particulier. Il soutient que bon nombre des camarades de classe de J. éprouvaient également une certaine forme de difficulté d’apprentissage, mais que ce fait n’aurait pas été apparent à l’aspect de la salle de classe. Il fait valoir que l’École St‑Georges offre bel et bien des services destinés spécialement aux enfants souffrant de troubles graves, que ce fait est bien connu dans le milieu scolaire et que l’École St‑Georges ne pourrait simplement pas survivre financièrement si elle ne ciblait pas ce type d’élèves.

[26]        M. Evans soutient que l’alinéa 118.2(2)e) de la Loi doit être interprété de façon générale, qu’il serait erroné d’appliquer une interprétation étroite exigeant qu’une école soit uniquement vouée à répondre aux besoins d’enfants atteints d’un trouble et que la tendance moderne veut que les écoles favorisent l’inclusion.

[27]        La position fondamentale de l’intimée est que J. a suivi le même programme d’études que les autres élèves de l’École St‑Georges et que, bien que des personnes habilitées à cette fin aient attesté le handicap mental de J. et la nécessité d’un environnement scolaire adapté, personne n’a indiqué l’équipement, les installations et le personnel spécialisés qui seraient nécessaires à ses soins et à sa formation.

[28]        L’intimée fait également valoir qu’aucun élément de preuve et qu’aucune information figurant dans la brochure de l’École St‑Georges ne donne à penser que cette école cible les élèves ayant des handicaps, et elle fait remarquer que la lettre indique clairement la position de l’École St‑Georges, c’est‑à‑dire qu’elle n’offre pas de services destinés spécialement aux élèves atteints d’un trouble d’apprentissage.

Le droit applicable

[29]        Selon la définition énoncée à l’alinéa 118.2(2)e) de la Loi (reproduit de nouveau à des fins de commodité), des frais de scolarité peuvent être déduits en tant que frais médicaux lorsque les frais sont payés :

epour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit — ou le soin et la formationdu particulier, de son époux ou conjoint de fait ou d’une personne à charge visée à l’alinéa a), qu’une personne habilitée à cette fin atteste par écrit être quelqu’un qui, en raison d’un handicap physique ou mental, a besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par cette école ou institution ou à cet autre endroit pour le soin — ou le soin et la formationde particuliers ayant un handicap semblable au sien;

[Non souligné dans l’original.]

[30]        La décision rendue par la Cour dans l’affaire Collins v. Canada (1998), 3 C.T.C. 2981, est probablement celle qui fait autorité sur la déduction de frais de scolarité en tant que frais médicaux, il n’est donc pas étonnant que chacune des parties l’ait invoquée. Elle établit quatre critères à prendre en compte (au paragraphe 20) :

20.       On voit clairement en lisant cette disposition qu’il y a plusieurs critères auxquels il doit être satisfait, soit :

1.         Le contribuable doit payer des frais pour le soin dans une école, une institution ou un autre endroit — ou le soin et la formation — du particulier.

2.         Le particulier doit avoir un handicap mental.

3.         L’école, institution ou autre endroit doit fournir au particulier ayant le handicap de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés pour le soin — ou le soin et la formation — de particuliers ayant le même handicap.

4.         Une personne habilitée à cette fin doit attester que le handicap physique ou mental est la raison pour laquelle le particulier a besoin que l’école fournisse l’équipement, les installations ou le personnel spécialisés pour le soin — ou le soin et la formation — de particuliers ayant le même handicap.

[31]        Ayant conclu que le jeune fils de l’appelante avait un handicap mental, le juge Rowe est parvenu à la conclusion suivante :

36.       [...] les éléments de preuve présentés [...] indiquent amplement que Choice était une école qui fournissait du personnel spécialisé pour s’occuper d’élèves surdoués ayant des troubles d’apprentissage suffisamment graves pour constituer un handicap mental. Aucun équipement spécialisé n’est nécessaire, mais la clé réside dans le fait que les classes sont petites et que beaucoup d’attention personnalisée est accordée conformément au programme approprié conçu pour un élève particulier. [...]

38.       Je conclus que Choice était une école qui fournissait [...] à la fois des installations et du personnel spécialisés pour le soin — ou le soin et la formation — de personnes atteintes du même handicap mental, le THADA, bien que seulement un ou l’autre de ces éléments soit requis pour satisfaire au libellé de la disposition.

[32]        Le juge Rowe a ensuite abordé la question de l’attestation et, ayant mentionné qu’il « n’est plus nécessaire que l’attestation soit produite sur formulaire spécial », il a conclu que le médecin consulté par l’appelante en était venu à la conclusion selon laquelle l’enfant :

40.       [...] devait fréquenter une école capable d’assurer adéquatement le soin — ou le soin et la formation — d’une personne atteinte de THADA [...] Choice était une école appropriée pour aider au traitement de ce trouble et pour aider par ailleurs à faire face au handicap mental [...].

[33]        Pour ce motif, le juge Rowe a conclu que Choice avait été dûment attesté.

[34]        La Cour d’appel fédérale s’est également penchée sur la question de l’attestation dans l’arrêt Title, Succession c. Canada, 2001 CAF 106, où elle a conclu que les attestations soumises étaient « tout simplement trop vagues » pour répondre aux exigences de la Loi. La juge Sharlow a souligné ce qui suit :

5.         À notre avis, une attestation prévue à l’alinéa 118.2(2)e) doit au moins préciser le handicap mental ou physique qu’a le patient, et l’équipement, les installations ou le personnel dont le patient a besoin afin d’obtenir le soin ou la formation nécessaire pour faire face à ce handicap. Les attestations en l’espèce sont tout simplement trop vagues pour répondre à cette exigence.

[35]        L’arrêt rendu ultérieurement dans l’affaire Scott c. Canada, 2008 CAF 286, concernait un appel interjeté à l’encontre de la décision de la Cour, dans laquelle la juge Campbell avait conclu que l’appelante avait satisfait aux quatre critères énoncés dans la décision Collins v. Canada, précitée. Le ministre n’était pas du même avis et a interjeté appel en se fondant sur l’argument selon lequel le troisième et le quatrième critère n’avaient pas été respectés. En ce qui a trait au troisième critère, la juge Trudel a formulé les commentaires suivants :

10.       Selon la troisième condition énoncée dans Collins, il faut que Rothesay soit une école qui mette à la disposition de l’élève de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés pour le soin, ou le soin et la formation, de personnes ayant le même handicap que lui.

11.       Pour que cette condition soit remplie, il faut premièrement que le fils de l’intimée ait un besoin précis. Deuxièmement, les dépenses relatives à Rothesay doivent être liées d’une façon inextricable à ce besoin précis découlant de sa déficience : Lister c. Canada, 2006 CAF 331, paragraphe 15. Troisièmement, Rothesay doit être un établissement en mesure de répondre aux besoins de personnes ayant le même handicap que le fils de l’intimée.

[...]

14.       Les élèves de l’école ont tous accès aux mêmes services et les frais de scolarité sont les mêmes pour tout le monde. L’école n’est aucunement spécialisée dans la prestation de services médicaux et elle ne fournit pas de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés pour le soin d’élèves ayant des besoins particuliers tels que ceux qu’éprouve le fils de l’intimée.

[...]

18.       Le simple fait que certains des services offerts à l’ensemble des élèves aient profité au fils de l’intimée et à d’autres élèves éprouvant des besoins particuliers ne suffit pas à faire en sorte que l’école Rothesay soit visée par la disposition.

[Non souligné dans l’original.]

[36]        La juge Trudel a ensuite examiné le quatrième critère. Après avoir mentionné qu’aucune présentation spéciale n’était exigée pour l’attestation en question, elle a souligné ce qui suit :

23.       Il faut toutefois que ce soit une véritable attestation, précisant au moins le handicap mental ou physique qu’a le patient, et l’équipement, les installations ou le personnel dont le patient a besoin afin d’obtenir le soin ou la formation nécessaire pour faire face à ce handicap : Canada c. Title, Succession, [2001] A.C.F. no 530, au paragraphe 5.

24.       La juge était certes dans une position unique et privilégie pour apprécier la preuve produite en cette affaire, mais après avoir examiné attentivement la transcription de l’audience à la lumière du critère énoncé dans l’arrêt Title, Succession, précité, je ne relève dans ce dossier aucun élément justifiant la conclusion à laquelle elle est parvenue au sujet de l’attestation.

[37]        L’intimée a également invoqué l’arrêt Lister c. Canada, 2006 CAF 331, un appel d’une décision de la Cour au chapitre de la déductibilité en tant que frais médicaux de frais versés à une résidence pour personnes âgées au titre de l’alinéa 118.2(2)e) de la Loi. Voici ce que la juge Sharlow a dit :

11.       Le juge de la Cour de l’impôt était d’avis qu’étant donné que Mme Lister avait des handicaps qui répondaient à la description figurant à l’alinéa 118.2(2)e), et que les installations d’Hawthorn Park tenaient compte de ces handicaps, les installations spécialisées dont Mme Lister avait besoin pour être soignée étaient fournies par Hawthorn Park.

12.       La Couronne affirme que ce raisonnement n’est pas exact. Elle soutient qu’afin de décider si un paiement particulier est admissible au crédit pour frais médicaux prévu à l’alinéa 118.2(2)e), il faut examiner deux questions d’une façon indépendante. Il s’agit en premier lieu de savoir si le particulier à l’égard duquel le crédit est demandé a le handicap physique ou mental nécessaire (dans ce cas‑ci, il n’est pas contesté que Mme Lister satisfait à ce critère). Il s’agit en second lieu de savoir si l’endroit qui a reçu le paiement est un endroit qui est visé à l’alinéa 118.2(2)e). Je suis d’accord avec la Couronne pour dire que telle est la façon dont il convient d’aborder l’interprétation de l’alinéa 118.2(2)e).

[Non souligné dans l’original.]

[38]        Après avoir indiqué que le paragraphe 118.2(2) comprenait une longue liste détaillée des frais en fonction desquels était calculé le crédit d’impôt pour frais médicaux, la juge Sharlow a fait remarquer ce qui suit :

15.       Il ressort du paragraphe 118.2(2) qu’aucun allègement fiscal n’est prévu pour les dépenses ordinaires de la vie, telles que les frais de logement et d’alimentation, sauf lorsque ces dépenses sont liées d’une façon inextricable à un besoin précis résultant d’une déficience physique ou mentale.

[Non souligné dans l’original.]

[39]        Elle a ensuite analysé l’alinéa e) et formulé les remarques suivantes :

18.       Compte tenu de ce contexte légal, quel genre d’endroit l’alinéa 118.2(2)e) vise‑t‑il? Selon le libellé de la disposition, une institution est visée à l’alinéa 118.2(2)e) si elle fournit l’équipement, les installations ou le personnel spécialisés nécessaires pour le soin ou la formation des résidents qui en ont besoin en raison d’un handicap physique ou mental. Le caractère circulaire de cette disposition en rend l’interprétation plutôt difficile, mais il est du moins raisonnablement clair que l’alinéa 118.2(2)e) s’applique aux soins institutionnels. C’est pourquoi l’alinéa 118.2(e) prévoit indirectement, mais nécessairement, un allègement fiscal pour le logement et pour d’autres coûts ordinaires de la vie qui sont inclus dans le coût des soins administrés. Toutefois, étant donné le contexte du paragraphe 118.2(2), une organisation qui fonctionne principalement à titre de fournisseur de locaux résidentiels ne devrait pas être visée par l’alinéa 118.2(2)e) simplement parce qu’elle fournit de façon accessoire certains services médicaux à ses résidents.

[Non souligné dans l’original.]

[40]        L’appelante soutient qu’il faut distinguer l’arrêt Lister c. Canada du présent cas, puisqu’il est insensé de comparer le type de soins institutionnels offerts en tout temps dans une résidence pour personnes âgées avec les services offerts aux élèves dans une école. Bien que les faits soient différents, l’analyse de l’alinéa 118.2(2)e) est tout à fait convaincante.

[41]        Plusieurs causes plus récentes ont été portées à mon attention. Au moins deux d’entre elles sont dignes de mention. Dans Piper c. Canada, 2010 CCI 492, le juge Bowie a dû se pencher sur une situation semblable. La fille de l’appelante, D., souffrait de certains troubles d’apprentissage, comme l’a confirmé une évaluation psychologique, et fréquentait une école privée, la GNS. Le directeur de cette école a témoigné à l’audience, et le juge Bowie a fait les observations suivantes :

7.         Selon le témoignage de M. Bruce‑Lockhart, les écoles GNS ne fournissent pas un programme de formation spéciale destiné aux élèves ayant des troubles d’apprentissage, mais ces écoles admettent des élèves, à l’instar de D, qui ont des troubles d’apprentissage et adaptent le programme scolaire normal aux besoins de ces élèves [...]

8.         En l’espèce, il n’est pas nécessaire de décider si le trouble d’apprentissage dont souffre D constitue un handicap mental au sens de l’alinéa 118.2(2)e). La Cour d’appel fédérale a jugé, dans Lister c. Canada, et dans Canada c. Scott, que l’alinéa 118.2(2)e) comporte un critère téléologique, c’est‑à‑dire que, pour avoir droit au crédit au titre de cette disposition, les dépenses concernant l’enfant qui fréquente l’institution doivent être liées d’une façon inextricable à ce besoin précis de l’enfant. Dans Scott, la juge Trudel, s’exprimant en son nom et au nom des juges Desjardins et Noël, a déclaré ce qui suit :

Le simple fait que certains des services offerts à l’ensemble des élèves aient profité au fils de l’intimée et à d’autres élèves éprouvant des besoins particuliers ne suffit pas à faire en sorte que l’école Rothesay soit visée par la disposition.

9.         Il en va exactement de même pour la GNS, en l’espèce. La GNS n’est pas une école qui vise principalement l’éducation des enfants handicapés ou des enfants ayant des troubles d’apprentissage.

[Non souligné dans l’original.]

[42]        Enfin, dans l’affaire Vita-Finzi c. Canada, 2008 CCI 565, une aide spéciale avait été fournie à une élève souffrant d’un trouble d’apprentissage, mais le juge Hershfield a conclu que, en dépit du fait que l’enfant était atteinte d’un handicap mental, le lien qui existait entre le programme offert et les frais de scolarité payés à l’école privée ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 118.2(2)e), comme cela a été expliqué dans l’arrêt Scott c. Canada, précité.

Analyse

[43]        Il est convenu que l’appelante a satisfait aux deux premiers critères établis dans la décision Collins v. Canada, précitée, mais le point qu’il reste à trancher est de savoir si elle satisfait au troisième et au quatrième critère.

[44]        L’École St‑Georges fournit-elle de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés pour le soin – ou le soin et la formation – de particuliers ayant le même handicap que J.?

[45]        M. Evans soutient que tel est le cas, mais je conclus qu’il existe peu d’éléments de preuve corroborant sa position et que la preuve documentaire tend à le contredire. La brochure de l’école ne mentionne aucun programme spécial destiné aux enfants souffrant d’un trouble d’apprentissage et, d’ailleurs, la preuve soumise à la Cour souligne le fait que [traduction] « l’école n’offre pas de services destinés spécialement aux élèves atteints d’un trouble d’apprentissage ». La lettre indique notamment que l’école offre un programme d’études adapté, diverses ressources et un environnement qui favorise l’épanouissement de tous les élèves, dont [traduction] « bon nombre de jeunes atteints d’un grand éventail de troubles d’apprentissage ». À mon avis, cette situation ne justifie pas que je parvienne à la conclusion selon laquelle l’école fournit de l’équipement, des installations ou du personnel spécialisés pour le soin et la formation d’élèves ayant un handicap aux fins de l’alinéa 118.2(2)e).

[46]        À la lumière des critères figurant dans la jurisprudence précitée, je conclus que l’école en question ne répond tout simplement pas aux conditions fixées. Elle offre le même programme d’études à tous les élèves, et l’environnement scolaire adapté mis à la disposition de J. et des autres élèves aux prises avec un trouble d’apprentissage, tel qu’il a été décrit par M. Evans, est accessoire au principal objectif de l’école, soit de fournir un enseignement secondaire à tous ses élèves, y compris J.

[47]        La prochaine question se rapporte à l’attestation et au point de savoir si une personne habilitée à cette fin a attesté que J. était quelqu’un qui, en raison d’un handicap mental, avait besoin d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés fournis par l’École St‑Georges.

[48]        J’admets que des personnes habilitées à cette fin ont attesté que J. souffrait d’un trouble d’apprentissage reconnu sur le plan médical et qu’il nécessitait une attention spéciale et un environnement scolaire adapté, mais je conclus que les rapports cliniques ne font pas état d’un besoin en matière d’équipement, d’installations ou de personnel spécialisés. Bien qu’y figurent des suggestions pratiques, comme l’utilisation d’un système auditif MF personnel et d’aides visuelles à l’apprentissage, bon nombre des recommandations s’appliqueraient à la population étudiante en général. Quoi qu’il en soit, j’ai déjà conclu que toute mesure d’adaptation prise pour J. par l’École St‑Georges n’était qu’accessoire et auxiliaire.

[49]        Je conclus que le fait que J. était considéré comme un [traduction] « candidat admissible » par l’École Vanguard importe peu, car il n’a jamais fréquenté cette école, et aucuns frais de scolarité n’ont été versés à celle‑ci.

[50]        Tout bien pesé, je conclus que l’appelante n’a pas été en mesure de s’acquitter de la charge qui lui incombait au chapitre du troisième et du quatrième critère énoncés dans la décision Collins v. Canada.

[51]        Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6jour de janvier 2016.

« Guy R. Smith »

Juge Smith

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de février 2016.

C. Laroche

___________________________

 

[1] Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.).

[1] Loi d’interprétation (L.R.C., 1985, ch. I-21).

[1] Liste chronologique des rapports cliniques :

 

1.             Speech Language Update Report (rapport d’orthophonie) daté du 3 mars 2003, rédigé par le service d’orthophonie du Complexe de Santé Reine Élizabeth;

2.             Learning Progress Clinic Summary Report (rapport sommaire de la clinique de trouble d’apprentissage) daté du 23 octobre 2006, rédigé par l’Hôpital de Montréal pour enfants, programme de développement de l’enfant;

3.             Report of Psychological Consultation (rapport de consultation psychologique) daté du 23 octobre 2006, rédigé par Judith Le Gallais, psychologue, Hôpital de Montréal pour enfants, département de psychologie;

4.             Peripheral and Central Auditory Processing Assessment (évaluation du processus auditif périphérique et central) datée du 26 septembre 2007, préparée par I. M. Hoshko, audiologiste;

5.             Central Auditory Processing Evaluation (évaluation du processus auditif central) datée du 31 mars 2008, préparée par le service de pédiatrie du développement et du comportement de l’Hôpital de Montréal pour enfants;

6.             Évaluation préparée par Judith Le Gallais, psychologue, faisant renvoi aux évaluations du 23 novembre 2013 et du 4 janvier 2013.

[1] Lettre de l’École St‑Georges de Montréal, signée par le directeur de l’école, James Officer, et datée du 30 mars 2012.

 


 

RÉFÉRENCE :

2016 CCI 6

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-1385(IT)I

INTITULÉ :

ELLEN LEIBOVICH ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 novembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 6 janvier 2016

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

M. Charles Leibovich

Avocate de l’intimée :

Me Sara Jahanbakhsh

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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