Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : JB c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2022 TSS 1086
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu
Décision
Partie appelante : | J. B. |
Représentante ou représentant : | E. N. |
Partie intimée : | Ministre de l’Emploi et du Développement social |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 1er septembre 2021 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Anne S. Clark |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 25 avril 2022 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelante Représentante de l’appelante Ami et témoin de l’appelante |
Date de la décision : | Le 16 juin 2022 |
Numéro de dossier : | GP-21-2333 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Ce que l’appelante doit prouver
- Questions que je dois examiner en premier
- Motifs de ma décision
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelante, J. B., n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.
Aperçu
[3] L’appelante a 50 ans. Elle avait 35 ans la dernière fois où elle a été admissible à des prestations d’invalidité du RPC. Elle est instructrice de yoga et a étudié la psychologie des relations humaines à l’université. Elle a travaillé comme danseuse érotique pendant 14 ans. Elle a un fils qui est né en février 2007. L’appelante est atteinte d’épilepsie et a des crises depuis 1982 ou avant cette date. Elle a dit que les effets des crises la rendent incapable de travailler.
[4] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC le 22 juin 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelante a fait appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.
[5] L’appelante affirme qu’elle est atteinte d’épilepsie depuis de nombreuses années et qu’elle ressent les effets de crises épileptiques, qui lui causent aussi des blessures à la tête et au corps. Lorsqu’elle a reçu son premier diagnostic, elle a pris des médicaments d’ordonnance qui ont soulagé certains de ses symptômes. Elle a cessé de prendre ses médicaments en 2006, lorsqu’elle est tombée enceinte. Depuis, elle gère son problème de santé avec des [traduction] « plantes médicinales », du cannabis et un régime alimentaire. Elle a dit qu’il y avait très peu de preuves médicales datant d’avant 2008 parce que la communauté médicale n’a pas réussi à la traiter et qu’elle a dû gérer son problème de santé par elle-même. Elle m’a aussi dit que ses cotisations au RPC étaient faibles parce qu’elle était surtout travailleuse indépendante et qu’elle cotisait au RPC seulement pendant ses [traduction] « meilleures » années. Elle a dit qu’elle a besoin d’une pension d’invalidité pour payer son régime alimentaire afin d’aider à contrôler les crises épileptiques.
[6] Le ministre affirme que rien ne démontre que l’appelante avait des limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé à la fin de décembre 2006. Le ministre a souligné qu’il existe des traitements que l’appelante pourrait essayer pour atténuer ses symptômes, et qu’elle devrait être en mesure de poursuivre une carrière et de travailler en respectant ses limitations fonctionnelles.
Ce que l’appelante doit prouver
[7] Pour gagner son appel, l’appelante doit prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2006. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPCNote de bas de page 1.
[8] Le Régime de pensions du Canada définit les adjectifs « grave » et « prolongée ».
[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 2.
[10] Autrement dit, pour décider si l’invalidité de l’appelante est grave, je dois examiner l’effet global de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de facteurs comme son âge, son niveau de scolarité, son expérience de travail et son expérience personnelle. Ces facteurs me font voir sa situation de façon réaliste et m’aident à décider si son invalidité est grave. Si l’appelante est régulièrement capable de faire un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, elle n’a pas droit à une pension d’invalidité.
[11] Une invalidité est prolongée si elle doit durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3.
[12] Autrement dit, aucun rétablissement ne doit être prévu. Pour être prolongée, l’invalidité de l’appelante doit l’obliger à quitter le marché du travail pendant très longtemps.
[13] L’appelante doit prouver qu’elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée selon la prépondérance des probabilités. En d’autres mots, elle doit me convaincre qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est invalide et qu’elle l’était en date du 31 décembre 2006.
Questions que je dois examiner en premier
J’ai accepté les documents que l’appelante a envoyés après l’audience
[14] L’appelante a reconnu qu’elle n’avait pas présenté de preuve médicale concernant ses problèmes de santé au 31 décembre 2006 ou avant cette date. Elle a dit qu’elle pensait qu’elle devait seulement prouver qu’elle avait un problème de santé en date du 31 décembre 2006 et qu’elle est devenue invalide en raison de ce problème. Elle n’a pas compris qu’elle devait démontrer qu’elle était atteinte de ce problème de santé et qu’elle était invalide au plus tard le 31 décembre 2006. Par conséquent, elle a seulement déposé des éléments de preuve et fourni des témoins au sujet de ses symptômes et limitations actuels.
[15] L’appelante a dit qu’elle pouvait obtenir des éléments de preuve concernant ses problèmes de santé en date du 31 décembre 2006. Elle a demandé deux semaines pour le faire.
[16] La demande de l’appelante était raisonnable. Il était très important qu’elle soumette des renseignements médicaux à l’appui de sa position selon laquelle elle était invalide en date du 31 décembre 2006. J’ai accepté de lui donner le temps de déposer des éléments de preuve. J’ai établi des échéances d’après sa demande et j’ai donné au ministre le temps de répondre. L’appelante a déposé des renseignements supplémentaires et a fait des observationsNote de bas de page 4. Le ministre n’a pas déposé de réponse et s’est fondé sur des observations antérieures.
Motifs de ma décision
[17] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2006.
L’invalidité de l’appelante était-elle grave?
[18] L’appelante n’a pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2006. J’ai basé ma conclusion sur plusieurs facteurs. Les voici.
La preuve ne démontre pas que les limitations fonctionnelles de l’appelante nuisaient à sa capacité de travail
[19] L’appelante affirme qu’elle était atteinte d’épilepsie, de dépression, d’anxiété et de symptômes découlant d’un traumatisme au corps et à la tête. Toutefois, des diagnostics ne suffisent pas à régler la question de son invaliditéNote de bas de page 5. Je dois plutôt voir si des limitations fonctionnelles l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 6. Dans cette optique, je dois examiner tous ses problèmes de santé (pas juste le plus important) et évaluer leur effet sur sa capacité à travaillerNote de bas de page 7.
[20] Je conclus que la preuve ne démontre pas que l’appelante avait des limitations fonctionnelles en date du 31 décembre 2006.
Ce que l’appelante dit de ses limitations fonctionnelles
[21] L’appelante affirme que les limitations fonctionnelles causées par ses problèmes de santé nuisent à sa capacité de travail. Elle dit avoir souvent des crises épileptiques qui limitent sa capacité fonctionnelle. Les crises lui causent aussi des blessures à la tête et au corps. Elles sont imprévisibles. Des choses indépendantes de sa volonté ont aussi une incidence sur ses crises épileptiques. Selon l’appelante, les crises sont, au moins en partie, causées par son cycle menstruel, la foudre pendant les orages, le courant des marées et les tours 5 G.
[22] L’appelante a dit qu’elle avait traversé une longue période de dépression en 2005 et qu’elle avait tenté de se suicider. Elle a consulté un psychologue en 2006 et a essayé les séances de thérapie par le neurofeedback qu’il lui a recommandé. L’appelante n’a pas dit si son état de santé s’était amélioré avec les séances, mais elle a cessé de s’y rendre en mai 2006. Elle a également cessé de prendre ses médicaments en 2006, lorsqu’elle est tombée enceinte. Il semble qu’elle n’ait pas essayé d’autres médicaments d’ordonnance depuis.
[23] L’appelante a dit que les crises épileptiques provoquent des blessures à la tête qui nuisent à sa mémoire. Elle a avancé que les séances de thérapie par le neurofeedback visaient également à traiter ces symptômes. L’appelante n’a pas dit si elles aidaient sa mémoire.
[24] L’appelante a dit s’être prouvé que les médicaments ne peuvent pas améliorer son état de santé. Elle a perdu son permis de conduire en 2005. Elle ne peut pas le renouveler parce qu’elle ne peut pas obtenir d’assurance à moins de prendre des médicaments et de ne pas avoir de crise épileptique pendant un an. Elle a ajouté qu’elle avait [traduction] « franchi une étape en 2014 ».
[25] L’appelante suit un régime cétogène et estime qu’il s’agit d’un traitement reconnu pour l’épilepsie. Elle a dit qu’elle avait passé une année complète sans crise, en consommant seulement du cannabis et en suivant son régime alimentaire. Elle a aussi dit que les crises épileptiques sont maintenant plus graves qu’elles ne l’ont jamais été. Elle a dit qu’elle avait eu de une à six crises par année entre 2006 et 2010 et qu’elle en avait eu deux entre 2011 et 2013Note de bas de page 8.
Ce que les témoins disent au sujet des limitations fonctionnelles de l’appelante
[26] La représentante a également témoigné oralementNote de bas de page 9. Elle a dit qu’elle connaît l’appelante depuis 2009. Elle a vu l’appelante faire une crise épileptique pour la première fois en janvier 2014. Depuis, elle a été présente lorsque l’appelante a subi des crises à six moments différents. Les crises semblent devenir de plus en plus difficiles. La dernière date de novembre 2021 et il a fallu très longtemps à l’appelante pour s’en remettre.
[27] La preuve de la représentante n’est pas utile pour décider si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2006. En effet, la représentante a connu l’appelante et observé ses symptômes seulement en 2009 et par la suite, soit des années après la fin de sa PMA.
[28] L’ami de l’appelante, J. M. (témoin), a témoigné. Il a dit qu’il connaît l’appelante depuis 2014. Il a été témoin d’au moins trois crises épileptiques et il a aidé l’appelante alors qu’elle récupérait. Le témoin a dit qu’il est ambulancier et qu’il estime que ces crises sont très graves. Il a affirmé qu’il devait en parler au fils de l’appelante pour l’aider à comprendre ce qui se passait.
[29] La preuve du témoin n’est pas utile pour décider si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2006. En effet, il a connu l’appelante et observé des symptômes en 2014 seulement, soit des années après la fin de la PMA.
[30] C. J., l’amie de l’appelante, a écrit en appui à l’appel de celle-ci. Elle a dit qu’elle connaît l’appelante depuis 1977 et qu’elle a été témoin d’une crise épileptique pour la première fois en 1982. Elle a passé beaucoup de temps avec l’appelante en 2005 et 2006, alors que celle-ci était enceinte. C. J. a été témoin de cinq crises épileptiques différentes pendant cette période. Elle confirme que l’appelante vivait avec l’épilepsie en 2006Note de bas de page 10.
[31] La preuve de l’amie de l’appelante confirme que celle-ci avait un problème de santé en 2006. On ne peut pas considérer qu’il s’agit d’une preuve médicale qui confirme que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vie en date du 31 décembre 2006. La lettre confirme que l’appelante ne conduisait pas et qu’elle avait des crises épileptiques, mais elle ne traite pas de sa capacité de travail.
Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelante
[32] L’appelante doit soumettre des éléments de preuve médicale qui montrent que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler en date du 31 décembre 2006Note de bas de page 11.
[33] La preuve médicale ne confirme pas la version des faits de l’appelante. Des éléments de preuve au dossier montrent que l’appelante a un grave problème de santé et qu’il lui faut un traitement. La preuve au dossier montre que l’appelante a été traitée pour épilepsie et qu’elle a dû être hospitalisée. Elle ne prend pas les médicaments recommandés et prend des remèdes non prescrits comme le cannabisNote de bas de page 12.
[34] Les renseignements que l’appelante a déposés après l’audience montrent qu’elle a consulté des spécialistes en 1997 et en 2004Note de bas de page 13. Il y a un rapport statistique et une analyse datant de 2006Note de bas de page 14. Il y a un relevé de compte montrant que l’appelante a payé les services d’un psychologue du 10 janvier au 2 mai 2006Note de bas de page 15.
[35] La preuve médicale ne montre pas que l’appelante avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travail en date du 31 décembre 2006. Elle n’a donc pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave.
[36] Pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois généralement tenir compte de ses caractéristiques personnelles.
[37] Cela me permet d’évaluer sa capacité de travailler sous un angle réalisteNote de bas de page 16.
[38] Il ne sert à rien d’appliquer cette analyse ici, puisque les limitations fonctionnelles de l’appelante ne nuisaient pas à sa capacité de travail en date du 31 décembre 2006. Elle n’a donc pas prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave à ce moment-làNote de bas de page 17.
Conclusion
[39] Je conclus que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC parce qu’elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave. Étant donné que l’invalidité doit obligatoirement être grave et prolongée, il ne sert à rien de décider si son invalidité est prolongée.
[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.