Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DS c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2024 TSS 634

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : D. S.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada
Représentante : Jessica Murdoch

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
26 février 2024 (GE-24-236)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Date de la décision : Le 5 juin 2024
Numéro de dossier : AD-24-230

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Décision

[1] J’accueille l’appel de D. S.

[2] Lui et la Commission de l’assurance-emploi du Canada sont d’accord pour dire que la division générale a commis une erreur de fait importante. Ils disent que je devrais décider qu’il n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[3] J’accepte cet accord entre les parties au sujet de l’erreur et du résultat. Cela signifie que D. S. n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour cette raison.

Aperçu

[4] D. S. est le prestataire dans la présente affaire. Après avoir perdu son emploi, il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[5] La Commission a décidé qu’il avait perdu son emploi pour une raison qui est considérée comme étant une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 1. Elle ne lui a donc pas versé de prestations.

[6] Il a demandé à la Commission de réviser sa décision. La Commission a maintenu sa décision. Il a donc fait appel devant la division générale du Tribunal, qui a rejeté son appel. Je lui ai ensuite donné la permission de porter la décision de la division générale en appel.

[7] Lors d’une conférence de règlement, le prestataire et la Commission (parties) ont convenu que la division générale avait commis une erreur et se sont entendus sur la façon dont je devrais corriger cette erreur.

Les parties s’entendent sur l’issue de l’appel

[8] J’ai invité les parties à une conférence de règlement. Lors de cette conférence, tenue le 5 juin 2024, les parties ont convenu de ce qui suit :

  • La division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée après avoir fait fi d’une lettre du psychiatre du prestataire ou mal compris celle-ci.
  • Je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire n’a pas perdu son emploi pour une raison qui constitue une inconduite au sens de la Loi.

J’accepte l’erreur et le résultat proposés

[9] Dans les appels sur l’inconduite, la division générale doit trancher deux choses :

  • la raison pour laquelle la personne a perdu son emploi;
  • la question de savoir si ce motif constitue une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 2.

[10] Pour constituer une inconduite, la conduite de la personne doit être délibérée (consciente, voulue ou intentionnelle) ou téméraire au point d’être délibéréeNote de bas de page 3. Pour établir que la conduite d’une personne était délibérée, la Commission doit prouver que cette personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite a contrevenu à une obligation qu’elle devait envers son employeur, et qu’elle savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait perdre son emploi en raison de cette conduiteNote de bas de page 4.

[11] La division générale a utilisé le bon critère pour l’inconduite. Mais elle a commis une erreur de fait importante dans son application de ce critère.

La division générale a fait fi de la lettre du psychiatre ou mal compris celle-ci

[12] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée après avoir fait fi de la preuve ou l’avoir mal compriseNote de bas de page 5. Autrement dit, la preuve va directement à l’encontre d’une conclusion de fait tirée par la division générale ou n’appuie pas celle-ciNote de bas de page 6.

[13] Le prestataire a envoyé à la division générale une lettre de son psychiatreNote de bas de page 7. Une partie de cette lettre dit ceci (j’ai ajouté le soulignement) :

[TRADUCTION]
Ses symptômes maniaques [ceux du prestataire] décrits à l’époque comprenaient : irritabilité, agitation, jurons, grande volubilité, interruption des autres, comportements bizarres, impulsivité (comme faire des dépenses frénétiques et faire don de ses biens), hausse du niveau d’énergie, diminution du besoin de sommeil, déficiences cognitives/problèmes de mémoire.

Le lien entre sa maladie et l’incident est clair. Il s’est conduit d’une façon qui ne lui ressemblait pas et en raison de sa maladie. Ses symptômes d’irritabilité, d’impulsivité et de troubles cognitifs l’ont mené directement à confronter avec impulsivité et irritabilité le manifestant et il n’a pas été capable de réfléchir à ce moment-là et de faire preuve d’un meilleur jugement.

[14] La division générale a reconnu que la lettre du psychiatre appuie le témoignage du prestataire au sujet de son épisode maniaque bipolaire (para 29 et 35).

[15] La division générale a ensuite soupesé la preuve et a décidé ce qui suit :

  • La conduite du prestataire était intentionnelle (para 31).
  • Il n’a pas convaincu la division générale que ses actions étaient involontaires à l’époque, même si la division générale a accepté qu’il était bipolaire et qu’il était en plein épisode maniaque (para 40).
  • La preuve montre que le prestataire était conscient de ses actions pendant l’incident (para 41 et 47).

[16] Compte tenu de ces conclusions de fait, la division générale a jugé que le prestataire aurait dû savoir qu’il pouvait être congédié pour sa conduite. Autrement dit, sa conduite était délibérée. La division générale a ensuite décidé qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[17] Je suis d’accord avec les parties pour dire que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Les conclusions de fait de la division générale ne tiennent pas compte de la lettre du psychiatre ou comprennent mal celle-ci. Autrement dit, la conclusion de fait de la division générale selon laquelle la conduite du prestataire était délibérée va directement à l’encontre de la lettre du psychiatre. Et elle a fondé sa décision sur cette conclusion de fait, qui allait à l’encontre de la preuve.

Le résultat et ce que la Commission a accepté de faire maintenant

[18] Comme j’ai conclu que la division générale a commis une erreur de fait importante, j’ai le pouvoir de corriger l’erreurNote de bas de page 8.

[19] Les parties sont d’accord pour dire que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. D’après la lettre du psychiatre, la Commission a concédé que la conduite du prestataire n’était pas délibérée. Elle a donc dit qu’il n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est également ce que le prestataire a fait valoir.

[20] Je suis d’accord avec les parties sur la façon dont je devrais corriger l’erreur de la division générale. Je conviens également que la preuve – notamment les parties de la lettre du psychiatre reproduite ci-dessus qui sont soulignées – montre que la Commission n’a pas prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie que le prestataire n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour cette raison.

[21] La Commission a dit que lorsqu’elle aura reçu la présente décision, l’un de ses agents appellera le prestataire. Ce dernier et l’agent peuvent remplir les déclarations bimensuelles dont la Commission a besoin pour traiter sa demande de prestations d’assurance-emploi et effectuer des paiements à cet égard.

Conclusion

[22] J’accueille l’appel du prestataire.

[23] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. La Commission n’a pas prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations pour cette raison.

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