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Décision
[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.
Introduction
[2] Dans une décision rendue le 28 mai 2013, un tribunal de révision a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible aux prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Dans sa décision, le tribunal de révision a conclu qu’à la date où s’est terminée sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit le 31 décembre 2009, la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave correspondant à la définition énoncée à l’alinéa 42(2)(a) du Régime de pensions du Canada.
Motifs de l’appel
[3] La demanderesse demande la permission d’en appeler de cette décision (la demande). L’avocat de la demanderesse fait valoir les points suivants :
- a) il y avait suffisamment d’éléments de preuve médicale objectifs et de documents au dossier appuyant l’argument de la demanderesse selon lequel, en décembre 2009, son état pathologique était grave et prolongé;
- b) le tribunal de révision n’a pas adéquatement pris en considération la preuve médicale et les documents au dossier;
- c) le tribunal de révision a mal compris les faits pertinents.
L’élément essentiel de la plainte de la demanderesse est que le tribunal de révision a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (Régime de pensions du Canada, alinéa 58 (1)c)).
[4] L’avocat de la demanderesse a envoyé la demande de permission d’en appeler (la demande) au Tribunal de la sécurité sociale (TSS). Le TSS a reçu la demande le 27 août 2013, soit un jour après la fin du délai permis pour le dépôt d’une demande, aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi), qui prévoit ceci :
57. Modalités de présentation - (1) La demande de permission d’en appeler est présentée à la division d’appel selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :
- b) dans le cas d’une décision rendue par la section de la sécurité du revenu, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.
Toutefois, l’article 57 prévoit aussi que la division d’appel peut proroger d’un an, tout au plus, le délai pour le dépôt d’une demande. Compte tenu des circonstances actuelles, où le dépassement du délai est négligeable, le Tribunal est d’avis que les principes établis dans la décision GatellaroNote de bas de page 1peuvent être appliqués. Plus particulièrement, le Tribunal estime que la demanderesse a démontré l’intention persistante de poursuivre la demande, et la prorogation d’un jour du délai pour le dépôt de la demande ne cause aucun préjudice à l’autre partie.
Question en litige
[5] La question dont est saisi le Tribunal consiste à déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.
Droit applicable
[6] Les dispositions législatives applicables régissant la permission d’en appeler sont les paragraphes 56(1), 58(1), 58(2) et 58(3) de la Loi. Le paragraphe 56(1) indique qu’« il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », alors que le paragraphe 58(3) indique que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Clairement, les parties n’ont pas automatiquement le droit d’interjeter appel. Un demandeur doit d’abord solliciter et obtenir la permission d’interjeter appel auprès de la division d’appel, laquelle doit donc lui accorder ou lui refuser cette permission.
[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi décrit le critère applicable pour accorder une permission et indique que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »
[8] Le paragraphe 58(1) de la Loi décrit les moyens d’appel comme se limitant aux suivants :
- a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
- b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
- c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de faits erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
La demande de permission d’en appeler est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. Toutefois, pour réussir, la demanderesse doit établir une cause défendableNote de bas de page 2 ou présenter un motif valable grâce auquel l’appel proposé pourrait être accueilli. Dans la décision St. LouisNote de bas de page 3, le juge Mosley était d’avis que le critère pour accepter une demande de permission est maintenant bien établi. En se fondant sur la décision CallihooNote de bas de page 4, il a réitéré que le critère consiste à « établir s’il existe un motif défendable permettant de croire que l’appel sera accueilli ». Il a aussi confirmé la restriction selon laquelle il ne faut pas déterminer, dans une demande d’autorisation, si l’appel d’un demandeur peut avoir gain de cause.
[9] Dans le cas présent, la décision du tribunal de révision est considérée comme une décision de la division générale.
Analyse
[10] Les motifs avancés par la demanderesse constituent une sorte de « résumé », puisqu’essentiellement ils sont fondés sur les mêmes faits. Par conséquent, le Tribunal les traitera parallèlement.
[11] L’avocat de la demanderesse conteste la façon dont le tribunal de révision a traité les éléments de preuve médicale dans leur ensemble, particulièrement les éléments datant d’après la fin de la période minimale d’admissibilité. Dans sa décision, le tribunal de révision conclut que bien que la demanderesse était invalide à la date de l’audience, elle n’a pas été en mesure d’établir qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa PMA. L’avocat de la demanderesse conteste cette conclusion, en soutenant que la preuve médicale et les documents au dossier démontrent le contraire. Dans la décision du tribunal de révision, les paragraphes contestés sont les paragr. 42 à 45, énoncés ci-dessous :
[Traduction]
[42] Toutefois, le tribunal de révision doit déterminer si l’appelante a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était incapable d’occuper un emploi sérieux à la fin de sa PMA.
[43] Le tribunal de révision note que la preuve médicale démontre que l’appelante avait des problèmes de santé jusqu’à la fin de sa PMA, mais aucun médecin n’a dit qu’elle était incapable de travailler. Le tribunal de révision fait aussi remarquer que bien que l’appelante pourrait avoir eu des problèmes psychologiques avant la fin de la PMA, elle n’a consulté aucun professionnel de la santé pour cette raison avant la fin de la PMA, et […]
[44] Les rapports médicaux pourraient indiquer que l’appelante est invalide. Toutefois, les rapports médicaux plus récents, c’est-à-dire ceux datant d’après la fin de la PMA, ne permettent pas de dire qu’elle était invalide à la fin de sa PMA.
[45] Il incombe à l’appelante de prouver qu’elle est invalide. Or, l’appelante n’a pas été en mesure de le faire selon la prépondérance des probabilités.
[12] En énonçant les motifs de la demande, l’avocat de la demanderesse soutient que le tribunal de révision a commis une erreur dans l’évaluation du critère de gravité. Il conteste aussi la façon dont le tribunal de révision a traité les éléments de preuve médicale dans leur ensemble. Dans sa décision, le tribunal de révision conclut que bien que la demanderesse était invalide à la date de l’audience, elle n’a pas été en mesure d’établir qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa PMA. L’avocat est d’avis que le tribunal de révision a commis une erreur en affirmant, au paragraphe 43, que bien que la demanderesse pourrait avoir eu des problèmes de santé jusqu’à la fin de sa PMA, aucun médecin n’a affirmé qu’elle était incapable de travailler. Il affirme que le médecin de la demanderesse, Dre McNabb, a indiqué précisément cela dans sa note datée du 9 octobre 2009.
[13] La note en question indique ceci : [traduction] « R. G. a dû cesser de travailler en raison d’une douleur chronique à l’épaule droite et au bras. Si elle reste en position assise toute la journée, elle ressent une douleur au cou, puis celle-ci se propage jusqu’au bas du dos. J’ai attesté et accepté cette décision. »
[14] L’avocat de la demanderesse soutient que le tribunal de révision n’a pas reconnu le fait que Dre McNabb avait confirmé que l’invalidité de la demanderesse était grave et prolongée. Il poursuit en faisant valoir que Dre McNabb a affirmé dans son rapport du 8 septembre 2012 qu’elle croyait avoir fourni la preuve démontrant que l’état de la demanderesse était grave et prolongé avant la fin de sa PMA. Par conséquent, la question consiste à déterminer si l’interprétation de la note médicale de Dre McNabb par l’avocat est correcte et si ce dernier a soulevé un argument défendable.
[15] Le Tribunal estime que la note de Dre McNabb, datée du 9 octobre 2009, ne peut pas être considérée comme une preuve irréfutable de l’allégation selon laquelle en date du 9 octobre 2009, la demanderesse souffrait d’une invalidité grave et prolongée. D’après le Tribunal, la note indique seulement que le ou vers le 9 septembre 2009, la demanderesse a avisé Dre McNabb qu’elle avait quitté son emploi et lui indiqué les raisons de son départ; que Dre McNabb avait attesté que la demanderesse avait quitté son emploi; et que Dre McNabb s’est dit en accord avec la décision de la demanderesse. Dre McNabb ne fournit aucun pronostic concernant le rétablissement de la demanderesse, et elle n’indique pas si elle croyait que la demanderesse serait en mesure de retourner au travail. Dans les circonstances en l’espèce, ces omissions sont importantes. D’après le Tribunal, il est raisonnable de s’attendre à ce que Dre McNabb indique clairement si elle s’attend à ce que la demanderesse retourne au travail, et possiblement dans combien de temps, le cas échéant. Or, elle ne l’a pas fait. Le Tribunal en déduit que Dre McNabb a omis cette information parce que la note n’était, comme il a été dit plus tôt, rien de plus qu’une attestation de ce que la demanderesse a dit à son médecin. D’après le Tribunal, le tribunal de révision n’a commis aucune erreur à cet égard.
[16] En ce qui a trait aux autres médecins qui n’ont pas indiqué si l’état de la demanderesse était grave et prolongé, le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument de l’avocat de la demanderesse selon lequel ils ne l’ont pas fait parce que, contrairement à la Dre McNabb en 2012, on ne leur a pas demandé précisément de commenter si son état était grave et prolongé. D’après le Tribunal, la question de savoir si l’état pathologique d’un demandeur est grave et prolongé est un type d’information auquel on peut raisonnablement s’attendre de la part d’un médecin, sans que cela lui soit demandé. Ce n’est pas un fondement pour accorder une permission.
[17] L’avocat de la demanderesse a fait valoir que les éléments de preuve médicale objectifs et les documents au dossier étaient suffisants pour appuyer l’argument de la demanderesse selon lequel, avant la fin de sa PMA en décembre 2009, elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée. Il soutient que le tribunal de révision n’a pas tenu compte adéquatement de la preuve médicale et des documents au dossier, et qu’il a mal compris les faits pertinents. L’avocat se fonde sur la note médicale de Dre McNabb datant du 9 octobre 2009 et de son rapport du 8 septembre 2012 pour établir ces erreurs dans la décision du tribunal de révision. Toutefois, rien dans la décision n’indique que le tribunal de révision n’a pas pris en considération la totalité de la preuve médicale et des documents qui ont été portés à sa connaissance, ou qu’il a mal compris les faits pertinents, ce qui correspond à l’absence d’élément de preuve médicale appuyant clairement le fait que la demanderesse souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’admissibilité ou avant.
[18] À la lumière de l’analyse ci-dessus, le Tribunal n’est pas convaincu que le tribunal de révision n’a pas adéquatement pris en considération la preuve médicale et les documents au dossier, ou a mal compris les faits pertinents. De plus, le Tribunal n’est pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.
Conclusion
[19] La demande de permission d’en appeler est rejetée.