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Dossier : 2012-2889(IT)G

ENTRE :

OBARO OKOROZE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus les 12, 13 et 14 janvier 2015, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Paul Bédard, juge suppléant


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Alain Gareau

 

JUGEMENT

Les appels des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2004, 2005, 2006, 2007 et 2008 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal (Québec), le 30 mars 2015.

« Paul Bédard »

Juge suppléant Bédard

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juillet 2015.

François Brunet, réviseur.


Référence : 2015 CCI 64

Date : 20150330

Dossier : 2012-2889(IT)G

ENTRE :

OBARO OKOROZE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Bédard

[1]             Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a émis des avis de nouvelles cotisations datés du 14 février 2011 concernant les années d’imposition 2004 à 2008 de l’appelant (la « période pertinente »), en ajoutant les montants suivants au revenu de l’appelant :

 

2004

2005

2006

2007

2008

Revenu non déclaré

166 653 $

75 490 $

147 346 $

51 939 $

53 463 $

Avantages conférés

18 768 $

338 812 $

354 748 $

70 218 $

13 917 $

Rajustement des dépenses locatives

(314 $)

6 205 $

7 790 $

(677 $)

(713 $)

Total

185 107 $

420 507 $

509 884 $

121 480 $

66 667 $

 

De plus, une pénalité a été établie au titre du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour chacune de ces années. Le ministre a également établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour son année d’imposition 2009, en diminuant le gain en capital déclaré par l’appelant. Les nouvelles cotisations pour les années 2004 à 2007 inclusivement ont été établies après la période normale de nouvelle cotisation. L’appelant conteste ces nouvelles cotisations.

[2]             Je note d’emblée que le ministre a employé la méthode de la valeur nette pour conclure que l’appelant avait omis de déclarer des revenus imposables durant la période pertinente. Le ministre a conclu qu’une partie des revenus de l’appelant était attribuable à des avantages que les sociétés de l’appelant avaient conférés à celui‑ci.

[3]             Pour calculer l’impôt exigible de l’appelant pour la période pertinente, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

I – La valeur nette

a)                  Durant les années en cause, l’appelant et son épouse, Marlene Dixon, ont déclaré les revenus suivants :

 

Appelant

Mme Dixon

Total

2004

46 678 $

27 005 $

73 683 $

2005

48 668 $

30 026 $

78 694 $

2006

56 600 $

44 179 $

100 779 $

2007

7 409 $

38 344 $

45 753 $

2008

15 072 $

28 916 $

43 988 $

b)                  Les dépenses personnelles du couple pour les années 2004 à 2008, mis à part les dépenses payées par les sociétés de l’appelant, ont totalisé respectivement 65 615 $, 103 763 $, 124 984 $, 98 793 $ et 85 423 $.

c)                  En 2001, l’appelant et son épouse ont acheté un duplex à LaSalle au prix de 155 000 $ qu’ils ont grevé d’une hypothèque de 116 625 $. Ils ont vécu dans un des appartements et ont loué l’autre.

d)                 Le duplex à LaSalle a été refinancé en avril 2004 pour 174 750 $.

e)                  En juillet 2004, l’appelant et son épouse ont acheté une maison à Dollard‑des‑Ormeaux au prix de 270 070 $.

f)                   À partir de juillet 2004, les deux appartements du duplex à LaSalle ont été loués.

g)                  En avril 2006, l’appelant et son épouse ont acheté une maison à l’Île Bizard au prix de 545 780 $.

h)                  La maison à Dollard‑des‑Ormeaux a alors été louée.

i)                    En 2007, l’appelant a fait installer une piscine à sa résidence de l’Île Bizard au coût de 29 900 $.

j)                    Durant les années en cause, l’appelant et son épouse ont détenu des investissements enregistrés et non enregistrés auprès de la Banque Royale du Canada, la Caisse Populaire Desjardins et la Banque TD (voir le tableau V, à la page 7 de l’annexe A).

k)                  Durant la même période, l’appelant et son épouse ont détenu des comptes bancaires auprès de la Banque Royale du Canada, la Caisse Populaire Desjardins, la Banque Scotia et la Banque TD (voir le tableau I, à la page 3 de l’annexe A).

l)                    Durant la période pertinente, l’appelant était l’actionnaire de trois sociétés : Divine Links Ltd., 9155-6993 Québec inc. (Salon Suprême de coiffure) (« 9155 ») et Boutique belles Plumes Inc. (« Belles Plumes »).

m)                Divine Links Ltd. a été constituée en société en juillet 2000.

n)                  9155 a été constituée en société en avril 2005. Son adresse était le 1468, boul. Schevchenko, à LaSalle.

o)                  Belles Plumes a été constituée en société en mai 2005. Son adresse était le 1464, boul. Schevchenko, à LaSalle.

p)                  9155 et Belles Plumes n’ont jamais produit de déclarations de revenus.

q)                  Par l’entremise de Divine Links Ltd., l’appelant a exploité des comptoirs Moneygram qui offraient des services de transfert d’argent.

r)                   Les comptoirs Moneygram exploités par l’appelant par l’entremise de Divine Links Ltd. étaient situés aux adresses suivantes :

         7924, rue George, à LaSalle, jusqu’en février 2003;

         4178, Grande-Allée, à Greenfield Park, jusqu’en mai 2004;

         6680, rue St-Jacques Ouest, à Montréal, de mai à septembre 2004;

         1411, rue Dollard, à LaSalle, de décembre 2004 à juin 2006;

         6087, rue St-Jacques Ouest, à Montréal, d’avril à novembre 2005;

         6815, autoroute transcanadienne, unité G8, à Pointe-Claire, d’avril 2005 à juin 2006;

         1464, boul. Schevchenko, à LaSalle, d’avril 2005 à décembre 2006.

s)                   Les comptoirs Moneygram de Divine Link Ltd. ont été fermés en décembre 2006.

t)                   De février 2007 à juillet 2008, l’appelant a exploité un comptoir Moneygram dans les locaux de la société Salon Suprême d’électrolyse (« SSE »).

u)                  SSE était située au 1468, boul. Schevchenko, à LaSalle.

v)                  L’actionnaire apparente de SSE était Shanniel Powell, la belle-sœur de l’appelant.

w)                Shanniel Powell a été au service de l’appelant en rapport avec le comptoir Moneygram exploité dans les locaux de SSE.

x)                  Durant les années en cause, Moneygram a consigné les transactions suivantes en rapport avec les comptoirs exploités par l’appelant :

Société

Divine

Links

Divine Links

Divine

Links

SSE

SSE

Année :

2004

2005

2006

2007

2008

Argent reçu

 

 

 

 

 

Montants reçus

S/O

2 192 412 $

1 220 699 $

482 778 $

105 749 $

Nombre de transactions

S/O

1 201

512

214

47

Argent envoyé

 

 

 

 

 

Montants envoyés

S/O

0 $

179 388 $

65 640 $

3 063 $

Nombre de transactions

S/O

28

3

110

 

y)                  Lorsqu’un client utilisait les services de Moneygram, Moneygram transférait le montant à remettre au destinataire dans le compte bancaire de Divine Links Ltd. ou de SEE.

z)                  Les sociétés émettaient ensuite des chèques au nom de l’appelant (Divine Links Ltd.) ou de Shanniel Powell (SSE) aux mêmes montants que les transferts.

aa)               Durant les années 2003 à 2008, l’appelant a détenu six comptes bancaires personnels.

bb)              L’appelant a encaissé les chèques émis par les sociétés à lui-même (Divine Links Ltd.) ou à Shanniel Powell (SSE).

cc)               En mars 2008, Moneygram a informé la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») que des clients avaient déposé des plaintes au sujet de différents comptoirs Moneygram exploités dans la région de Montréal.

dd)             Moneygram a conclu qu’il y avait eu des transactions frauduleuses à des comptoirs Moneygram exploités par Divine Links Ltd. et SSE.

ee)               Les plaintes concernant Divine Links et SSE totalisaient, de 2004 à 2004, les montants respectifs suivants : 13 600 $, 405 310 $, 287 412 $, 68 200 $ et 1700 $.

ff)                De ces montants, l’appelant a conservé 296 898 $ en 2005 et 184 618 $ en 2006.

gg)              Le 9 juillet 2008, la GRC a perquisitionné les locaux situés au 1468, boul. Schevchenko, à LaSalle.

hh)              Sur les lieux, la GRC a trouvé 41 lettres adressées à des personnes aux États-Unis d’Amérique les informant qu’elles avaient gagné à une loterie et qu’elles devraient envoyer les fonds requis pour réclamer leurs prix.

ii)                  Pour les années 2004 à 2008, il y a des écarts entre les revenus déclarés de la famille de l’appelant et la valeur nette de la famille, de l’ordre de 185 107 $, 420 507 $, 509 884 $, 121 480 $ et 66 667 $ respectivement.

II – Les avantages conférés

jj)                  Entre 2005 et 2008, Belles Plumes a détenu deux comptes bancaires, l’un auprès de la Banque Royale du Canada et l’autre auprès de la Caisse Populaire Desjardins.

kk)              L’appelant a retiré des fonds en espèces ou par chèque des comptes bancaires des sociétés.

ll)                  L’appelant a retiré des comptes bancaires de Belle Plume des montants totalisant 11 866 $ en 2005, 13 836 $ en 2006 et 8680 $ en 2007.

mm)          Les fonds ainsi retirés n’ont pas été utilisés pour les activités commerciales de Belles Plumes.

9155

nn)              Entre 2005 et 2008, 9155 a détenu deux comptes bancaires auprès de la Banque Royale du Canada.

oo)              L’appelant a retiré des fonds en espèces ou par chèque des comptes bancaires de la société.

pp)              L’appelant a retiré des comptes bancaires de 9155 des montants totalisant 2100 $ en 2005, 127 238 $ en 2006 et 20 512 $ en 2007.

qq)              Les fonds ainsi retirés n’ont pas été utilisés pour les activités commerciales de 9155.

rr)                 9155 a payé les dépenses personnelles de l’appelant à hauteur de 6495 $ en 2007 et de 4473 $ en 2008.

Divine Links Ltd.

ss)                Durant les années en cause, Divine Links Ltd. a payé les frais de location, d’entretien et d’assurance de véhicules motorisés.

tt)                 Ces frais de location ont totalisé, de 2004 à 2008, 18 768 $, 27 949 $, 29 067 $, 16 189 $ et 9444 $ respectivement.

uu)              Durant cette période, l’appelant et son épouse ne possédaient pas de véhicule motorisé, et ils ont commencé à en louer un en juillet 2008.

vv)              Les véhicules motorisés loués par Divine Links Ltd. ont été utilisés par l’appelant et son épouse.

ww)          Les véhicules motorisés loués par Divine Links Ltd. n’ont pas été utilisés en vue de gagner un revenu.

xx)              Moneygram a transféré dans le compte bancaire de Divine Links Ltd. des montants totalisant 405 310 $ en 2005 et 287 412 $ en 2006, lesquels n’ont pas été remis aux destinataires à qui ils étaient censés être remis.

yy)              Divine Links Ltd. a émis des chèques au nom de l’appelant.

zz)               Le ministre a conclu que l’appelant avait fait des dépôts inexpliqués dans ses comptes bancaires totalisant 108 412 $ en 2005 et 102 794 $ en 2006.

aaa)           L’appelant a conservé les montants correspondant aux différences entre les montants non remis aux destinataires à qui ils étaient censés être remis et les dépôts inexpliqués dans les comptes bancaires de l’appelant (296 898 $ et 184 342 $).

III – Les rajustements de revenus locatifs

bbb)          Jusqu’en juillet 2004, l’appelant et son épouse possédaient un duplex à LaSalle dont ils occupaient un des appartements et louaient l’autre.

ccc)           En juillet 2004, ils ont acheté une maison à Dollard‑des‑Ormeaux et ont loué les deux appartements de leur duplex.

ddd)        L’appelant et son épouse ont hypothéqué à nouveau le duplex afin de payer un acompte en vue de l’achat de leur demeure personnelle.

eee)           L’appelant et son épouse ont réclamé à titre de dépense locative les intérêts payés sur le prêt garanti par l’hypothèque grevant le duplex, y compris les intérêts payés sur la partie du prêt utilisée pour acheter leur demeure personnelle.

fff)             Le ministre a retenu toutes les dépenses locatives réclamées de 2004 à 2008, à l’exception des intérêts payés et réclamés par l’appelant et son épouse qui se rapportent à la partie du prêt hypothécaire utilisée pour acheter leur demeure personnelle.

[4]             Pour calculer l’impôt dû par l’appelant pour l’année d’imposition 2009, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

a)                  Durant l’année 2009, l’appelant et son épouse ont possédé en copropriété un duplex à LaSalle et une maison à Dollard‑des‑Ormeaux.

b)                  Ces deux immeubles ont été vendus en 2009.

c)                  L’appelant a déclaré 100 p. 100 du gain en capital résultant de la vente du duplex à LaSalle (60 770 $) et 50 p. 100 du gain en capital résultant de la vente de la maison à Dollard‑des‑Ormeaux (4856 $), soit un gain en capital total de 65 626 $.

d)                 L’appelant a droit à 50 p. 100 du gain en capital résultant de la vente de chacun des immeubles.

e)                  Le gain en capital total de l’appelant résultant de la vente des deux immeubles en 2009 est de 32 813 $.

[5]             Pour conclure que l’appelant avait fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire en produisant ses déclarations de revenus pour les années 2004 à 2007, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

a)                  Les faits contenus au paragraphe 30 de la présente réponse à l’avis d’appel.

b)                  L’appelant savait ou aurait dû savoir que les dépenses personnelles de sa famille étaient incompatibles avec les revenus déclarés de la famille.

c)                  Les montants cotisés sont importants, eu égard aux revenus déclarés de l’appelant et de son épouse.

[6]             Pour conclure que l’appelant avait sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde fait un faux énoncé ou une omission dans ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2004 à 2008, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

a)                  Les faits contenus aux paragraphes 30 et 32 de la présente réponse à l’avis d’appel.

[7]             Je note que l’appelant n’a présenté aucun élément de preuve relativement aux faits suivants ni formulé aucune allégation, observation ou conclusion relativement à ces faits :

(i)                Les avis de nouvelle cotisation pour les années d’imposition 2004 à 2007 inclusivement ont été émis après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

(ii)             Le ministre a appliqué la pénalité pour faute lourde pour les années d’imposition 2004 à 2008 inclusivement.

(iii)           Le ministre a ajouté 6205 $ au revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2005 et 7790 $ à son revenu pour l’année d’imposition 2006 à titre de revenus locatifs.

(iv)           Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour son année d’imposition 2009, en diminuant les gains en capital déclarés par l’appelant.

[8]             L’appelant soutient essentiellement ce qui suit :

La conduite de Mme Robitaille

(i)      Mme Robitaille a mené son enquête avec l’intention de nuire. Par exemple, l’appelant soutient qu’elle a utilisé des documents contrefaits (soit les pièces A-2, A-3, A-4, A-5 et A-25) dans le cadre de son enquête et qu’elle savait qu’ils étaient contrefaits. L’appelant soutient également qu’il a été victime de provocation policière orchestrée par M. Capone. Par conséquent, l’appelant soutient que la cotisation fondée sur l’avoir net ne peut pas être maintenue vu ces actes répréhensibles.

Les avoirs étrangers

(ii)             Mme Robitaille n’a pas tenu compte du fait qu’au début de la période pertinente, l’appelant possédait des avoirs étrangers (« liquidités ») totalisant environ 100 000 $.

Les avantages conférés par SSE

(iii)    SSE n’a conféré aucun avantage à l’appelant de février 2007 à juillet 2008, puisqu’il n’était pas actionnaire de SSE durant cette période.

Les avantages conférés par Divine

(iv)    Pour les années 2005 et 2006, les montants totalisant respectivement 405 310 $ et 287 412 $ transférés par Moneygram à Divine ont été remis aux destinataires à qui ils étaient censés être remis, et, par conséquent, ces montants ne peuvent pas être assimilés à des avantages conférés à l’appelant par Divine.

Les dépenses personnelles payées par la société

(v)             L’appelant a remboursé les dépenses personnelles qui avaient été payées au moyen d’une carte de crédit de la société, et, par conséquent, les montants correspondants ne peuvent pas être considérés comme un avantage conféré à un actionnaire par une société.

Les dépenses relatives aux véhicules motorisés

(vi)           Les véhicules motorisés loués par Divine ont été utilisés en vue de gagner un revenu. L’appelant a ajouté que Mme Robitaille n’avait pas tenu compte du fait que Divine avait sous‑loué un des véhicules motorisés à un tiers.

Analyse

Le fardeau de la preuve

[9]             Tout d’abord, la Cour doit examiner la question du fardeau de la preuve, qui incombe à l’appelant dans le cadre de ses appels. Mon collègue le juge Tardif a eu l’occasion d’examiner la question du fardeau de preuve dans une affaire où il était question d’une évaluation de la valeur nette, comme c’est le cas en l’espèce.

[10]        Dans la décision Bastille v. The Queen, 96-4370(IT)G, 9 décembre 1998, 99 DTC 431, [1999] 4 C.T.C. 2155, le juge Tardif a écrit, aux paragraphes 5 et suivants :

[5] Il m'apparaît important de rappeler qu'en cette matière, le fardeau de la preuve incombe aux appelants, à l'exception toutefois de la question des pénalités où le fardeau de preuve est imputable à l'intimée.

[6] Une cotisation établie en vertu de la formule AVOIR NET ne peut jamais découler de la rigueur mathématique souhaitée et souhaitable en matière de cotisation. Il y a généralement une certaine partie d'arbitraire provenant de la détermination de la valeur des composantes. Le Tribunal doit décider de la raisonnabilité de cet arbitraire.

[7] Le recours à ce procédé n'est d'ailleurs pas la règle. Il constitue en quelque sorte une exception utilisée dans les situations où le contribuable n'a pas en sa possession toutes les informations, documents et pièces justificatives pour permettre une vérification plus conforme aux règles de l'art et surtout plus précise quant au résultat.

[8] Les assises ou fondements des calculs élaborés dans le cadre d'un avoir net sont tributaires en très grande partie des informations transmises par le contribuable faisant l'objet de la vérification.

[9] La qualité, la vraisemblance, la raisonnabilité des informations ont donc une importance absolument fondamentale.

[11]        Un autre de mes collègues, le juge Bowman (tel était alors son titre), faisait les observations suivantes à l’occasion de l'affaire Ramey c. La Reine, [1993] A.C.I. no 142 (QL), [1993] 2 C.T.C. 2119, 93 DTC 791 (à la page 793 du DTC) :

Je ne sous-estime pas les difficultés énormes, sinon pratiquement insurmontables, auxquelles l'appelant et son avocat se heurtent dans leur tentative de contester les cotisations d'actif net établies à l'égard d'un contribuable décédé. Estimer le revenu annuel d'un contribuable à partir de la valeur de son actif net est une méthode insatisfaisante et imprécise. C'est un instrument grossier que le ministre doit utiliser en dernier ressort. Une cotisation d'actif net repose sur une comparaison de l'actif net du contribuable, à savoir la valeur de l'actif moins le passif au début d'une année, avec son actif net à la fin de l'année. À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu'il a engagées pendant l'année. Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire. Ces cotisations peuvent être inexactes dans une mesure indéterminée, mais elles sont valables jusqu'à preuve de leur inexactitude. Il est quasi impossible de les contester à la pièce. La seule façon vraiment efficace de les contester est de procéder à une reconstitution complète du revenu du contribuable pour l'année. Un contribuable dont les registres comptables et le mode de déclaration de revenus sont dans un tel fouillis que la cotisation d'actif net s'impose est souvent l'artisan de son propre malheur. […]

[12]        Un autre de mes collègues, le juge Hershfield, a fait les observations suivantes à l’occasion de l’affaire Zheng c. The Queen, 2012 DTC 1133 :

[9] La jurisprudence dans ce domaine n’exige pas que le ministre établisse l’existence d’une entreprise alléguée ou d’une autre source de revenu non déclaré; cependant, il convient de souligner que l’appelante a nié fermement avoir été impliquée dans quelque entreprise ou activité de la nature de celle qui est décrite dans la réponse.

[10] J’accepte son témoignage à ce sujet. À mon avis, il est improbable que, dans les faits, l’appelante ait été impliquée personnellement dans l’activité alléguée. De plus, je constate que, d’après le témoin de l’intimée, le fondement de l’hypothèse d’une activité criminelle n’était rien de plus qu’un renseignement dont on semble avoir assuré le suivi seulement en faisant en sorte qu’il donne lieu à la cotisation portée en appel. Dans la présente affaire, je ne peux m’empêcher de douter de la fiabilité d’un tel renseignement. Il est troublant de constater que l’on a agi, dans la présente affaire, en se fondant sur ce qui pourrait être un renseignement non étayé pour imposer à un contribuable le fardeau exigeant et difficile de se défendre contre l’établissement d’une cotisation de l’avoir net. Il demeure qu’une fois que la cotisation est établie et que le fondement du calcul du revenu non déclaré est détaillé, le contribuable doit prouver les erreurs dans la méthode utilisée ou les erreurs relatives aux éléments inclus dans le détail du calcul de la croissance de l’actif et à certaines dépenses ou bien les erreurs dans l’hypothèse selon laquelle la croissance de l’actif et ces dépenses ont été financées au moyen d’un revenu non déclaré.

[11] Par conséquent, même si je conclus que la source de revenu d’entreprise qu’allègue l’intimée a été réfutée, l’appelante n’est pas pour autant dégagée de sa responsabilité de justifier les augmentations de son avoir net de manière à établir qu’elles ne proviennent pas, selon la prépondérance de la preuve, d’une source imposable. De fait, l’appelante ne nie pas qu’elle n’a pas déclaré certains revenus. Elle fait plutôt valoir que la méthode utilisée pour établir la cotisation est remplie d’hypothèses erronées relativement aux dépenses rattachées à son mode de vie et aux sources de ses revenus. Elle a témoigné avec émotion que, depuis son arrivée au pays, elle a travaillé très fort dans plusieurs emplois pour améliorer son sort. Sa mère et son frère sont décédés, ce qui fait qu’elle pouvait présenter très peu d’éléments de preuve de leur contribution à son bien-être financier apparent. Son témoignage, qui m’a généralement semblé digne de foi, donne l’impression que les augmentations de l’avoir net dans cette affaire pourraient bien être attribuables au revenu non déclaré provenant de très longues heures de travail additionnelles, au regroupement des ressources familiales qui ont pu inclure des revenus non déclarés d’autres membres de la famille et au mode de vie modeste et à la gestion judicieuse des affaires financières de sa famille. Néanmoins, ces impressions générales ne font pas disparaître ce fardeau qui repose sur les épaules de l’appelante. Il ne suffit pas que l’appelante ait convaincu la Cour que la cotisation est vraisemblablement erronée. Elle doit présenter des éléments de preuve qui réfutent des hypothèses et des calculs précis.

[13]        Dans les présents appels, seul l’appelant a témoigné à l’appui de sa thèse. Clodie Robitaille, la vérificatrice de l’Agence du revenu du Canada dans la présente affaire, et Roberto Capone, agent de la Sûreté du Québec, ont témoigné à l’appui de la thèse de l’intimée.

[14]        En ce qui concerne son appréciation de la preuve présentée par l’appelant, la Cour doit signaler que l’appelant a omis de faire comparaître certains témoins et n’a pas présenté d’éléments de preuve documentaire qui auraient pu confirmer ses déclarations. Dans la décision Huneault c. Canada, [1998] A.C.I. no 103 (QL), 98 DTC 1488, ma collègue la juge Lamarre (tel était alors son titre) a renvoyé, au paragraphe 25, aux observations de Sopinka et Lederman dans leur traité The Law of Evidence in Civil Cases, qui ont été citées par le juge Sarchuk de la Cour à l’occasion de l’affaire Enns c. M.N.R., 87 DTC 208, à la page 210 :

[traduction]

Dans leur traité intitulé The Law of Evidence in Civil Cases, Sopinka et Lederman font observerce qui suit au sujet des conséquences de l’omission de faire comparaître un témoin, je cite :

Dans l’affaire Blatch v. Archer, (1774), 1 Cowp. 63, p. 65, Lord Mansfield a déclaré :

« Il existe certainement un principe voulant que tous les faits soient appréciés à la lumière de la preuve que l’une des parties était en mesure de produire et que l’autre partie était en mesure de réfuter. »

L’application de ce principe a conduit à établir une règle bien connue selon laquelle l’omission d’une partie ou d’un témoin de produire une preuve que la partie ou le témoin était en mesure de produire et qui aurait peut-être permis d’élucider les faits, fonde la Cour à déduire que la preuve de la partie ou du témoin en question aurait été défavorable à la partie à laquelle l’omission a été attribuée.

Dans le cas d’un demandeur auquel il incombe d’établir un point, l’effet de cette déduction peut être que la preuve produite sera insuffisante pour s’acquitter du fardeau de la preuve. (Lévesque et al. c. Comeau et al., [1970] R.C.S. 1010, (1971), 16 D.L.R. (3e) 425.)

[15]        Dans la présente affaire, avant d’analyser les faits pertinents en détail, il est utile de formuler certaines observations générales sur la crédibilité de l’appelant, qui, je tiens à le souligner, a été la seule personne à témoigner à l’appui de ses appels. Je tiens également à signaler que l’appelant a produit à l’appui de sa thèse de nombreux documents que je qualifierais pour la plupart de non-pertinents. À mon avis, il serait hasardeux de prêter quelque foi au témoignage de l’appelant en l’absence de tout élément de preuve corroborant sous forme de documentation ou de dépositions rendues par des témoins crédibles.

[16]        Les réponses de l’appelant étaient généralement vagues, imprécises et ambiguës. Trop souvent, en contre-interrogatoire, il n’a pu donner aucune explication valable à ses activités, en particulier en ce qui concerne :

(i)                la période durant laquelle ses sociétés ont exploité les différents comptoirs Moneygram;

(ii)             les raisons pour lesquelles les comptoirs Moneygram ont été fermés en décembre 2006;

(iii)           les activités commerciales qui ont été menées dans les locaux situés au 1468, boul. Schevchenko.

[17]        Non seulement ses réponses étaient-elles généralement vagues et imprécises, mais elles étaient souvent contredites par des éléments de preuve documentaire ou par le témoignage de témoins crédibles. J’ai été particulièrement frappé par les exemples suivants de réponses contredites :

(i)                L’appelant a répété à satiété qu’il n’avait rien à voir avec SSE. En effet, il a témoigné que, de février 2007 à juillet 2008, il n’était ni actionnaire, ni dirigeant ni administrateur (ni administrateur de facto de SSE) et que Shanniel Powell ne travaillait pas pour lui au comptoir Moneygram exploité dans les locaux de SSE. Le témoignage de l’appelant à cet égard a clairement été contredit par le témoignage crédible du sergent-détective Capone, qui était chargé de la perquisition dans les locaux situés au 1468, boul. Schevchenko à LaSalle (voir les pages 21 à 23 de son témoignage). Il vaut la peine de signaler aussi qu’il ressort des éléments de preuve que l’appelant avait déclaré à Mme Robitaille, durant le processus de cotisation, qu’il ne savait pas grand-chose au sujet de la propriété et de l’exploitation de SSE si ce n’est qu’une personne dont il ne connaissait pas le nom venait travailler dans les locaux de SSE deux ou trois fois par semaine.

(ii)             L’appelant a expliqué de la manière suivante l’écart de 200 000 $ entre les revenus que lui et son épouse avaient gagnés durant la période pertinente et les montants déposés dans leurs comptes bancaires personnels au cours de la même période (pages 25 à 27 de son témoignage) :

[TRADUCTION]

LE JUGE BÉDARD : Si je vous ai bien compris, l’écart de plus de 200 000 $ vient d’un prêt d’argent ou d’argent que vous aviez gagné avant la période?

M. OKOROZE : J’avais des voitures et ---

LE JUGE BÉDARD : Ouais, ouais, mais quand avez-vous gagné cet argent en achetant et en vendant des voitures? Quand?

M. OKOROZE : D’avant la période. Des voitures qui étaient déjà au Nigéria à attendre et encore qui étaient déjà faites. Alors des gens me doivent de l’argent ---

LE JUGE BÉDARD : Où était cet argent?

M. OKOROZE : Des gens me doivent de l’argent ---

LE JUGE BÉDARD : Non, non, ouais, ouais, mais qu’est-ce que – alors l’argent a été gagné avant la période?

M. OKOROZE : Oui.

LE JUGE BÉDARD : Avant 2003?

M. OKOROZE : Avant 2003 et ---

LE JUGE BÉDARD : Et où était cet argent?

M. OKOROZE : L’argent était à l’extérieur du Nigeria.

LE JUGE BÉDARD : D’accord. Pouvez-vous me montrer un virement de cet argent?

M. OKOROZE : Il n’est pas – l’argent n’est pas venu en une seule fois. J’ai ---

LE JUGE BÉDARD : Avez-vous une preuve écrite – de combien d’argent vous avez gagné avant la période?

M. OKOROZE : Je n’ai pas ---

LE JUGE BÉDARD : L’argent que vous ---

M. OKOROZE : J’ai dit que la valeur de la voiture là est environ 130 000. Alors les voitures qui étaient au Nigéria cette période, avant cela, vous savez, c’était aux environs de ---

LE JUGE BÉDARD : Avez-vous déclaré à un moment ou un autre à la vérificatrice que vous disposiez de liquidités, de l’argent gagné avant la période?

M. OKOROZE : Oui, elle savait.

LE JUGE BÉDARD : Elle savait, d’accord.

M. OKOROZE : Je lui ai dit parce que le seul – c’est comme ça que j’ai acheté ma ‑‑ ‑

LE JUGE BÉDARD : Alors vous lui avez dit, d’accord. Alors essentiellement cet argent, l’écart de plus de 200 000 $ vient d’argent gagné avant la période?

M. OKOROZE : Pas tout parce que, comme je l’ai dit, j’avais une marge de crédit ---

LE JUGE BÉDARD : Ah, ça vient d’un prêt?

M. OKOROZE : J’avais – ouais. J’ai une marge de crédit.

LE JUGE BÉDARD : D’accord. D’accord.

M. OKOROZE : Je prenais aussi ---

LE JUGE BÉDARD : D’accord.

M. OKOROZE : --- et je déposais de la banque.

LE JUGE BÉDARD : Au fait, ce – ces prêts d’argent étaient -- la vérificatrice sait tout au sujet de votre emprunt d’argent et elle prend des notes de cela.

M. OKOROZE : D’accord, alors ---

LE JUGE BÉDARD : Au fait. D’accord.

M. OKOROZE : --- cette société est ---

LE JUGE BÉDARD : Combien d’argent avez-vous gagné et qui était encore disponible avant la période?

M. OKOROZE : Dans les voitures et les vêtements usagés, je ne peux pas vous donner le montant exact, je ne sais pas.

LE JUGE BÉDARD : Ouais, eh bien ça pourrait être un million.

M. OKOROZE : Non.

LE JUGE BÉDARD : Deux cent mille (200 000)?

M. OKOROZE : Avant cette – avant cette période ---

LE JUGE BÉDARD : Souvenez-vous qu’une partie vient d’un emprunt. Alors combien d’argent?

M. OKOROZE : Si je regarde les choses, selon les preuves là, pour ce qui est des voitures que j’ai là, ce que je vois dans mon inventaire qui a été reporté, c’était cent quelque mille, seulement les voitures.

LE JUGE BÉDARD : Cent mille dollars (100 000 $)?

M. OKOROZE : Je pense environ 139 000, quelque chose, dans les voitures, l’inventaire que j’ai là qui étaient tous les deux avant que j’aie ---

LE JUGE BÉDARD : D’accord. C’est assez pour moi. Merci, monsieur.

Encore une fois, le témoignage de l’appelant au sujet des montants déposés dans les comptes bancaires personnels qui provenaient de la vente de voitures au Nigeria (c’est-à-dire, des montants payés par les acheteurs nigérians allégués de ces voitures avant 2003) a été contredit par des éléments de preuve documentaire (voir la pièce A-1) dont il ressort que l’appelant n’a jamais déclaré qu’il avait des avoirs étrangers au début de la période pertinente. Il est utile de signaler que le témoignage crédible de Mme Robitaille a révélé que l’appelant ne lui avait jamais donné ce genre d’explication durant le processus de cotisation.

(iii)           L’appelant a affirmé au début de son témoignage qu’il n’avait pas d’éléments de preuve documentaire relatifs aux comptoirs Moneygram exploités par ses sociétés durant la période pertinente parce que leurs locaux avaient été inondés en 2008. Plus tard, l’appelant a affirmé dans son témoignage qu’à la fin de 2006 (lorsqu’il avait cessé de faire affaire avec Moneygram), Moneygram avait exigé qu’il envoie toute la documentation et qu’il s’était conformé à cette exigence. Laquelle de ses deux versions dois-je choisir?

(iv)           Le fait que ni 9155 ni Belles Plumes n’aient jamais produit de déclarations de revenus et le fait que Divine ait produit tardivement ses déclarations de revenus pour les années 2007 et 2008 ajoutent à mes doutes quant à la crédibilité de l’appelant.

[18]        Par ces motifs, j’attribue peu de valeur probante à tous les éléments de preuve présentés dans le témoignage de l’appelant qui ne sont pas corroborés par des éléments de preuve documentaire solides ou par les dépositions de témoins crédibles.

Les avantages conférés par Divine

[19]        Je note que le ministre a allégué (voir les alinéas 30(q) à 30(hh) de la réponse à l’avis d’appel) que l’appelant avait reçu les montants totalisant respectivement 405 310 $ et 287 412 $ et ne les a pas remis aux destinataires à qui ils étaient censés être remis. Autrement dit, le ministre a allégué que ces montants n’avaient pas été remis aux clients de Moneygram et avaient plutôt été conservés par l’appelant et que, par conséquent, ces montants sont des avantages conférés à un actionnaire que Divine a conférés à l’appelant. En revanche, l’appelant soutient essentiellement qu’il n’a pas conservé ces montants, mais les a plutôt remis aux clients de Moneygram. Il soutient également que ses sociétés et SSE n’ont même pas été accusées de fraude. La preuve relative à cette importante question controversée consistait essentiellement dans son propre témoignage. Il ressortait également de la preuve qu’il n’y avait aucun document susceptible de prouver que les montants en question avaient été donnés aux clients de Moneygram. Il est également ressorti de la preuve qu’il n’y avait pas de reçus signés par des clients de Moneygram accusant réception d’argent à titre de clients de Moneygram. L’appelant a soutenu que les éléments de preuve documentaire qui auraient prouvé que les clients de Moneygram avaient reçu de l’argent avaient été renvoyés à Moneygram (à la demande de celle-ci) lorsque les sociétés de l’appelant avaient cessé de faire affaire avec Moneygram.

[20]        Étant donné la faible valeur probante que j’attribue au témoignage de l’appelant lorsqu’il n’est pas appuyé par une preuve documentaire solide ou par les dépositions de témoins indépendants et crédibles, je suis d’avis que les montants en question sont des avantages conférés à un actionnaire que Divine a conférés à l’appelant. Il aurait été intéressant d’entendre le témoignage d’un dirigeant de Moneygram au sujet des plaintes déposées par les clients de Moneygram, du fait que Divine a renvoyé à Moneygram (à la demande de celle-ci) tous les éléments de preuve documentaire relatifs à leurs relations d’affaires, et enfin au sujet du fait que c’était Divine, et non Moneygram, qui avait mis fin à leurs relations d’affaires. L’appelant aurait également pu présenter les éléments de preuve documentaire supposément entre les mains de Moneygram. Cela non plus, l’appelant ne l’a pas fait. J’infère de cela que les éléments de preuve (le témoignage d’un dirigeant de Moneygram et les éléments de preuve documentaire entre les mains de Moneygram) n’auraient pas joué en faveur de l’appelant. Je suis également d’avis que, lorsqu’une entreprise (comme Divine) fait des transactions au comptant, le fardeau de tenir des livres comptables adéquats qui sont relativement transparents et compréhensibles pour le tiers qui examine ces livres en est d’autant plus exigeant. Sous un régime d’autocotisation, les contribuables ont la responsabilité de suivre leurs activités commerciales et de faire rapport à leur sujet, en particulier lorsque ces activités comportent des transactions au comptant. Les éléments de preuve présentés ne comportent rien qui indiquerait qu’il serait particulièrement difficile de suivre les activités de l’entreprise dont il est ici question.

La propriété de SSE

[21]        Je relève que l’appelant a expliqué qu’il n’avait été ni actionnaire ni dirigeant ni administrateur ni employé de SSE de février 2007 à juillet 2008 et qu’il a soutenu que, par conséquent, SSE n’avait pu lui conférer aucun avantage à titre d’actionnaire durant cette période. Les éléments de preuve présentés par l’appelant relativement à cette question litigieuse se limitaient à son propre témoignage. Or, le témoignage de l’appelant sur ce point (voir l’alinéa 17(i) des présents motifs) a été contredit par les témoignages crédibles de M. Capone et de Mme Robitaille. Étant donné la faible valeur probante que j’attribue au témoignage de l’appelant lorsqu’il n’est pas appuyé par une preuve documentaire solide ou par les dépositions de témoins indépendants et crédibles, je suis d’avis que Mme Shanniel Powell était l’actionnaire apparente de SSE et que le véritable actionnaire de SSE durant cette période était l’appelant. Il aurait été intéressant d’entendre le témoignage de Mme Powell sur ce point. L’appelant aurait pu appeler sa belle-sœur comme témoin. Il ne l’a pas fait. J’en infère que son témoignage n’aurait pas joué en faveur de l’appelant. Par conséquent, je suis d’avis que c’est à bon droit que le ministre a ajouté des montants au revenu de l’appelant à titre d’avantages conférés à un actionnaire que SSE avait conférés à l’appelant.

Les avoirs étrangers

[22]        Je relève que l’appelant a soutenu que Mme Robitaille n’avait pas tenu compte du fait qu’au début de la période pertinente, l’appelant possédait des avoirs étrangers (« liquidités ») totalisant environ 100 000 $. Je relève également que les éléments de preuve présentés par l’appelant relativement à cette question controversée consistaient essentiellement dans son propre témoignage (voir l’alinéa 17(ii) des présents motifs). L’appelant a affirmé que ces avoirs avaient été générés par la vente de voitures usagées dans des pays étrangers. Son témoignage était toutefois muet quant au coût de ces voitures, à leur prix de vente, à l’identité des acheteurs et à la date à laquelle elles avaient été vendues. Je relève que l’appelant n’a produit aucun élément de preuve documentaire solide concernant ses activités commerciales relatives aux voitures. Je relève également que le témoignage de l’appelant sur ce point a été contredit par des éléments de preuve documentaire (voir l’alinéa 17(ii) des présents motifs). Je signalerais aussi que l’appelant n’a jamais parlé de cela à Mme Robitaille durant le processus de cotisation. Étant donné la faible valeur probante que j’attribue au témoignage de l’appelant lorsqu’il n’est pas appuyé par une preuve documentaire solide ou par les dépositions de témoins indépendants et crédibles, je suis d’avis que l’appelant ne possédait pas 100 000 $ de liquidités au début de la période pertinente, contrairement à ce qu’il a allégué.

Les dépenses relatives aux voitures

[23]        L’appelant soutient que les véhicules motorisés loués par Divine durant la période pertinente n’ont pas été utilisés en vue de gagner un revenu. Sur ce point, il ressort des éléments de preuve ce qui suit :

(i)                Durant la période pertinente, Divine a payé toutes les dépenses de location, d’entretien et d’assurance pour les véhicules motorisés (un Toyota 4Runner et un Infiniti Q56).

(ii)             Durant la période pertinente, l’appelant et son épouse n’ont pas possédé de véhicule motorisé, et ils ont seulement commencé à en louer un en juillet 2008.

[24]        L’appelant soutient également qu’un des véhicules motorisés (le Toyota 4Runner) a été sous-loué à un tiers. Pour corroborer son témoignage sur ce point, l’appelant a produit les pièces A-12, A-13, A-14 et A-15, qui sont des bordereaux de dépôt et des relevés bancaires dont il ressort que des montants égaux aux paiements des frais de location faits par Divine ont été déposés dans le compte bancaire de Divine. Je relève que le témoignage de l’appelant sur ce point était silencieux quant à la durée de la sous-location alléguée et quant à l’identité du sous-locataire.

[25]        Les véhicules motorisés loués par Divine durant la période pertinente ont-ils été utilisés en vue de gagner un revenu? Les éléments de preuve présentés par l’appelant sur ce point consistaient essentiellement dans son propre témoignage, puisque j’estime que la pièce A-24 produite par l’appelant au soutien de son témoignage n’est pas un élément de preuve documentaire solide. Cette documentation prouve seulement qu’à certaines occasions, des biens ont été expédiés par Divine ou à Divine. Cela ne démontre même pas que des voitures louées ont été utilisées pour ces expéditions. Je relève également qu’il ressort des preuves que Divine ne tenait pas de dossier relatif à l’utilisation des voitures louées.

[26]        Encore une fois, étant donné la faible valeur probante que j’attribue au témoignage de l’appelant lorsqu’il n’est pas appuyé par une preuve documentaire solide ou par les dépositions de témoins indépendants et crédibles, et compte tenu de la nature de l’entreprise de Divine, et compte tenu enfin que, durant la période pertinente, l’appelant et son épouse n’ont pas possédé de véhicule motorisé et ont seulement commencé à en louer un en juillet 2008, je suis d’avis que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de prouver que les voitures louées ont été utilisées par Divine au cours de la période pertinente en vue de gagner un revenu.

[27]        Le Toyota 4Runner a-t-il été loué à un tiers? Encore une fois, étant donné la faible valeur probante que j’attribue au témoignage de l’appelant lorsqu’il n’est pas étayé par une preuve documentaire solide ou par les dépositions de témoins indépendants et crédibles, je suis d’avis que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de prouver que Divine a sous-loué le Toyota 4Runner à un tiers. Je relève que les éléments de preuve présentés par l’appelant sur ce point consistaient essentiellement en son propre témoignage, évasif et imprécis, et en des éléments de preuve documentaire qui ne sont pas fiables. J’ajouterais également que l’appelant aurait pu appeler le sous-locataire allégué comme témoin. Il ne l’a pas fait. Je conclus donc que le témoignage de ce tiers n’aurait pas joué ne faveur de l’appelant.

La conduite de Mme Robitaille

[28]        Durant l’audience, l’appelant s’est plaint à satiété de ce que Mme Robitaille avait mené son enquête avec l’intention de nuire. Par exemple, il a affirmé dans son témoignage que Mme Robitaille avait utilisé des documents contrefaits (soit les pièces A-2, A-3, A-4 et A-5) et qu’elle savait qu’ils étaient contrefaits. Il a également affirmé qu’il avait été piégé par la Sûreté du Québec. Par conséquent, il soutient que la cotisation fondée sur la valeur nette ne peut pas être maintenue à cause de ces actes répréhensibles.

[29]        Premièrement, je suis d’avis que la Cour n’est pas la tribune appropriée où faire statuer sur une telle question. J’ajouterais que la Cour a compétence pour rendre une décision quant à savoir si des cotisations émises sont correctes en totalité ou en partie.

[30]        Deuxièmement, les allégations de contrefaçon, de fraude, de provocation policière et d’actes répréhensibles de l’appelant sont gratuites et frivoles et ne reposent pas sur les éléments de preuve solides. Ces allégations me semblent découler d’une conception erronée de la définition de fraude, de contrefaçon et de provocation policière. Enfin, j’ajouterais que le témoignage de Mme Robitaille démontre tout le contraire d’une intention de nuire ou de quelque acte répréhensible que ce soit.

Les pénalités

[31]        Je conclus que l’appelant avait délibérément omis de déclarer 1 305 349 $ de revenus. À mon avis, le ministre s’est acquitté de son fardeau de preuve, et il lui était donc loisible d’imposer des pénalités au titre du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Je suis également d’avis qu’en vertu du paragraphe 152(4), il était loisible au ministre d’établir les nouvelles cotisations pour les années 2004 à 2007 inclusivement, lesquelles ont été établies, je le souligne, après les périodes normales de nouvelle cotisation.

[32]        Par les motifs qui précèdent, les appels des nouvelles cotisations sont rejetés avec dépens.

Signé à Montréal (Québec), le 30 mars 2015.

« Paul Bédard »

Juge suppléant Bédard

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juillet 2015.

François Brunet, réviseur.


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 64

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2012-2889(IT)G

INTITULÉ :

OBARO OKOROZE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 12, 13 et 14 janvier 2015

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Paul Bédard, juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :

Le 30 mars 2015

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Alain Gareau

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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