Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Le prestataire a demandé huit semaines de prestations parentales prolongées de l’assurance-emploi à compter de la semaine du 16 avril 2023. Son enfant est né le 9 juillet 2021. Le conjoint du prestataire a demandé et reçu 27 semaines de prestations pour proches aidants, suivies de 61 semaines de prestations parentales prolongées.

La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a conclu que le prestataire ne pouvait pas recevoir des prestations plus de 78 semaines après la naissance de son enfant et a rejeté sa demande. Le prestataire a demandé que sa demande soit antidatée pour faire correspondre les semaines de prestations qu’il demandait à la période de 78 semaines suivant la naissance de son enfant. La Commission a rejeté cette demande parce qu’il n’a pas eu d’interruption de rémunération à la date antérieure.

Le prestataire a fait appel de la décision de la Commission à la division générale. Celle-ci a conclu que la demande ne pouvait pas être antidatée. La division générale a également conclu qu’elle avait la compétence d’examiner si le prestataire pouvait recevoir des prestations à l’extérieur de la période de 78 semaines suivant la naissance de son enfant. La division générale a jugé que le prestataire pouvait recevoir des prestations parce qu’on avait prolongé la période de prestations parentales de son époux et que la même période s’appliquait à lui. La Commission a fait appel de cette décision à la division d’appel. Celle-ci a accueilli l’appel et conclu que la division générale avait mal interprété les articles de la Loi sur l’assurance-emploi concernant les prestations parentales.

Dans sa décision, la division générale a examiné les articles de la Loi sur l’assurance-emploi qui portent sur la période de prestations parentales et sur les circonstances qui permettent de la prolonger. Elle a constaté que la Commission avait prolongé à juste titre la période de l’époux du prestataire jusqu’au 20 mai 2023, car celui-ci n’a pas touché de prestations régulières et a reçu plus d’un type de prestations spéciales (soit les prestations pour proches aidants et les prestations parentales). La division générale a ensuite conclu que deux parents qui partagent les prestations parentales ne peuvent pas avoir des périodes de prestations différentes. C’est pourquoi elle a établi que le prestataire pouvait toucher des prestations jusqu’au 20 mai 2023. La division générale n’a fourni aucun motif pour sa décision selon laquelle la même période de prestations parentales doit s’appliquer aux deux parents, mais elle a mentionné l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi dans une note de bas de page. La division d’appel a jugé que la division générale n’est pas tenue de faire une analyse législative dans tous les cas. Cependant, lorsqu’elle interprète une disposition législative, son interprétation doit être conforme au texte, au contexte et à l’objectif de la loi. Lorsque le libellé est clair, les termes utilisés jouent un rôle primordial dans l’interprétation.

La division d’appel a examiné les articles 23(2) et 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a conclu que la division générale avait mal interprété la loi lorsqu’elle a conclu que l’article 23(4) de la Loi sur l’assurance-emploi exige que deux prestataires qui partagent les prestations parentales doivent avoir la même période de prestations. Bien que cette interprétation ne soit pas incompatible avec l’objectif des prestations parentales, elle n’est pas confirmée par le libellé des articles. Les termes sont clairs. Certaines exceptions à la période de prestations parentales s’appliquent uniquement à une partie prestataire.

La division d’appel a ensuite rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

La division d’appel a conclu que la période de prestations parentales du prestataire a commencé la semaine de la naissance de son enfant, le 9 juillet 2021, et qu’elle a pris fin 83 semaines plus tard, la semaine du 10 février 2023. Le prestataire n’a pas eu d’interruption de rémunération et a seulement présenté sa demande le 14 avril 2023, date qui était à l’extérieur de la période de prestations parentales. Par conséquent, il n’a pas droit à des prestations parentales.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c JR, 2024 TSS 893

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Commission de l’assurance‑emploi du Canada
Représentant : Daniel McRoberts
Partie intimée : J. R.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 février 2024
(GE-23-2490)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 26 juin 2024
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelante
Intimé
Date de la décision : Le 30 juillet 2024
Numéro de dossier : AD-24-165

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire ne peut recevoir de prestations parentales.

Aperçu

[2] L’appelant, J. R. (le prestataire), a demandé huit semaines de prestations parentales prolongées d’assurance-emploi à compter de la semaine du 16 avril 2023. Son enfant est né le 9 juillet 2021 et le partenaire du prestataire a demandé et reçu 27 semaines de prestations pour proches aidants, puis 61 semaines de prestations parentales prolongées.

[3] La Commission a décidé que le prestataire ne pouvait recevoir de prestations plus de 78 semaines après la naissance de son enfant. Elle a rejeté sa demande. Le prestataire a requis que sa demande soit antidatée afin que les semaines de prestations qu’il demandait soient comprises dans la période de 78 semaines suivant la naissance de son enfant. La Commission a rejeté cette demande parce qu’il n’avait pas eu d’arrêt de rémunération à la date antérieure.

[4] Le prestataire a fait appel de cette décision devant la division générale du Tribunal. La division générale a conclu que la demande ne pouvait pas être antidatée. Elle a également conclu qu’elle avait compétence pour décider si le prestataire pouvait recevoir des prestations en dehors de la période de 78 semaines suivant la naissance de son enfant. Elle a conclu que le prestataire pouvait recevoir des prestations parce que la période de prestations parentales avait été prolongée pour son conjoint et que la même période s’appliquait à lui.

[5] La Commission affirme que la division générale a outrepassé sa compétence en décidant si la période de prestations parentales du prestataire pouvait être prolongée. Elle soutient également que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de la loi.

[6] J’ai décidé que la division générale avait commis une erreur de droit. J’ai également décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, c’est-à-dire que le prestataire ne peut recevoir de prestations parce qu’il a présenté une demande en dehors de sa période de prestations parentales.

Questions en litige

[7] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence lorsqu’elle a pris une décision au sujet du droit du prestataire à des prestations parentales?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire et son conjoint devaient avoir la même période de prestations parentales?
  3. c) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?

Analyse

[8] Je ne peux intervenir dans la présente affaire que si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc décider si la division généraleNote de bas de page 1 :

  • a omis de suivre une procédure équitable;
  • a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[9] Il existe deux types de prestations parentales :

  • Les prestations parentales standards — Le taux de prestations correspond à 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable d’un prestataire jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent.
  • Les prestations parentales prolongées — Le taux de prestations correspond à 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable d’un prestataire jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent.

[10] La période pendant laquelle les prestations parentales peuvent être versées est appelée la période de prestations parentales. Selon la Loi sur l’assurance-emploi, la période de prestations parentales prend fin 52 semaines après la naissance de l’enfantNote de bas de page 2. Cette période peut être prolongée dans certaines circonstances. Lorsqu’un prestataire choisit de recevoir des prestations parentales prolongées, la période est prolongée de 26 semainesNote de bas de page 3. Lorsque deux prestataires partagent des prestations parentales, ils ont un maximum de 40 ou 69 semaines de prestations à partager, selon qu’ils ont opté pour des prestations standards ou prolongéesNote de bas de page 4.

[11] L’enfant du prestataire est né le 9 juillet 2021. Il a présenté une demande de prestations le 14 avril 2023, demandant huit semaines de prestations parentales prolongéesNote de bas de page 5. La Commission a écrit au prestataire le 3 mai 2023 pour lui refuser le paiement de prestations parce qu’il a présenté une demande plus de 78 semaines après la date de naissance de son enfantNote de bas de page 6. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas verser de prestations en dehors de la période de prestations parentales.

[12] Le prestataire disposait de 30 jours pour demander une révision de la décision de la Commission. Le 13 juin 2023, il a communiqué avec la Commission pour lui expliquer que son enfant avait été hospitalisé à sa naissance et que son conjoint avait reçu des prestations parentales et des prestations pour proches aidants. On leur a dit qu’il pourrait recevoir des prestations parentales s’il présentait une demande avant le 14 avril 2023Note de bas de page 7.

[13] Un agent de Service Canada a dit au prestataire de demander une antidatation de sa demande pour la période comprise dans la période de prestations parentales. Cette demande a été refusée parce que le prestataire n’avait pas eu d’arrêt de rémunération à une date antérieureNote de bas de page 8. Le 7 juillet 2023, le prestataire a présenté une demande de révision. La demande a été rejetée le 11 août 2023.

La division générale n’a pas outrepassé sa compétence

[14] Dans sa décision, la division générale s’est penchée sur la question de savoir si elle avait compétence pour trancher deux questions : le droit ou non du prestataire à une antidatation et le droit du prestataire à des prestations parentales. Elle a écrit aux deux parties pour demander des observations sur la question de savoir si elle avait compétence pour examiner le droit à des prestations parentales du prestataire. La Commission n’a présenté aucune observationNote de bas de page 9.

[15] La division générale a souligné que le Tribunal adopte une approche générale à l’égard de sa compétence pour gérer les appels de façon juste et efficace, dans les limites de la loiNote de bas de page 10. Comme les décisions de révision comportent rarement des motifs détaillés, il peut être nécessaire d’examiner les demandes et les décisions sous-jacentes pour déterminer la portée de la décision de révisionNote de bas de page 11.

[16] La division générale a conclu qu’il était nécessaire, dans le cadre de la présente décision, d’examiner les questions en litige sous-jacentes. Elle a décidé que le nœud de la question était de savoir si le prestataire avait droit à des prestations plus de 78 semaines après la naissance de son enfantNote de bas de page 12.

[17] Je conclus que la division générale n’a pas outrepassé sa compétence. Le dossier indique ce qui suit :

  • Le prestataire a communiqué avec la Commission après la décision initiale selon laquelle il ne pouvait pas recevoir de prestations en dehors de la période de prestations parentalesNote de bas de page 13.
  • Le prestataire a demandé une antidatation par téléphone le 29 juin 2023. Plus tard dans la journée, il a été avisé par téléphone que sa demande ne pouvait pas être antidatée. Il n’y a pas de décision écrite concernant la demande d’antidatationNote de bas de page 14.
  • Le 7 juillet 2023, le prestataire a présenté une demande de révision écrite. Il y indique qu’il demande une révision de la décision énoncée dans la lettre datée du 3 mai 2023. Il souligne expressément que la décision qu’il voudrait faire réviser est celle de ne pas lui verser de prestations d’assurance-emploi parce qu’il a présenté une demande plus de 78 semaines après la naissance de son enfantNote de bas de page 15.
  • Le prestataire a expliqué dans sa demande de révision pourquoi la demande est tardive; celle-ci ayant été présentée plus de 30 jours après le 3 mai 2023.
  • Dans son explication de la raison pour laquelle la demande était tardive, le prestataire a mentionné qu’un agent lui avait dit de demander une antidatation. Quatre-vingt-dix minutes plus tard, il a été avisé que la demande ne pouvait pas être antidatée. L’agent lui a dit de recueillir des lettres d’appui et d’autres renseignements dans le cadre de sa demande de révisionNote de bas de page 16.
  • Un agent a communiqué avec le prestataire pour obtenir plus de renseignements sur sa demande de révision. Il a expliqué pourquoi il avait présenté une demande de prestations au moment où il l’avait fait. Il a ajouté que d’autres agents lui avaient dit qu’il devait présenter une demande avant que son conjoint ne termine ses prestations parentalesNote de bas de page 17.
  • Le prestataire a été avisé par téléphone de la décision de révision. Les notes de cet appel indiquent ce qui suit :

[Traduction]

J’ai communiqué la décision comme suit : J’ai passé en revue les faits au dossier et confirmé qu’ils sont complets. J’ai fourni une explication détaillée de la décision et de la justification dans le contexte des lois et des politiques. J’ai expliqué le délai et le processus d’appel de cette révision en vertu de la décision rendue en application de l’article 112 de la Loi devant le Tribunal (ou d’autres recours disponibles si un appel devant le Tribunal ne s’applique pas). J’ai informé la partie qu’un avis de décision sera envoyé par la poste. Le prestataire était en colère et a raccrochéNote de bas de page 18.

  • La lettre de décision datée du 11 août 2023 indique ce qui suit : « Question : antidatation. Nous maintenons notre décision sur cette question »Note de bas de page 19.

[18] Compte tenu des demandes et des décisions sous‑jacentes examinées dans la présente décision, il est clair que le prestataire a demandé une révision de la décision datée du 3 mai 2023 au sujet de son admissibilité aux prestations parentales. Les notes de l’appel au prestataire indiquent seulement que la décision lui a été communiquée et que le prestataire était contrarié. Elles ne précisent pas que seule une décision sur la question de l’antidatation lui a été communiquée à ce moment-là.

[19] Bien que la lettre de décision ne renvoie qu’à la question de l’antidatation, elle ne fournit pas de motifs détaillés. Elle fait également référence à la demande de révision faite par le prestataire au sujet d’une décision datée du 30 juin 2023. Il ressort clairement de la demande de révision du prestataire qu’il ne s’agissait pas de la décision dont il demandait la révision.

[20] La division générale a invité la Commission à présenter des observations sur la question de savoir si elle avait compétence ou non pour examiner la question de la période de prestations parentales. Cependant, elle a choisi de ne pas le faire. Ayant adopté une approche générale de la compétence du Tribunal, je conclus que la division générale avait compétence pour examiner la question du droit du prestataire à des prestations parentales.

La division générale a mal interprété les articles sur les prestations parentales de la Loi

[21] Dans sa décision, la division générale a examiné les articles de la Loi qui concernent la période de prestations parentales et les circonstances qui permettent sa prolongationNote de bas de page 20. Elle a noté que la Commission avait prolongé à juste titre la période pour le conjoint du prestataire jusqu’au 20 mai 2023 parce qu’il n’a pas touché de prestations régulières. En outre, il a reçu plus d’un type de prestations spéciales (prestations pour proches aidants et parentales)Note de bas de page 21.

[22] La division générale a ensuite conclu que deux parents qui partagent des prestations parentales ne peuvent pas avoir des périodes de prestations parentales différentes. Pour cette raison, elle a conclu que le prestataire pouvait toucher des prestations jusqu’au 20 mai 2023. La division générale n’a fourni aucun motif pour justifier sa décision selon laquelle les deux parents devaient avoir la même période de prestations parentales. Toutefois, elle a mentionné l’article 23(4) dans une note de bas de pageNote de bas de page 22.

[23] La division générale n’est pas tenue d’effectuer une analyse législative dans tous les cas. Toutefois, lorsqu’elle interprète une loi, elle doit le faire conformément au texte, au contexte et à l’objet de la loiNote de bas de page 23. Lorsque le texte est clair, les mots utilisés jouent un rôle primordial dans le processus d’interprétationNote de bas de page 24.

Le libellé des articles 23(2) et 23(4)

[24] La période de prestations parentales est énoncée à l’article 23(2) de la Loi :

(2) Semaines pour lesquelles des prestations peuvent être payées – Sous réserve de l’article 12, les prestations prévues au présent article sont payables pour chaque semaine de chômage au cours de la période qui :

  1. a) commence la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont réellement placés chez le prestataire en vue de leur adoption;
  2. b) se termine cinquante-deux semaines après la semaine de la naissance de l’enfant ou des enfants du prestataire ou celle au cours de laquelle le ou les enfants sont ainsi placés.

[25] La Loi énonce ensuite certaines circonstances dans lesquelles la période de prestations parentales peut être prolongée :

  • lorsque l’enfant est hospitalisé
  • lorsqu’un prestataire est déployé
  • lorsqu’un prestataire reçoit plusieurs prestations spéciales
  • lorsqu’un prestataire choisit de recevoir des prestations parentales prolongées
  • lorsqu’il existe certaines combinaisons de prestations régulières et spécialesNote de bas de page 25.

[26] En 2018, la Loi a été modifiée pour ajouter l’article qui permet à 2 prestataires de partager jusqu’à 40 semaines de prestations parentales standards ou 69 semaines de prestations parentales prolongéesNote de bas de page 26. Cette disposition permet de verser cinq semaines supplémentaires de prestations standards ou huit semaines de prestations prolongées lorsqu’elles sont partagées. L’article 23(4) prévoit ce qui suit :

Partage des semaines de prestations

(4) Si deux prestataires de la première catégorie présentent chacun une demande de prestations au titre du présent article — ou si un prestataire de la première catégorie présente une telle demande et qu’un particulier présente une demande de prestations au titre de l’article 152.05 — relativement au même enfant ou aux mêmes enfants, les semaines de prestations qui doivent être payées au titre du présent article, de l’article 152.05 ou de ces deux articles peuvent être partagées entre eux, jusqu’à concurrence de quarante semaines lorsque le nombre maximal de semaines choisi aux termes des paragraphes (1.1) ou 152.05(1.1) est prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(i) ou 152.14(1)b)(i) ou de soixante-neuf semaines lorsque ce nombre est prévu aux sous-alinéas 12(3)b)(ii) ou 152.14(1)b)(ii). S’ils n’arrivent pas à s’entendre, le partage des semaines de prestations doit être effectué conformément aux règles prévues par règlement.

[27] Les modifications prévoient également qu’une partie prestataire ne peut recevoir plus de 35 ou 61 semaines de prestations. L’article 23(4.11) est rédigé ainsi :

(4.11) Même lorsqu’il y a partage conformément aux paragraphes (4) et (4.1), le nombre maximal de semaines pour lesquelles des prestations peuvent être versées à un prestataire est de trente-cinq ou de soixante et une semaines, conformément au choix visé aux paragraphes (1.1) ou 152.05(1.1).

[28] Le préambule de l’article 23(2) est le suivant : « Sous réserve de l’article 12, les prestations visées au présent article sont payables pour chaque semaine de chômage comprise dans la période qui : […] » [non souligné dans l’original]. Les semaines supplémentaires de prestations partagées sont énoncées à l’article 23(4), ce qui en fait des prestations visées par l’article 23.

[29] Le libellé clair de l’article 23 dispose que les prestations payables en vertu de l’article 23 se limitent à la période de prestations parentales prévue à l’article 23(2). Rien dans la loi ne laisse croire que les semaines supplémentaires de prestations parentales partagées ne sont pas des prestations en vertu de l’article 23. Rien dans le libellé de cette disposition ne laisse croire que les deux prestataires qui partagent des prestations parentales doivent avoir la même période de prestations parentales.

[30] En ce qui concerne la durée de la période de prestations parentales, il existe un certain nombre de circonstances dans lesquelles elle peut être prolongée. Certaines d’entre elles s’appliquent aux deux prestataires. Si l’enfant est hospitalisé, la période est prolongée du nombre de semaines pendant lesquelles l’enfant est à l’hôpital. Lorsque des prestations parentales prolongées sont choisies, la période est prolongée de 26 semaines pour les 2 prestataires.

[31] D’autres prolongations font expressément référence à la situation de l’un ou l’autre des prestataires. Si un prestataire est membre des Forces canadiennes et que son congé parental est reporté, ou s’il doit retourner au travail plus tôt, sa période est prolongée. De même, si un prestataire reçoit plus d’un type de prestations spéciales au cours de sa période de prestations, celle-ci peut être prolongée pour permettre le versement de prestations. Le libellé de ces articles fait expressément référence à « un prestataire » ou « le prestataire ».

[32] Le prestataire soutient que le caractère irrévocable et contraignant du choix des prestations standards ou prolongées pour les deux parents démontre que les périodes sont censées être les mêmesNote de bas de page 27. Je conclus que le libellé n’appuie pas cette interprétation. Comme il a été mentionné précédemment, lorsque des prestations prolongées sont choisies, la période est prolongée pour les deux prestataires. Toutefois, cette prolongation ne signifie pas que les autres prolongations s’appliquent également aux deux prestataires.

[33] Le prestataire invoque également la prolongation prévue à l’article 23(3) pour les semaines ou les semaines partielles au cours desquelles un enfant est hospitalisé. Il affirme que son enfant a été hospitalisé pendant 5 semaines, après quoi un certificat médical a été délivré. Il affirme aussi que son conjoint a reçu 27 semaines de prestations pour proches aidantsNote de bas de page 28. Le prestataire soutient que sa période de prestations parentales devrait être prolongée en vertu de l’article 23(3) pour toutes ces semaines.

[34] Je conclus que la prolongation se limite aux semaines pendant lesquelles l’enfant est hospitalisé. Malheureusement pour le prestataire, c’est dire que les semaines supplémentaires au cours desquelles son enfant recevait des soins à la maison avec son conjoint prolongent sa période de prestations parentales.

[35] Je conclus que le libellé de l’article 23 est clair. Les prestations sont payables à une partie prestataire pendant la période de prestations parentales. Cette période peut être prolongée comme le prévoit la loi. Certaines des prolongations s’appliqueront aux deux prestataires et d’autres seulement à un seul prestataire. L’article 23(4) n’exige pas que la durée de la période de prestations parentales soit la même pour les deux parents.

Contexte et objet des dispositions relatives aux prestations parentales

[36] Les mots du préambule de l’article 23(2) sont « Sous réserve de l’article 12 ». L’article 12 de la Loi établit le nombre maximal de semaines de prestations qui peuvent être versées à un prestataire. L’article 12(1) est ainsi libellé :

12. (1) Une fois la période de prestations établie, des prestations peuvent, à concurrence des maximums prévus au présent article, être versées au prestataire pour chaque semaine de chômage comprise dans cette période.

[37] L’article 12(4) fait référence aux semaines supplémentaires de prestations parentales partagées. En voici le texte :

(4) Les prestations ne peuvent être versées :

  1. a) dans le cas d’une seule et même grossesse, pendant plus de quinze semaines;
  2. b) dans le cas de soins à donner à un ou plusieurs nouveau-nés d’une même grossesse ou du placement d’un ou de plusieurs enfants en vue de leur adoption pendant plus du nombre de semaines ci-après :
    1. (i) dans le cas où le nombre maximal de semaines choisi aux termes du paragraphe 23(1.1) est prévu au sous-alinéa (3)b)(i), trente-cinq semaines ou, si les semaines de prestations qui peuvent être versées sont partagées en conformité avec cet article 23, quarante semaines,
    2. (ii) dans le cas où le nombre maximal de semaines choisi aux termes du paragraphe 23(1.1) est prévu au sous-alinéa (3)b)(ii), soixante et une semaines ou, si les semaines de prestations qui peuvent être versées sont partagées en conformité avec cet article 23, soixante-neuf semainesNote de bas de page 29.
    3. [Non souligné dans l’original.]

[38] Ces articles établissent le nombre maximal de semaines de prestations qui peuvent être versées au cours d’une période de prestations. L’article 10 de la Loi porte sur le début, la durée et la fin de la période de prestations. Cette période commence lorsqu’un prestataire subit un arrêt de rémunération. Un prestataire doit avoir établi une période de prestations pour recevoir des prestations.

[39] La période des prestations parentales définit le moment où des prestations parentales peuvent être versées. Les prolongations de la période de prestations parentales permises par la Loi comportent des prolongations correspondantes de la période de prestations à l’article 10Note de bas de page 30. C’est donc dire qu’un prestataire qui a droit à une prolongation de sa période de prestations parentales verra également une prolongation de sa période de prestations, afin qu’il puisse recevoir des prestations.

[40] Le paiement des prestations parentales dépend de la période de prestations parentales et non de la seule période de prestations. La Cour d’appel fédérale a été claire à cet égard.

S’il ne fait aucun doute que la période de prestations visée aux articles 9 et 10 de la Loi est établie en fonction spécifiquement du prestataire, il n’en est pas ainsi pour la période pendant laquelle des prestations parentales peuvent être versées au titre du paragraphe 23(2). L’établissement de cette dernière période se rattache à la naissance d’un ou de plusieurs enfants (voir le paragraphe 23(2)). Par conséquent, même si deux prestataires peuvent chacun demander des prestations parentales pour prendre soin d’un ou de plusieurs enfants, et si une période de prestations doit être établie au profit de chacun des prestataires séparément, les prestations parentales ne peuvent versées que pendant la période visée par le paragraphe 23(2), peu importe quand commence et se termine la période de prestations de l’un ou l’autre prestataireNote de bas de page 31.

[41] C’est dire que les prestations parentales ne peuvent être versées en dehors de la période de prestations parentales même si la période de prestations d’un prestataire n’a pas pris fin.

[42] Les prestations parentales visent à indemniser les parents admissibles qui subissent un arrêt de rémunération lorsqu’ils prennent soin d’un nouveau-né ou d’un enfant adopté. Ces dispositions ne sont pas dictées par les besoins des parents. La loi vise à offrir à ces parents un remplacement du revenu pour une durée limitéeNote de bas de page 32.

[43] J’estime que la division générale a mal interprété la loi lorsqu’elle a conclu que l’article 23(4) de la Loi exige que deux prestataires qui partagent des prestations parentales doivent avoir la même période de prestations parentales. Bien que cette interprétation ne soit pas incompatible avec l’objet des prestations parentales, elle n’est pas étayée par le libellé des articles. Le libellé est clair. Certaines prolongations de la période de prestations parentales ne s’appliquent qu’à un seul prestataire.

Réparation

[44] La division générale a fondé sa décision sur une mauvaise interprétation de la loi, ce qui constitue une erreur de droit. C’est donc dire que je peux substituer ma propre décision à celle de la division générale ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen.Note de bas de page 33 Je peux trancher toute question de droit ou de fait qui est nécessaire pour régler l’appel du prestataireNote de bas de page 34.

[45] Dans la présente affaire, je conclus qu’il est approprié pour moi de substituer ma propre décision à celle de la division générale. Le dossier est complet et les parties ont eu une occasion exhaustive de faire valoir leurs arguments devant la division généraleNote de bas de page 35.

Le prestataire ne peut recevoir de prestations parentales

[46] Comme il a été mentionné précédemment, la loi indique clairement que les prestations parentales ne sont payables que pendant la période de prestations parentales. La loi prévoit certaines prolongations de cette période. Pour le prestataire, sa période a été prolongée de 26 semaines parce que des prestations parentales prolongées ont été choisies et de 5 semaines pendant lesquelles son enfant a été hospitalisé, pour un total de 83 semaines. Contrairement à son conjoint, le prestataire n’a reçu aucun autre type de prestation spéciale et il ne satisfait à aucune des autres circonstances qui permettraient une prolongation supplémentaire de sa période.

[47] Je comprends que le prestataire et son conjoint ont reçu des renseignements erronés de la part d’agents de Service Canada pendant une période stressante et difficile de leur vie. Je comprends que leur expérience s’est révélée frustrante et qu’ils dépendaient du fait que la prestataire recevait des prestations parentales. Je suis très sensible à leur situation. Toutefois, je dois interpréter et appliquer la loi, et je ne peux pas la réécrireNote de bas de page 36.

[48] La période de prestations parentales du prestataire a commencé la semaine où son enfant est né le 9 juillet 2021. Elle a pris fin 83 semaines plus tard, soit la semaine du 10 février 2023. Le prestataire n’a subi aucun arrêt de rémunération et n’a présenté sa demande de prestations que le 14 avril 2023, ce qui était hors de la période des prestations parentales.

Conclusion

[49] L’appel est accueilli. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire ne peut recevoir de prestations parentales.

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