Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le prestataire a quitté son emploi vers la fin de septembre 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a refusé de lui verser des prestations. La Commission a précisé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification, ce qui signifiait qu’il ne pouvait pas utiliser ses heures d’emploi assurable afin de remplir les conditions requises pour recevoir les prestations. Elle a ajouté que le prestataire n’était pas disponible pour travailler entre le 28 septembre 2021 et le 27 janvier 2022, et qu’il était donc inadmissible aux prestations pendant cette période. Il n’était pas d’accord et a demandé une révision à la Commission.

La Commission n’a pas voulu modifier sa décision, alors le prestataire a fait appel à la division générale. Celle-ci a rejeté l’appel. Le prestataire a ensuite fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel.

Il est important de souligner que la Commission a rendu une autre décision de révision relative au départ volontaire sans justification. À cet égard, le prestataire a gagné son appel à la division générale. La division d’appel n’est donc pas saisie de cette question.

Le prestataire a soutenu que la division générale avait commis une erreur de fait dans la façon dont elle avait évalué sa crédibilité. Il a également invoqué une barrière linguistique et son effet sur ses déclarations à la Commission.

La division d’appel a constaté que la division générale n’avait pas mentionné les difficultés linguistiques du prestataire ni tenu compte de celles-ci. Le prestataire a déclaré que la Commission et lui avaient eu du mal à se comprendre lorsqu’ils avaient discuté de son dossier. Il a dit qu’il n’avait pas d’interprète à ce moment-là et qu’il n’avait peut-être pas choisi les bons mots. Le prestataire avait effectivement eu besoin de services d’interprétation à ses audiences devant la division générale et la division d’appel. Selon la division d’appel, il était évident que le prestataire avait de la difficulté à se faire comprendre sans interprète. La division d’appel a donc jugé que la division générale avait commis une erreur de fait en ignorant les éléments de preuve pertinents pour son appréciation de la preuve du prestataire. Le rôle de la division générale est de tirer des conclusions sur la crédibilité et d’apprécier la preuve. Par contre, elle ne peut pas ignorer des facteurs pertinents qui peuvent influencer l’importance qu’elle accorde à la preuve. La division générale a fondé sa décision sur la conclusion que le prestataire n’avait pas cherché d’emploi avant le 28 janvier 2022. Elle a choisi de s’appuyer sur les déclarations que le prestataire avait faites à la Commission sans interprète, plutôt que sur le témoignage qu’il a livré à l’audience avec l’aide d’un interprète. La division générale n’a pas examiné si, étant donné la barrière de la langue, le prestataire avait mal compris les questions de la Commission ou si ses réponses avaient été mal comprises. La Commission a reconnu qu’il s’agissait d’une erreur de fait importante.

La division d’appel a accueilli l’appel en partie, puis a rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

La division d’appel a conclu que le prestataire avait été disponible pour travailler jusqu’au 28 octobre 2021 et qu’il avait donc droit aux prestations qu’il aurait reçues s’il avait été jugé disponible. Elle a par ailleurs établi que le prestataire n’était pas admissible aux prestations du 29 octobre 2021 au 27 janvier 2021, parce qu’il n’avait pas été disponible pour travailler.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : FD c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 812

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : F. D.
Représentant : Elias Assefa
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentant : Jonathan Dent

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 1er septembre 2023
(GE-23-1382)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 27 juin 2024
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 15 juillet 2024
Numéro de dossier : AD-24-177

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel en partie. La division générale a commis une erreur de fait. J’ai corrigé l’erreur et j’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

[2] Je conclus que le prestataire était disponible pour travailler du 28 septembre 2021 au 28 octobre 2021. Il est toujours inadmissible du 29 octobre 2021 au 27 janvier 2022.

Aperçu

[3] Fikereye Debella est l’appelant. Je l’appellerai le prestataire parce que cet appel concerne sa demande de prestations d’assurance‑emploi.

[4] Le prestataire a quitté son emploi vers la fin de septembre 2021. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a refusé de lui verser des prestations. Elle indiquait qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification, ce qui signifiait qu’il ne pouvait pas utiliser ses heures d’emploi assurable pour être admissible à des prestations. Elle indiquait également qu’il n’était pas disponible pour travailler entre le 28 septembre 2021 et le 27 janvier 2022, ce qui signifiait qu’il était inadmissible à des prestations pendant cette période. Le prestataire n’était pas d’accord et a demandé à la Commission de réviser sa décision.

[5] Comme la Commission a refusé de modifier sa décision, le prestataire a fait appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté l’appel. Le prestataire fait maintenant appel de cette décision de rejet à la division d’appel.

[6] Je comprends que la Commission a rendu une décision de révision distincte sur le départ volontaire par le prestataire de son emploi sans justification. Le prestataire a fait appel de cette décision avec succès devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division d’appel n’est pas saisie de cet appel.

[7] J’accueille l’appel du prestataire sur la question de sa disponibilité, mais seulement en partie.

[8] Je reconnais que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a accordé plus de poids à la déclaration initiale faite par le prestataire à la Commission. Je fais cette affirmation parce qu’elle n’a pas tenu compte de son témoignage et de son argument selon lesquels il n’avait pas eu d’interprète et que la Commission l’avait peut-être mal compris.

[9] J’ai pris la décision que la division générale aurait dû prendre, après avoir tenu compte de ces éléments. J’admets que le prestataire était disponible pour travailler du 28 septembre 2021 au 28 octobre 2021.

Questions en litige

[10] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle agi injustement en produisant deux décisions distinctes et apparemment contradictoires dans un appel?
  2. b) La division générale a-t-elle agi d’une manière inéquitable sur le plan procédural en omettant de communiquer sa décision en temps opportun?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans la façon dont elle a appliqué la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c WhiffenNote de bas de page 1?
  4. d) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante dans la façon dont elle a conclu à l’encontre de la crédibilité du prestataire?

Analyse

[11] La division d’appel ne peut tenir compte que des erreurs qui relèvent de l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

Équité procédurale

Que signifie l’équité procédurale?

[12] L’équité procédurale concerne l’équité du processus. Il ne s’agit pas de savoir si une partie estime que le résultat de la décision est équitable.

[13] Les parties devant la division générale ont droit à certaines protections procédurales, comme le droit d’être entendues et de connaître la preuve qu’elles doivent réfuter, et le droit à un décideur impartial. Il s’agit de l’équité procédurale.

La division générale n’a pas agi de façon injuste sur le plan procédural

[2] Le prestataire n’a pas dit qu’il n’avait pas eu une occasion raisonnable de se préparer à l’audience ou qu’il ignorait ce qui s’y passait. Il n’a pas fait valoir que l’audience ne lui a pas donné une occasion équitable de présenter ses arguments ou de répondre à ceux de la Commission. Il ne s’est pas plaint du fait que le membre de la division générale avait un parti pris ou qu’il avait déjà préjugé de l’affaire.

Équité de deux décisions distinctes

[14] Le prestataire soutient qu’il était injuste de la part de la division générale de trancher en sa faveur dans l’affaire GE-23-1385, mais ensuite de trancher contre lui dans le présent appel.

[15] Toutefois, les deux appels ne tiennent pas compte de la même question. Dans sa décision initiale, la Commission a déclaré le prestataire inadmissible pour une certaine période, mais elle l’a également exclu. Même si les questions figuraient dans la même lettre de décision, il s’agissait de questions différentes ayant des conséquences différentes. La Commission a expliqué ces deux décisions au prestataireNote de bas de page 3.

[16] La Commission a déclaré le prestataire inadmissible parce qu’elle a conclu qu’il n’était pas disponible pendant une certaine période. Cette décision ne signifiait pas qu’il ne pouvait être admissible à des prestations d’assurance-emploi. Elle signifiait seulement qu’il ne pouvait recevoir de prestations pendant la période d’inadmissibilité précisée.

[17] La Commission a également exclu le prestataire en raison de sa conclusion selon laquelle il avait quitté volontairement son emploi sans justification. Même si le prestataire n’avait pas été déclaré inadmissible, il n’aurait probablement pas pu recevoir de prestations en raison de l’exclusion. L’exclusion signifiait qu’il ne pouvait utiliser aucune des heures d’emploi assurable (qu’il avait accumulées avant de quitter son emploi) aux fins de l’admissibilité aux prestations.

[18] La division générale a compétence pour examiner uniquement les appels des décisions de révisionNote de bas de page 4. La Commission aurait révisé séparément chacune de ses décisions. De même, le prestataire a fait appel séparément de la décision de révision de l’exclusion.

[19] Bien que la division générale n’ait tenu qu’une seule audience et ait examiné les deux appels en même temps, elle l’a fait par souci de commodité pour le prestataire. La division générale n’a pas joint officiellement les deux appels et elle a rendu des décisions distinctes pour chaque appel.

[20] Le prestataire a porté en appel devant la division d’appel la décision de la division générale sur la question de son inadmissibilité pour non-disponibilitéNote de bas de page 5. La décision de la division générale faisait suite à l’appel du prestataire de la décision de révision concernant son inadmissibilitéNote de bas de page 6.

[21] Le dossier de révision lié à son exclusion ne m’est pas présenté. La décision de la division générale sur son exclusion ne l’est pas non plus. Toutefois, son représentant affirme qu’il a fait appel de cette décision avec succès auprès de la division générale. Je n’ai aucune raison de mettre en doute son affirmation.

[22] Le prestataire a pleinement exercé ses droits d’appel. Je ne constate pas que le prestataire a cherché à joindre ses deux appels ni que les décisions distinctes des deux appels de la division générale lui ont causé un préjudice.

Retard dans la réception de la décision de la division générale

[23] Il est regrettable que le prestataire n’ait pas reçu la décision de la division générale en temps opportun. Les dossiers du Tribunal indiquent qu’il lui a envoyé un courriel le 5 septembre 2023 à l’adresse courriel qu’il a fournie dans son avis d’appel. Le courriel visait à communiquer la décision, mais semble avoir omis de la joindre. Le Tribunal a envoyé de nouveau la décision de la division générale le 13 février 2024 à la demande du représentant du prestataire.

[24] Comme la division d’appel a accepté que la décision de la division générale n’avait pas été communiquée dans le premier courriel, elle n’a pas jugé que l’appel était tardif. Elle a été autorisée à procéder. Par conséquent, les droits d’appel du prestataire n’ont subi aucun préjudice. Il n’a pas démontré que le retard était inéquitable sur le plan procédural.

Résumé sur l’équité procédurale

[25] Lorsque je lis la décision et examine le dossier d’appel, je ne constate pas que la division générale a fait quoi que ce soit ou a omis de faire quoi que ce soit qui m’amène à remettre en question le caractère équitable du processus.

Erreur de droit

[26] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit. Il affirme qu’elle s’est fondée sur la décision Canada (Procureur général) c Whiffen pour appuyer l’idée qu’un prestataire n’est vraisemblablement pas disponible s’il cherche un emploi dans une autre provinceNote de bas de page 7.

[27] Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation de la décision de la division générale que fait le prestataire. À mon avis, la division générale a confirmé l’inadmissibilité parce qu’elle a conclu que le prestataire n’avait pas du tout cherché de travail avant de déménager en Alberta. La division générale n’a pas conclu qu’il n’était pas disponible parce qu’il cherchait du travail à l’extérieur de la province.

[28] Une simple lecture de la décision de la division générale révèle qu’elle a renvoyé à la décision Whiffen quant à la proposition générale selon laquelle la loi l’oblige à tenir compte de l’attitude et de la conduite du prestataire pendant la période d’inadmissibilitéNote de bas de page 8.

[29] Le prestataire peut être en désaccord avec la façon dont la division générale a évalué l’attitude et la conduite du prestataire. Cependant, ce désaccord ne signifie pas qu’une erreur de droit a été commise. S’il n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a appliqué le droit établi aux faits, il s’agirait d’un argument selon lequel la division générale a commis une erreur « mixte de fait et de droit ». La division d’appel n’a pas le pouvoir d’examiner ce genre d’erreurNote de bas de page 9.

[30] De même, je ne peux intervenir simplement parce que le prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a soupesé la preuve. La division générale est le juge des faits principal. La division d’appel ne peut apprécier de nouveau ou réévaluer la preuve même si sa perception des choses avait été différenteNote de bas de page 10.

Erreur de fait importante

[31] La division générale commet une erreur de fait importante lorsqu’elle fonde sa décision sur une conclusion qui ne tient pas compte des éléments de preuve pertinents ou qui comprend mal ceux-ci, ou sur une conclusion sans lien rationnel avec la preuveNote de bas de page 11.

Évaluation de la crédibilité

[32] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait dans la façon dont elle a évalué sa crédibilité. Il a également soutenu que ses déclarations à la Commission étaient touchées par une barrière linguistiqueNote de bas de page 12.

[33] Selon les notes au dossier de la Commission, le prestataire a dit à la Commission qu’il n’avait pas cherché de travail entre le 28 septembre 2021 et environ le 7 janvier 2022Note de bas de page 13. Le prestataire a affirmé que ce n’est pas ce qu’il voulait dire. Lorsqu’il a témoigné à la division générale, il a dit qu’il cherchait du travail à Toronto pendant qu’il envisageait de déménager en Alberta. Il a ajouté qu’il n’avait pas de dossier de demandes d’emploi antérieures parce que ce n’est qu’après avoir déménagé en Alberta qu’il a appris comment présenter une demande en ligne.

[34] La division générale ne pouvait accepter la véracité des deux versions. Elle a choisi d’accorder plus de poids aux déclarations initiales du prestataire faites à la Commission qu’à son témoignage. Si elle était préoccupée par l’incohérence du témoignage du prestataire, elle n’a pas conclu à l’encontre de sa crédibilité en général. Autrement dit, la division générale n’a pas dit qu’elle ne pouvait croire aucun de ses éléments de preuve en raison de l’incohérence.

[35] Lorsque la division générale a choisi la déclaration initiale du prestataire plutôt que son témoignage, elle l’a fait parce qu’elle estimait invraisemblable que le prestataire cherche du travail lorsqu’il envisageait un déménagement sans savoir où il vivrait. Elle a également rejeté l’explication du prestataire exposant pourquoi sa recherche d’emploi n’avait pas été documentée avant le 28 janvier 2022. Elle a apparemment tiré une conclusion défavorable parce que le prestataire n’a pas expliqué pourquoi il n’avait aucun dossier antérieur de sa recherche d’emploi lorsque la Commission a soulevé cette question.

[36] Toutefois, la division générale n’a pas mentionné la barrière linguistique du prestataire ni n’en a tenu compte. Le prestataire a témoigné qu’il existait une barrière linguistique entre lui et l’agent de la Commission avec qui il a discuté de sa demandeNote de bas de page 14. Il a dit qu’il n’avait pas d’interprète et qu’il avait peut-être choisi les mauvais motsNote de bas de page 15. Le prestataire avait besoin d’un interprète à ses audiences de la division générale et de la division d’appel. À mon avis, le prestataire avait manifestement de la difficulté à s’exprimer sans les services de l’interprète.

[37] La Commission admet qu’il s’agit d’une erreur de fait importante.

[38] Je conclus que la division générale a commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de la preuve pertinente quant à la façon dont elle a soupesé la preuve du prestataire. Il incombe à la division générale de tirer des conclusions sur la crédibilité et d’apprécier la preuve. Cependant, elle ne peut ignorer les facteurs pertinents qui pourraient influer sur le poids qu’elle accorde à la preuve.

[39] La division générale a fondé sa décision sur une conclusion selon laquelle le prestataire n’a pas cherché de travail avant le 28 janvier 2022. Elle a choisi de s’appuyer sur les déclarations faites par le prestataire à la Commission sans interprète, de préférence à son témoignage à l’audience avec l’aide d’un interprète. La division générale n’a pas examiné si, compte tenu de la barrière linguistique, le prestataire avait peut-être mal compris les questions de la Commission ou si ses réponses avaient pu être mal comprises.

Réparation

[40] Je dois décider ce que je ferai pour corriger les erreurs de la division générale. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou lui renvoyer l’affaire pour un nouvel examenNote de bas de page 16.

[41] Le prestataire a demandé que l’affaire soit renvoyée à la division générale. La Commission m’a recommandé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[42] J’accepte la recommandation de la Commission. Je comprends que le prestataire et son représentant disent maintenant qu’ils ne connaissaient pas le processus et qu’ils aimeraient avoir la possibilité de fournir une preuve supplémentaire de sa recherche d’emploi. Toutefois, il existe au moins certains éléments de preuve concernant son désir de retourner au travail, ses démarches de recherche d’emploi et les conditions personnelles qu’il aurait pu établir. Le dossier est assez complet pour que je puisse rendre la décision. Il ne serait pas approprié que je retourne l’appel pour donner au prestataire l’occasion de consolider son appel.

Le prestataire avait-il droit à des prestations d’assurance-emploi du 28 septembre 2021 au 27 janvier 2022?

[43] La Commission a accepté que le dernier jour de travail du prestataire était le 28 septembre 2021, mais elle a conclu qu’il n’était pas disponible pour travailler avant le 27 janvier 2022.

[44] Selon le témoignage du prestataire, il a pris congé de son emploi en raison d’une réaction cutanée aux produits chimiques en milieu de travail et d’autres problèmes d’équipement de sécurité douloureux. Lorsqu’il a remis à son employeur un billet du médecin lui demandant de réduire les jours de travail, l’employeur a dit qu’il le rappellerait à un moment donnéNote de bas de page 17. Après avoir attendu un rappel pendant deux ou trois semaines, le prestataire a appelé son employeur. L’employeur a répété qu’il l’appellerait, mais il ne l’a pas faitNote de bas de page 18. Le prestataire a dit qu’il croyait qu’il avait encore un emploi, mais qu’il devait travailler, de sorte qu’il a commencé à chercher un autre emploi. Il dit avoir cherché du travail à Toronto avant de se rendre en Alberta.

[45] La « disponibilité » n’est pas définie dans la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), de sorte que la Cour d’appel fédérale a dû exposer son sens. Selon des décisions comme Faucher c Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration) et d’autres, le prestataire doit prouver sa disponibilité en satisfaisant à trois éléments Note de bas de page 19. Il doit démontrer qu’il avait le désir de retourner au travail dès qu’un emploi convenable est disponible, qu’il l’a exprimé par ses démarches de recherche d’emploi et qu’il n’a pas établi de conditions personnelles qui limitaient indûment (ou déraisonnablement) sa capacité de retourner au travail. Il s’agit des éléments de la décision Faucher.

Désir de retourner sur le marché du travail

[46] La division générale a conclu que le prestataire avait le désir de retourner au travail et qu’il a donc satisfait au premier élément de la décision Faucher. Je n’ai aucune raison de modifier les conclusions de la division générale au sujet de cet élément.

[47] La division générale s’est appuyée sur le témoignage du prestataire selon lequel il devait subvenir aux besoins de son épouse, de ses enfants et d’autres membres de sa famille [traduction] « dans son pays d’origine » et qu’il était coûteux de vivre à Toronto. De plus, le prestataire a témoigné qu’il attendait que son employeur le rappelle, mais que la vie était [traduction] « dure » et qu’il devait travailler. Selon les documents d’Immigration Canada, le prestataire se trouvait au Canada muni d’un permis de travail, sans même avoir le statut de résident temporaireNote de bas de page 20. Il était probablement impatient de retourner au travail dans ces circonstances.

[48] J’admets que le prestataire avait le désir de retourner au travail dès qu’un emploi convenable était disponible au cours de la période du 28 septembre 2021 au 27 janvier 2022. Il satisfait au premier élément de la décision Faucher.

Démarches de recherche d’emploi

[49] J’admets que les démarches de recherche d’emploi du prestataire démontrent suffisamment son désir de retourner au travail pendant une partie de la période du 28 septembre 2021 au 27 janvier 2022, mais pas pendant toute la période.

[50] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il a cherché du travail avant de se rendre en Alberta, en quelque sorte. J’accepte qu’il ait demandé à d’autres personnes qu’il connaissait si elles étaient au courant des possibilités d’emploi. J’accepte en outre qu’il leur ait demandé de chercher des possibilités en son nom.

[51] Je sais que les dossiers de la Commission indiquent qu’il a d’abord dit à la Commission qu’il n’avait pas cherché de travail en Ontario ou en Alberta avant le 7 janvier 2022 environNote de bas de page 21. Toutefois, il a parlé de nouveau à la Commission le 18 avril 2023. Les notes de cette conversation indiquent ce qui suit :

[Traduction] 

Il a déclaré que, bien qu’il n’ait présenté aucune demande d’emploi entre le moment où il a cessé de travailler chez X et le 28 janvier 2022, il demandait à des amis, à des gens à l’église et à des gens de sa communauté de chercher un emploi pour lui. Il a dit qu’il ne se contentait pas d’« attendre ». 

[52] En fait, cette deuxième déclaration concordait avec son témoignage devant la division générale. Le prestataire n’avait pas d’interprète lorsqu’il a parlé à la Commission et il a de la difficulté à choisir les bons mots en anglais. À la lumière de ces faits, j’admets que le prestataire voulait dire que la Commission avait compris qu’il n’a pas postulé des emplois avant de se rendre en Alberta, mais qu’il a posé des questions à certaines personnes qu’il connaissait au sujet des possibilités d’emploi.

[53] Je ne tire pas de conclusion défavorable du fait que le prestataire n’a pas expliqué pourquoi ses démarches de recherche d’emploi en ligne n’ont été documentées qu’à partir du 28 janvier 2022.

[54] Les notes de la Commission indiquent que l’agent a « fait observer » (au prestataire, vraisemblablement) que sa recherche d’emploi montre qu’il n’a commencé à postuler des emplois à Edmonton que le 28 janvier 2022Note de bas de page 22. Ces notes n’indiquent pas explicitement que le prestataire n’a pas eu de réponse à cette observation.

[55] Il serait compréhensible que le prestataire ne réponde pas. J’ai accepté ses limitations en anglais. Il est également possible qu’il n’ait pas su qu’une réponse était attendue en raison de différences culturelles dans le type de conversation. Il ne semble pas que la Commission lui ait posé une véritable question.

[56] Malgré tout, il n’en demeure pas moins que le prestataire n’a consigné aucun emploi particulier qu’il considérait ou auquel il a postulé jusqu’à ce qu’il déménage en Alberta. Il n’a pas non plus prétendu avoir effectivement postulé des emplois avant d’arriver en Alberta. Il a eu de nombreuses occasions de discuter d’autres démarches de recherche d’emploi dans le cadre d’une conversation avec la Commission. Cependant, il n’a jamais mentionné d’autres démarches de recherche d’emploi que de laisser savoir à ses amis et connaissances qu’il effectuait des recherches. Le prestataire n’a pas mentionné s’il avait examiné des annonces en ligne ou dans les journaux, ou des sites d’emplois dans des Centres Service Canada ou des agences de placement privées, chez X où il avait travaillé ou ailleurs. Il n’a pas dit qu’il avait demandé à un employeur éventuel de s’informer au sujet des emplois.

[57] Je ne peux pas tout attribuer à sa barrière linguistique. J’admets qu’il a peut-être mal compris certaines nuances et distinctions fines lors d’une conversation avec la Commission, ou qu’il a toujours eu le vocabulaire pour s’exprimer clairement. Toutefois, son anglais imparfait n’explique pas qu’il n’a jamais mentionné d’autres démarches de recherche d’emploi au-delà de son affirmation selon laquelle il a constitué un réseau social avec d’autres personnes qu’il connaissait. Rien dans les notes de la Commission n’indique que le prestataire éprouvait des difficultés importantes à comprendre ou à être compris, ou qu’il a déjà demandé un interprète ou s’est opposé à discuter de sa demande sans interprète.

[58] De plus, le prestataire avait un interprète lorsqu’il a témoigné à la division générale, mais il n’a pas discuté de démarches de recherche d’emploi au-delà de ce qui se trouve dans le dossier de révision.

[59] Le prestataire doit prouver son désir de travailler au moyen de démarches de recherche d’emploi. Je comprends qu’il soit relativement nouveau au Canada. La copie de son permis de travail au dossier a été délivrée le 21 novembre 2020, de sorte qu’il pourrait avoir été au Canada aussi peu que 9 mois lorsqu’il a perdu son emploi. Je ne m’attendrais pas à ce qu’il maîtrise le marché du travail canadien ou qu’il sache tout sur la recherche d’emploi au Canada.

[60] Parallèlement, le prestataire était relativement passif lorsqu’il s’agissait de chercher des possibilités d’emploi. Il a déclaré qu’il avait demandé à des amis et à d’autres membres de son église et de sa communauté s’ils étaient au courant d’un emploi. S’il avait parlé à beaucoup de personnes, on se serait attendu à ce qu’au moins l’une d’entre elles l’ait dirigé vers certains des outils ou techniques habituels qu’un chercheur d’emploi au Canada pourrait utiliser.

[61] Je n’admets pas que les démarches du prestataire pour trouver un autre emploi étaient suffisantes pour démontrer qu’il était disponible pour travailler avant le 28 janvier 2022. Toutefois, le prestataire a également dit qu’il attendait que X l’appelle pour retourner à son ancien emploi.

[62] Selon sa demande de prestations, son dernier jour de travail était le 22 août 2021. Ailleurs dans le dossier, il est indiqué que son dernier jour est le 28 septembre 2021. Je déduis que cette date était liée à ce que la Commission avait compris, c’est‑à‑dire qu’il n’avait jamais remis le billet médical à l’employeur et qu’il venait de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 23. Le prestataire ne s’est pas opposé au moment où la Commission l’a traité comme ayant quitté son emploi le 28 septembre 2021. Cependant, il a maintenu avoir remis la note à l’employeur et il n’a jamais convenu qu’il avait quitté volontairement son emploi. Il n’y a pas de relevé d’emploi dans le dossier.

[63] Le 28 septembre 2021 se situe à un peu plus de 3 semaines après le 4 septembre 2021, soit la date figurant sur le billet médical que le prestataire a dit avoir remis à l’employeurNote de bas de page 24. Le prestataire a dit qu’il avait attendu deux ou trois semaines après avoir remis la note à l’employeur pour savoir quand il pouvait revenir à un travail ou un horaire modifié. Puis, il a rappelé l’employeur. Autrement dit, il a probablement rappelé l’employeur vers le 28 septembre 2021. Il a dit que lorsqu’il a parlé à X, l’employeur a repoussé son rappel sans lui fournir de date de rappel prévu. Quelque part à cette époque, il a compris qu’il devait chercher autre chose.

[64] Dans les circonstances, j’admets qu’il était raisonnable pour le prestataire de s’attendre à être appelé au travail à court préavis. Selon le prestataire, il attendait que l’employeur établisse comment il pourrait répondre à ses besoins. Il n’est pas d’accord pour dire qu’il a démissionné et rien dans le dossier ne laisse entendre que X l’a congédié. Bien qu’il ait commencé à poser des questions sur d’autres emplois pendant qu’il attendait, il prévoyait toujours être appelé à travailler chez X ou espérait l’êtreNote de bas de page 25.

[65] Comme la situation d’emploi du prestataire était incertaine et comme il s’attendait raisonnablement à un rappel imminent pour occuper ses fonctions professionnelles, j’accepte qu’il était raisonnable pour lui de limiter ses démarches de recherche d’emploi aux réseaux sociaux pendant un certain temps, soit pendant qu’il attendait que l’employeur organise son retour au travail. La Cour d’appel fédérale a reconnu que les prestataires peuvent parfois avoir une occasion raisonnable de voir s’ils seront rappelés avant de devoir chercher un autre emploiNote de bas de page 26.

[66] Il ne pouvait toutefois pas attendre un rappel indéfiniment. Le prestataire s’est rendu en Alberta le 29 octobre 2021 pour tâter le terrain en vue d’un déménagement possible. Il est revenu à Toronto le 11 novembre 2021, puis a déménagé en Alberta en peu de temps. Une fois sur place, il a repris ses démarches de recherche d’emploi, comme en témoigne son dossier de recherche en ligne.

[67] Ces faits laissent entendre que le prestataire commençait déjà les préparatifs pour déménager d’ici le 29 octobre 2021 et qu’il ne s’attendait pas à retourner à son ancien emploi. Au 29 octobre, il est peu probable qu’il soit retourné chez son employeur. De meilleures possibilités d’emploi en Alberta n’étaient pas la seule raison pour laquelle il voulait déménager. Il mentionne en outre son intention d’installer sa famille là où le coût de la vie est plus bas.

[68] J’accepte que les démarches de recherche d’emploi du prestataire étaient suffisantes, mais seulement avant le 29 octobre 2021.

[69] La première preuve selon laquelle le prestataire a fait autre chose que parler à des personnes qu’il connaissait (et attendre d’être rappelé au travail) est la documentation de sa recherche en ligne. La première entrée fait état d’une demande datée du 28 janvier 2022.

[70] Par conséquent, je conclus que le prestataire satisfait à cet élément de la décision Faucher jusqu’au 28 octobre 2021 inclusivement, mais pas pendant la période du 29 octobre 2021 au 27 janvier 2022.

Conditions personnelles

[71] Le dernier élément de la décision Faucher concerne la question de savoir si le prestataire a établi des conditions personnelles qui limitaient indûment ses perspectives sur le marché du travail.

[72] Le prestataire n’a pas établi ce genre de condition personnelle. On s’attendait initialement à ce que le prestataire soit rappelé à un emploi de chauffeur. Lorsque j’examine le genre d’emplois que le prestataire cherchait et auxquels il postule en Alberta, je constate que bon nombre d’entre eux sont des emplois de chauffeur professionnel. Il est probable que toutes les demandes de renseignements qu’il a faites au sujet des possibilités d’emploi à Toronto portaient sur des possibilités semblables.

[73] Le statut du prestataire repose seulement sur un permis de travail. Son anglais est imparfait. Il a travaillé comme chauffeur d’autobus commercial au Canada. Je remarque que la conduite professionnelle est une classification d’emploi comportant un grand nombre de postes.

[74] Pour la période en question, il serait raisonnable pour lui de se concentrer sur la conduite professionnelle. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une limite indue, compte tenu des autres circonstances sur lesquelles il n’a aucun contrôle. Toutefois, je constate, d’après ses documents de recherche d’emploi de l’Alberta, qu’il ne se limitait pas exclusivement à des emplois de chauffeur après son déménagement en Alberta. Aucune preuve positive n’indiquait qu’il limitait le genre de travail qu’il accepterait.

[75] Le prestataire n’a pas satisfait au troisième élément de la décision Faucher.

Le prestataire était-il « disponible pour travailler » au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

[76] Le prestataire n’était pas disponible pour travailler au cours de la période du 29 octobre 2021 au 27 janvier 2022. Il désirait travailler durant cette période et il ne s’est pas limité indûment. Toutefois, la nature et l’ampleur de ses démarches de recherche d’emploi étaient insuffisantes. Je conclus que ces démarches n’expriment pas son désir de retourner au travail dès qu’un emploi est disponible.

[77] Il satisfait à tous les éléments énoncés dans la décision Faucher avant le 29 octobre 2021. Je conclus donc qu’il était disponible pendant cette période.

Conclusion

[78] J’accueille l’appel en partie. La division générale a commis une erreur de fait, que j’ai corrigée dans la présente décision. J’ai admis que le prestataire était disponible pendant une partie de la période en question, mais pas durant toute la période.

[79] Le prestataire était disponible pour travailler jusqu’au 28 octobre 2021 et devait avoir droit aux prestations qu’il aurait reçues si sa disponibilité avait été établie. Il n’a pas droit à des prestations du 29 octobre 2021 au 27 janvier 2021 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.

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