Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[TRADUCTION]

Citation : WM c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2023 TSS 593

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de la sécurité du revenu

Décision

Partie appelante : W. M.
Partie intimée : Ministre de l’Emploi et du Développement social

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision du ministre de l’Emploi et du Développement social datée du 5 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 28 février 2023
Numéro de dossier : GP-22-1365

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelant, W. M., n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Cette décision explique pourquoi je rejette l’appel.

Aperçu

[3] L’appelant avait 47 ans lorsqu’il a été admissible pour la dernière fois à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il éprouve actuellement des problèmes de santé, dont un trouble de stress post-traumatique, le diabète de type II, une perte auditive sévère à l’oreille gauche, un sarcome des tissus mous et une tachycardieNote de bas de page 1. Le médecin de famille de l’appelant a déclaré que ce dernier ne l’autorisait pas à transmettre tous ses renseignements médicaux. Il a dit qu’il pouvait confirmer que l’appelant avait subi une ablation cardiaque en 2019 et une chirurgie pour un cancer en 2020.

[4] L’appelant a demandé une pension d’invalidité du Régime le 17 décembre 2013Note de bas de page 2. Il a présenté une nouvelle demande le 4 mai 2021Note de bas de page 3. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. L’appelant a porté la décision du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[5] L’appelant affirme qu’il est atteint de problèmes de santé graves et prolongés en raison de son travail dans les Forces armées canadiennes au cours des années 1980.

[6] Le ministre soutient que l’appelant n’a fourni aucun élément de preuve démontrant qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2011.

Ce que l’appelant doit prouver

[7] Pour avoir gain de cause, l’appelant doit prouver qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2011. Cette date est établie en fonction des cotisations qu’il a versées au RégimeNote de bas de page 4. Il doit aussi prouver qu’il a été invalide de façon continue depuis cette dateNote de bas de page 5.

[8] Le Régime de pensions du Canada définit les termes « grave » et « prolongée ».

[9] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 6.

[10] Ainsi, je dois examiner tous les problèmes de santé de l’appelant pour évaluer quels effets ils ont sur sa capacité de travailler. Je dois aussi examiner sa situation, y compris son âge, son niveau d’instruction, ses antécédents de travail et son expérience de vie. Ces éléments me permettront d’avoir un portrait réaliste de sa situation et de voir si son invalidité est grave. Si l’appelant est régulièrement capable d’effectuer un travail quelconque qui lui permet de gagner sa vie, il n’a pas droit à la pension d’invalidité.

[11] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 7.

[12] Autrement dit, il ne faut pas s’attendre à ce que l’appelant se rétablisse à une certaine date, mais plutôt à ce que son invalidité le tienne à l’écart du marché du travail pendant très longtemps.

[13] L’appelant doit prouver qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est invalide.

Questions que je dois examiner en premier

L’appelant a dit qu’il voulait que son appel se déroule par écrit

[14] Le Tribunal a envoyé des informations à l’appelant. Les lettres l’informaient des processus qui pouvaient s’appliquer à un appel à la division générale. Un agent a également travaillé avec l’appelant pour s’assurer qu’il avait pleinement la possibilité de participer à l’appel et de connaître les règles qui s’appliquaient. L’appelant a déclaré qu’il voulait que son appel se déroule par écrit. Le ministre ne s’est pas opposé à cette demande. Après avoir donné aux parties toutes les possibilités raisonnables de présenter des observations, j’ai tranché l’appel en me fondant sur la preuve et les observations au dossier.

[15] Un appel peut se dérouler par écrit notamment si les parties demandent ce mode d’audience. Je suis consciente du droit de l’appelant à ce que son appel se déroule aussi simplement et rapidement que l’équité le permet et à pouvoir participer pleinement au processus d’appelNote de bas de page 8.

[16] Un membre du Tribunal a écrit à l’appelant pour lui demander le mode d’audience qu’il préféraitNote de bas de page 9. Le membre a expliqué ce qui se passerait si l’appel se déroulait par écrit. Il a dit que la décision serait rendue en fonction des éléments de preuve et des observations au dossier. La lettre indiquait à l’appelant qu’il n’aurait pas d’autre possibilité de clarifier certains points ou d’expliquer sa position.

[17] Lors d’une conversation téléphonique avec un agent, l’appelant a confirmé son choix de procéder par écrit. Le Tribunal a envoyé une autre lettre à l’appelant pour confirmer son choix et lui expliquer que l’appel se déroulerait par écrit une fois que le ministre aurait eu l’occasion de présenter ses observationsNote de bas de page 10.

[18] Le ministre a déposé ses observations. Le Tribunal a dit à l’appelant que l’appel serait prêt à aller de l’avant par écrit après le 15 janvier 2023. L’appelant a répondu le 31 janvier 2023 et a dit qu’il refusait de lire toute correspondance.

Cette décision ne concerne que l’appel à la division générale

[19] L’appelant a déclaré qu’il refusait de lire la correspondance du Tribunal et d’en accuser réception. Il a dit qu’il voulait que la division générale et la division d’appel du Tribunal rendent des décisions pour qu’il puisse s’adresser directement à la Cour fédérale. Le Tribunal a informé l’appelant que cet appel est seulement devant la division générale. La division générale ne transmettra pas son appel à la division d’appel. Si l’appelant n’est pas d’accord avec cette décision, il devra prendre les mesures appropriées pour faire appel.

Motifs de ma décision

[20] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2011.

L’invalidité de l’appelant était-elle grave?

[21] La preuve ne démontre pas que l’invalidité de l’appelant était grave au plus tard le 31 décembre 2011. J’ai tiré cette conclusion après avoir examiné plusieurs facteurs. Les voici.

Les limitations fonctionnelles de l’appelant ne nuisaient pas à sa capacité de travailler

[22] L’appelant éprouve notamment les problèmes de santé suivants :

  • une perte auditive sévère à l’oreille gauche;
  • des acouphènes;
  • un sarcome des tissus mous;
  • le diabète de type 2;
  • une tachycardie.

[23] Je ne peux cependant pas m’arrête aux diagnostics de l’appelantNote de bas de page 11. Je dois plutôt vérifier s’il avait des limitations fonctionnelles qui l’empêchaient de gagner sa vieNote de bas de page 12. Dans cette optique, je dois tenir compte de tous ses problèmes de santé (pas juste du plus important) et évaluer leurs effets sur sa capacité de travaillerNote de bas de page 13.

[24] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2011.

Ce que l’appelant dit au sujet de ses limitations fonctionnelles

[25] L’appelant affirme qu’il a des limitations fonctionnelles découlant de ses problèmes de santé qui nuisent à sa capacité de travailler. Il soutient que certaines expositions et certains événements survenus lorsqu’il travaillait avec les Forces armées canadiennes lui ont causé une partie ou la totalité de ses problèmes de santé. Il dit qu’ensemble, son trouble de stress post traumatique, son diabète, sa perte auditive et son problème cardiaque le rendre incapable de détenir une quelconque occupation véritablement rémunératrice.

Ce que la preuve médicale révèle sur les limitations fonctionnelles de l’appelant

[26] L’appelant doit fournir des éléments de preuve médicale attestant que ses limitations fonctionnelles nuisaient à sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2011Note de bas de page 14.

[27] La preuve médicale n’appuie pas les propos de l’appelant. Pour prouver qu’il est atteint d’une invalidité au sens du Régime de pensions du Canada, il doit démontrer qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard le 31 décembre 2011. Certains éléments de preuve confirment que ses problèmes de santé actuels sont probablement causés par les expositions et les événements survenus avant le 31 décembre 2011. Je ne remets pas en question le fait que l’appelant a probablement été affecté par le décès de son ami vers 1985 et le suicide de son épouse en 2011.

[28] Le médecin de famille de l’appelant convient que son diabète et ses problèmes cardiaques résultent directement de son exposition à l’agent orangeNote de bas de page 15. Il a aussi dit que son trouble de stress post traumatique est attribuable au décès de son collègue et au suicide de sa première femmeNote de bas de page 16.

[29] En avril 2021, Mme Hariss, psychologue, a réalisé une évaluation pour le ministère des Anciens CombattantsNote de bas de page 17. L’appelant lui a décrit ses expériences passées. Elle a écrit qu’il avait refusé de répondre à toute question concernant ses antécédents judiciaires. Mme Hariss n’a pas expliqué si cela avait eu une incidence sur son avis. Elle a affirmé qu’elle pensait les symptômes de l’appelant étaient probablement liés à ses expériences lorsqu’il était dans l’armée. Elle a dit qu’il avait besoin de traitement.

[30] Cependant, rien n’indique que ces événements ont causé des problèmes de santé à l’appelant qui ont affecté sa capacité de travailler au plus tard le 31 décembre 2011. Sans preuve des symptômes, de la façon dont ils l’ont affecté et du moment où ils se sont manifestés, je ne peux pas conclure qu’il avait une invalidité grave au plus tard le 31 décembre 2011. En fait, il y a des éléments de preuve qui ne concordent pas avec la conclusion selon laquelle il avait probablement des limitations au 31 décembre 2011.

[31] La preuve comprend les éléments suivants :

  • L’appelant a déclaré qu’il était invalide en raison d’une perte auditive en octobre 2013Note de bas de page 18. Il n’a pas dit qu’il était atteint d’autres problèmes de santé.
  • En janvier 2016, l’appelant a affirmé qu’il était invalide en raison d’une perte auditive, d’un sarcome des tissus mous, du diabète, d’un trouble de stress post-traumatique et d’une tachycardieNote de bas de page 19.
  • En janvier 2014, l’ancien médecin de famille de l’appelant a déclaré qu’il le connaissait depuis 14 ansNote de bas de page 20. Il a commencé à le traiter pour son problème de santé principal (perte auditive) en juillet 2013. Il n’a pas dit que d’autres problèmes de santé affectaient le fonctionnement de l’appelant.
  • En février 2021, l’appelant a communiqué avec Power Psychological Services pour obtenir une évaluation psychologiqueNote de bas de page 21. L’évaluation était fondée sur l’autoévaluation de l’appelant. Il a déclaré qu’il éprouvait des symptômes de dépression et d’anxiété depuis plus de 35 ans. Il a dit qu’il avait vécu deux événements personnels traumatisants, mais a déclaré à la thérapeute qu’ils ne lui avaient pas [traduction] « […] causé des symptômes de traumatisme à ce jour ». Il n’a signalé aucun diagnostic psychiatrique antérieur. La thérapeute a dit qu’elle estimait qu’il présentait des symptômes modérés d’anxiété et de dépression évocateurs d’un trouble de stress post-traumatique.
  • Selon les lettres du Dr Savarimuthusosal, l’appelant a commencé à prendre des médicaments pour son trouble de stress post-traumatique en 2021, a subi une chirurgie pour un cancer en 2020, a subi une ablation cardiaque en 2019 et prend des analgésiques depuis 2020Note de bas de page 22.
  • L’appelant a dit qu’il a continué d’exploiter son entreprise après le décès de sa femme en 2011. Il a déclaré qu’il ne gagnait pas de revenu. Il a dit que sa sécurité financière était assurée après le décès de son épouse et que la loi ne l’obligeait pas à cotiser au Régime de pensions du Canada. Il n’a pas expliqué si son état de santé affectait sa capacité de travailler. Il a dit avoir travaillé en 2015 et avoir quitté cet emploi en raison de pratiques de travail dangereuses. Il a déclaré qu’il était en colère, qu’il criait et lançait des outils, mais aucune information ne montre quand ce comportement a commencé ou s’il était lié à son état de santé.

[32] Dans sa demande de 2013, l’appelant a dit qu’il était invalide en raison d’une perte auditive. Son médecin depuis 14 ans a déclaré qu’il avait commencé à le traiter pour son problème de santé principal en juillet 2013. Si les dossiers de ce médecin contenaient des renseignements sur d’autres problèmes de santé, l’appelant ne les a pas présentés.

[33] Dans sa demande actuelle de 2021, l’appelant a affirmé qu’il était invalide en raison de plusieurs problèmes de santéNote de bas de page 23. Son médecin de famille depuis plus de cinq ans a dit qu’il l’avait traité pour la première fois pour son problème de santé principal en janvier 2020. Il a déclaré qu’il avait commencé à traiter l’appelant pour le diabète en 2016 et pour un sarcome des tissus mous en avril 2016. Il a affirmé avoir recommandé à l’appelant de cesser de travailler en février 2021.

[34] La preuve médicale ne démontre pas que l’appelant avait des limitations fonctionnelles qui nuisaient à sa capacité de travailler au 31 décembre 2011. Même avec des avis sur ce qui a causé ses problèmes de santé, il n’y a pas d’éléments de preuve sur comment et à quel moment ils ont affecté sa capacité de travailler. La preuve ne démontre pas que l’appelant avait une invalidité au plus tard le 31 décembre 2011. Par conséquent, il n’a pas prouvé qu’il avait une invalidité grave.

Il n’y a aucun élément de preuve montrant que la situation personnelle de l’appelant aurait nuit à sa capacité de travailler

[35] Pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, il faut généralement tenir compte de sa situation personnelle.

[36] Cela me permet d’évaluer sa capacité de travailler dans un contexte réalisteNote de bas de page 24.

[37] Même si la preuve ne démontre pas que l’appelant était atteint d’une invalidité au plus tard le 31 décembre 2011, j’ai examiné si sa situation personnelle aurait pu affecter sa capacité de travailler. Sa situation personnelle était favorable. Au 31 décembre 2011, il était âgé de 47 ans. Il avait terminé ses études secondaires et trois années d’université. Il était titulaire d’un certificat de technicien en arpentage. Il était propriétaire exploitant d’une entreprise d’arpentage. Il ne semblait pas avoir de problèmes linguistiques.

Conclusion

[38] Je conclus que l’appelant n’est pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada parce que son invalidité n’était pas grave. Comme j’ai tiré cette conclusion, je n’ai pas eu à vérifier si son invalidité était prolongée.

[39] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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