Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1608

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (673892) datée du 18 juillet, 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Connie Dyck
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 10 septembre, 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 septembre, 2024
Numéro de dossier : GE-24-2844

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas une raison acceptable selon la loi) quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant travaillait à temps plein lorsque son emploi a pris fin le 31 mars 2024. Cet emploi n’est pas porté en appel. Pendant qu’il occupait cet emploi à temps plein, l’appelant travaillait également à temps partiel dans un magasin de détail, « L », où il était chargé de réaprovisionner les étagères de 23 h à 7 h du matin. C’est cet emploi qui fait l’objet de l’appel.

[4] L’appelant a quitté son emploi chez L le 30 mars 2024 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de l’appelant pour quitter son emploi. Elle a conclu que ce dernier a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé que quitter son emploi chez L était la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait, l’appelant aurait pu continuer à travailler à temps partiel tout en cherchant un autre emploi.

[7] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il ne recevait pas assez d’heures, bien qu’il avait informé son employeur de sa disponibilité. Il a également quitté son emploi en raison de commentaires discriminatoires et racistesNote de bas page 1.

Question en litige

[8] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[10] J’accepte le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant et son employeur conviennent qu’il a quitté son emploi chez L le 30 mars 2024. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[11] Les parties, soit l’appelant et la Commission, ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[12] La loi dit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[13] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable.

[14] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas page 3.

[15] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas page 4.

[16] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à l’appelant, celui‑ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas page 5.

Les circonstances présentes quand l’appelant a quitté son emploi

[17] L’appelant affirme les choses suivantes :

  • Il subissait beaucoup de stress personnel.
  • Il avait mal au dos.
  • Ses collègues faisaient des commentaires sur sa religion et ses compétences en anglais.
  • Il avait besoin de plus d’un quart de travail par mois pour subvenir aux besoins de sa famille.

[18] Je n’ai aucune raison de douter que ces circonstances étaient présentes quand l’appelant a démissionné. L’appelant a livré un témoignage crédible au sujet du stress dans sa vie personnelle et de ses difficultés financières.

[19] La Commission n’a fourni aucun élément de preuve qui contredit le témoignage de l’appelant ou ses observations. Par conséquent, je reconnais que l’appelant vivait les circonstances qu’il a énoncées.

[20] Compte tenu de toutes les circonstances qui existaient lorsque l’appelant a quitté son emploi, je vais maintenant examiner si l’appelant n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où il l’a fait.

L’appelant avait d’autres solutions raisonnables

L’appelant aurait pu consulter un médecin

[21] L’appelant a dit qu’il subissait beaucoup de stress en raison de ses problèmes personnels et de ses expériences passées dans son pays d’origine, ce qui nuisait à sa santé mentale. Il m’a indiqué avoir ressenti la même chose lorsqu’il vivait dans une autre ville canadienne, il y a plusieurs années. À cette époque, il avait consulté des professionnels de santé et avait eu un suivi psychologique, en plus de prendre des médicaments. Toutefois, il n’a pas entrepris les mêmes démarches cette fois-ci. D’ailleurs, aucun médecin ne lui a recommandé d’arrêter de travailler. Il a expliqué qu’il avait simplement tenté de s’en sortir seul.

[22] Je pense qu’une solution raisonnable aurait été de consulter un professionnel de santé pour sa santé mentale, puisque cela l’avait aidé par le passé.

[23] Il a aussi mentionné qu’il avait mal au dosNote de bas page 6. Cependant, il n’a pas demandé d’accommodement à son employeur ni discuté de son état de santé avec lui. De plus, rien ne prouve qu’il avait besoin de médicaments contre la douleur. Bien qu’il n’ait pas de médecin de famille, il n’a pas jugé nécessaire de consulter un médecin dans une clinique sans rendez-vous ni de se rendre à l’hôpital. Il ne s’est pas non plus renseigné sur la possibilité d’obtenir une note médicale. En réalité, l’appelant a déclaré qu’il travaille désormais à temps plein dans un autre magasin de détail, où il remplit les étagères le soir, ce qui correspond au même travail qu’il effectuait chez L.

[24] Une solution raisonnable aurait été de consulter un médecin ou de parler à ses supérieurs de ses douleurs au dos et de demander des mesures d’accommodement ou un travail moins exigeant sur le plan physique.

L’appelant aurait pu parler à ses supérieurs

[25] L’appelant a mentionné que ses collègues faisaient des commentaires sur sa religion et ses compétences en anglaisNote de bas page 7. Encore une fois, il n’a pas abordé cette situation avec son employeur. Il a expliqué qu’il avait peur de s’exprimer, particulièrement devant les grandes entreprises ou le gouvernement. Cependant, l’appelant n’a jamais mentionné cette raison pour justifier son départ avant que sa demande d’assurance-emploi ne soit rejetée. Il m’a dit que ces commentaires le rendaient triste et qu’il n’aimait pas son travail. Une solution raisonnable aurait donc été qu’il en parle à son employeur, même si cela le rendait mal à l’aise. De plus, l’appelant m’a dit qu’il avait demandé à son employeur s’il pouvait revenir à son poste après avoir démissionné. Cela me montre que la situation n’était pas si intolérable qu’elle justifiait un départ immédiat.

L’appelant aurait pu continuer à travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi

[26] L’appelant a travaillé à temps plein jusqu’au 31 mars 2024, date à laquelle son contrat a pris fin. Pendant cette période, il a également effectué un à trois quarts de travail par mois chez L. Il a estimé être victime de discrimination parce qu’il avait informé son employeur qu’il était disponible pour davantage de quarts de travailNote de bas page 8.

[27] Il a estimé que ces quelques quarts de travail n’étaient pas suffisants pour subvenir aux besoins financiers de sa famille. En conséquence, il a demandé plus de quarts de travail, mais sa demande a été rejetée. L’employeur lui a répondu qu’il n’y avait plus de quarts de travail disponibles. L’appelant a expliqué que ces quarts de travail étaient attribués par ancienneté et qu’il n’avait pas d’ancienneté.

[28] Je comprends qu’un ou deux quarts de travail par mois ne suffisent pas à subvenir aux besoins d’une famille, mais l’appelant a effectué ces quarts de travail tout en occupant un autre emploi à temps plein. Il aurait pu poursuivre cette pratique une fois qu’il aurait trouvé un autre emploi à temps plein, comme il l’avait fait dans le passé. Par conséquent, une solution raisonnable aurait été de continuer à travailler chez L jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi.

[29] De plus, la Cour d’appel fédérale a toujours soutenu qu’une personne était fondée à quitter l’un des deux emplois qu’elle occupait simultanément lorsqu’elle avait des motifs raisonnables de croire qu’elle conserverait son autre emploiNote de bas page 9. Toutefois, dans le cas présent, l’appelant savait que son contrat avec son employeur à temps plein prenait fin le 31 mars 2024Note de bas page 10.

[30] Compte tenu de toutes les circonstances qui existaient quand l’appelant a quitté son emploi, l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi, pour les raisons mentionnées ci-dessus.

[31] Par conséquent, l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi à temps partiel au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et de la jurisprudence décrite ci-dessus.

[32] La Loi sur l’assurance-emploi énonce clairement que lorsqu’une personne quitte volontairement son emploi, les heures d’emploi assurable accumulées dans le cadre de tout emploi avant la date de la perte de l’emploi sont exclues du calcul des heures requises pour obtenir des prestationsNote de bas page 11.

Conclusion

[33] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[34] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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