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Dossier : 2014-3338(CPP)

ENTRE :

CHRISTINA MENOUDAKIS,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CAITLIN NUGENT,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 18 septembre 2015, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. John Menoudakis

Avocate de l’intimé :

Me Kaylee Silver

Pour l’intervenante :

Personne n’a comparu

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la décision rendue au titre du Régime de pensions du Canada datée du 20 juin 2014 est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23jour d’octobre 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 10jour de décembre 2015.

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.



Dossier : 2014-3339(EI)

ENTRE :

CHRISTINA MENOUDAKIS,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CAITLIN NUGENT,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 18 septembre 2015, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Représentant de l’appelante :

M. John Menoudakis

Avocate de l’intimé :

Me Kaylee Silver

Pour l’intervenante :

Personne n’a comparu

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la décision rendue au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi datée du 20 juin 2014 est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23jour d’octobre 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 10jour de décembre 2015.

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.



Référence : 2015 CCI 248

Date : 20151023

Dossier : 2014-3338(CPP)

2014-3339(EI)

ENTRE :

CHRISTINA MENOUDAKIS,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CAITLIN NUGENT,

intervenante

[traduction française officielle]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller.

[1]             Christina Menoudakis et John Menoudakis exploitaient une école de musique en tant qu’entreprise individuelle de juin 2006 à juin 2013 sous le nom de « Rockstar Music School & Concert Hall » (« Rockstar ») à Bolton, en Ontario. Le présent appel concerne cinq professeurs de musique (les « professeurs ») qui avaient été engagés pour enseigner à Rockstar. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a examiné les modalités du contrat des professeurs et a conclu qu’ils exerçaient un emploi aux termes d’un contrat de louage de services. En d’autres termes, le ministre a conclu que les professeurs étaient des employés lorsqu’ils étaient au service de Mme Menoudakis. En conséquence, il a été conclu que les professeurs exerçaient à la fois un emploi assurable en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et un emploi ouvrant droit à pensions en vertu du Régime de pensions du Canada.

[2]             Christina Menoudakis a interjeté appel à l’encontre des décisions rendues par le ministre. Elle soutient que les professeurs étaient à son service en tant qu’entrepreneurs indépendants.

[3]             Les professeurs qui ont été touchés par les décisions du ministre sont les suivants :

Professeur

Période

Instrument enseigné

Ayesha Barboza

1er avril 2012 –30 juin 2013

Piano et chant

Joshua Marrocco

1er janvier 2012 –30 juin 2013

Guitare

Ginevra Mormile

1er janvier 2012 –30 juin 2013

Piano

Caitlin Nugent

1er janvier 2012 –31 mai 2012

Piano et chant

Daniel Piatkowski

1er septembre 2012 ­–30 juin 2013

Guitare

 

[4]             Bien que Caitlin Nugent se soit constituée partie intervenante en l’espèce, elle ne s’est pas présentée à l’audience. Les personnes suivantes ont témoigné à l’audience :

a)     John Menoudakis, l’époux de l’appelante, qui l’a représentée et a témoigné pour son compte. Dans l’ensemble, il a présenté un témoignage crédible. Toutefois, dans les cas où son témoignage était contradictoire avec celui des deux autres témoins, j’ai accepté le témoignage de ces derniers.

b)    Ayesha Barboza et Daniel Piatkowski ont tous les deux présenté un témoignage conformément à une assignation à témoigner délivrée par l’intimé. Ayesha Barboza était professeur de chant et de piano à Rockstar. Pendant la période où elle a travaillé à Rockstar, elle suivait des cours de musique à l’Université de Toronto. Je l’ai trouvée crédible.

c)     Daniel Piatkowski enseignait la guitare à Rockstar. Il a reçu sa formation en musique à la Mohawk University et au Conservatoire royal de musique. Pendant la période où il travaillait à Rockstar, il avait deux autres emplois, dont un était lié à la musique. J’ai jugé que M. Piatkowski était crédible.

[5]             Christina Menoudakis et son époux, John Menoudakis, contrôlaient tous les deux les activités quotidiennes de Rockstar et prenaient toutes les décisions importantes concernant l’entreprise. Pour les mentionner tous les deux, je les appellerai Rockstar.

[6]             Rockstar exploitait une école de musique qui donnait des leçons particulières de musique durant l’année scolaire. L’école s’adressait à des enfants d’âge scolaire et ses heures d’ouverture étaient du lundi au vendredi, de 15 h à 21 h. Elle était fermée pendant l’été.

[7]             L’école était située dans un immeuble commercial et comportait une grande pièce dotée d’une scène et de quatre petites salles de classe. Chaque classe possédait une grande fenêtre qui donnait sur la grande pièce, à travers laquelle les parents pouvaient voir leurs enfants pendant les leçons.

Le droit

[8]             Pour établir si les professeurs étaient engagés en tant qu’employés ou en tant qu’entrepreneurs indépendants, la question essentielle à laquelle il faut répondre et de savoir si les professeurs fournissaient les services en tant que personnes travaillant à leur compte : arrêt 671122 Ontario Ltd c Sagaz Industries Canada Inc, [2001] 2 RCS 983, au paragraphe 47.

[9]             Dans l’arrêt 1392644 Ontario Inc c Le ministre du Revenu national (« Connor Homes »), la Cour d’appel fédérale a fait observer qu’il existe un critère à deux étapes qui doit être utilisé pour trancher la question. À la première étape, la Cour doit établir l’intention subjective de chacune des parties à la relation de travail. La seconde étape consiste à analyser la relation de travail entre les professeurs et Rockstar dans le but d’établir si leur relation de travail concordait avec leur intention. Les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd c MRN, [1986] 3 CF 553 (CAF) doivent être utilisés à cette étape du critère. Ces facteurs comprennent le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte.

L’intention

[10]        Dans son témoignage, John Menoudakis a déclaré que l’intention de Rockstar était d’engager les professeurs en tant qu’entrepreneurs indépendants et que les professeurs avaient été informés de cette intention. Il a ajouté qu’il avait précisé à chaque professeur que chacun avait la responsabilité de déposer auprès du gouvernement leur nom commercial. Il a déclaré que chaque professeur avait accepté et signé un [traduction] « Contrat de professeur de musique » (pièce A‑1) (le « contrat ») avec Rockstar. La pièce A‑1 avait été signée par Caitlin Nugent.

[11]        Toutefois, contrairement au témoignage de M. Menoudakis, je suis d’avis que le contrat n’était pas une entente selon laquelle les professeurs travaillaient auprès de Rockstar en tant qu’entrepreneurs indépendants. Il s’agissait plutôt d’une convention de non‑concurrence. Les professeurs qui ont peut‑être signé le contrat se sont engagés à ne communiquer avec aucun client de Rockstar dans l’intention de le solliciter comme client.

[12]        Ayesha Barboza et Daniel Piatkowski ont tous les deux déclaré qu’ils avaient l’intention de travailler auprès de Rockstar en tant qu’employés. Les deux témoins ont affirmé qu’ils n’avaient pas signé le contrat et qu’ils ne l’avaient jamais vu. Ils ont tous les deux précisé qu’ils n’avaient pas procédé à l’inscription de leur entreprise, et que John Menoudakis ne leur avait pas demandé de le faire. J’estime qu’Ayesha Barboza et Daniel Piatkowski sont tous les deux crédibles.

[13]        Dans la réponse à l’avis d’appel, le ministre a supposé que Joshua Marrocco était le neveu de Christina Menoudakis et qu’il se considérait comme un travailleur indépendant. John Menoudakis a admis ces hypothèses de fait.

[14]        Le ministre a également supposé que Caitlin Nugent et Ginevra Mormile se considéraient comme des employées. Rockstar n’a produit aucun élément de preuve pour réfuter ces hypothèses.

[15]        La majorité des professeurs et Rockstar n’avaient pas d’intention commune en ce qui concerne leur relation de travail.

La deuxième étape

A. Le contrôle

[16]        Dans son témoignage, M. Menoudakis a déclaré que ni lui ni l’appelante ne supervisaient les professeurs. Ils ne disaient pas aux professeurs comment il fallait enseigner. Toutefois, le critère n’est pas de savoir s’ils supervisaient les professeurs, mais plutôt s’ils avaient le droit de le faire : arrêt Gagnon c Le ministre du Revenu national, 2007 CAF 33, au paragraphe 7. Rockstar n’avait pas à donner des instructions aux professeurs quant à la manière dont ils devaient enseigner parce que Rockstar n’embauchait que des professeurs connaissant la musique et sachant bien jouer certains instruments. Les professeurs n’avaient pas besoin de supervision pour accomplir leurs tâches.

[17]        Les élèves étaient des élèves de l’école Rockstar. Celle‑ci confiait les élèves aux professeurs et établissait l’horaire de travail de ces derniers en fonction de la disponibilité de ces derniers. Si un élève devait demander qu’une leçon soit fixée à une autre date, il communiquait avec Rockstar pour obtenir un nouvel horaire. Il existait des éléments de preuve selon lesquels M. Menoudakis avait dit aux professeurs d’avoir davantage d’interaction avec les parents des élèves dans le but de leur [traduction] « vendre » les leçons. J’ai déduit de ces éléments de preuve que M. Menoudakis avait demandé aux professeurs de faire la promotion des activités de Rockstar.

[18]        L’appelante ou M. Menoudakis étaient toujours présents lorsque l’école était ouverte. Ils inscrivaient les présences et les heures de travail des professeurs. Ces derniers devaient aviser Rockstar s’ils allaient s’absenter à une leçon qui était prévue. Ils ne pouvaient pas envoyer un professeur pour les remplacer. Ayesha Barboza a déclaré qu’elle ne s’était jamais absentée à un cours prévu. Cependant, elle avait une fois appelé M. Menoudakis pour lui demander si elle pouvait s’absenter à une répétition générale. M. Menoudakis avait refusé sa demande. Il lui avait dit que cela ne conviendrait pas parce qu’il y avait de nombreux élèves.

[19]        Généralement, Rockstar exigeait que les professeurs enseignent la musique « rock » et préparent les élèves pour le concert de fin d’année. Selon M. Menoudakis, les professeurs étaient censés enseigner une musique qui correspondait au nom de l’école. Toutefois, si un élève voulait apprendre un autre style de musique, le professeur pouvait l’enseigner.

[20]        J’ai conclu que Rockstar exerçait un contrôle sur les professeurs. Rockstar fixait leur horaire de travail, quoiqu’il s’agissait du moment où ils étaient disponibles. Rockstar disait généralement aux professeurs le style de musique qu’il fallait enseigner. Les professeurs devaient obtenir la permission de s’absenter et ne pouvaient pas envoyer un remplaçant. Les éléments de preuve ont démontré que, même lorsqu’un professeur demandait un congé, M. Menoudakis exerçait le droit de refuser la demande. M. Menoudakis avait même donné des instructions aux professeurs quant à la manière dont ils devaient interagir avec les parents des élèves.

[21]        À mon avis, le facteur du contrôle indique que les professeurs étaient des employés.

B. La propriété des instruments de travail

[22]        Rockstar fournissait les salles de classe, les pianos, les instruments à cordes, les microphones, les livres de musique, les amplificateurs et les pupitres à musique. Les professeurs qui enseignaient la guitare et le chant utilisaient leurs propres instruments. Dans son témoignage, M. Menoudakis a déclaré que de nombreux professeurs utilisaient leurs propres ordinateurs portatifs pour obtenir des chansons. Toutefois, cela n’était pas une exigence de leur relation de travail. Il s’agissait d’un choix des différents professeurs.

[23]        En ce qui a trait aux instruments de travail en l’espèce, le critère consiste à savoir si les professeurs devaient fournir les instruments de travail nécessaires pour fournir des services d’enseignement de la musique à une école : décision Lippert Music Centre Inc c Le ministre du Revenu national, 2014 CCI 170, au paragraphe 23. Il ressort des éléments de preuve que les professeurs n’étaient pas tenus de fournir leurs propres instruments, leur partition ou leurs ordinateurs portatifs. M. Menoudakis a dit qu’il jouait de la guitare et que la plupart des professeurs de guitare préfèrent utiliser leur propre guitare. Il n’a pas été démontré que les professeurs de guitare devaient utiliser leurs propres instruments.

[24]        À mon avis, le facteur des instruments de travail étaye la conclusion selon laquelle les professeurs étaient des employés.

C. La possibilité de profit

[25]        Les professeurs étaient tenus de fournir leurs services personnellement. Ils ne pouvaient pas engager un assistant ou un remplaçant, et ne pouvaient donc pas sous‑traiter leur travail. Ils recevaient une rémunération de 7,50 $ par session d’une demi‑heure. Leur taux de rémunération n’était pas négociable, il était fixé par Rockstar. Les professeurs étaient rémunérés par chèque toutes les deux semaines.

[26]        Rockstar fixait le nombre d’élèves qui étaient confiés à chaque professeur. Il est manifeste que les professeurs n’avaient absolument aucune possibilité de profit en tant qu’entrepreneurs. Ils recevaient des honoraires fixes par demi‑heure. Les professeurs n’avaient pas de clientèle. Les élèves et leurs parents étaient les clients de Rockstar.

[27]        Ce critère étaye aussi la conclusion selon laquelle la majorité des professeurs avait l’intention d’être des employés.

D. Le risque de perte

[28]        Les professeurs n’investissaient pas dans l’entreprise qui consistait à donner des leçons de musique. Les professeurs qui utilisaient les instruments de Rockstar n’assumaient aucun risque financier alors que ceux qui utilisaient leurs propres instruments assumaient un risque financier minimal. Il portait seulement sur le coût de leur guitare et de leur ordinateur.

[29]        Tout bien pesé, je conclus que les faits concernant le risque financier sont davantage compatibles avec la qualité d’employé des professeurs plutôt que de celle d’entrepreneur indépendant.

[30]        À mon avis, une analyse des facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door étaye la conclusion selon laquelle les professeurs avaient l’intention d’être des employés. L’intention de l’appelante, selon laquelle les professeurs étaient des entrepreneurs indépendants, n’est pas compatible avec le témoignage livré à l’audience.

[31]        Pour les motifs exposés ci‑dessus, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23jour d’octobre 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 10jour de décembre 2015.

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.



RÉFÉRENCE :

2015 CCI 248

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2014-3338(CPP); 2014-3339(EI)

INTITULÉ :

CHRISTINA MENOUDAKIS et LE M.R.N. et CAITLIN NUGENT

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 septembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 octobre 2015

COMPARUTIONS :

Représentant de l’appelante :

M. John Menoudakis

Avocate de l’intimé :

Me Kaylee Silver

Pour l’intervenante :

Personne n’a comparu

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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