[TRADUCTION]
Citation : LB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 573
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | L. B. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (702542) datée du 15 janvier 2025 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Anita Nathan |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 26 février 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 17 mars 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-479 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli. La division générale est d’accord avec l’appelante.
[2] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il est donc possible qu’elle ait droit à des prestations.
Aperçu
[3] L’appelante a travaillé pour son employeur pendant huit ans. Elle a demandé des prestations de maladie après avoir subi une opération à la hanche. Elle a reçu 26 semaines de prestations de maladie du 17 mars au 21 septembre 2024. L’appelante a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. Elle a fourni des documents de son médecin qui indiquaient qu’elle pouvait seulement travailler à temps partiel, car son rétablissement n’était pas achevé.
[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations régulières du 23 septembre 2024 au 10 janvier 2025Note de bas de page 1 parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler à temps plein. Par la suite, la Commission a accepté que l’appelante reçoive des prestations à compter du 12 janvier 2025Note de bas de page 2 : en effet, son médecin lui avait donné la permission de travailler à temps plein, mais son employeur ne lui donnait pas assez d’heures.
[5] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, la partie appelante doit démontrer qu’elle était disponible pour occuper un emploi convenable. Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle l’a fait selon la prépondérance des probabilités. Elle doit donc démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.
[6] La Commission affirme que l’appelante n’était pas disponible pour travailler à temps plein étant donné que son médecin avait déclaré qu’il était préférable qu’elle fasse un retour progressif au travail après son opération à la hanche. Son médecin a recommandé de faire des heures à temps partiel avant de passer graduellement au temps plein. La Commission affirme que l’appelante était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler à temps plein.
[7] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle suivait simplement les conseils de son médecin. De plus, une personne de Service Canada lui a dit qu’elle pourrait recevoir des prestations régulières après avoir épuisé ses prestations de maladie.
Question en litige
[8] L’appelante était-elle disponible pour travailler?
Analyse
La loi
[9] Deux articles de loi exigent que la partie appelante démontre qu’elle était disponible pour travailler. Je vais examiner un de ces articles et expliquer pourquoi je ne tiens pas compte de l’autre.
[10] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi indique qu’une partie appelante doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie appelante doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments ci-dessous.
[11] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 5. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 6 ».
[12] Je n’examinerai pas si l’appelante a fait des démarches habituelles et raisonnables pour les raisons suivantes :
- Rien dans le dossier ne montre que la Commission aurait demandé à l’appelante de prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.
- La Commission n’a présenté aucune observation sur la façon dont l’appelante a omis de prouver qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables. Elle a seulement résumé ce que la loi prévoit à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi et à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.
[13] Étant donné que le dossier ne comporte aucune observation de la Commission sur la question en litige et qu’il ne montre pas non plus que la Commission a demandé à l’appelante de prouver qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables, je peux omettre de mon analyse cette partie de la loi.
[14] Je vais seulement examiner si l’appelante était capable de travailler et disponible pour le faire au sens de l’article 18 de la Loi sur l’assurance-emploi.
Emploi convenable
[15] Une partie appelante doit seulement prouver sa disponibilité pour un emploi convenable, elle n’a pas à le faire pour tout emploiNote de bas de page 8.
[16] Le Règlement sur l’assurance-emploi fournit des indications sur ce qu’est un emploi convenable. Voici les critères qui servent à définir ce qu’est un emploi convenable pour une partie appelante :
- la santé et les capacités physiques de la personne lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail;
- l’horaire de travail n’est pas incompatible avec ses obligations familiales ou ses croyances religieuses;
- la nature du travail n’est pas contraire à ses convictions morales ou à ses croyances religieusesNote de bas de page 9.
[17] Je suis d’accord avec la division d’appel pour dire que le Tribunal doit d’abord examiner si la restriction des heures de travail était attribuable à la santé et aux capacités physiques de la personne au sens de l’article 9.002(1)(a) du Règlement sur l’assurance-emploi. Par la suite, il faut décider ce qui constitue un emploi convenable pour la partie appelante en l’espèce. Ensuite, je dois décider si l’appelante était disponible pour un emploi convenableNote de bas de page 10.
[18] Le médecin de l’appelante lui a recommandé de travailler moins d’heures en raison de son opération et du rétablissement subséquent. Par conséquent, ces restrictions quant à son horaire de travail correspondent aux critères de santé et de capacités physiques énoncés ci-dessus.
[19] L’appelante a fourni les lettres suivantes de son médecin :
- Une lettre du 2 avril 2024 indique que l’appelante ne peut pas travailler du 14 mars au 30 juin 2024Note de bas de page 11.
- Une lettre du 25 juin 2024 indique que l’appelante devrait s’absenter du travail jusqu’au 1er août 2024Note de bas de page 12.
- Une lettre du 30 juillet 2024 prolonge le congé de l’appelante jusqu’au 19 août 2024Note de bas de page 13.
- Une lettre du 15 août 2024 indique que l’appelante peut amorcer son retour progressif au travail la semaine du 19 août 2024, à raison de trois heures par jour, deux jours par semaine (au cours des deux premières semaines). Son médecin a ajouté qu’après deux semaines, elle pouvait se mettre à travailler trois heures par jour, trois jours par semaine. Il a précisé qu’elle devrait espacer ses jours de travailNote de bas de page 14.
- Une lettre du 18 septembre 2024 indique que l’appelante peut travailler de cinq à six heures par jour, trois jours par semaine. Son médecin a répété qu’elle devrait espacer ses jours de travailNote de bas de page 15.
- Une lettre du 2 octobre 2024 indique que l’appelante peut continuer à travailler selon le même horaireNote de bas de page 16.
- Une dernière lettre du 15 janvier 2025 indique que l’appelante peut reprendre un travail à temps plein, c’est-à-dire, travailler jusqu’à 8,5 heures par jourNote de bas de page 17.
[20] J’estime que, dans le cas de l’appelante, un emploi convenable s’agirait d’un emploi que sa santé et ses capacités physiques lui permettraient d’exercer, selon le plan de retour progressif au travail établi par son médecin.
[21] Ayant cerné ce qui constitue un emploi convenable pour l’appelante, je peux maintenant évaluer si elle était capable de travailler et disponible pour le faire.
Capable de travailler et disponible pour le faire
[22] La jurisprudence établit trois éléments à examiner pour décider si l’appelante était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. L’appelante doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 18 :
- a) elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert;
- b) elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
- c) elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.
[23] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 19.
Vouloir retourner travailler
[24] L’appelante a démontré qu’elle voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui serait offert.
[25] Elle a déclaré qu’elle a recommencé à travailler dès qu’elle en a reçu la permission de son médecin. L’appelante a dit qu’elle était prête à travailler selon les conseils de son médecin, mais que son employeur avait embauché du nouveau personnel pendant son congé de maladie, de sorte qu’elle n’obtenait même pas les heures réduites recommandées par son médecin.
Faire des démarches pour trouver un emploi convenable
[26] La présente affaire est différente, car l’appelante devait reprendre son emploi après son congé de maladie, donc elle n’avait pas besoin de faire une recherche d’emploi.
[27] Je conclus que l’appelante a communiqué avec son employeur au sujet de sa capacité à retourner au travail et des conseils de son médecin. C’est suffisant pour satisfaire à ce critère.
[28] La Commission n’a pas laissé entendre que l’appelante aurait dû chercher un autre emploi. D’ailleurs, je ne pense pas que ce soit raisonnable non plus. La Commission n’a pas soutenu que l’appelante n’avait pas fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail.
[29] L’appelante avait un emploi à long terme (elle l’exerçait depuis huit ansNote de bas de page 20) qu’elle pouvait reprendre. Lorsque son médecin a jugé qu’elle était prête à travailler, son employeur lui a offert des heures de travail. Toutefois, ce nombre d’heures était inférieur au nombre d’heures maximal proposé par son médecin. L’appelante a déclaré qu’au fil des semaines et des mois, on lui a donné de plus en plus d’heures et qu’elle travaillait presque à temps plein.
Limiter indûment ses chances de retourner travailler
[30] L’appelante n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner travailler.
[31] L’appelante devait travailler des heures réduites afin de respecter les conseils de son médecin. Je juge qu’il ne s’agissait pas d’une condition personnelle qu’elle avait établie. Les conseils d’un médecin ont une incidence sur ce qui constitue un « emploi convenable ».
[32] Je suis d’accord avec la division d’appel pour dire que les mots « établi » et « personnel » indiquent clairement que ce troisième élément porte sur une condition qui est sous le contrôle d’une partie appelante, et non sur une condition qui échappe à son contrôle et rend inconvenables certains emploisNote de bas de page 21.
[33] Je retiens que la Commission n’a pas soutenu que l’appelante a limité indûment ses chances de réintégrer le marché du travail.
Alors, l’appelante était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?
[34] Étant donné les conclusions que j’ai tirées sur les trois éléments, je conclus que l’appelante a démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable du 23 septembre 2024 au 10 janvier 2025.
[35] Je ne suis pas d’accord avec la Commission pour dire que l’appelante n’était pas disponible pour travailler parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler à temps plein. La loi prévoit que l’appelante doit être capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. Dans la présente affaire, j’ai conclu qu’un emploi convenable était un emploi qui respectait les heures de travail réduites recommandées par son médecin.
[36] L’appelante a déclaré qu’elle était prête et disposée à travailler selon les heures recommandées par son médecin, mais que son employeur avait prévu qu’elle aurait moins d’heures parce qu’il avait embauché du personnel pendant son congé de maladie. Par conséquent, la preuve montre que l’appelante était capable de travailler et disponible pour le faire selon les heures réduites proposées par son médecin (c’est-à-dire qu’elle exerçait un emploi convenable), mais que son employeur ne lui offrait pas assez d’heures.
Conclusion
[37] L’appelante a démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi. Je conclus donc que l’appelante n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Il est donc possible qu’elle ait droit à des prestations.
[38] Par conséquent, l’appel est accueilli.