[TRADUCTION]
Citation : RA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1099
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | R. A. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante : | Louis Gravel |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 10 juin 2024 (GE-24-1099) |
Membre du Tribunal : | Glenn Betteridge |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 6 septembre 2024 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelant Représentant de l’intimée |
Date de la décision : | Le 16 septembre 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-428 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Questions en litige
- J’accepte l’accord conclu par les parties au sujet de l’erreur de la division générale et de la façon de la corriger
- Le prestataire ne peut pas faire appel de la décision de révision rendue par la Commission
- Conclusion
Décision
[1] Je rejette l’appel de R. A.
[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada et lui étaient d’accord sur deux points : la division générale a fait une erreur et je devrais la corriger en rendant moi‑même la décision.
[3] J’accepte leur accord, mais cela ne change rien à l’issue de l’affaire. Le délai pour contester la décision de révision rendue par la Commission est écoulé et je ne peux pas le prolonger. En conséquence, l’appel n’ira pas plus loin.
Aperçu
[4] R. A. est le prestataire dans le présent dossier. Il a quitté son emploi et demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.
[5] La Commission a décidé qu’il était exclu du bénéfice des prestations parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Après avoir révisé le dossier, elle a maintenu sa décision. Elle a posté l’avis de décision, qui est daté du 4 novembre 2022, au prestataire.
[6] Le 17 mars 2024, le Tribunal a reçu l’appel du prestataire. Il contestait cette décision.
[7] La division générale a décidé que son appel était en retard. Moins d’un an s’est écoulé depuis qu’il a reçu la décision de révision de la Commission. La division générale n’a cependant pas prolongé le délai parce que le prestataire n’a fourni aucune explication raisonnable pour justifier son retard. Elle a donc décidé que l’appel ne pouvait pas aller plus loin.
[8] La division d’appel lui a donné la permission de faire appel de la décision de la division générale.
[9] Les parties sont maintenant d’accord pour dire que la division générale a fait une erreur et que je devrais rendre la décision qu’elle aurait dû rendre. C’est donc ce que j’ai fait. Cela ne change rien à l’issue de son dossier.
Questions en litige
[10] Je dois trancher trois questions.
- Dois-je accepter l’accord conclu par les parties, c’est-à-dire que la division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas décidé quand la Commission avait communiqué sa décision de révision au prestataire?
- Dois-je accepter l’accord conclu par les parties, c’est-à-dire que je devrais corriger l’erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre?
- Dois-je prolonger le délai dont dispose le prestataire pour déposer son appel à la division générale?
J’accepte l’accord conclu par les parties au sujet de l’erreur de la division générale et de la façon de la corriger
[11] À l’audience, les parties ont convenu de ceci :
- La division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas décidé à quelle date la Commission a communiqué sa décision au prestataire.
- Je devrais corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre.
[12] J’accepte l’accord conclu par les parties au sujet de l’erreur. Les dispositions de la loi que la division générale devait appliquer reposent sur la date où la Commission a communiqué sa décision au prestataire. Il avait 30 jours à compter de cette date pour déposer son appelNote de bas de page 2. Si plus d’un an s’est écoulé depuis cette date, il perd le droit de faire appelNote de bas de page 3.
[13] Pour appliquer le critère juridique, la division générale devait déterminer la date où la Commission a communiqué sa décision au prestataire. Elle ne l’a pas faitNote de bas de page 4. Elle a plutôt conclu que « à un moment donné, [le prestataire] s’est rendu compte qu’il avait le droit de faire appel de cette décision au Tribunal et il a fait les démarches en ce sensNote de bas de page 5 ». Ainsi, la division générale a fait une erreur de droit parce qu’elle n’a pas appliqué le critère juridique de la bonne façon.
[14] Je considère aussi que je dois corriger l’erreur de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre. Elle a donné au prestataire la possibilité de connaître les arguments de l’autre partieNote de bas de page 6. Elle lui a aussi donné la possibilité pleine et équitable de présenter ses propres arguments et éléments de preuveNote de bas de page 7.
Le prestataire ne peut pas faire appel de la décision de révision rendue par la Commission
Ce que la loi dit au sujet des nouveaux éléments de preuve et de la communication d’une décision
[15] En règle générale, la division d’appel ne peut pas accepter les nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 8. Il y a des exceptions à cette règle, mais aucune ne s’applique au prestataire. Par conséquent, je peux examiner uniquement les éléments de preuve portés à la connaissance de la division générale.
[16] La Commission a la responsabilité de démontrer qu’elle a communiqué sa décision au prestataireNote de bas de page 9.
[17] Cependant, les lois qui s’appliquent aux décisions et aux appels en assurance-emploi ne définissent pas l’acte de « communiquer une décision » à une personneNote de bas de page 10. Les cours ne l’ont pas fait non plus.
[18] Par ailleurs, les cours ont défini cette notion au sens d’une autre loi fédérale qui fixe un délai pour la présentation d’une contestation judiciaireNote de bas de page 11. L’autorité qui rend une décision doit, pour la communiquer, :
- accomplir un acte positif;
- informer la personne du fond de la décisionNote de bas de page 12.
Éléments de preuve dont j’ai tenu compte
[19] Dans son formulaire d’appel, le prestataire n’a pas écrit la date qui figurait sur la lettre de la décision de révisionNote de bas de page 13. Il a précisé qu’il avait reçu la lettre le 21 septembre 2022. Il n’a pas rempli la section du formulaire intitulée « Appel déposé en retard ».
[20] Voici les éléments de preuve présentés par la Commission dans le dossier de révision :
- La lettre de décision initiale de la Commission est datée du 1er septembre 2022. La Commission l’a envoyée par la poste à l’adresse X Nathaniel CrescentNote de bas de page 14.
- La Commission a reçu la demande de révision du prestataire le 21 septembre 2022. L’adresse du prestataire était le X Nathaniel CrescentNote de bas de page 15.
- Le 27 octobre 2022, la Commission a envoyé un courriel au prestataire au sujet de sa demande de révision. Elle l’a envoyé à l’adresse courriel qu’il a fournie dans son formulaire de demandeNote de bas de page 16.
- Du 27 octobre au 4 novembre 2022, la Commission a téléphoné au prestataire à trois reprises pour lui parler de sa demande de révision. Chaque fois, la ligne était occupéeNote de bas de page 17.
- La lettre de la Commission sur la décision de révision est datée du 4 novembre 2022. La Commission l’a envoyée par la poste à l’adresse X Nathaniel CrescentNote de bas de page 18.
[21] Il n’y a rien dans le dossier de révision qui démontre que la lettre de la décision de révision a été retournée à l’expéditrice.
[22] Enfin, le prestataire n’a pas répondu à la lettre (envoyée par courriel) dans laquelle la division générale lui demandait d’expliquer pourquoi son appel semblait être en retardNote de bas de page 19.
Le délai dans lequel l’appelant pouvait contester la décision de révision rendue par la Commission est expiré
[23] J’ai décidé que le prestataire a déposé son appel plus d’un an après que la Commission lui a communiqué sa décision de révision. Ainsi, selon l’article 55(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le délai dont il disposait pour présenter son appel est expiré. Je n’ai pas le pouvoir de prolonger le délai.
[24] À l’audience de la division d’appel, le prestataire m’a demandé de rendre la décision parce qu’il a dit qu’il ne se souvenait pas de ce qui s’était passé deux ans plus tôt. Son argument pour faire appel de la décision de la division générale était qu’il était fondé à quitter son emploiNote de bas de page 20 (son départ était justifié). Il ajoute qu’il avait besoin d’argent. En d’autres termes, il a expliqué pourquoi il a droit aux prestations d’assurance-emploi. Mais ce n’est pas la question que la division générale a tranchée.
[25] Selon la Commission, le prestataire aurait dû recevoir la décision de révision [traduction] « autour du 14 novembre 2022Note de bas de page 21 ». Elle dit l’avoir envoyée par la poste à l’adresse que le prestataire a inscrite dans sa demande de révision. C’est la même adresse qu’elle a utilisée pour l’envoi de la décision initiale, que le prestataire a reçue. Elle affirme qu’en général, le Tribunal décide que Postes Canada livre le courrier au Canada dans les 10 joursNote de bas de page 22. Et je ne peux pas présumer que le prestataire a déménagé, que son adresse postale a changé ou qu’il n’a pas reçu la décision de révision parce qu’il n’a fourni aucune preuve de ces choses.
[26] Enfin, la Commission fait valoir que les faits montrent que le prestataire a déposé son appel avec plus d’un an de retard. Selon elle, je dois donc appliquer l’article 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 23.
[27] Selon les éléments de preuve que j’ai soupesés et de par la loi, j’accepte l’argument de la Commission.
[28] Je juge qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la Commission a posé un acte positif quand elle a envoyé au prestataire la lettre datée du 4 novembre 2022 pour l’informer de la décision de révision. La lettre expliquait le fond de sa décision. Rien au dossier ne contredit cet élément de preuve. Et je n’ai aucune autre raison d’en douter.
[29] J’adopte la pratique du Tribunal qui admet que les lettres mises à la poste sont livrées 10 jours après leur envoi, sauf si une personne prouve qu’elle n’a rien reçu. C’est logique si l’on regarde les délais de livraison du courrier à Postes CanadaNote de bas de page 24. Si le prestataire avait dit « je n’ai pas reçu la lettre de la décision de révision », j’aurais pu comprendre qu’il ne l’avait pas reçue.
[30] Le prestataire n’a pas fourni de preuve ni d’explication sur le retard de son appel. Il a eu l’occasion de s’expliquer dans le formulaire d’appel. La division générale lui a aussi demandé de répondre aux questions qu’elle lui posait dans sa lettre. Il n’a fourni aucun renseignement.
[31] Je conclus donc qu’il y a plus de chances que la Commission a communiqué sa décision de révision au prestataire le 14 novembre 2022. C’est le jour où il a reçu la décision de révision de la Commission. Il a déposé son appel plus d’un an plus tard, soit le 17 mars 2024. La loi dit qu’il ne peut pas faire appel à cause de ce retard. Autrement dit, il a perdu le droit de contester la décision de la Commission.
Conclusion
[32] Je rejette l’appel du prestataire.