Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 533

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (728987) datée du 8 avril 2025 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Connie Dyck
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 mai 2025
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 9 mai 2025
Numéro de dossier : GE-25-1292

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il disposait d’autres solutions raisonnables. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a quitté son emploi le 24 juillet 2024 et a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi. Il a déclaré qu’il avait dû quitter son emploi parce que celui-ci nuisait à sa santé mentale. L’appelant n’avait pas de billet médical, alors il a décidé de plutôt demander des prestations régulières.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations régulières.

[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] L’appelant affirme qu’il travaillait dans des conditions dangereuses et qu’il craignait pour sa sécurité. Il travaillait avec des personnes sans-abri et pensait que cela affectait sa santé mentale en raison de ses expériences de vie passées.

[7] La Commission affirme que l’appelant aurait pu parler de la situation à son employeuse et demander une mutation ou un congé. Il aurait aussi pu déposer une plainte en matière de santé et de sécurité au travail.

Question que je dois examiner en premier

L’employeuse n’est pas mise en cause

[8] Parfois, le Tribunal envoie une lettre à l’ancien employeur de la partie appelante pour lui demander s’il veut être mis en cause dans l’appel. C’est ce que le Tribunal a fait dans cette affaire, mais l’employeuse n’a pas répondu à la lettre.

[9] Pour être mise en cause, l’employeuse doit avoir un intérêt direct dans la décision. J’ai décidé de ne pas la mettre en cause parce que rien dans le dossier n’indique que ma décision pourrait lui imposer des obligations en droit ou lui causer d’une certaine manière un préjudice directNote de bas de page 1.

Question en litige

[10] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[11] Pour répondre à cette question, je dois d’abord vérifier si l’appelant a quitté volontairement son emploi. Dans l’affirmative, je dois ensuite évaluer s’il était fondé à le faire.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[12] J’admets que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Les parties sont d’accord pour dire qu’il a démissionné le 24 juillet 2024Note de bas de page 2. Je ne vois aucun élément de preuve qui contredise cela.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[13] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi.

[14] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire.

[15] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[16] L’appelant est responsable de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 4.

[17] Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départNote de bas de page 5. La loi énonce certaines des circonstances que je dois prendre en compteNote de bas de page 6.

[18] Une fois que j’aurai établi les circonstances qui s’appliquent à l’appelant, celui-ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi quand il l’a faitNote de bas de page 7.

Les circonstances entourant le départ de l’appelant

[19] L’appelant affirme que l’une des circonstances prévues par la loi s’applique à son cas. Plus précisément, il soutient qu’il existait des conditions de travail dangereuses pour sa santé et sa sécuritéNote de bas de page 8.

[20] L’appelant a d’abord été embauché comme travailleur de relève à temps partiel du 4 mars 2024 au 6 avril 2024Note de bas de page 9. Il interagissait avec des personnes du grand public vivant dans la rue à la recherche de ressources pour se nourrir, se vêtir et se loger. L’appelant a déclaré qu’il ne se sentait pas menacé ou en danger dans ce poste. Cependant, il ne l’a occupé que pendant que l’employeuse attendait que le financement soit approuvé pour qu’il puisse travailler en tant qu’accompagnateur.

[21] Le 6 avril 2024, l’appelant a été nommé au poste d’accompagnateur adjoint. Ses fonctions consistaient notamment à interagir avec les personnes libérées du centre de détention de Toronto Est. Ces personnes devaient bénéficier d’un soutien pour avoir accès à un logement, à des vêtements et à de la nourriture. L’employeuse a déclaré que dans les deux postes, l’appelant interagissait avec des personnes sans-abri.

[22] L’appelant a déclaré que le centre où il travaillait se trouvait dans un quartier dangereux de la ville. Il a affirmé qu’il y avait des membres de gangs et des personnes sans-abri devant le bâtiment lorsqu’il se rendait au travail. Des membres de gangs l’avaient menacé verbalement. Il a dit que c’était la principale raison pour laquelle il avait quitté son emploi. Cependant, il n’en a pas parlé à son employeuse et n’a pas déposé de plainte auprès de la Gendarmerie royale du Canada.

[23] L’appelant a soutenu qu’il avait déjà eu des altercations avec des collègues et des clients à l’intérieur du centre. Il a raconté qu’à une occasion, un client l’avait menacé de mort. Il a dit qu’il avait signalé cela à son gestionnaire, qui lui avait répondu que le client était un [traduction] « bon gars » et que n’avait rien fait. L’appelant n’a signalé l’incident à aucune autre autorité que son gestionnaire.

[24] L’appelant a également déclaré avoir eu des altercations avec des collègues de travailNote de bas de page 10. Il a raconté qu’à une occasion, il était en retard après avoir livré de la nourriture et qu’un collègue s’était mis à lui crier aprèsNote de bas de page 11. L’appelant m’a dit qu’il avait signalé cet incident et que l’employeuse avait déplacé le collègue dans un autre secteur loin de lui.

[25] L’appelant a expliqué qu’en plus de craindre pour sa sécurité, les interactions avec la clientèle nuisaient à sa santé mentale. Il a déclaré qu’il avait déjà été sans-abri et sans ressources. Il avait de la compassion pour la clientèle et voulait l’aider du mieux qu’il pouvait, mais c’était stressant pour luiNote de bas de page 12.

[26] L’appelant a soutenu qu’il n’avait pas parlé à son employeuse du stress mental et de l’anxiété qu’il ressentait au travail parce qu’il ne voulait pas qu’il connaisse ses problèmes personnels ou ses traumatismes passésNote de bas de page 13. Il a affirmé qu’il n’avait pas parlé à son médecin de ce qu’il ressentait et qu’il n’avait pas cherché à obtenir de l’aide pour soigner sa santé mentaleNote de bas de page 14.

[27] L’appelant a déclaré que l’incident qui l’a poussé à présenter sa démission concerne un client qui ne parlait pas anglais, n’avait pas de famille et souffrait d’une maladie des yeuxNote de bas de page 15.

[28] L’appelant a expliqué que le client n’avait aucun document lui permettant de demander une carte d’assurance maladie ou des prestations et qu’il souffrait d’une maladie des yeux. Il l’emmenait à l’hôpital presque tous les jours et lui achetait souvent des repas. L’appelant a déclaré avoir souvent attendu à l’hôpital avec le client pendant de nombreuses heures. Il se sentait désolé pour lui, alors il signalait son départ quand son quart de travail était terminé, mais restait avec lui en dehors de ses heures de travail. L’employeuse a confirmé que l’appelant outrepassait son rôle et qu’il ne respectait pas les procédures de gestion des cas en communiquant avec la clientèle et des familles la fin de semaine et en dehors des heures de travailNote de bas de page 16. L’appelant a déclaré que pour que le client puisse voir un certain médecin, il devait payer 100 $, mais qu’il n’avait pas de revenu. Il avait donc assumé certaines dépenses pour son rétablissement. L’appelant a déclaré que cela ne le dérangeait pas et qu’il ne s’attendait pas à être remboursé.

[29] Cependant, lorsque l’appelant est retourné au travail et qu’il a raconté à son employeuse son expérience avec le client, son gestionnaire lui a dit qu’il disposait d’une petite caisse pour le rembourser.

[30] L’appelant a expliqué qu’à la suite de ces interactions avec le client, le 24 juillet 2024, son gestionnaire lui a demandé de se rendre au bureau pour une réunion. L’appelant a déclaré qu’à cette réunion se trouvaient lui-même, le directeur général, son gestionnaire et son superviseur. L’appelant a expliqué ce qui s’est passé au cours de la réunion. Il a dit qu’on a commencé à parler du client atteint d’une maladie des yeux. Le gestionnaire a affirmé qu’il dépassait les bornes avec ce clientNote de bas de page 17. L’appelant a déclaré que ses démarches auprès de ce client ont mené à cette réunion conflictuelle et que c’est ce qui l’a poussé à démissionnerNote de bas de page 18.

[31] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il n’aimait pas la façon dont la direction traitait le client. Cela a également influencé sa décision de démissionnerNote de bas de page 19.

[32] Ils ont également discuté d’un incident antérieur au cours duquel l’appelant avait communiqué avec une agence pour aveugles pour aider la mère d’un de ses clients.

[33] L’appelant m’a dit que toutes les notes concernant la clientèle et les interactions sont enregistrées grâce à un logiciel. Il croyait que ses supérieurs n’avaient pas lu ses notes. Il a quitté la réunion avant la fin et est rentré chez lui. Il m’a dit qu’il avait présenté sa démission par courriel ce jour-là et qu’il n’était pas retourné au travail. L’employeuse a confirmé que la réunion avait été organisée pour discuter des actions de l’appelant allant à l’encontre des procédures. Elle a déclaré que l’appelant s’était senti offensé et était partiNote de bas de page 20.

[34] Les circonstances entourant le départ de l’appelant étaient les suivantes : il se sentait stressé par ses fonctions d’accompagnateur et ne se sentait pas en sécurité au travail.

[35] Compte tenu de toutes les circonstances qui existaient lorsque l’appelant a quitté son emploi, je vais maintenant voir si son départ constituait la seule solution raisonnable à ce moment-là.

L’appelant avait d’autres solutions raisonnables

[36] Je juge que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

[37] L’appelant affirme qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable parce que son emploi nuisait à sa santé mentale et qu’il ne se sentait pas en sécurité.

[38] La Commission n’est pas d’accord et affirme que l’appelant aurait pu demander des conseils médicaux, un congé ou une mutation. S’il estimait que sa sécurité était menacée, il aurait pu déposer des plaintes officielles auprès de son employeuse ou communiquer avec un organisme externe comme un organisme responsable en matière de santé et de sécurité au travail.

[39] L’appelant m’a dit que la principale raison pour laquelle il avait quitté son emploi était qu’il se sentait menacé par les gangs. Cependant, il n’en a pas parlé à son employeuse. Une solution raisonnable aurait été de discuter de la situation avec son employeuse ou de déposer une plainte auprès de la Gendarmerie royale du Canada ou d’un organisme gouvernemental comme un organisme responsable en matière de santé et de sécurité au travail.

[40] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas l’impression que son employeuse gérait correctement la situation avec le client atteint de la maladie des yeux. Au cours d’une réunion, il avait été réprimandé pour ne pas avoir suivi les procédures correctement. Je peux comprendre l’argument de l’appelant selon lequel il voulait simplement aider les gens. Il était compatissant et voulait faire tout ce qu’il pouvait pour la clientèle. Toutefois, même s’il n’était pas d’accord avec les procédures de l’employeuse, une solution raisonnable aurait été de chercher un autre emploi avant de démissionner.

[41] L’appelant a déclaré qu’avant de travailler comme accompagnateur, il avait travaillé comme travailleur de relève. Il n’avait pas l’impression que sa sécurité était menacée dans ce poste et sa santé mentale n’était pas aussi affectée. L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas discuté de ses problèmes de santé mentale avec un médecin. Je juge qu’une solution raisonnable aurait été de demander des conseils médicaux et possiblement de prendre un congé de maladie.

[42] L’appelant n’a pas non plus discuté de ses problèmes de santé mentale avec son employeuse et il n’a pas demandé de mutation ou de congéNote de bas de page 21. L’employeuse a déclaré que s’il avait demandé à reprendre son poste de travailleur de relève, sa demande aurait été prise en considération, mais qu’il ne l’avait pas faitNote de bas de page 22. Elle a dit qu’un congé aurait pu être accordé selon la raison et la durée, mais que l’appelante n’en avait pas demandé.

[43] Je compatis avec l’appelant, mais il a démissionné sur un coup de tête après une réunion visant à discuter de problèmes de rendement. Je comprends qu’il était très compatissant et qu’il essayait seulement d’aider la clientèle. Toutefois, compte tenu des circonstances qui existaient au moment où l’appelant a démissionné, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas, pour les raisons mentionnées ci-dessus.

[44] Cela signifie que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[45] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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