Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : LT c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 730

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : L. T.
Représentant : S. R.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision datée du 18 juin 2021 rendue par le ministre de l’Emploi et du Développement social (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jackie Laidlaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 23 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelant
La partie intimée
Date de la décision : Le 28 mars 2023
Numéro de dossier : GP-21-1750

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le requérant, L. T., n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] Le requérant est un homme de 45 ans. Il a exercé une série d’emplois à court terme tout au long de sa vie. En novembre 2018, il travaillait depuis 10 semaines comme technicien en lubrification, et conduisait également un Uber depuis trois semaines. De plus, il était propriétaire d’un camion de cuisine de rue qu’il opérait les fins de semaine. Il a eu un accident de voiture et n’a occupé aucun emploi depuis. En avril 2019, il a subi une crise cardiaque et il s’est fait poser une endoprothèse en 2020. Il affirme qu’il souffre de maux de tête quotidiens, de problèmes cardiaques, de douleurs bilatérales aux genoux, de douleurs au bas du dos, de douleurs au cou, et de douleurs découlant de déchirures de la coiffe des rotateurs aux épaules droite et gauche. De plus, ses problèmes de santé mentale (problèmes cognitifs, stress, dépression, anxiété, colère, trouble de stress post-traumatique et douleurs somatiques) l’ont tous empêché de travailler.

[4] Le requérant a demandé une pension d’invalidité du RPC le 16 octobre 2020. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le requérant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Le requérant affirme qu’il ne peut reprendre aucun de ses anciens emplois, qui étaient tous de nature physique, car il ne peut pas marcher ni s’asseoir ni se tenir debout pendant de longues périodes. Il a aussi de la difficulté à se concentrer.

[6] Le ministre affirme que le requérant a des limitations fonctionnelles, mais qu’il n’a pas de pathologie grave démontrant qu’il est incapable de travailler. Il n’a pas fait d’efforts pour essayer de travailler.

Ce que le requérant doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, le requérant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2020. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au RPC.Footnote 1

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.Footnote 2 Cela signifie que je dois examiner l’ensemble des problèmes de santé du requérant pour voir leur effet global sur sa capacité de travail. Je dois aussi tenir compte de ses antécédents (y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents professionnels et son expérience de vie). Ces éléments me permettent de voir de façon réaliste si son invalidité est grave ou non. Si le requérant est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à une pension d’invalidité.

[10] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès.Footnote 3 Par conséquent, l’invalidité du requérant ne peut pas avoir une date de rétablissement prévue. Il faut s’attendre à ce que l’invalidité tienne le requérant à l’écart du marché du travail pendant longtemps.

[11] Le requérant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Motifs de ma décision

[12] Je conclus que le requérant n’a pas prouvé qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2020.

L’invalidité du requérant était-elle grave?

[13] L’invalidité du requérant n’était pas grave. J’ai tiré cette conclusion en examinant plusieurs facteurs. J’explique ces facteurs ci-dessous.

Les limitations fonctionnelles du requérant n’ont aucune incidence sur sa capacité de travail

[14] Voici les symptômes et diagnostics du requérant :

  • Il a subi une crise cardiaque en avril 2019.
  • Il a subi une déchirure de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite et il a de la douleur à l’épaule gauche.Footnote 4
  • Il a un trouble d’adaptation avec humeur dépressive, un trouble d’anxiété, un trouble dépressif majeur et de la douleur chronique.Footnote 5
  • Il souffre de maux de tête.
  • Il a des douleurs bilatérales aux genoux et des douleurs au bas du dos.

[15] Toutefois, je ne peux pas me concentrer sur les diagnostics du requérant.Footnote 6 Je dois plutôt me concentrer sur la question de savoir s’il avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vie.Footnote 7 Pour ce faire, je dois examiner tous les problèmes de santé du requérant (pas seulement le plus important) et je dois évaluer leurs effets sur sa capacité de travail.Footnote 8

[16] Je conclus que le requérant n’a pas de limitations fonctionnelles qui ont nui à sa capacité de travail.

Ce que le requérant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[17] Le requérant affirme que ses problèmes de santé ont entraîné des limitations fonctionnelles qui nuisent à sa capacité de travail.  

[18] Il dit que ses maux de tête surviennent quatre fois par semaine et durent une demi-journée. Ils duraient auparavant une journée complète. Lorsqu’il a mal à la tête, il prend de la mélatonine et du tramadol ou de l’Advil. Il se calme l’esprit et se met une serviette humide sur la tête.

[19] Le requérant a déclaré qu’en raison de sa crise cardiaque, il est incapable de prendre certains médicaments. Son cœur va bien maintenant, mais on lui a dit qu’en raison de ses problèmes de santé, il ne pourrait pas occuper un emploi dont les tâches exigeraient qu’il lève des objets lourds.

[20] Ses douleurs aux genoux rendent la marche difficile. Il peut marcher de 10 à 15 minutes. Parfois, son genou flanche et il tombe. Il porte une attelle de genou depuis un an et demi, ce qui l’aide lorsqu’il marche, mais il ne peut pas la porter pendant qu’il conduit. Il a commencé à utiliser une canne deux semaines après l’accident. Il n’a jamais consulté de spécialiste pour ses genoux. On lui a dit de se faire masser, de faire de la physiothérapie et de perdre du poids.

[21] Ses douleurs au cou se sont aggravées après l’opération à l’épaule droite en 2020. Il ne peut pas tourner la tête à gauche ni à droite. 

[22] Il a subi une déchirure de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite à la suite de l’accident. L’opération a été retardée en raison de sa crise cardiaque, puis de la COVID. Il ne pouvait pas se gratter le dos et il n’avait pas la force de tenir en main une bouteille d’eau. Il a subi une intervention chirurgicale en juillet 2020 et a fait six mois de physiothérapie. On pense que la physiothérapie a causé une autre déchirure de la coiffe des rotateurs. Il ne peut toujours pas se gratter le dos et soulever son bras en s’habillant. Il doit continuer ses exercices à la maison, sinon son épaule se fige.

[23] On l’a opéré à l’épaule gauche, il y a longtemps, en 1994. Comme il utilise le bras gauche au lieu de son bras droit dominant, cette épaule a aussi des douleurs et on pense qu’il a des déchirures. On lui a dit qu’il pouvait se faire opérer à l’épaule gauche, mais il est réticent, car la chirurgie à l’épaule droite n’a pas fonctionné. On lui a dit que s’il ne se fait pas opérer, il ne devrait rien soulever au-dessus de son épaule. On a recommandé qu’il prenne une dose de cortisone à l’épaule gauche.

[24] Le requérant a déclaré qu’il ne peut pas se pencher ni bouger trop rapidement à cause de son bas de dos. Il ne peut pas se lever ni s’asseoir rapidement sans ressentir de la douleur. Sur le tapis roulant et la bicyclette, il ressent plus de douleur. Il n’a jamais consulté de spécialiste du dos, mais son médecin de famille lui a dit de prendre du tramadol pour soulager la douleur. Il a aussi suivi de la thérapie par le « cupping ». 

[25] Le requérant a déclaré qu’il a des troubles de santé mentale et une dépression. Il se sent dépassé émotionnellement et respire avec difficulté. Il pleure parfois. Sa santé mentale nuit à sa capacité de travailler en raison de sa colère. De plus, il a de la difficulté à écouter les gens parler, à se concentrer et à penser.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles du requérant

[26] Le requérant doit fournir des éléments de preuve médicale qui appuient le fait que ses limitations fonctionnelles ont nui à sa capacité de travail au plus tard le 31 décembre 2020.Footnote 9

[27] Il y a au dossier un certain nombre de notes cliniques du médecin de famille, la Dre Tatiana Ramirez. Il y a des rapports de chirurgiens orthopédistes, le Dr Ikejiani et le Dr Porte, tous deux spécialistes du traitement. Il y a un rapport de la Dre Fiati, une psychologue, qui a traité le requérant de 2019 à 2020 pour la gestion de la douleur. Je vais accorder plus d’importance aux rapports des médecins traitants mentionnés ci-dessus. Il y a au dossier un certain nombre d’évaluations médicales et juridiques, qui ont été effectuées strictement à la demande de l’avocat du requérant pour son litige. D’ailleurs, la Dre Ramirez a écrit dans ses dossiers cliniques que le requérant faisait l’objet d’évaluations recommandées par son avocat pour les litiges; ce n’est pas la Dre Ramirez ni aucun autre professionnel de la santé qui en a fait la demande.Footnote 10 Les médecins qui ont rédigé les évaluations médicales et juridiques n’étaient pas des médecins traitants. Ce n’est pas non plus un médecin qui a demandé qu’on évalue l’état de santé du requérant. Par conséquent, j’accorderai moins d’importance à leurs évaluations et à leurs opinions.

[28] Les problèmes de santé les plus importants du requérant sont ses douleurs et ses limitations à l’épaule, ainsi que la crise cardiaque qu’il a subie après avoir cessé de travailler. Je traiterai également de ses problèmes aux deux genoux, de ses maux de dos et de ses maux de tête. Ses problèmes de santé mentale seront également abordés.

Les épaules

[29] Au départ, le Dr Ikejiani a constaté une déchirure partielle de la coiffe des rotateurs droite, sans dysfonctionnement du nerf, malgré ses douleurs au cou. Le médecin a noté une amélioration grâce à la physiothérapie et une amplitude de mouvement complète. Il a recommandé une physiothérapie continue et un traitement conservateur.Footnote 11 En octobre 2019, le Dr Porte a conclu qu’il avait besoin d’une intervention chirurgicale, mais il l’a mis en attente pendant un an parce que le requérant a subi une crise cardiaque. Le Dr Porte a fait remarquer [traduction] « qu’il était peu probable que l’arthroscopie répare la coiffe des rotateurs, aide à soulager la douleur et assure une plus grande amplitude de mouvement ». Il a constaté que l’épaule du requérant ne reviendrait pas à la normale. Le Dr Porte a également indiqué que le requérant devrait modifier ses tâches d’emploi et éviter de soulever des objets lourds.Footnote 12

[30] Par conséquent, même avec une intervention chirurgicale, l’épaule du requérant ne pourrait pas fonctionner comme auparavant. Toutefois, ce n’est pas le critère pour évaluer une invalidité grave. Le critère est la capacité de travailler malgré ses limitations fonctionnelles.

[31] En juillet 2020, le Dr Porte a noté que la chirurgie avait donné de bons résultats et que ses douleurs à l’épaule et sa mobilité allaient s’améliorer.Footnote 13 Le requérant a déclaré qu’il a de nouveau déchiré la coiffe des rotateurs, probablement en faisant de la physiothérapie. Il a également déclaré qu’il avait une déchirure à l’épaule gauche. Malgré cela, le Dr Porte a écrit en novembre 2020 qu’on l’encourageait à bouger son épaule et qu’on prévoyait qu’avec le temps et la thérapie, il serait en mesure de trouver un emploi convenable.Footnote 14 En octobre 2020, son médecin de famille, la Dre Ramirez, a également noté qu’après la chirurgie son corps avait bien répondu aux analgésiques et à la physiothérapie. Elle a indiqué que son problème à l’épaule allait probablement s’améliorer et s’attendait à ce qu’il reprenne son travail habituel dans un délai d’un à deux ans.Footnote 15

[32] Après la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), en mai 2021, le requérant a vu un autre chirurgien orthopédiste, le Dr Casses, pour son épaule gauche. Il a remarqué une déchirure partielle en épaisseur à l’épaule gauche, une amplitude de mouvement complète dans son bras gauche et aucun pincement. On a recommandé un traitement conservateur de physiothérapie et d’anti-inflammatoires. Le Dr Casses a également indiqué que le requérant devrait changer d’emploi pour éviter les mouvements de l’épaule au-dessus de la tête.Footnote 16

[33] La preuve médicale montre que son épaule droite ne reviendra pas à son fonctionnement normal d’avant l’accident. Il a déclaré qu’on lui a recommandé de recevoir de nouvelles injections de cortisone à l’épaule gauche. La Dre Ramirez estimait qu’il serait en mesure de reprendre son emploi précédent. Malheureusement, avec l’ajout de la déchirure partielle en épaisseur à l’épaule gauche, il est limité par rapport à son emploi précédent, mais pas par rapport à tout emploi.

La crise cardiaque

[34] Le requérant a subi une crise cardiaque en avril 2019. Il est sorti de l’hôpital en état stable et on lui a conseillé d’éviter toute activité intense pendant quatre semaines. En février 2020, son cardiologue, le Dr Haqqi, a continué de souligner l’importance de la perte de poids et de l’exercice régulier, et il a constaté que son état cardiaque était stable. Le requérant n’a pas subi d’autres crises cardiaques, il a perdu du poids et continue ses exercices. En septembre 2020, le Dr Haqqi a noté que son état cardiaque était stable et que le requérant se portait bien.Footnote 17 Rien n’indique que son problème cardiaque l’empêcherait de travailler.

Les genoux

[35] En juin 2020, la Dre Ramirez a écrit que les médicaments parvenaient à soulager les douleurs chroniques aux genoux du requérant. Elle l’a dirigé vers un chirurgien orthopédiste pour ses genoux et pour subir un examen d’imagerie par résonance magnétique.Footnote 18 En décembre 2020, le requérant a vu le Dr Ikejiani, un chirurgien orthopédiste. Le Dr Ikejiani a noté que, même si le requérant avait des douleurs et qu’il marchait avec une canne, il était confortablement assis dans une chaise. Il n’a pas eu besoin d’une intervention chirurgicale et on a recommandé un traitement conservateur continu. En février 2021, le Dr Ikejiani a noté une légère arthrose aux deux genoux accompagnée d’une légère pathologie du ménisque. Le Dr Ikejiani estimait que son problème aux genoux n’était pas un problème méniscal, mais plutôt une [traduction] « chondropathie fémoro-patellaire ». Il s’agit simplement de douleurs et d’enflures autour du genou accompagnées d’une sensation de frottement lorsque le genou bouge. Le Dr Ikejiani a recommandé de la physiothérapie, des attelles, du Tylenol, l’application de la glace et des anti-inflammatoires.Footnote 19 La note clinique de la Dre Ramirez datée de février 2021 signalait des symptômes légers aux genoux.  

[36] En avril 2019, une radiographie des deux genoux a révélé une légère arthrose.Footnote 20  Le 4 juin 2019, une échographie du genou droit a révélé la possibilité d’une déchirure du ménisque, mais rien au niveau du tissu mou. Une échographie du genou gauche le même jour semblait montrer une déchirure. On a recommandé d’effectuer un examen d’imagerie par résonance magnétique pour confirmer les déchirures au ménisque. Les résultats ont révélé une légère arthrose accompagnée d’une légère pathologie du ménisque. Comme indiqué, le Dr Ikejiani n’a recommandé aucune intervention chirurgicale et a conclu que la douleur ne venait pas du ménisque, mais plutôt d’une chondropathie fémoro-patellaire.

[37] Même si le requérant a déclaré qu’il tombe parfois parce que ses genoux flanchent, la preuve médicale montre qu’il n’a qu’une légère arthrose au niveau des genoux et que cela nécessite un traitement conservateur. Il n’y a aucune limitation qui l’empêcherait de travailler en raison de ses douleurs aux genoux.

Le bas du dos

[38] La Dre Ramirez a noté qu’il avait des douleurs au dos avec des engourdissements du côté droit en juin 2020.Footnote 21 Cependant, un scan tomodensitométrique de sa colonne lombaire effectué en décembre 2020 a révélé une légère dégénérescence à plusieurs niveaux. Il n’y avait aucune hernie discale ni problème de la moelle épinière.Footnote 22 Le requérant a déclaré qu’il prenait seulement du tramadol pour soulager sa douleur. Sinon, il prenait du Deep Relief en vente libre et il suivait de la thérapie par le « cupping »

[39] Le scan tomodensitométrique, ainsi que l’absence d’intervention d’un spécialiste et les traitements conservateurs montrent que même si le requérant a des douleurs, la légère dégénérescence de la colonne vertébrale ne l’empêcherait pas de travailler.

Les maux de tête

[40] La Dre Ramirez n’a pas mentionné les maux de tête du requérant au moment de son accident. Elle ne les a pas notés non plus dans la déclaration qu’elle a faite à l’assureur en décembre 2018.Footnote 23 Elle ne les a pas notés dans son rapport médical de décembre 2019.Footnote 24 Elle ne les a pas notés dans son rapport médical du 13 octobre 2020.Footnote 25 De plus, un examen d’imagerie par résonance magnétique de la tête du requérant en mars 2019 n’a révélé aucune anomalie.

[41] En octobre 2019, le Dr Gawel, un neurologue, a diagnostiqué des maux de tête post-traumatiques dans un rapport médicolégal. Dans ce rapport, il a également indiqué que le requérant n’avait pas suivi de traitement pour régler ses maux de tête, alors un médicament prophylactique contre la migraine a été recommandé.Footnote 26 Le requérant a déclaré qu’il prend du tramadol pour soulager ses douleurs corporelles, et que ce médicament peut également être pris pour soulager ses maux de tête lorsqu’ils sont particulièrement intenses. Il se contente de se calmer et de se mettre une serviette humide sur sa tête.

[42] Deux autres évaluateurs ont noté ses maux de tête. En septembre 2020, l’ergothérapeute, Mme Poon, a mentionné ses maux de tête et ses étourdissements intermittents, mais aucun traitement et aucune recommandation n’a été proposé.Footnote 27 De plus, le Dr Scherer, psychologue en réadaptation et en formation professionnelle, a noté en août 2020 ses maux de tête non spécifiques trois à quatre fois par jour pendant 10 à 15 minutes. Aucun traitement et aucune recommandation n’a été proposé.Footnote 28

[43] Bien que le requérant puisse avoir des maux de tête, il ne suit aucun traitement; il prend des mesures conservatrices. Il n’a pas été envoyé à une clinique de la migraine et il ne cherche pas à obtenir une intervention d’un spécialiste. 

[44] J’estime que ses maux de tête aggravent ses douleurs chroniques. On abordera cela en examinant ses problèmes de santé psychologique.

Problèmes psychologiques

[45] Le requérant souffre de douleurs chroniques. La Dre Ramirez a noté à de nombreuses reprises qu’il a des douleurs musculosquelettiques et elle a recommandé la prise de médicaments contre la douleur. 

[46] Après avoir quitté son emploi, le requérant a bénéficié de services de consultation psychologique avec la Dre Fiati, une psychologue agréée, pendant environ un an, de 2019 à 2020. La Dre Fiati lui a diagnostiqué un trouble de l’adaptation avec humeur dépressive, un trouble d’anxiété, un trouble dépressif majeur et des douleurs chroniques.Footnote 29 La Dre Fiati a fourni des services de gestion de la douleur, de gestion du régime alimentaire et de consultation familiale. Le requérant a déclaré qu’elle l’a aidé à améliorer son alimentation et à se calmer. En 2019, il a vu un psychiatre qui lui a prescrit de la sertraline pour la dépression. Il a déclaré que les médicaments aident à soulager sa dépression.

[47] Malheureusement, en septembre 2020, le requérant a fait une surdose de mélatonine et a été hospitalisé. Il a été admis involontairement à l’aide de la Formule 1 pendant une journée et demie parce qu’on craignait qu’il se fasse du mal. La Dre Nathalie Corriveau, une psychiatre, a recommandé qu’il suive des services de consultation psychologique pendant huit semaines. Le requérant a déclaré qu’il continue de suivre une psychothérapie avec Lubin Lukers au bureau du Dr Pilai pour gérer son anxiété et sa colère.

[48] Je reconnais que le Dr Leslie KiralyFootnote 30, un psychiatre, a conclu que le requérant avait une déficience invalidante en février 2021. Je n’accorde pas beaucoup d’importance à cette évaluation. Aux fins de l’assurance, une déficience invalidante sert à établir le montant que la compagnie d’assurance est tenue de payer. Le Dr Kiraly ne traite pas le requérant. De plus, je suis d’accord avec le ministre pour dire que le Dr Kiraly n’a pas procédé à une évaluation cognitive officielle pour démontrer l’existence d’une déficience cognitive importante. 

[49] Le requérant m’a demandé d’accorder de l’importance à un autre rapport médico-juridique. Une évaluation neuropsychologique a été effectuée par la Dre Giselle Braganza en août 2020 à la demande de l’avocat du requérant.Footnote 31 Le requérant a déclaré que les tests neurocognitifs ont été exécutés au cours d’une journée et ont permis de déceler une série de déficiences neurocognitives. La Dre Braganza a souligné que le requérant a des symptômes cognitifs liés à la douleur et qu’elle ne s’attendait pas à une amélioration importante de son fonctionnement psychologique au cours des prochains mois. Elle a ensuite recommandé qu’il suive des sessions de thérapie cognitivo-comportementale, qu’il pratique la relaxation et la pleine conscience, et qu’il travaille à gérer ses maux de tête, sa douleur, et son sommeil. La Dre Braganza a conclu que le requérant n’était pas en mesure de reprendre son emploi d’avant l’accident ou tout autre emploi qu’il pourrait raisonnablement exercer. J’estime que cette opinion ne reflète l’état de santé du requérant qu’à ce moment-là et ne constitue pas un pronostic à long terme. Comme la Dre Braganza a continué de recommander des traitements plutôt conservateurs, et qu’elle a conclu que le requérant ne s’améliorerait pas de façon importante au cours des prochains mois, il est raisonnable de supposer qu’en suivant les traitements, l’état du requérant s’améliorerait après un certain nombre de mois. 

[50] L’évaluation psychologique de réadaptation professionnelle effectuée en août 2020 par le Dr Scherer a révélé qu’il avait maintenant des douleurs chroniques. L’évaluation de la réadaptation psychologique et professionnelle tenait compte de la capacité fonctionnelle du requérant, de son niveau de douleur, de sa mobilité, de son fonctionnement émotionnel et psychosocial, de ses aptitudes mentales, de sa capacité à se recycler professionnellement, et de son employabilité.

[51] Le Dr Scherer estimait qu’en raison de ses douleurs chroniques, il était peu probable que son état de santé s’améliore à un tel point qu’il serait employable sur le marché du travail concurrentiel. Il n’était pas en mesure de reprendre ses emplois précédents de technicien en lubrification et de cuisinier. On a recommandé la gestion de la douleur chronique, la thérapie cognitivo-comportementale, la gestion de la colère, le maintien d’une bonne hygiène de sommeil et le counseling de couples. Cela correspond à peu près aux recommandations de la Dre Braganza. Le Dr Scherer a indiqué qu’une fois rétabli de sa chirurgie à l’épaule et après une période de réadaptation multidisciplinaire (ce qu’il a fait), un retour au travail à temps partiel serait envisageable pourvu que l’emploi ne soit pas trop exigeant sur le plan cognitif ou émotionnel. Il a ajouté que le requérant aurait besoin de l’aide d’un conseiller professionnel.Footnote 32

[52] Cela laisse entendre qu’il a une capacité de se recycler pour un emploi convenable.

[53] Je dois maintenant décider si le requérant est régulièrement capable d’effectuer d’autres types de travail. Pour être graves, les limitations fonctionnelles du requérant doivent l’empêcher de gagner sa vie dans n’importe quel type d’emploi, et pas seulement dans son emploi habituel.Footnote 33

Le requérant peut travailler dans un contexte réaliste

[54] Pour décider si le requérant est capable de travailler, je ne peux pas me contenter d’examiner ses problèmes de santé et leurs effets sur ce qu’il peut faire. Je dois aussi tenir compte des facteurs suivants :

  • son âge;
  • son niveau d’instruction;
  • ses aptitudes linguistiques;
  • ses antécédents professionnels et son expérience de vie.

[55] Ces éléments m’aident à décider si le requérant est capable de travailler dans un contexte réaliste, c’est-à-dire s’il est réaliste de dire qu’il peut travailler.Footnote 34

[56] Le requérant est un jeune homme : il avait 42 ans à la fin de sa PMA. Il a déclaré qu’il a seulement fini sa huitième année au Sri Lanka. Il se peut que ses études limitent ses perspectives d’emploi, mais elles ne limitent pas sa capacité de se recycler. Il parle couramment l’anglais, même si ce n’est pas sa langue maternelle. Malgré ses études et le fait que l’anglais n’était pas sa langue maternelle, il a réussi à trouver du travail dès son arrivée au Canada en 1997. Il a occupé de nombreux emplois de façon intermittente, notamment dans une pizzeria pendant sept ou huit ans. Il a occupé un poste de gérant de cuisine, – poste qu’il a perdu en raison de la faillite de l’entreprise. Pendant quelques mois, il a travaillé sur une chaîne de montage de pièces automobiles et a fait partie du personnel d’entretien d’un bâtiment. Il avait trois emplois au moment de son accident de voiture. Il n’a travaillé comme technicien en lubrification que pendant 10 semaines. Il a conduit un Uber pendant trois semaines. De plus, il est propriétaire d’un camion de cuisine de rue depuis 2017; il en est toujours propriétaire, mais ne l’opère plus. Le requérant a plein de ressources et possède diverses compétences transférables. 

[57] Il se peut qu’il ne puisse pas reprendre un emploi s’il doit lever des objets au-dessus de ses épaules. Cependant, certains emplois, comme celui de conducteur d’Uber, n’exigent pas qu’il soit capable de lever des objets lourds. 

[58] Il continue de suivre des sessions de psychothérapie comme l’ont recommandé le Dr Scherer et la Dre Braganza. Le Dr Scherer croyait qu’il pourrait retourner au travail en suivant une nouvelle formation. La Dre Braganza a laissé entendre qu’à l’aide de thérapie, le requérant pourrait améliorer ses symptômes cognitifs. La Dre Ramirez a conclu qu’en raison de son épaule, il ne pourrait pas exercer son emploi précédent de technicien en lubrification, mais elle n’a pas conclu qu’il serait incapable d’exercer tout emploi.

[59] Son niveau d’éducation ne l’a pas empêché de trouver un emploi. Il est assez jeune pour se recycler en vue d’occuper un emploi convenable. Et il a des compétences transférables.

[60] Je conclus que le requérant est capable de travailler dans un contexte réaliste.

Le requérant n’a pas essayé de trouver et de conserver un emploi convenable

[61] Si le requérant peut travailler dans un contexte réaliste, il doit démontrer qu’il a essayé de trouver et de garder un emploi. Il doit aussi démontrer que ses démarches ont échoué en raison de ses problèmes de santé.Footnote 35 Trouver et garder un emploi, c’est aussi se recycler ou chercher un emploi qu’on peut occuper malgré ses limitations fonctionnelles.Footnote 36

[62] Le requérant n’a pas fait d’efforts pour travailler ou se recycler.

[63] Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il avait une invalidité grave au plus tard le 31 décembre 2020.

Conclusion

[64] Je conclus que le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai conclu que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas à vérifier si elle était prolongée.

[65] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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