Motifs de la décision

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DOSSIER: SCT-7005-11

RÉFÉRENCE: 2014 TRPC 6

DATE: 20140627

TRADUCTION OFFICIELLE

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

PREMIÈRE NATION DE POPKUM

Revendicatrice

 

Allan Donovan et John Burns, pour la revendicatrice

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU  CANADA

Représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

 

Rosemarie Schipizky et Sean Stynes, pour l’intimée

 

 

Audience tenue le 18 juin 2013

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’honorable Patrick Smith


Note : Le présent document pourrait faire l’objet de modifications de forme avant la parution de sa version définitive.

Jurisprudence :

Bande indienne Wewaykum c Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 RCS 245; Guerin c R, [1984] 2 RCS 335, 13 DLR (4th) 321; R c Sparrow, [1990] 1 RCS 1075, 70 DLR (4th) 385; Bande indienne de la rivière Blueberry c Canada, [1995] 4 RCS 344, [1996] 2 CNLR 25; Première nation de Fairford c Canada (Procureur général) (1998), [1999] 2 CF 48, [1999] 2 CNLR 60 (CF 1re inst.); Bande indienne de Semiahmoo c Canada (1997), [1998] 1 CF 3, [1998] 1 CNLR 250 (CAF); Bande indienne d’Osoyoos c Oliver (Ville), 2001 CSC 85, [2001] 3 RCS 746; Bande et nation indiennes d’Ermineskin c Canada, 2009 CSC 9, [2009] 1 RCS 222; Alberta c Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24, [2011] 2 RCS 261; Norberg c Wynrib (1991), [1992] 2 RCS 226, 92 DLR (4th) 449; Medeiros c Première nation Ginoogaming, [2001] CFPI 1318, 213 FTR 221; Squamish Indian Band c Findlay (1981), 122 DLR (3d) 377, [1981] 3 CNLR 58 (BCCA); Nowegijik c La Reine, [1983] 1 RCS 29, 144 DLR (3d) 193; Mitchell c Bande indienne Peguis, [1990] 2 RCS 85, 71 DLR (4th) 193; Bande indienne des Opetchesaht c Canada (1996), [1997] 2 RCS 119, 147 DLR (4th) 1; Bande de Peepeekisis c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2013 CAF 191, [2014] CNLR 306.

Lois et règlements cités :

Act relating to the Island Railway, the Graving Dock, and Railway Lands of the province, SBC 1883, ch 14.

Acte concernant le chemin de fer de l’Île de Vancouver, le bassin de radoub d’Esquimalt, et certaines terres de chemin de fer de la province de la Colombie-Britannique cédées au Canada, SC 1884, ch 6.

Conditions de l’adhésion de la Colombie-Britannique, LRC 1985, App II, n° 10.

Loi des sauvages, SRC 1906, ch 81.

Loi sur les Indiens, SC 1951, ch 29.

Loi sur les Indiens, SC 1956, ch 40.


 

TABLE DES MATIÈRES

I. introduction et aperçu de la revendication  5

A. Contexte de la revendication  6

II. faits  6

III. question en litige  16

IV. lois  17

V. position de la revendicatRICE (popkum)  18

VI. position de l’intimée (couronne)  21

VII. analyse  24

A. La nature des intérêts en cause  25

1. Les intérêts de la revendicatrice  26

2. Les résidents de SI  28

3. Les intérêts de la Couronne  31

B. Les obligations fiduciaires envers la revendicatrice  32

1. L’article 17 de la Loi sur les Indiens  36

2. Les manquements à l’obligation fiduciaire  40

VIII. conclusions  41

A. La réserve de Seabird Island  41

B. Les fonds détenus en fiducie de Seabird Island  47

IX. dispositif  49

X. dépens  49


 

I.  introduction et aperçu de la revendication

[1]  La présente revendication soulève la question de savoir si, en 1959, la ministre responsable des Affaires indiennes (la « ministre ») a manqué à son obligation fiduciaire envers la revendicatrice, la Première Nation de Popkum (« Popkum »), dans l’application de l’article 17 de la Loi sur les Indiens :

  1. lorsqu’elle a réattribué à la bande de Seabird un intérêt dans la réserve de Seabird Island (« réserve de SI »),située sur des terres agricoles fertiles de la vallée du Fraser (Colombie-Britannique), qui avait déjà été attribué à Popkum;

  2. lorsqu’elle a distribué les fonds détenus en fiducie pour le compte des bénéficiaires de la réserve de Seabird Island, dont Popkum, sur une base per capita.

[2]  Popkum cherche à obtenir, d’une part, la valeur de la perte de son intérêt dans la réserve de SI — qui représente un septième de la réserve — au moment où il a été réattribué, ajustée à la valeur actuelle de la perte, et d’autre part, la différence entre le septième des fonds détenus en fiducie et le montant qu’elle a reçu selon une distribution per capita, ajustée à la valeur actuelle de la perte. 

[3]  En 1959, la ministre a créé la bande de Seabird Island (« bande de SI »), réattribué la réserve et distribué les fonds détenus en fiducie, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 17 de la Loi sur les Indiens. Le paragraphe 17(2) prévoit la réattribution des biens d’une bande qui est divisée ou fusionnée avec une autre bande.

[4]  Quand la ministre a décidé de transférer la réserve de SI et de distribuer les fonds détenus en fiducie, l’attribution de la réserve de SI avait déjà été confirmée (« réserve confirmée ») pour l’usage commun des sept bandes : la revendicatrice, Skawtits, Ohamil, Hope, Union Bar, Yale et Ska-wah-look (les « sept bandes »). La bande de SI n’était pas une de ces bandes. Les parties conviennent que la bande de SI a officiellement été créée en 1959 en vertu de la Loi sur les Indiens.

[5]  À compter de 1918 environ, et pendant plusieurs années, de nombreux résidents de Seabird Island (les « résidents de SI ») semblent avoir cru, à tort, qu’ils formaient une « bande » au sens de la Loi sur les Indiens. Le dossier du Tribunal indique que, en 1959, la ministre a constitué en bande les résidents de SI; cependant, les documents relatifs aux filiations tribales officielles des résidents de SI au moment où la ministre a pris sa décision sont imprécis, surtout quant à savoir si certains des résidents de SI appartenaient à la bande de la revendicatrice.

[6]  La revendicatrice prétend que la ministre a mal appliqué l’article 17 de la Loi sur les Indiens. Elle soutient que la bande de SI n’avait aucun droit de revendication valide à l’égard de la part de Popkum dans la réserve de SI et dans les fonds détenus en fiducie, et que la ministre a transféré la part de la revendicatrice dans la réserve de SI à une bande qui n’avait aucun intérêt dans cette réserve. La revendicatrice prétend que la ministre a distribué les fonds qu’elle détenait pour elle en fiducie sans tenir compte des droits juridiques existants des bénéficiaires. La revendicatrice affirme également qu’elle n’a pas validement consenti à ces opérations, bien que la Couronne prétende que le consentement qu’elle a donné était valide et contraignant.

[7]  La Couronne admet avoir reconnu, dans les années 1940, l’intérêt en common law des sept bandes, y compris la revendicatrice, mais soutient que la bande de SI était aussi une partie intéressée envers laquelle elle avait une obligation. Selon la Couronne, la ministre a agi conformément au pouvoir discrétionnaire inhérent aux pouvoirs qui lui sont conférés par la loi et aux obligations fiduciaires qu’elle a envers toutes les parties concernées.

A.  Contexte de la revendication

[8]  Le 21 août 2007, Popkum a déposé la revendication particulière relative à Seabird Island auprès de la Direction des revendications particulières du ministère des Affaires indiennes. Le 30 octobre 2009, le ministère a avisé Popkum que le ministre avait refusé de négocier la revendication.

[9]  La revendicatrice a déposé la déclaration de revendication auprès du Tribunal le 27 octobre 2011. Le Tribunal a entendu la revendication le 18 juin 2013.

II.  faits

[10]  Aux termes de l’article 13 des Conditions de l’adhésion de la Colombie-Britannique, LRC 1985, App II, n° 10 [Conditions de l’adhésion], la Colombie-Britannique devait transférer des terres « de temps à autre […] au Gouvernement fédéral au nom et pour le bénéfice des Sauvages […] ».

[11]  En 1876, la Colombie-Britannique et le Canada ont mis sur pied la commission mixte des réserves indiennes pour traiter de la question des réserves indiennes dans la province de la Colombie-Britannique. La commission était composée de trois membres, dont le commissaire Gilbert Sproat. En 1877, les deux gouvernements ont dissout cette commission (décret fédéral CP 1877-7564 et décret provincial 1877/279) et ont désigné le commissaire Sproat comme seul commissaire chargé de l’attribution des réserves indiennes en Colombie-Britannique.

[12]  Dans le décret CP 1878-170 pris le 8 mars 1878, relativement à la nouvelle nomination, le Canada précisait que les attributions de réserves indiennes faites par le commissaire Sproat étaient soumises à l’approbation du commissaire des Terres et Travaux de la Colombie-Britannique, et qu’en cas de désaccord, l‘affaire serait renvoyée à un juge de la Cour supérieure.

[13]  Avant que la Colombie-Britannique ne prenne le décret le nommant à titre de seul commissaire, M. Sproat a expliqué au surintendant général des affaires indiennes (SGAI) et à la province qu’il devait absolument disposer d’un pouvoir de décision définitive pour assurer le succès de la commission.

[14]  La Colombie-Britannique a ensuite pris le décret provincial 1878/615 (26 avril 1878) dans lequel elle nommait M. Sproat comme seul commissaire des réserves. Le décret précisait que : [traduction] « les décisions sur les questions relatives aux terres indiennes dans le district électoral de Yale doivent être considérées comme définitives, sauf celles pour lesquelles les agents du gouvernement, M. Teague ou M. Usher, ont demandé au commissaire d’attendre ». Le district électoral de Yale incluait Seabird Island.

[15]  Il ressort de la preuve soumise au Tribunal que le commissaire Sproat croyait que le décret provincial OIC 1878/615 lui donnait pleins pouvoirs pour créer des réserves en droit.

[16]  Dans une lettre datée du 29 avril 1878, le commissaire Sproat a informé le SGAI, qu’il avait dit aux agents du gouvernement de la Colombie-Britannique qu’il n’accepterait pas le poste sans avoir pleins pouvoirs et que, [traduction] « pour cultiver une relation de confiance et assurer une certaine sécurité », le gouvernement devait négocier « franchement » avec les Premières Nations, car autrement ces dernières pourraient « devenir intraitables sur la question de leurs terres ».

[17]  Dans une autre lettre datée du 29 juillet 1879 et adressée au SGAI adjoint, le commissaire Sproat a encore une fois indiqué qu’il croyait être parfaitement habilité à prendre des décisions définitives et obligatoires. Rien n’indique que le SGAI a tenté de rétablir les faits auprès du commissaire Sproat.

[18]  En 1879, conformément aux pouvoirs conférés par le décret fédéral CP 1878-170 et le décret provincial 1878/615, le commissaire Sproat a attribué la réserve de SI, d’une superficie de 4 500 acres, aux sept bandes, y compris la revendicatrice. L’attribution de ces terres agricoles devait permettre aux sept bandes d’assurer leur subsistance.

[19]  Dans le procès-verbal de la décision du commissaire Sproat, il était indiqué ce qui suit : [traduction] « [s]i, dans 6 ans à compter du 13 juin 1879, le gouvernement du Canada juge que les Indiens n’ont pas suffisamment utilisé les terres, la partie inutilisée n’appartiendra plus aux Indiens ».

[20]  En 1881, la réserve de SI a été officiellement arpentée.

[21]  En 1883, la Colombie-Britannique et le Canada ont conclu une entente quant aux terres de chemin de fer de la province, y compris la bande de terre du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) qui traverse la vallée du Fraser. La Colombie-Britannique a ensuite adopté cette entente par voie législative et a, selon la revendicatrice, transféré au Canada la gestion et la maîtrise d’une bande de terre d’une largeur de 20 milles située de chaque côté de la ligne du CP (la « ceinture ferroviaire »), de sorte que le Canada avait pleine compétence sur Seabird Island : Act relating to the Island Railway, the Graving Dock, and Railway Lands of the province, SBC 1883, ch 14.

[22]  En 1884, le Canada a aussi adopté par voie législative l’entente qu’il avait conclue avec la Colombie-Britannique, prévoyant du même coup des dispositions concernant la vente de terres faisant partie de la ceinture ferroviaire dans le but de financer la construction du chemin de fer : Acte concernant le chemin de fer de l’Île de Vancouver, le bassin de radoub d’Esquimalt, et certaines terres de chemin de fer de la province de la Colombie-Britannique cédées au Canada, SC 1884, ch 6. 

[23]  Le décret fédéral, CP 3362, daté du 30 octobre 1897, confirmait également l’entente de 1883. Malgré tout, la Colombie-Britannique et le Canada ne se sont pas entendus sur plusieurs aspects de la gestion du chemin de fer et des terres de réserve jusqu’au milieu du 20e siècle : Bande indienne Wewaykum c Canada, 2002 CSC 79, [2002] 4 RCS 245 [Wewaykum].

[24]  Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le Canada a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui conférait la condition relative à l’utilisation des terres, imposée par le commissaire Sproat, et a décidé de laisser à la réserve de SI son statut de réserve. Certains éléments de preuve indiquent qu’à l’expiration du délai imposé par le commissaire Sproat, soit en 1885, le Canada considérait que les terres constituaient une réserve bien établie. Selon le répertoire des réserves indiennes de 1885, la réserve de SI avait été attribuée aux sept bandes collectivement, et c’est aussi ce que démontrent les répertoires subséquents de 1902, 1913 et 1943.

[25]  De plus, vers 1887, le Canada a rejeté plusieurs demandes présentées par des colons qui voulaient s’établir illégitimement sur la réserve de SI au motif qu’il s’agissait d’une réserve.

[26]   En 1887, l’agent des terres fédérales a fait arpenter la réserve. Il a conclu que les terres de la réserve de SI seraient des terres d’établissement remarquables si [traduction] « on pouvait les reprendre aux Indiens », ce qui a entraîné un différend entre l’agent des terres fédérales, le surintendant des affaires indiennes (surintendant Powell) et le SGAI.

[27]   Le surintendant Powell et le SGAI ont résisté à toute tentative visant à reprendre la réserve. Selon le dossier, le surintendant Powell était d’avis que les sept bandes avaient besoin des terres de la réserve de SI parce que [traduction] « leurs réserves leur assuraient à peine le quart de leur subsistance », que la raison pour laquelle elles n’avaient pas cultivé les terres davantage était que leurs membres avaient travaillé temporairement à la construction du chemin de fer, et que les « Indiens ayant un intérêt sur l’île […] n’avaient jamais compris qu’ils devaient y vivre de façon permanente et qu’ils étaient extrêmement contrariés quand ils ont entendu dire qu’ils allaient perdre l’île ».

[28]  En 1888, le SGAI a avisé le sous-ministre de l’Intérieur que [traduction] « le ministère ne [pouvait] pas abandonner la revendication des Indiens relativement à Seabird Island » et que le SGAI « estimait qu’il ne serait pas opportun d’empêcher les Indiens d’occuper l’île à titre de réserve indienne ».

[29]  La preuve démontre que, de 1888 à 1891, le ministère des Affaires indiennes (MAI) a défendu la réserve de SI contre les contestations de compétence, a confirmé son statut de réserve indienne et a refusé d’exiger que les sept bandes occupent les terres, demandant simplement qu’elles les cultivent. 

[30]  En 1890, le Canada a approuvé la prise de 96,4 acres de terres de la réserve de SI aux fins du chemin de fer et a indemnisé chacune des sept bandes en parts égales. En 1896, le MAI a demandé aux sept bandes de céder la moitié de la réserve de SI, sans succès.

[31]  Entre 1879 et 1918, des membres de chacune des sept bandes ont établi leur résidence sur la réserve de SI, ainsi que des membres d’autres bandes, dont celles de Cheam et de Spuzzum. Les membres de la bande de Cheam ont commencé à arriver en 1891.

[32]  En 1917 et en 1918, le MAI a encouragé, et finalement permis, l’exploitation forestière sur la réserve de SI. Quand le ministère a voulu obtenir le consentement des sept bandes, ces dernières ont refusé de lui donner. La question de savoir comment les fonds provenant des ventes de bois étaient distribués constitue une revendication distincte et le Tribunal n’en est pas saisi. 

[33]  En 1918, l’agent des Indiens Graham a répondu à une demande formulée par le chef de la bande de Popkum, Billy Gladis, au sujet de la pétition présentée au MAI par les résidents de SI en vue de devenir une bande distincte, et de celle des sept bandes [traduction] « demandant que leurs droits soient encore reconnus, en leur qualité de propriétaires » de la réserve de SI.

[34]  En 1918, le surintendant adjoint Scott a approuvé une recommandation interne voulant qu’un compte en fiducie distinct soit ouvert au nom de Seabird Island.

[35]  Les comptes, communément appelés les comptes de capital et de revenu de « Seabird Island », appartenaient encore officiellement aux sept bandes et leur transfert à la « bande de SI » a fait l’objet d’un débat continu jusqu’en 1959.

[36]  À partir de 1918, le MAI a commencé à dresser, de façon non officielle, une « liste des bandes » de Seabird Island. Les résidents de SI ont alors commencé à considérer qu’ils formaient une « bande » distincte.

[37]  Au début, la liste non officielle de Seabird Island indiquait la filiation tribale officielle des résidents. Sur la « liste des bandes » de Seabird Island de 1918 figurent les noms de deux membres de Popkum.

[38]  Le Canada soutient qu’en 1919 [traduction] « au moins une famille de la revendicatrice » habitait Seabird Island.

[39]  Le dossier du Tribunal ne comprend aucune autre liste indiquant les filiations officielles des résidents de SI. Le dossier ne révèle pas le nombre de membres des sept bandes ou de Popkum qui ont continué à vivre parmi les résidents de SI à compter de 1958. Les données disponibles démontrent plutôt que la « bande de Seabird Island » était, en 1958, une bande distincte malgré le fait qu’elle n’a été juridiquement créée qu’en 1959.

[40]  En ce qui concerne les deux membres de la bande de Popkum dont le nom apparaît sur la liste de 1918, Henry Ewan et Fred Ewan, il n’est mentionné nulle part dans le dossier qu’Henry Ewan faisait partie des résidents de SI. La preuve indique que Fred Ewan résidait toujours sur la réserve de SI, du moins jusqu’à ce que la commission d’enquête ait lieu en 1958. Cependant, lors de son témoignage devant la commission d’enquête, M. Ewan a confirmé qu’il n’était [traduction] « pas un Indien inscrit ». Le dossier indique également que Fred Ewan et sa famille ont été radiés de la « liste des bandes » de Seabird Island tenue par le MAI puisqu’il y avait cette annotation manuscrite : [traduction] « Enquête sur l’appartenance révèle qu’il est d’origine chinoise ».

[41]  Les parties conviennent qu’en 1946, le MAI a fait enquête sur la propriété de la réserve de SI et a reconnu que les sept bandes avaient toujours la propriété bénéficiaire de la réserve. Le commissaire des Indiens a demandé à l’agent des Indiens d’enquêter sur les origines des résidents de SI. Le 6 mai 1946, ce dernier a produit son rapport dans lequel il indiquait que les premiers résidents provenaient des sept bandes, sans toutefois préciser l’origine de ceux qui y résidaient en 1946, mentionnant simplement que [traduction] « […] parmi les Indiens de la vieille génération qui sont toujours en vie, la grande majorité sont des descendants des Squawtits […] ».

[42]  La revendicatrice soutient qu’après la conclusion de la vente du bois en 1918, la question de la gestion et de la propriété de la réserve de SI a été mise en veilleuse jusqu’à ce que la Colombie-Britannique veuille obtenir un droit de passage en 1949.

[43]  La Couronne n’est pas de cet avis et soutient que de nombreuses preuves indiquent que l’administration des sept bandes a longtemps été problématique, notamment entre 1946 et 1959, et que toutes les tentatives visant à obtenir le consentement des sept bandes ont empêché le développement de la réserve. Les parties conviennent que, dans les années 1940 et 1950, diverses activités, opérations et propositions n’ont pu être menées à terme parce qu’il fallait obtenir le consentement des sept bandes.

[44]  En 1949, la Colombie-Britannique voulait obtenir un droit de passage sur la réserve de SI. Dans un rapport envoyé à Ottawa, le commissaire des Indiens Arneil indique qu’il fallait soumettre la question aux sept bandes et obtenir leur consentement. Maintes tentatives ont été faites à cette fin, sans succès.

[45]  Les parties conviennent que c’est alors que le MAI a commencé à examiner d’autres solutions, y compris la division de la « bande de SI » et la distribution des fonds détenus en fiducie aux sept bandes, en parts égales. Les parties conviennent également que l’agent des Indiens a déclaré que la « bande de SI » et les sept bandes [traduction] « estimaient » à cette époque que seule de la « bande de SI » pouvait prétendre à ces fonds et que les membres des sept bandes pouvaient s’installer sur la réserve de SI et participer à la « bande de SI » quand ils le voulaient.

[46]  En 1951 et 1952, des représentants des Affaires indiennes ont demandé aux sept bandes si elles étaient prêtes à renoncer à leurs droits dans la réserve de SI et dans les fonds détenus en fiducie. Trois bandes, dont la revendicatrice, ont adopté des résolutions en ce sens. À ce moment-là, la bande indienne de Cheam a aussi revendiqué 50 % de la réserve de SI, estimant que sa participation à l’établissement et au développement de la réserve le justifiait.

[47]  En 1951, le chef de la bande de Popkum, Fred Cheer, a adopté une résolution (RCB), en tant qu’unique membre du conseil de la bande de Popkum. À première vue, la RCB semble céder l’intérêt de Popkum dans la réserve de SI à la « bande de Seabird Island », encore non officielle :

[traduction] Nous, les soussignés, le chef et les conseillers de la bande indienne de Popkum […] en notre nom et en celui des Indiens propriétaires de ladite réserve, renonçons par les présentes à tous les droits que la bande de Popkum peut avoir sur la réserve indienne de Seabird Island en faveur de la bande de Seabird Island.

[48]  Les parties contestent l’effet de cette RCB.

[49]  Par ailleurs, en 1951, le législateur a modifié la Loi sur les Indiens, SC 1951, ch 29 [Loi sur les Indiens de 1951] afin d’y inclure les dispositions sur la division des bandes et la réattribution qui se trouvent maintenant à l’article 17.

[50]  En octobre 1951, le surintendant Letcher a écrit au chef de la « bande de SI », le chef Harry Joseph, pour l’aviser que la décision de 1918, selon laquelle les résidents de la réserve formaient une nouvelle bande, était incompatible avec l’attribution initiale de la réserve aux bandes, ou n’en avait pas tenu compte.

[51]  L’agent des Indiens et le surintendant Letcher ont poursuivi leurs rencontres avec les sept bandes. Dans un rapport envoyé à Ottawa en 1952, le surintendant Letcher a indiqué que les bandes de Yale et d’Union Bar avaient adopté des résolutions par lesquelles elles renonçaient à leurs intérêts à la condition que les fonds en capital soient distribués per capita. Le surintendant Letcher n’a pas mentionné la RCB de 1951 du chef Cheer. Le surintendant, Réserves et fiducies, a répondu que les sept bandes devaient céder leurs droits et qu’en échange, le compte en capital de Seabird Island serait partagé per capita.

[52]  D’autres rencontres ont eu lieu avec les membres des sept bandes entre 1952 et 1956, lesquelles ont mené à trois propositions, dont chacune supposait une participation continue des sept bandes dans la réserve de SI. Les Affaires indiennes n’ont pas donné suite aux deux premières propositions et ont déterminé que la troisième était impossible en droit. 

[53]  En 1957, l’agent des Indiens a écrit aux sept bandes pour les aviser que l’affaire avait abouti à une impasse et qu’elles devaient absolument consentir à ce que la réserve soit réattribuée aux résidents de SI.

[54]  En juin 1957, une rencontre a été organisée avec les sept bandes. Selon le surintendant Letcher, cette rencontre avait pour but de discuter du [traduction] « problème de la propriété collective des sept bandes » et de conclure une entente aux termes de laquelle les sept bandes « céderaient » la propriété de la réserve de SI à la « bande de SI ». Les sept bandes ont refusé et le président de la réunion a alors conseillé aux résidents de SI de demander au ministre qu’il les constituent officiellement en bande distincte au sens de la Loi sur les Indiens, ce qu’ils ont fait. Andrew Paull, qui agissait pour le compte des résidents de SI, a envoyé au SGAI, au surintendant Letcher et au commissaire Arneil un document à l’appui de la demande dans lequel il résumait l’historique de la réserve. La revendicatrice prétend que ce résumé renfermait des renseignements imprécis ou inexacts à propos des droits des sept bandes sur la réserve de SI.

[55]  En 1957, le surintendant, Réserves et fiducies, M. Bethune, a écrit au commissaire des Indiens, M. Arneil – lettre qui a aussi été transmise au surintendant Letcher – afin de lui proposer de recourir à l’article 17 de la Loi sur les Indiens pour constituer les résidents de SI en une bande officielle. Le surintendant indiquait que les résidents de SI provenaient des sept bandes, sans mentionner toutefois que des membres des bandes indiennes de Cheam et de Spuzzum habitaient aussi sur la réserve. 

[56]  En 1958, le gouverneur en conseil a mis sur pied une commission d’enquête chargée d’examiner l’opportunité de constituer une nouvelle bande d’Indiens composée des Indiens résidant sur Seabird Island et la question de savoir quelles terres de réserve et quels fonds devaient être détenus au profit de la nouvelle bande, le cas échéant, et de faire rapport à cet égard.

[57]  Les membres des sept bandes et les résidents de SI ont tous été invités se prononcer à l’audience de la commission sur Seabird Island. Le chef Cheer a témoigné qu’il appuyait l’idée que les résidents de SI puissent [traduction] « former une bande » et qu’il avait « déjà donné son accord en 1951 ». Pendant son contre-interrogatoire, le président de la Commission lui a demandé : [traduction] « Suivant cette résolution, vous cédiez votre intérêt dans Seabird Island et tout ce que la bande possédait? », ce à quoi le chef Cheer a répondu par l’affirmative. Cependant, au début de son témoignage, le chef Cheer a fait des déclarations contradictoires. On lui a demandé : [traduction] « Votre bande a-t-elle déjà adopté une résolution semblable à celle adoptée par la bande d’Albert Douglas? » Albert Douglas, qui avait témoigné juste avant le chef Cheer, et il avait déclaré que la bande indienne de Cheam avait adopté une résolution en faveur de la constitution d’une bande formée des résidents de SI et de la cession des droits de la bande indienne de Cheam sur la réserve de SI si les sept bandes cédaient aussi leurs droits. Le chef Cheer a répondu : [traduction] « Pas que je sache. » En réponse à la question de savoir si on avait déjà demandé à la bande de Popkum d’adopter une telle résolution, le chef Cheer a dit « non ». Les parties ne s’entendent pas sur l’effet du témoignage du chef Cheer.

[58]  Dans son rapport majoritaire, la commission d’enquête a formulé les recommandations suivantes :

  1. que les résidents de Seabird Island soient constitués en bande conformément à l’alinéa 17(1)a) de la Loi sur les Indiens;

  2. que l’ensemble de la réserve de SI soit détenu à l’usage et au profit de la nouvelle bande;

  3. que les fonds détenus dans les comptes de capital et de revenu de Seabird Island soient répartis per capita parmi les membres permanents des sept bandes et de la nouvelle bande;

  4. que tout membre des sept bandes puisse, dans les deux ans suivant la date de la constitution de la nouvelle bande, devenir membre de la nouvelle bande.

[59]  Dans son rapport minoritaire, la commission d’enquête a souscrit à la recommandation formulée dans le rapport majoritaire, selon laquelle les résidents de SI devaient constituer une nouvelle bande, mais a recommandé ce qui suit : 

  1. que les sept bandes conservent leur intérêt commun dans la réserve de SI et dans le compte de capital de Seabird Island;

  2. que le compte de revenu soit remis à la nouvelle bande de Seabird Island pour son développement social, l’habitation et l’équipement agricole;

  3. que les membres des sept bandes qui désirent obtenir une terre sur la réserve de SI puissent le faire à tout moment;

  4. que la preuve produite dans le cadre des audiences de la commission d’enquête soit écartée.

[60]  En 1958, la ministre a adopté, en grande partie, les recommandations formulées dans le rapport majoritaire de la Commission, mais a exigé que les membres des sept bandes qui voulaient se joindre à la nouvelle bande de SI en fassent la demande avant le 1er janvier 1959, après quoi le consentement de la nouvelle bande serait nécessaire.

[61]  Le 1er octobre 1958, les représentants des Affaires indiennes ont affiché un avis sur la réserve de SI et sur les réserves des sept bandes pour les informer de la décision de la ministre. L’avis contenait une liste des personnes qui allaient faire partie de la nouvelle bande de SI (c’est-à-dire, les résidents de SI) et indiquait que les autres membres des sept bandes devaient présenter une demande pour devenir membre de la bande de SI s’ils souhaitaient en faire partie après le 1er janvier 1959. Les parties conviennent qu’aucun membre des sept bandes n’a présenté de demande en vertu de cette procédure.

[62]  Compte tenu du fait qu’aucun non-résident n’a demandé de se joindre à la bande de SI en 1959, de la preuve concernant Henry Ewan et Fred Ewan mentionnée précédemment et du manque de preuve à l’appui de la thèse selon laquelle des membres de Popkum faisaient partie des résidents de SI en 1958, la seule conclusion qui puisse être tirée du dossier est que, quand la ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 17 de la Loi sur les Indiens, elle ne disposait d’aucune preuve indiquant que des membres de Popkum résidaient sur la réserve de SI.

[63]  Le 1er janvier 1959, la ministre a officiellement créé la bande de SI au sens de la Loi sur les Indiens et a transféré à la nouvelle bande de SI l’intérêt bénéficiaire que la revendicatrice possédait dans la réserve de SI.

[64]  Le 31 janvier 1959, la ministre a réparti les fonds détenus dans les comptes en fiducie de Seabird Island sur une base per capita entre la bande de SI et les sept bandes.

III.  question en litige

[65]  Le Tribunal doit trancher la question de savoir si la ministre a manqué à son obligation fiduciaire envers la revendicatrice quand, en 1959, elle a transféré la réserve de SI à la nouvelle bande de SI et a distribué les fonds détenus en fiducie sur une base per capita entre les bandes admissibles, plus précisément Popkum, et la nouvelle bande de SI.

IV.  lois

[66]  En 1951, le législateur a modifié la Loi sur les Indiens de 1951 pour y ajouter les dispositions suivantes :

17. (1) Le Ministre peut, chaque fois qu’il l’estime opportun,

a) constituer de nouvelles bandes et établir à leur égard des listes de bande en se servant des listes de bande ou des listes générales existantes, ou des deux à la fois, et

b) fusionner des bandes qui, par un vote majoritaire de leurs électeurs, demandent la fusion.

 (2) Si, conformément au paragraphe premier, une nouvelle bande a été constituée à même une bande existante ou quelque partie de cette dernière, on doit détenir à l’usage et au profit de la nouvelle bande telle fraction des terres de réserve et des fonds de la bande existante que le gouverneur en conseil détermine.

[67]  L’article 17 de la Loi sur les Indiens a été à nouveau modifié en 1956 afin d’y ajouter l’alinéa 17(1)c) (concernant l’émancipation), de modifier le paragraphe 17(2) et d’ajouter le paragraphe 17(3) (Loi sur les Indiens, SC 1956, ch 40 [Loi sur les Indiens de 1956]) :

(2) Si, conformément au paragraphe (1), une nouvelle bande a été constituée à même une bande existante ou quelque partie de cette dernière, on doit détenir à l’usage et au profit de la nouvelle bande telle fraction des terres de réserve et des fonds de la bande existante que le Ministre détermine. 

(3) Aucune protestation ne peut être faite selon l’article 9 à l’égard du retranchement d’une liste ou de l’addition à une liste par suite de l’exercice, par le Ministre, de l’un quelconque de ses pouvoirs prévus au paragraphe (1).  [Les modifications ont été soulignées.]

[68]  En ce qui concerne les fonds détenus en fiducie, en 1959, la Loi sur les Indiens de 1956, prévoyait ce qui suit :

61. (1) Les deniers des Indiens ne doivent être dépensés qu’au bénéfice des Indiens ou des bandes à l’usage et au profit communs desquels ils sont reçus ou détenus, et, sous réserve de la présente loi et des termes de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si les fins auxquelles les deniers des Indiens se trouvent employés, ou doivent l’être, sont à l’usage et au profit de la bande.

64. Avec le consentement du conseil d’une bande, le Ministre peut autoriser et prescrire la dépense de deniers au compte de capital de la bande

(…)

k) Pour toute autre fin qui, d’après le Ministre, est à l’avantage de la bande.

[69]  En ce qui concerne les limitations de la loi quant à l’acquisition d’intérêts dans une terre de réserve, par occupation ou toute autre forme de consentement, la Loi sur les Indiens de 1951 disposait : 

20. (1) Un Indien n’est légalement en possession d’une terre dans une réserve que si, avec l’approbation du Ministre, possession de la terre lui a été accordée par le conseil de la bande.

[…]

28. (1) Sous réserve du paragraphe deux, est nul un acte, bail, contrat, instrument, document ou accord de toute nature, écrit ou oral, par lequel une bande ou un membre d’une bande est censé permettre à une personne, autre qu’un membre de cette bande, d’occuper ou utiliser une réserve ou de résider ou autrement exercer des droits sur une réserve.

[…]

50. (1) Une personne non autorisée à résider dans une réserve n’acquiert pas, par legs ou transmission sous forme de succession, le droit de posséder ou d’occuper une terre dans cette réserve.

V.  position de la revendicatRICE (popkum)

[70]  La revendicatrice prétend que l’attribution de la réserve de SI a été pleinement confirmée en 1879, ou en 1883 au plus tard, et que puisque la réserve était entièrement établie, les résidents de SI, collectivement ou individuellement, n’auraient pas pu avoir ou acquérir un intérêt en equity, ou autre, dans la réserve. La revendicatrice reconnaît que tous les membres des sept bandes partageaient les intérêts communs dans la réserve. 

[71]  La revendicatrice estime que la ministre avait des obligations fiduciaires, uniquement envers elle et les six autres bandes, relativement à la réserve de SI et aux fonds en fiducie.

[72]  La revendicatrice prétend qu’il existe une relation fiduciaire entre la Couronne et les peuples autochtones relativement à leurs intérêts dans les terres et que ce rapport particulier régissait la façon dont la Couronne a traité l’intérêt de la revendicatrice dans la réserve de SI : Guerin c R, [1984] 2 RCS 335, 13 DLR (4th) 321 [Guerin]; R c Sparrow, [1990] 1 RCS 1075, 70 DLR (4th) 385; articles 10 et 13 des Conditions de l’adhésion.

[73]  Selon la revendicatrice, le statut de réserve confirmée de la réserve de SI et le vaste pouvoir discrétionnaire de toucher les intérêts de la bande dans la réserve sans son consentement que l’article 17 de la Loi sur les Indiens conférait à la ministre laissent supposer qu’il existait une obligation fiduciaire d’un niveau très élevé. Cette obligation englobait le devoir d’agir au mieux des intérêts des bénéficiaires légaux et le devoir de préserver et protéger les biens des bénéficiaires contre l’extinction, l’empiètement ou l’exploitation de la part de la Couronne ou des tiers. La revendicatrice prétend également que cette obligation de préserver et protéger les biens d’une bande bénéficiaire dans la réserve contre l’exploitation persiste en présence d’intérêts opposés : Wewaykum, précité, par 104.

[74]  La revendicatrice soutient que, lorsque que la ministre a dépossédé Popkum de son intérêt sur la réserve, sans qu’il y ait eu cession, consentement éclairé, indemnisation ou atteinte minimale, elle a manqué aux obligations fiduciaires suivantes :

  1. le devoir de préserver et protéger les droits de la revendicatrice contre l’extinction, l’empiètement ou l’exploitation de la part de la Couronne;

  2. l’obligation de faire passer les intérêts de la bande bénéficiaire avant les intérêts administratifs de la Couronne;

  3. l’obligation de respecter les décisions des bandes bénéficiaires, lesquelles, selon la revendicatrice, ont contesté la décision de la ministre;

  4. l’obligation de suivre les propres politiques de la Couronne, lesquelles, selon la revendicatrice, exigeaient seulement d’agir conformément à l’article 17 de la Loi sur les Indiens avec le consentement des bandes concernées;

  5. l’obligation d’agir « avec le soin et la diligence qu’un bon père de famille apporte à l’administration de ses propres affaires », laquelle n’est pas respectée quand on se départit d’un bien de valeur sans contrepartie : Bande indienne de la rivière Blueberry c Canada, [1995] 4 RCS 344, par 104, [1996] 2 CNLR 25 [Bande indienne de la rivière Blueberry];

  6. l’obligation d’évaluer les opérations proposées, d’informer la bande bénéficiaire des modalités y afférentes et de lui demander des instructions à cet égard, de rejeter les opérations déraisonnables et de s’assurer que toute disposition de droit sur une réserve soit justement indemnisée : Guerin, précité; Première nation de Fairford c Canada (Procureur général) (1998), [1999] 2 CF 48, [1999] 2 CNLR 60 (CF 1re inst.) ; Bande indienne de Semiahmoo c Canada (1997), [1998] 1 CF 3, [1998] 1 CNLR 250 (CAF) [Semiahmoo]; Bande indienne de la rivière Blueberry, précité.

[75]  La revendicatrice nie avoir valablement consenti à la cession et au transfert des droits qu’elle avait dans la réserve de SI et/ou à la distribution des fonds détenus en fiducie. La revendicatrice nie qu’il est possible de renoncer à un droit sur les terres d’une réserve par une RCB et soutient que la RCB adoptée en 1951 par le chef Cheer et le témoignage que ce dernier a donné en 1958 lors de la commission d’enquête — qui, selon la Couronne, confirment que Popkum a renoncé à son droit — sont le résultat d’une pression inappropriée et déraisonnable exercée sur la revendicatrice. Cette dernière soutient également que la Couronne a omis de l’informer des valeurs et options économiques en cause. Elle affirme aussi qu’on ne lui a pas accordé le temps nécessaire, après que la commission d’enquête eut décidé de réattribuer l’intérêt de Popkum dans la réserve de SI, pour obtenir un avis juridique.

[76]  La revendicatrice nie également qu’il existait un objectif d’intérêt général valable justifiant la prise et la réattribution de ses biens, mais que si un tel objectif existait et qu’une mesure de la nature d’une expropriation était nécessaire, la Couronne a alors manqué à son obligation de porter le moins possible atteinte aux droits de la revendicatrice et de l’indemniser convenablement pour les pertes subies : Bande indienne d’Osoyoos c Oliver (Ville), 2001 CSC 85, [2001] 3 RCS 746 [Osoyoos]; Semiahmoo, précité.

[77]  En ce qui concerne les fonds détenus en fiducie, la revendicatrice affirme que la Couronne était tenue de les conserver et de les gérer au profit des bandes bénéficiaires : Bande et nation indiennes d’Ermineskin c Canada, 2009 CSC 9, [2009] 1 RCS 222 [Ermineskin]; Loi sur les Indiens de 1956, par 61(1). De plus, la Couronne ne pouvait, en vertu de la loi, distribuer les fonds en capital qu’avec le consentement des conseils des bandes bénéficiaires : Loi sur les Indiens, art 64. La revendicatrice prétend que les sept bandes détenaient les fonds en fiducie dans la même proportion que la réserve de SI, c’est-à-dire un septième chacune. La ministre aurait manqué aux obligations fiduciaires de la Couronne envers elle :

  1. lorsqu’elle a distribué la part des fonds en fiducie de Popkum sans le consentement de cette dernière;

  2. lorsqu’elle a distribué une partie des fonds de Popkum à des non-bénéficiaires de la part de Popkum;

  3. lorsqu’elle a distribué les fonds per capita alors que la revendicatrice, à titre de membre des sept bandes, en détenait un septième.

[78]  La revendicatrice sollicite une indemnité équivalant à : la valeur marchande de l’intérêt qu’elle revendique dans la réserve de SI — soit un septième de la réserve — au moment de sa perte, ajustée à la valeur actuelle de la perte, et à la différence entre le montant qu’elle a reçu en 1959 et le septième des fonds de capital et de revenu de Seabird Island, aussi ajustée à la valeur actuelle de la perte.

VI.  position de l’intimée (couronne)

[79]  La Couronne convient qu’avant 1959, la réserve de SI était une réserve au sens de la Loi sur les Indiens, et que les sept bandes détenaient dans cette réserve des intérêts communs, en common law et en equity. La Couronne prétend que le Tribunal n’a pas à déterminer quand et comment exactement la réserve a été confirmée, et qu’en outre, le dossier n’est pas suffisamment complet pour que justice soit rendue. Selon la Couronne, l’intérêt en common law s’entend de l’attribution des terres dont il est fait état dans les documents ministériels.

[80]  La Couronne affirme qu’avant que la ministre prenne sa décision, les résidents de SI avaient aussi un intérêt en equity dans la réserve de SI, parallèlement aux intérêts des sept bandes, en raison de leurs diverses relations sociales (comme les relations familiales et les filiations tribales), de leur occupation de l’île et du consentement des sept bandes. La Couronne souligne que les intérêts en common law et en equity ne coïncident pas toujours. Elle affirme que la situation ressemble à celle de l’arrêt Wewaykum, dans lequel chacune des deux bandes concernées revendiquait la réserve occupée par l’autre et où la Cour suprême du Canada (CSC) a conclu que les occupants des deux réserves avaient un intérêt en equity. Distinction importante à faire, dans Wewaykum, la CSC a conclu que le répertoire des réserves contenait des erreurs administratives.

[81]  La Couronne admet qu’elle avait une obligation fiduciaire envers Popkum quand la ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 17 de la Loi sur les Indiens. La Couronne affirme que les obligations fiduciaires varient selon la nature de la relation entre les parties, les exigences de la situation et le libellé de la loi : Wewaykum, précité, par 90 à 92 (à propos des réserves provisoires); Alberta c Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24, [2011] 2 RCS 261, par 45 et 46 (à savoir quand il existe des obligations fiduciaires dans le contexte de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire).

[82]  La Couronne nie que, dans les circonstances, ses obligations fiduciaires englobaient le devoir de préserver et protéger l’intérêt de la revendicatrice dans les terres de réserve, au détriment d’autres intérêts. La Couronne prétend que l’obligation de préserver et protéger l’intérêt d’un bénéficiaire contre l’exploitation ne peut s’entendre, dans le contexte de l’article 17, de l’obligation de protéger l’intérêt de la bande « existante » au détriment des besoins de la « nouvelle » bande, parce qu’une telle interprétation empêcherait tout exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 17(2). La Couronne soutient plutôt qu’elle devait éviter d’agir de façon déraisonnable au moment de réattribuer les biens en vertu du paragraphe 17(2).

[83]  Selon la Couronne, quand la ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire, elle avait des obligations concurrentes envers les résidents de SI et les sept bandes, y compris la revendicatrice. Elle souligne que les parties visées par la revendication étaient des bénéficiaires autochtones liés.

[84]  La Couronne demande au Tribunal d’établir une distinction entre la présente affaire et les affaires Guerin et Bande indienne de la rivière Blueberry, puisque ces dernières mettaient en cause des tiers non autochtones et non bénéficiaires. Elle prétend qu’à la différence de Guerin et Bande indienne de la rivière Blueberry, aucune terre n’a été en l’espèce cédée à un tiers et qu’elle ne s’est pas interposée entre une entité autochtone et un tiers non autochtone qui souhaitait acquérir des terres de réserve pour une somme d’argent. La Couronne souligne plutôt le fait que la ministre devait [traduction] « […] répartir les terres de réserve et les fonds parmi les groupes autochtones liés ».

[85]  La Couronne fait valoir que son obligation consistait à examiner tous les facteurs pertinents et à s’assurer qu’elle n’agissait pas de façon déraisonnable en répartissant les terres de la réserve de SI et les fonds en fiducie. La Couronne affirme que cette obligation comprenait aussi les devoirs de loyauté, de bonne foi, de divulgation appropriée, d’exercice de la prudence ordinaire dans l’intérêt des bénéficiaires et l’obligation de [traduction] « préserver et protéger contre l’exploitation l’exécution du mandat qui est conféré à la Couronne par le paragraphe 17(2) ».

[86]  La Couronne prétend que la ministre a exercé la prudence ordinaire, qu’elle a fait preuve de diligence raisonnable et que sa décision était juste et équitable eu égard aux circonstances.

[87]  Elle affirme que la ministre a correctement examiné tous les intérêts divergents, y compris ceux de la revendicatrice et des résidents de SI, et qu’elle s’est ainsi convenablement acquittée de l’obligation fiduciaire de la Couronne envers tous les bénéficiaires. La Couronne prétend qu’il était approprié dans les circonstances de tenir compte de la population totale, de la superficie per capita et des fonds per capita, s’agissant des bandes concernées et des résidents de SI. La Couronne affirme que le droit des fiducies s’attache à la répartition équitable des ressources eu égard à toutes les circonstances, que les principes d’equity protègent les droits de possession sur les terres et que les résidents de SI habitaient sur la réserve et participaient à son développement depuis des décennies.

[88]  De plus, la Couronne soutient que, bien que le paragraphe 17(2) de la Loi sur les Indiens n’exige aucun consentement, la revendicatrice a consenti à renoncer à son intérêt avant que la ministre prenne sa décision, dans une RCB adoptée en 1951 et confirmée par le chef Cheer en 1958. La Couronne affirme qu’il n’est pas approprié d’accorder une indemnité quand une Première Nation renonce volontairement à son intérêt en faveur d’une bande liée, citant Wewaykum, précité, par 102.

[89]  La Couronne nie l’existence d’une quelconque obligation d’atteinte minimale ou d’indemnisation, faisant valoir que la revendication ne se rapporte pas à une expropriation. Selon la Couronne, les principes de l’atteinte minimale et de la juste indemnisation en cas de disposition ne s’appliquent pas à la présente revendication et aux réattributions prévues à l’article 17, parce que la revendication exige l’établissement d’un équilibre entre des intérêts opposés et que l’article 17 invite expressément le ministre à tenir compte de la « bande existante » et de la « nouvelle bande ». 

[90]  De plus, la Couronne prétend que la revendicatrice a bel et bien été indemnisée, et ce, de deux façons : a) par la distribution des fonds en fiducie; et, (b) par le fait que les membres de Popkum qui ont joint à la bande de SI le 1er janvier 1959 ont renoncé à leur intérêt bénéficiaire sur les terres de la réserve et les comptes en fiducie que détenait la revendicatrice à cette date.

[91]  Enfin, la Couronne prétend que la ministre était en droit, conformément au paragraphe 17(2) de la Loi sur les Indiens, de distribuer les fonds en fiducie de Seabird Island à la bande de SI nouvellement constituée et aux sept bandes, parce que les huit bandes avaient un intérêt dans ces fonds. La distribution per capita était raisonnable et équitable, compte tenu en particulier de l’écart entre les populations de ces huit bandes, et permettait à la Couronne de s’acquitter de ses obligations fiduciaires de diligence raisonnable, de prudence ordinaire, de loyauté et de bonne foi.

VII.  analyse

[92]  Popkum réclame des dommages-intérêts pour manquement à l’obligation fiduciaire que la Couronne avait envers elle.

[93]  Les obligations fiduciaires existent à l’égard de droits particuliers : « [l]’obligation de fiduciaire incombant à la Couronne n’a pas un caractère général, mais existe plutôt à l’égard de droits particuliers des Indiens » (Wewaykum, précité, par 81).

[94]  C’est la combinaison de la vulnérabilité et d’un intérêt important, reconnu en droit et à l’égard duquel le fiduciaire exerce un pouvoir discrétionnaire, qui établit l’existence d’une obligation fiduciaire. Comme l’expliquait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Norberg c Wynrib (1991), [1992] 2 RCS 226, par 97, 92 DLR (4th) 449 :

[...] le déséquilibre des pouvoirs ne suffit pas nécessairement pour établir l’existence d’un rapport fiduciaire. Il s’agit d’une condition nécessaire mais non suffisante. Il faut également la possibilité d’atteinte à un intérêt juridique ou à un intérêt non juridique « "pratique", vital et important ».

[95]  Dans Wewaykum, précité, au par 85, le juge Binnie a déclaré que, pour que naisse un rapport fiduciaire, « il faut qu’il existe un droit indien identifiable et que la Couronne exerce, à l’égard de ce droit, des pouvoirs discrétionnaires d’une manière entraînant une responsabilité “ de la nature d’une obligation de droit privé” ». Les obligations fiduciaires varient selon la nature et l’importance de l’intérêt à protéger : Wewaykum, précité, par 86.

A.  La nature des intérêts en cause

[96]  Les parties ont des opinions différentes au sujet des intérêts en cause dans la présente revendication. L’« intérêt pratique, vital et important » en cause est l’intérêt qu’avait la revendicatrice dans la réserve de SI et les fonds en fiducie jusqu’en 1959. La Couronne affirme que les résidents de SI avaient un intérêt opposé qui touchait l’intérêt de la revendicatrice et les obligations de la Couronne à cet égard.

[97]  La revendicatrice soutient qu’elle avait un intérêt confirmé dans la réserve de SI — soit un septième de la réserve — au moment où la ministre a exercé le pouvoir discrétionnaire que lui conférait l’article 17 de la Loi sur les Indiens. La revendicatrice affirme qu’elle détenait cet intérêt depuis 1879, ou au plus tard 1883.

[98]  La Couronne admet que [traduction] « en 1958, la réserve de Seabird Island était une réserve au sens de la Loi sur les Indiens et que le droit de propriété bénéficiaire à l’égard de la réserve avait été attribué aux sept bandes ». La Couronne admet également que [traduction] « le répertoire des réserves indiennes dans le Dominion du Canada établi en 1943 indiquait que Seabird Island avait été attribuée aux sept bandes » et « que les Affaires indiennes avait, en 1949, reconnu que les sept bandes détenaient collectivement la réserve. » La Couronne estime qu’il n’est pas nécessaire de décider de la date exacte de la confirmation de l’attribution de la réserve, compte tenu de ses aveux.

[99]  La Couronne affirme toutefois que les résidents de SI détenaient un intérêt opposé dans la réserve de SI au moment où la ministre a pris sa décision. Elle prétend que [traduction] « […] dans les années 1940, il [le Canada] a reconnu que les sept bandes détenaient un intérêt en common law dans la réserve, mais il prétend que la Couronne a également reconnu l’intérêt des résidents de Seabird Island dans la réserve tout au long de la période en question ».

[100]  Aux fins de la présente revendication, il convient principalement de déterminer qui détenait un intérêt dans la réserve de SI et quel type d’intérêt était détenu au moment où la ministre a pris sa décision. S’il ressort du dossier soumis au Tribunal qu’à ce moment, l’attribution de la réserve de SI avait été confirmée seulement au profit des sept bandes collectivement, il n’est pas nécessaire de déterminer la date exacte de cette confirmation. La Couronne, dans son argument au sujet de l’existence d’un intérêt opposé en faveur des résidents de SI, ne concède toutefois pas ce point. De plus, l’argument de la Couronne s’inspire largement d’une décision portant sur les réserves provisoires et semble se fonder implicitement sur l’hypothèse que la réserve de SI était provisoire pendant la première partie du vingtième siècle.

[101]  Pour les motifs exposés plus loin, j’estime qu’au vu du dossier soumis au Tribunal, la Couronne a confirmé l’attribution de la réserve de SI au profit des sept bandes seulement, en parts égales, un peu avant 1959.

[102]  Compte tenu de l’état du dossier soumis au Tribunal, il n’est pas nécessaire de déterminer la date exacte de la confirmation de l’attribution de la réserve pour statuer sur la présente revendication et, compte tenu de l’insuffisance du dossier quant à la façon dont cette confirmation a eu lieu, je ne tire aucune conclusion sur la date exacte.

[103]   J’estime également que la preuve soumise au Tribunal est suffisante pour conclure que les résidents de SI n’avaient aucun intérêt opposé à titre de groupe et qu’il n’est pas nécessaire de tenir une audience en bonne et due forme sur la question de la création de la réserve.

1.  Les intérêts de la revendicatrice

[104]  Comme je l’ai mentionné précédemment, la Couronne admet que la revendicatrice, à titre de membre des sept bandes, détenait un intérêt en common law et en equity dans la réserve de SI au moment où la ministre a pris sa décision. La preuve démontre également que l’attribution de la réserve de SI avait été confirmée au profit des sept bandes seulement, à l’exclusion de tout autre intérêt des résidents de SI. Voici cette preuve :

  1. Le répertoire des réserves de 1943 ne fait état que des sept bandes.

  2. Dans des lettres envoyées aux résidents de SI en 1951, le MAI reconnaissait qu’une erreur avait été commise en 1918, et qu’à cause de cette erreur, les résidents de SI s’étaient mépris quant à leur droit sur la réserve de SI.

  3. À maintes reprises, le MAI a reconnu que, dans le cadre de diverses opérations ou propositions faites entre 1890 et 1959, il avait fallu obtenir auprès des sept bandes des cessions ou des consentements.

  4. Le fait que la ministre ait décidé de recourir à l’article 17 de la Loi sur les Indiens revenait à reconnaître que les sept bandes détenaient un intérêt dans la réserve de SI et qu’elle devait exercer le pouvoir que lui conférait la loi pour procéder à la réattribution, si une telle réattribution devait avoir lieu.

[105]  Comme les réserves sont détenues par des bandes et que les sept bandes détenaient collectivement la réserve de SI, il est présumé que les sept bandes détenaient des parts égales. Rien n’indique que le commissaire Sproat ait voulu procéder autrement. L’indemnité qui a été versée en sept parts aux sept bandes en 1890 appuie aussi la conclusion selon laquelle les sept bandes détenaient des parts égales.

[106]  La revendicatrice a présenté une argumentation détaillée pour démontrer que l’attribution de la réserve a été confirmée en 1879, ou en 1883 au plus tard. Cette argumentation est fondée sur des éléments précis du décret provincial de 1878, par lequel Gilbert Sproat est chargé de l’attribution des réserves dans le district de Yale, en Colombie-Britannique, et, subsidiairement, sur le transfert par voie législative, de la Colombie-Britannique au Canada, de la gestion et de la maîtrise des terres situées sur une vingtaine de milles de chaque côté du CFCP en 1883.

[107]  La Couronne n’a soumis aucun élément de preuve ni argument à propos de la date de création de la réserve.

[108]   Le dossier est insuffisant et incomplet, de sorte que le Tribunal ne peut tirer aucune conclusion sur la façon particulière dont l’attribution de la réserve a été confirmée et sur la date à laquelle elle l’a été; cependant, il n’est pas nécessaire qu’il le fasse pour régler la présente revendication.

2.  Les résidents de SI

[109]  Les parties conviennent que la bande de SI n’existait pas avant 1959. L’appartenance à une bande ne saurait reposer sur une auto-identification informelle à titre de « bande » : Medeiros c Première nation Ginoogaming, [2001] CFPI 1318, 213 FTR 221. Par conséquent, jusqu’en 1959, chaque résident de Seabird Island conservait sa filiation tribale préexistante officielle.

[110]  Il ressort de la preuve que certains des résidents de SI sont demeurés membres d’une des sept bandes jusqu’en 1959, alors que d’autres résidents de SI étaient très vraisemblablement des membres d’autres bandes, y compris les bandes indiennes de Cheam et de Spuzzum.

[111]  Chaque résident de SI qui était membre de l’une des sept bandes pendant la période allant jusqu’en 1959 partageait les intérêts communs qu’avait cette bande dans la réserve jusqu’en 1959. Après cela, j’estime que les résidents de SI, individuellement et collectivement, n’avait aucun autre intérêt dans la réserve de SI avant la décision de la ministre.

[112]  La Couronne a soulevé plusieurs arguments pour expliquer pourquoi on devrait considérer que les résidents de SI détenaient, collectivement, un intérêt dans la réserve de SI avant 1959, mais aucun n’est convaincant. Ils sont fondés sur l’occupation de la réserve de SI par les résidents de SI, sur le consentement des sept bandes et sur divers liens sociaux entre les résidents de SI et les sept bandes.

[113]  Il est bien établi en droit que la nature collective de l’intérêt d’une bande dans une réserve signifie qu’un membre de la bande n’a aucun droit individuel du seul fait qu’il est membre de la bande : Squamish Indian Band c Findlay (1981), 122 DLR (3d) 377, [1981] 3 CNLR 58 (CA C. B.) [Findlay].

[114]  De plus, la Loi sur les Indiens de 1951 interdisait l’acquisition d’un intérêt dans des terres de réserve, individuellement ou de gré à gré, sauf dans les cas autorisés expressément par le législateur. Les paragraphes 20(1), 28(1) et 50(1) de la Loi sur les Indiens de 1951 interdisaient l’acquisition d’intérêts dans des terres de réserve par occupation, sur consentement ou de gré à gré. La Loi des sauvages, SRC 1906, c 81, de 1906 contenait des dispositions semblables. En résumé, le législateur entendait clairement empêcher les tiers d’acquérir un intérêt dans des terres de réserve, par utilisation ou occupation.

[115]  Ces dispositions de la Loi sur les Indiens s’inscrivent dans le cadre d’un régime législatif global et d’une philosophie destinés à prévenir l’érosion des intérêts dans les réserves et à confirmer le principe selon lequel les droits fonciers des Indiens ne peuvent être aliénés qu’en faveur du souverain.

[116]  Individuellement, les résidents de SI n’auraient pas pu acquérir un intérêt dans la réserve de SI du fait qu’ils avaient informellement occupé ou utilisé les terres, et ils n’auraient pas pu, non plus, acquérir un intérêt dans la réserve de SI avec le consentement ou l’accord de la revendicatrice.

[117]  La Couronne a affirmé que les résidents de SI ont acquis, collectivement, un certain intérêt ou droit en equity que la ministre était légalement tenue de prendre en compte en 1959.

[118]  Compte tenu de l’argument selon lequel il existait un intérêt en equity, la Couronne a fait valoir que les principes d’equity permettaient à un tribunal de confirmer l’existence d’un droit de possession plutôt que d’un simple intérêt juridique de nature purement technique.

[119]   Je ne suis pas d’accord. Les intérêts que détenaient les sept bandes avant 1959 n’étaient pas de nature purement technique. À l’appui de son argument, la Couronne a invoqué l’arrêt Wewaykum; cependant, cet arrêt se distingue de la présente affaire sur ce point.

[120]  Contrairement à la situation dans Wewaykum, rien n’indique en l’espèce que les sept bandes étaient inscrites par erreur dans le répertoire des réserves. La Couronne avait pleinement l’intention d’attribuer les terres aux sept bandes en 1879, et cette attribution a été maintes fois reconnue par le MAI entre 1879 et 1959.

[121]  De plus, les règles de common law concernant l’acquisition d’un intérêt en equity par l’occupant ne s’appliquent pas aux terres de réserve, lesquelles ne peuvent être aliénées qu’au souverain : Findlay, précité.

[122]  Si la Couronne a fait valoir que, par analogie, le raisonnement adopté par la CSC dans Wewaykum s’appliquait, elle n’a par contre invoqué aucun précédent pour appuyer son argument selon lequel des membres ou des groupes non officiels peuvent acquérir un intérêt dans une réserve du fait qu’ils ont utilisé ou possédé le territoire. 

[123]  Les faits dont il est question dans Wewaykum étaient complètement différents de ceux de la présente revendication. Dans Wewaykum, les deux parties étaient des bandes et appartenaient à la Première Nation Laichkwiltach, à laquelle les réserves avaient initialement été attribuées, les réserves en question étaient provisoires au moment où les bandes non occupantes ont donné leur consentement et, dans les circonstances, la CSC a considéré leur consentement comme une cession par renonciation.

[124]  Les faits sous-jacents à la revendication de Wewaykum sont très différents de ceux de la présente revendication. Les résidents de SI ne formaient pas une bande avant 1959 et rien n’indique qu’ils avaient quelque chose de semblable à voir avec l’attribution initiale de la réserve de SI.

[125]  La preuve démontre également que l’attribution de la réserve de SI avait été confirmée aux sept bandes en particulier en 1943 ou avant. La Couronne a mis en évidence les rapports sociaux généraux qui s’étaient établis entre les résidents de SI et les sept bandes, faisant état de la [traduction] « transformation sociale » qui s’était graduellement opérée là où les gens vivaient. On ne peut porter atteinte à des intérêts confirmés de cette façon.

[126]  La thèse de la transformation sociale graduelle avancée par la Couronne soulève la possibilité que la bande de SI ait pu avoir certains droits dans la réserve de SI, lors de la création officielle de la bande, par filiation. Cependant, le dossier de preuve n’appuie pas cet argument.

[127]  La bande de SI n’était pas bénéficiaire de l’attribution de la réserve de SI avant 1959. Pour avoir un droit par filiation, il faudrait démontrer que les membres de Popkum faisaient partie de la bande de SI au moment où elle a été créée en 1959. Comme je l’ai mentionné dans l’examen des faits de la présente revendication, les parties conviennent que deux membres de Popkum faisaient partie des résidents de SI en 1918. Cependant, aucune preuve ne démontre que des membres de Popkum ont habité dans la réserve de SI à la fin des années 1950. En ce qui concerne les noms des deux membres de Popkum qui apparaissaient sur la liste de bande de 1918, celui d’Henry Ewan n’est aucunement mentionné dans les documents figurant au dossier, alors que celui de Fred Ewan et de sa famille a été radié de la liste des résidents de SI au motif qu’il a été conclu, à la suite d’une enquête sur l’appartenance menée avant 1959, qu’il était « d’origine chinoise ». À la commission d’enquête de 1958, Fred Ewan a confirmé lors de son témoignage qu’il n’était pas un Indien inscrit.

[128]  Au cours de sa plaidoirie, la Couronne a évoqué de façon générale les origines des résidents de SI et des membres des sept bandes, ainsi que les liens conjugaux et familiaux qui existaient entre eux, mais n’a présenté aucun élément de preuve permettant d’établir que certains membres de la revendicatrice faisaient partie des résidents de SI au moment où la ministre a pris sa décision.

[129]  Le MAI semble avoir mal géré la liste de bande des sept bandes et des résidents de SI entre 1918 et 1959, inscrivant les résidents de SI sur la [traduction] « liste de bande de Seabird Island » avant que la bande de SI ne soit créée en droit. Cette mauvaise gestion et la confusion des listes de bandes ne justifient pas les hypothèses formulées à propos de la composition de la bande de SI.

[130]  Les parties conviennent également qu’aucun non-résident n’a demandé à joindre la bande de SI au moment où elle a été créée.

[131]  Vu la preuve au dossier, j’estime qu’il n’existe aucun élément de preuve permettant de conclure que la bande de SI, quand elle a été créée en 1959, comptait parmi ses membres des personnes qui partageaient les intérêts « communs » de Popkum dans la réserve. 

[132]  Par conséquent, je conclus que les résidents de SI n’avaient aucun intérêt opposé ou fondé sur la filiation.

3.  Les intérêts de la Couronne

[133]  La revendicatrice prétend que la ministre a privilégié les intérêts administratifs de la Couronne plutôt que ceux de Popkum. Elle cherchait notamment à simplifier les processus administratifs dans le but de faciliter la gestion et le développement de la réserve de SI. La revendicatrice soutient également que la décision de la ministre servait les intérêts de la Couronne puisqu’aucune indemnité n’a été envisagée ou versée.

[134]  La Couronne convient que, pendant de nombreuses années, il a été difficile sur le plan administratif d’obtenir l’approbation des sept bandes. À cet égard, les deux parties soulignent les efforts déployés par la Couronne en ce qui concerne la vente de bois d’œuvre en 1918, l’obtention d’un droit de passage en 1949, la conclusion d’un bail de terres agricoles et d’autres activités, ainsi que les opérations et propositions faites dans les années 1940 et 1950 qui se sont heurtées à l’obligation d’obtenir sept consentements. La Couronne fait toutefois valoir que les difficultés que soulève l’obtention des consentements des sept bandes ont nui aux résidents de SI plutôt qu’à la Couronne, et que la ministre a défendu les intérêts des sept bandes et des résidents de SI.

B.  Les obligations fiduciaires envers la revendicatrice

[135]  Les parties conviennent que, lorsque la ministre a exercé le pouvoir qui lui est conféré par l’article 17 de la Loi sur les Indiens, elle a exercé un pouvoir discrétionnaire d’une manière « entraînant une responsabilité “de la nature d’une obligation de droit privé” » : Wewaykum, précité, par 85.

[136]  Comme j’ai conclu que l’attribution de la réserve de SI avait été pleinement confirmée aux sept bandes avant 1959, et que jusqu’alors, les résidents de SI n’avaient, en tant que groupe, aucun intérêt dans la part de Popkum dans la réserve de SI ou les fonds détenus en fiducie, j’estime que la relation fiduciaire qui liait la ministre et la revendicatrice, en ce qui concerne la part de la revendicatrice dans la réserve de SI, n’englobait pas les résidents de SI. Autrement dit, la bande de SI n’avait aucun intérêt dans la part de Popkum dans la réserve de SI et les fonds en fiducie, et la ministre n’avait aucune obligation fiduciaire envers elle.

[137]  Les obligations que la Couronne avait envers la revendicatrice sont celles qui lui incombaient dans les cas de réserves dont l’attribution était confirmée, notamment la responsabilité ordinaire du fiduciaire ainsi que l’obligation de préserver et protéger l’intérêt de la bande dans la réserve contre l’exploitation, comme il est expliqué aux par 98 à 100 de l’arrêt Wewaykum, précité :

Le contenu de l’obligation fiduciaire change quelque peu après la création de la réserve, moment où la bande acquiert un « intérêt en common law » dans la réserve, même si celle-ci est créée sur des terres ne faisant pas l’objet de droits visés au par. 35(1). Dans l’arrêt Guerin, p. 382, le juge Dickson a affirmé que cet intérêt, « lorsqu’il est cédé, a pour effet d’imposer à Sa Majesté [une] obligation de fiduciaire particulière ». Il ne faut pas interpréter trop strictement ces affirmations. Le juge Dickson parlait de cession parce qu’il s’agissait de la situation en cause dans Guerin. Comme notre Cour a jugé récemment, l’expropriation d’une réserve existante donne également naissance à une obligation de fiduciaire (Bande indienne d’Osoyoos c. Oliver (Ville), [2001] 3 R.C.S. 746, 2001 CSC 85; voir également Kruger c. La Reine, [1986] 1 C.F. 3 (C.A.)).

Lors de l’aliénation de la réserve, l’étendue de l’obligation fiduciaire peut changer (et, par exemple, inclure la mise à exécution des souhaits exprimés par les membres de la bande). Dans l’arrêt Bande indienne de la rivière Blueberry River, madame la juge McLachlin a fait l’observation suivante, au par. 35 :

Il s’ensuit que, en vertu de la Loi sur les Indiens, les bandes avaient le droit de décider si elles voulaient céder leur réserve, et que leur décision devait être respectée. Par ailleurs, si la décision de la bande concernée était imprudente ou inconsidérée — et équivalait à de l’expropriation — la Couronne pouvait refuser son consentement. Bref, l’obligation de la Couronne se limitait à prévenir les marchés abusifs.

Des opinions au même effet ont été exprimées dans R. c. Lewis, [1996] 1 R.C.S. 921, le juge Iacobucci, par. 52, et, dans un autre contexte, dans l’arrêt Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85, le juge La Forest, p. 129-130.

C’est dans le contexte des « marchés abusifs » qu’il faut, je crois, comprendre l’approche du juge Wilson dans l’arrêt Guerin. S’exprimant en son nom et au nom des juges Ritchie et McIntyre, madame le juge Wilson a déclaré que, avant toute aliénation, la Couronne a « l’obligation qui incombe au fiduciaire de protéger et préserver les droits des bandes contre l’extinction ou l’empiètement » (p. 350). Les « droits » à protéger de l’extinction ou de l’empiètement sont, il faut le souligner, des intérêts en common law, et ce qui les menace doit être, comme dans l’arrêt Guerin lui-même, un marché abusif (par exemple dans cette dernière affaire, le bail consenti au club de golf Shaughnessy Heights, qui a été jugé « déraisonnable »). Cette interprétation est compatible avec les arrêts Bande indienne de la rivière Blueberry et Lewis. Les propos du juge Wilson doivent être considérés comme indiquant que la Couronne doit faire montre de la diligence ordinaire requise pour éviter l’empiètement ou la destruction de l’intérêt quasi propriétal de la bande en raison d’un marché abusif avec des tiers, voire de mesures qui seraient prises par la Couronne elle-même et constitueraient de l’exploitation. (Il va de soi qu’il surviendra également des affaires où il sera question de la responsabilité ordinaire de la Couronne, en tant que fiduciaire, relativement aux pouvoirs administratifs qu’elle exerce à l’égard de la réserve et des biens de la bande.) [Souligné dans l’original.]

[138]  Comme l’expliquait la CSC dans l’arrêt Ermineskin, précité, aux par 75 à 79, la Loi sur les Indiens peut imposer d’autres obligations à la Couronne, et une loi peut suspendre les obligations fiduciaires de celle-ci par un libellé clair en ce sens :

Rappelons que le pouvoir discrétionnaire et les actes d’un fiducial — qu’il s’agisse de la Couronne ou d’une autre personne — peuvent être limités par la loi. 

Dans l’arrêt Guerin, le juge Dickson dit à la p. 387 :

Le pouvoir discrétionnaire qui constitue la marque distinctive de tout rapport fiducia[l] peut, dans un cas donné, être considérablement restreint. Cela s’applique aussi bien au pouvoir discrétionnaire que possède Sa Majesté à l’égard des Indiens qu’au pouvoir discrétionnaire des fiduciaires, des mandataires et des personnes qui relèvent des autres catégories traditionnelles de fiducia[l]. Les paragraphes 18(1) et 38(2) de la Loi sur les Indiens prévoient expressément une telle restriction. Il va toutefois sans dire que l’obligation [fiduciale] n’est pas supprimée par l’imposition de conditions ayant pour effet de restreindre le pouvoir discrétionnaire du fiducia[l]. Le défaut de remplir ces conditions constitue tout simplement, à première vue, un manquement à l’obligation.

[…]

Constituée de plusieurs instances faisant en réalité partie d’un même dossier, Authorson avait pour objet une question semblable à celle considérée en l’espèce. Dans l’arrêt Authorson (Litigation Administrator of) c. Canada (Attorney General), 2007 ONCA 501, 86 O.R. (3d) 321 (autorisation de pourvoi refusée, [2008] 1 R.C.S. v), la Cour d’appel de l’Ontario affirme ce qui suit (par. 102) :

[traduction] La Couronne devait respecter des limitations législatives claires dans l’administration du Trésor lorsqu’elle était légalement tenue de détenir les fonds gérés par [le ministère des Anciens combattants]. Comme nous l’expliquons ci-après, le cadre législatif applicable ne permettrait pas à la Couronne d’investir sur les marchés extérieurs ou d’offrir un autre rendement que l’intérêt. La Couronne ne peut enfreindre la loi même lorsqu’elle agit à titre de fiducial. Pendant la période considérée, l’intérêt était la seule forme de rendement que la Couronne pouvait légalement être tenue de verser.

Dans les arrêts Guerin et Authorson, notre Cour a statué que le législateur peut adopter des lois limitant ou supprimant les obligations fiduciales de la Couronne. Il incombe à celle-ci de s’acquitter de ses obligations fiduciales conformément aux limites que leur apporte la loi applicable. Il faut donc se demander si la loi limite les obligations fiduciales de la Couronne envers les bandes à l’égard de leurs redevances. [Je souligne.]

[139]  Pour que la Couronne puisse se soustraire à une obligation fiduciaire établie, le libellé de la loi doit être clair.

[140]  Une telle approche est compatible avec les lignes directrices de la CSC en matière d’interprétation des lois « visant les Indiens ». Dans l’arrêt Nowegijik c La Reine, [1983] 1 RCS 29, p. 36, 144 DLR (3d) 193 [Nowegijik], page 36, le juge Dickson a dit que les « […] traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et toute ambiguïté doit profiter à ceux-ci. »

[141]  Dans l’arrêt Mitchell c Bande indienne Peguis, [1990] 2 RCS 85, aux par 119 et 120, 71 DLR (4th) 193 [Mitchell], la CSC a mentionné qu’il fallait examiner l’objet d’une loi pour déterminer s’il convient d’en faire une interprétation restrictive ou large :

[…] Je pense que nous devons plutôt interpréter la [Loi sur les Indiens] en tentant de déterminer ce que le Parlement voulait réaliser en adoptant l’article en question. Ce point de vue ne constitue pas un rejet de la méthode d’interprétation libérale. Comme je l’ai déjà dit, il est clair que dans l’interprétation d’une loi relative aux Indiens, et particulièrement de la Loi sur les Indiens, il convient d’interpréter de façon large les dispositions qui visent à maintenir les droits des Indiens et d’interpréter de façon restrictive les dispositions visant à les restreindre ou à les abroger. Donc si la loi porte sur des promesses contenues dans un traité, les tribunaux vont toujours s’efforcer de rejeter une interprétation qui a pour effet de nier les engagements pris par la Couronne; voir l’arrêt United States v. Powers, 305 U.S. 527 (1939), à la p. 533.

  En même temps, je n’accepte pas que cette règle salutaire portant que les ambiguïtés législatives doivent profiter aux Indiens revienne à accepter automatiquement une interprétation donnée pour la simple raison qu’il peut être vraisemblable que les Indiens la préférerai[en]t à toute autre interprétation différente. Il est également nécessaire de concilier toute interprétation donnée avec les politiques que la Loi tente de promouvoir. [Je souligne.]

[142]  Dans l’arrêt Osoyoos, précité, aux par 49, 52 et 53, la CSC a examiné des dispositions législatives qui permettaient à la Couronne de prendre des terres de réserve. Le juge Iacobucci a appliqué les principes d’interprétation susmentionnés pour conclure que les dispositions en cause (relatives à l’expropriation) devraient être interprétées de manière à réduire au minimum les contradictions entre les obligations de droit public et les obligations fiduciaires de la Couronne, et à porter le moins possible atteinte aux droits en question : 

La conclusion que l’al. 83(1)a) doit être interprété largement ressort clairement de l’application du principe énoncé dans l’arrêt Nowegijick, précité […].

[…] L’article 35 permet clairement au gouverneur en conseil d’autoriser l’usage de terres de réserve à des fins d’intérêt public. Cependant, une fois qu’il est établi que l’expropriation de terres indiennes est dans l’intérêt du public, la Couronne a l’obligation de fiduciaire de n’exproprier que le droit minimal requis pour réaliser cette fin d’intérêt public et ainsi de faire en sorte que le droit de la bande d’utiliser des terres indiennes et d’en jouir ne subisse qu’une atteinte minimale. Cette obligation est compatible avec les dispositions de l’art. 35, qui confèrent au gouverneur en conseil le pouvoir discrétionnaire absolu de prescrire les modalités de l’expropriation ou du transfert. De cette manière, plutôt que de faire prévaloir l’intérêt public sur les droits des Indiens, l’approche que je préconise tend à concilier les intérêts en jeu.

Ce processus à deux étapes permet de réduire au minimum toute incompatibilité entre l’obligation de droit public de la Couronne d’exproprier des terres et l’obligation de fiduciaire qu’elle a envers les Indiens dont les terres sont touchées par l’expropriation. Au cours de la première étape, la Couronne agit dans l’intérêt public en décidant que l’expropriation des terres indiennes est requise pour cause d’utilité publique. À cette étape, il n’existe aucune obligation de fiduciaire. Cependant, une fois prise la décision générale d’exproprier naissent alors les obligations de fiduciaire de la Couronne, qui obligent celle-ci à n’exproprier que le droit propre à permettre la réalisation de la fin d’intérêt public tout en préservant autant que possible le droit des Indiens sur les terres visées.

[143]  Dans Osoyoos, précité, au par 31, le juge Iacobucci a aussi renvoyé au résumé des principes applicables fait par le juge Lambert dans l’arrêt de la cour d’appel :

[…] le juge Lambert a énoncé les principes suivants, qui régissent l’interprétation d’un décret touchant les droits des Indiens sous la protection de la Couronne. Premièrement, les ambiguïtés d’un texte de loi touchant des terres indiennes doivent recevoir l’interprétation la plus favorable aux droits des Indiens à laquelle peut raisonnablement se prêter le texte : voir Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, et Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85. Deuxièmement, il faut donner à un texte de loi une interprétation et une application qui ne portent qu’une atteinte minimale aux droits des Indiens si cette interprétation et cette application sont compatibles avec une interprétation raisonnable du texte en question : voir Bande indienne de Semiahmoo c. Canada, [1998] 1 C.F. 3 (C.A.), p. 25; R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, p. 1119. [Je souligne.]

[144]  Des dispositions législatives claires peuvent avoir pour effet d’annuler ou de modifier l’obligation fiduciaire de la Couronne; cependant, en l’absence de termes clairs, les obligations fiduciaires sont maintenues dans la mesure où les termes de la loi, interprétés raisonnablement, le permettent : Nowegijik, précité; Mitchell, précité; et Osoyoos, précité.

1.  L’article 17 de la Loi sur les Indiens

[145]  L’alinéa 17(1)a) confère au ministre le pouvoir discrétionnaire de créer de nouvelles bandes à partir de bandes existantes, du registre des Indiens ou des deux.

[146]  L’alinéa 17(1)b) permet de fusionner des bandes à la demande des bandes concernées.

[147]  Le paragraphe 17(2) dispose ce qui suit :

17. (2) Si, conformément au paragraphe (1), une nouvelle bande a été constituée à même une bande existante ou une partie de cette dernière, la fraction des terres de réserve et des fonds de la bande existante que le ministre détermine est détenue à l’usage et au profit de la nouvelle bande. [Je souligne.]

[148]  Le paragraphe 17(2) emploie le présent de l’indicatif pour indiquer au ministre qu’il doit « détermine[r] » la fraction des biens de la bande d’origine qui sera détenue pour la nouvelle bande à la suite d’une division (ou d’une fusion) faite conformément au paragraphe 17(1).

[149]  Selon mon interprétation de l’article 17 et de son objet, le ministre dispose du pouvoir de gérer la redistribution des biens de la « bande existante » quand une « nouvelle bande » est créée à même une « bande existante ou une partie de cette dernière », c’est-à-dire quand il existe des intérêts par filiation.

[150]  Le caractère impératif du paragraphe 17(2) fait en sorte que le ministre doit tenir compte des intérêts par filiation et qu’il est impossible qu’une bande issue d’une division se retrouve sans bien.

[151]  Le paragraphe 17(2) ne vise pas à conférer au ministre le pouvoir discrétionnaire absolu d’attribuer les réserves de novo, qu’une bande soit divisée ou non, et abstraction faite du traitement égalitaire des véritables successeurs. Une telle approche et une telle interprétation ne seraient pas conformes à l’esprit général de la Loi sur les Indiens quant à la protection des réserves et à l’analyse faite par la CSC relativement à l’importance des intérêts confirmés dans les réserves. La Cour a clairement établi que le rôle de la Couronne dans la gestion des réserves diffère de son rôle public habituel. Les réserves ne sont pas des programmes publics de prestations :

74  L’influence durable de l’arrêt Guerin a été de reconnaître que la notion de fiducie politique ne fait pas obstacle à la possible reconnaissance du caractère juridique de la myriade de rapports existants entre la Couronne et les peuples autochtones. Un quasi-intérêt propriétal (par exemple des terres faisant partie d’une réserve) ne saurait être assimilé à un programme gouvernemental de prestations. Dans le second cas, seuls des recours de droit public peuvent généralement être intentés, alors que, dans le premier, se soulèvent des considérations participant « de la nature d’une obligation de droit privé » (Guerin, p. 385). [Wewaykum, précité, par 74]

[152]  L’idée d’une interprétation du paragraphe 17(2) fondée sur la filiation est renforcée si l’on considère qu’il est possible de porter atteinte aux biens autochtones en recourant à cette disposition de façon inappropriée.

[153]  La CSC a tenu compte des préoccupations concernant l’érosion des biens situés dans la réserve dans les arrêts Bande indienne de la rivière Blueberry, Osoyoos, Bande indienne des Opetchesaht c Canada (1996), [1997] 2 RCS 119, 147 DLR (4th) 1 [Opetchesaht], et, concernant l’appartenance à une bande, dans Bande de Peepeekisis c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2013 CAF 191, [2014] CNLR 306 [Peepeekisis].

[154]  Dans Opetchesaht, précité, au par 52, les juges majoritaires et minoritaires de la CSC ont examiné le régime de protection de la Loi sur les Indiens et l’importance de la politique établie par cette loi. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Major a affirmé ce qui suit :

[…] Cela nous amène à examiner les principes qui sous-tendent la règle d’inaliénabilité générale. Tant la common law que la Loi sur les Indiens visent à prévenir l’érosion de l’assise territoriale des Indiens qu’entraînerait la cession de terres par des membres ou groupes de membres d’une bande. 

[155]  La juge McLachlin (maintenant Juge en chef), dans les motifs de dissidence qu’elle a formulés dans l’arrêt Opetchesaht, précité, aux par 85 à 87, a aussi souligné le régime de protection de la Loi sur les Indiens :

[…] Il est possible de considérer que la protection des terres des réserves pour les générations futures est l’un des principaux objets de la Loi. L’aliénation des terres était perçue comme une mesure grave, qui ne devait être effectuée que conformément à une procédure hautement transparente et strictement réglementée. La Loi sur les Indiens confirme l’aliénabilité générale des terres des Indiens (art. 37) et garantit l’intégrité des terres des réserves en interdisant leur aliénation, sauf en faveur de la Couronne, avec le consentement de l’ensemble des membres de la bande.

L’expropriation est le seul mécanisme par lequel les droits des Indiens dans les terres des réserves peuvent faire l’objet d’une disposition permanente en vertu de la Loi sur les Indiens. Lorsque l’intérêt supérieur du public l’exige, il peut y avoir expropriation de droits dans les terres des réserves : art. 35. Cette procédure est réglementée de façon stricte et exige le consentement du gouverneur en conseil, donné par le cabinet, qui a envers les Indiens l’obligation de fiduciaire d’agir dans leur intérêt. Il s’agit d’un mécanisme public et délicat du point de vue politique.

Cependant, les procédures formelles de cession et d’expropriation ne sont pas les seules mesures que la Loi sur les Indiens permet de prendre à l’égard des terres des réserves. En effet, la Loi renferme des dispositions permettant que soient faites, avec le consentement du ministre et du conseil de bande, des opérations moins importantes sur les terres des réserves. […]

[156]  La CSC a plusieurs fois et de façon très claire conclu que la Loi sur les Indiens accorde aux réserves un degré très élevé de protection et que certains pouvoirs discrétionnaires conférés par la loi imposent à la Couronne des obligations fiduciaires de la plus haute importance. Il convient d’interpréter l’article 17 de la Loi sur les Indiens en gardant ces principes reconnus à l’esprit.

[157]  La Couronne a fait valoir que l’obligation de préserver et protéger les intérêts dans les réserves contre l’exploitation échappe au paragraphe 17(2) parce qu’elle rendrait impossible l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par le législateur.

[158]  Une lecture conjointe des paragraphes 17(1) et (2) m’amène à conclure que, dans le contexte du paragraphe 17(2), cette obligation signifie que le ministre peut réattribuer les biens de la « bande existante » quand la « nouvelle bande » est constituée au moins à même une partie de la « bande existante ». En pareil cas, le ministre peut à bon droit exercer son pouvoir discrétionnaire de sorte que les biens de la bande d’origine sont transmis sans perte à la nouvelle bande. Cette interprétation est celle qui est la plus conforme au libellé de l’article 17, à l’esprit général de la Loi sur les Indiens quant à la protection des réserves d’une bande, aux principes d’interprétation des lois « visant les Indiens » établis par la CSC et à la jurisprudence de la CSC en ce qui a trait aux obligations fiduciaires de la Couronne à l’égard des réserves confirmées.

[159]  Je conclus que l’article 17 ne prévoit pas, en termes clairs, qu’il est possible d’écarter, de modifier ou de diminuer les obligations fiduciaires établies. Aucune raison convaincante n’a été avancée pour justifier la conclusion selon laquelle le paragraphe 17(2) confère le pouvoir discrétionnaire général de réattribuer, à la suite d’une division ou d’une fusion, des réserves confirmées à des bandes qui n’en sont pas bénéficiaires, directement ou par filiation. Le pouvoir discrétionnaire accordé par l’article 17 donne naissance aux obligations fiduciaires de la Couronne et le ministre doit exercer ce pouvoir conformément à ces obligations, lesquelles englobent les responsabilités ordinaires d’un fiduciaire ainsi que le devoir de préserver et protéger l’intérêt de la revendicatrice dans la réserve contre l’exploitation de la part de la Couronne ou des tiers. Parmi les responsabilités ordinaires les plus pertinentes quant à la présente revendication, on retrouve le devoir d’agir au mieux des intérêts du bénéficiaire, l’obligation de faire preuve de loyauté, de bonne foi, de diligence raisonnable, de prudence ordinaire, de respect envers les décisions d’une bande, ainsi que l’obligation de communiquer tous les renseignements pertinents, celle d’empêcher les opérations déraisonnables et celle d’agir conformément à la Loi sur les Indiens. Ce sont là des obligations dont il doit s’acquitter lorsqu’il exerce le pouvoir que lui confère le paragraphe 17(2).

[160]  La revendicatrice a aussi soulevé l’obligation relative à l’atteinte minimale et à l’indemnisation des pertes nécessairement encourues quand un objectif d’ordre public exige que la Couronne réduise la part d’une bande dans une réserve. La revendicatrice a nié qu’il existait un objectif d’ordre public valable, mais a affirmé que, s’il était nécessaire de fournir une assisse territoriale aux résidents de SI en 1959, Popkum avait alors droit à une indemnisation.

[161]  La Couronne a soutenu que l’obligation relative à l’atteinte minimale et à l’indemnisation découle de la jurisprudence relative à l’expropriation et que les réattributions fondées sur l’article 17 sont différentes.

[162]  À mon avis, le paragraphe 17(2) ne permet pas l’aliénation d’une réserve confirmée à une autre bande n’ayant aucun intérêt par filiation. Une bande qui n’a aucun intérêt par filiation est une entité distincte, c’est-à-dire un tiers au regard de la relation fiduciaire en cause. Je suis d’accord avec la revendicatrice; toutefois, j’estime que l’aliénation à un tiers d’un droit dans une réserve confirmée, sans le consentement de la bande et à des fins d’intérêt public général, ressemble à une expropriation. Je souligne que, en matière d’expropriation, l’obligation fiduciaire de la Couronne comporte effectivement une obligation d’atteinte minimale et d’indemnisation des pertes nécessairement encourues : Osoyoos, précité; Semiahmoo, précité.

2.  Les manquements à l’obligation fiduciaire

[163]  Le 1er janvier 1959, la ministre a créé la bande de SI et attribué la réserve de SI, qui était alors détenue par les sept bandes dont la revendicatrice, à la nouvelle bande de SI. La revendicatrice n’avait alors plus aucun intérêt dans la réserve de SI. Le 31 janvier 1959, la ministre a distribué les fonds détenus en fiducie à tous les membres de la bande de SI et à tous les membres permanents des sept bandes sur une base per capita.

[164]  La situation était sans doute complexe puisque plusieurs bandes avaient un intérêt dans la réserve et les fonds en fiducie de SI, et que chacune des bandes avait des liens particuliers avec les résidents de SI. Toutefois, cette complexité ne saurait dégager la Couronne des obligations fiduciaires qu’elle avait envers la revendicatrice.

VIII.  conclusions

[165]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la ministre n’a pas géré les biens de la revendicatrice avec la diligence et la prudence requises, que la ministre a considéré que la réserve dont l’attribution avait été confirmée pouvait être attribuée de novo, selon son bon vouloir, et que, par conséquent, la ministre a manqué aux obligations fiduciaires de la Couronne envers la revendicatrice. Je vais examiner séparément les manquements se rapportant à la réserve de SI et ceux se rapportant aux fonds détenus en fiducie.

A.  La réserve de Seabird Island

[166]  La Couronne s’appuie sur l’argument selon lequel les résidents de SI avaient des liens familiaux avec les sept bandes. Il ressort de la preuve qu’en 1957, le surintendant, Réserves et fiducies, M. Bethune, a perçu l’article 17 comme une option valable, notamment parce qu’on pensait alors que les résidents de SI provenaient des sept bandes.

[167]  Cependant, la preuve révèle aussi que, avant de prendre sa décision, la ministre a omis de prendre des mesures adéquates pour établir quelle proportion des résidents de SI provenait de la bande revendicatrice. De plus, le MAI savait qu’un grand nombre de membres des bandes indiennes de Cheam et de Spuzzum s’étaient établis dans la réserve de SI.

[168]   Au début des années 1950, le chef Cheer estimait que la présence et l’influence de sa bande dans la réserve de SI justifiaient de revendiquer 50 % de la réserve de SI.

[169]  Le MAI savait que les filiations tribales des résidents de SI n’étaient pas clairement établies. En 1946, après avoir pris connaissance des mémoires selon lesquels les résidents de SI ne formaient pas une bande, le commissaire des Indiens de la Colombie-Britannique a demandé à l’agent des Indiens d’enquêter sur les origines des résidents. Voici un extrait du rapport de l’agent des Indiens :

[traduction] […] les premiers résidents de la bande de Seabird Island étaient tous des membres des réserves de Hope, Ohamil, Squawtits, Cheam, Yale, Popcum, Union Bar et Shawahlook et, depuis la constitution de la bande, quelques membres de la bande de Spuzzum ont reçu le statut de membre. Parmi les Indiens de la vieille génération qui sont toujours en vie, la vaste majorité sont des descendants de la bande de Squawtits.

[170]  Le commissaire des Indiens de la Colombie-Britannique a répondu que [traduction] « [l]a prochaine étape consisterait à enquêter sur le statut des membres de la “bande de Seabird Island” pour prouver qu’ils provenaient d’une des bandes en cause ». Le commissaire des Indiens était aussi d’avis que des cessions étaient nécessaires.

[171]  Après avoir procédé à un examen plus approfondi, un agent du bureau de Lytton a indiqué, en 1947, que les dossiers pertinents avaient été détruits par le feu en 1931. L’agent des Indiens s’est adressé à la division des Affaires indiennes pour obtenir d’autres documents. Le dossier ne révèle pas si on a répondu à cette demande et ne laisse voir aucun élément de preuve permettant de croire qu’une enquête a été menée sur le statut des résidents de SI. 

[172]  La preuve démontre aussi clairement qu’en 1958, alors que les représentants du MAI s’affairaient aux préparatifs entourant la mesure prise par le ministre en vertu de l’article 17, le surintendant, Réserves et fiducies, a ordonné au commissaire des Indiens de la Colombie-Britannique de prendre des [traduction] « mesures immédiates » pour « mettre à jour la liste des membres de Seabird Island ». Le commissaire des Indiens de la Colombie-Britannique a transmis cette directive au surintendant de l’agence de New Westminster. Cependant, la « liste des membres » ne faisait pas état des filiations tribales officielles des résidents de SI.

[173]  Rien n’indique que les représentants du MAI ont poussé l’affaire plus loin. La ministre s’est fondée sur la vague idée qu’un nombre indéterminé des résidents de SI provenaient des sept bandes. La Couronne n’a, de toute évidence, pas déployé des efforts suffisants pour vérifier qui étaient les bénéficiaires de la réserve de SI et si des membres de Popkum y résidaient.

[174]  Comme je l’ai déjà mentionné, la Couronne n’a fourni aucun élément particulier tendant à démontrer les liens familiaux qui auraient existé entre les membres de Popkum et les résidents de SI. La preuve ne démontre pas, contrairement à ce qu’a affirmé la Couronne, que des résidents de SI partageaient ou avaient un intérêt dans les biens communs de la réserve de Popkum au moment où la ministre a pris sa décision en 1959. Les parties conviennent qu’aucun non-résident n’a demandé à joindre à la bande de SI conformément à la procédure établie par la ministre au moment où elle a créé la bande de SI. Par conséquent, la bande de SI créée en 1959 n’avait aucun droit par filiation sur l’intérêt de Popkum dans la réserve de SI.

[175]  La ministre a réattribué l’intérêt de Popkum dans la réserve de SI — soit un septième — à la bande de SI, c’est-à-dire qu’elle a attribué l’intérêt du détenteur d’une réserve dont l’attribution avait été confirmée, Popkum, à un non-bénéficiaire de l’intérêt de Popkum. Le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 17(2) ne va pas aussi loin.

[176]  Le fait que la réserve de SI était détenue par plusieurs bandes jusqu’en 1959 rend la présente revendication encore plus complexe, mais ne change rien au fait que la Couronne avait envers la revendicatrice une obligation fiduciaire au regard de son intérêt dans la réserve de SI.

[177]  La ministre n’a pas fait montre de la responsabilité ordinaire requise de la part d’un fiduciaire lorsqu’elle a attribué à la bande de SI l’intérêt de Popkum dans la réserve de SI en 1959. Elle n’a pas fait preuve de la prudence ordinaire requise en n’identifiant pas les véritables bénéficiaires, en excédant le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 17(2) et en dépossédant la revendicatrice de son intérêt dans la réserve.

[178]  La ministre n’a pas géré les biens de la revendicatrice dans l’intérêt de cette dernière quand elle a transféré ses biens à la bande de SI, alors que celle-ci n’était pas un bénéficiaire par filiation et comptait parmi ses membres des personnes qui, jusqu’en 1959, avaient été membres de bandes à qui la réserve de SI n’avait jamais été attribuée ou confirmée. Confirmer qu’un non-bénéficiaire a un droit supérieur à un bénéficiaire, ce n’est pas agir avec la prudence ordinaire requise à l’égard de la gestion de la réserve de SI.

[179]  Le manquement de la Couronne a été amplifié par le fait que le MAI a exhorté la revendicatrice pendant des années à renoncer à son intérêt dans la réserve de SI, et ce, sans recevoir d’indemnité ou sans avoir tous les renseignements sur la valeur économique de son intérêt. On ne peut donc pas dire que, ce faisant, la Couronne agissait dans le meilleur intérêt de la revendicatrice. Rien n’indique que la Couronne a envisagé de verser une indemnité pour l’appauvrissement subi par la revendicatrice. La Couronne admet qu’à cette époque il n’était pas question d’indemnisation.

[180]  La Couronne a affirmé que la revendicatrice a néanmoins été indemnisée grâce à la distribution per capita et au fait que les membres de Popkum, qui se sont joints à la bande de SI en 1959, ne partageaient plus l’intérêt de Popkum dans la réserve et les fonds en fiducie. Ces fonds ne pouvaient pas constituer et ne constituaient pas une indemnité à l’égard des terres, et la preuve ne permet pas d’établir que des membres de Popkum se sont joints à la bande de SI au moment où elle a été créée.

[181]  J’estime qu’il s’agissait, pour la revendicatrice, d’une opération inconsidérée. Pour cette raison, la RCB adoptée par le chef Cheer en 1951 ainsi que le témoignage qu’il a offert en 1958 quant à l’abandon de l’intérêt de Popkum ne dégagent pas la Couronne de sa responsabilité. De plus, rien n’indique que la revendicatrice était, à quelque moment que ce soit, représentée par un avocat et la preuve ne permet pas non plus de démontrer que le chef Cheer avait parfaitement compris ses droits et ce à quoi il avait consenti à renoncer, ou qu’il a agi en pleine connaissance de cause. Je conclus que la Couronne a aussi manqué à ses obligations d’évaluer, de pleinement informer, d’obtenir des directives et de rejeter les opérations déraisonnables.

[182]  S’agissant de la question du consentement, la Couronne a affirmé que le paragraphe 17(2) n’oblige pas le ministre à obtenir le consentement des bandes concernées, mais que, quoi qu’il en soit, la revendicatrice a consenti aux réattributions de 1959. Comme le Tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve à l’appui de la thèse selon laquelle Popkum a été divisée, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur la question de savoir si l’article 17 exige ou non un consentement avant de statuer sur la présente revendication.

[183]  La revendicatrice a aussi affirmé qu’il existait à l’époque une politique du MAI selon laquelle la Couronne ne pouvait agir en vertu de l’article 17 qu’avec le consentement des bandes concernées et qu’elle avait une obligation fiduciaire d’agir conformément à la politique existante, citant Bande indienne de la rivière de Blueberry. Je ne suis pas persuadé, vu la preuve, qu’une telle politique existait en 1959, mais je ne suis pas obligé de tirer une conclusion à ce sujet pour me prononcer sur la présente revendication.

[184]  L’aliénation de Popkum était un autre manquement à l’obligation de la Couronne de préserver et protéger la réserve confirmée contre l’exploitation. Il ressort clairement de la preuve que plusieurs représentants du MAI considéraient la gestion de la réserve de SI comme étant ardue et irréaliste puisque sept consentements étaient requis pour maintes décisions. Le recours par la ministre à l’article 17 a eu pour effet de libérer la Couronne de la complexité administrative qui caractérisait l’exercice de ses obligations fiduciaires et législatives, et ce, au détriment de l’intérêt en common et en equity de Popkum dans la réserve de SI. Les actes de la Couronne étaient intéressés, puisqu’ils la libéraient d’un fardeau administratif au détriment de Popkum.

[185]  La Couronne a affirmé que les résidents de SI avaient besoin de la réserve de SI et qu’il fallait régler les problèmes de gestion de la réserve. Si tel était le cas, il incombait à la Couronne de répondre à ces besoins, non pas à Popkum. La décision de la ministre signifiait que la Couronne évitait d’offrir d’autres terres agricoles aux résidents de SI ou d’indemniser Popkum pour la perte de son intérêt au profit de la Couronne. En évitant de proposer d’autres options, la Couronne a répondu aux besoins des résidents de SI et a atteint ses propres objectifs administratifs au détriment de la revendicatrice. Elle a aussi manqué à son obligation de préserver et protéger l’intérêt de la revendicatrice dans la réserve contre l’exploitation de la part de la Couronne.

[186]  La décision de la ministre a également profité à la bande de SI, qui s’est vue attribuer une réserve vaste et de grande valeur, dans la mesure où la preuve donne à penser que des membres des bandes indiennes de Cheam et Spuzzum faisaient partie de la bande de SI en 1959, encore là au détriment de Popkum, un bénéficiaire existant et établi envers lequel la Couronne avait les plus hautes obligations fiduciaires. Chacune de ces bandes – Seabird Island, Cheam et Spuzzum – était une tierce partie au regard de l’intérêt de la revendicatrice dans la réserve de SI et de la relation fiduciaire qu’avait la Couronne avec la revendicatrice en ce qui concerne la réserve de SI. 

[187]  Au cours de sa plaidoirie, la Couronne a souligné que le MAI se trouvait pris entre deux bandes rivales. La Couronne a ainsi décrit le cœur de la revendication : [traduction] « [l]a question est de savoir quelle est la meilleure façon d’attribuer les terres de réserve indienne parmi les peuples autochtones ». Cela revient à dire que [traduction] « tous les Autochtones sont pareils » et peuvent donc être traités de la même façon. Chaque bande est une entité distincte ayant des origines culturelles, sociales et historiques différentes. Les bandes ont à l’égard d’une réserve des intérêts distincts. L’autochtonité en soi ne confère pas à un individu, à un groupe ou à une bande le droit d’occuper et d’acquérir une réserve appartenant à autre bande.

[188]  L’existence d’un différend entre une bande qui a une relation fiduciaire avec la Couronne à l’égard d’un intérêt particulier et une entité autochtone qui ne partage pas cet intérêt n’a pas pour effet d’élever les deux parties au rang de co-bénéficiaires. Aucune obligation fiduciaire n’existe envers une entité autochtone qui ne partage pas l’intérêt en question, bien que cette entité puisse avoir d’autres relations distinctes avec la Couronne.

[189]  Dans l’arrêt Peepeekisis, des Indiens admis au sein de la bande par l’agent des Indiens, à sa discrétion, avaient empiété sur les intérêts qu’avait la bande dans une réserve confirmée (Peepeekisis, par 40 à 44). La Cour d’appel fédérale a considéré que ces Indiens étaient exclus de la relation fiduciaire que la bande avait avec la Couronne au regard de sa réserve.

[190]  Le fait que les résidents de SI étaient des Indiens n’a pas pour effet d’éliminer ou de modifier l’obligation légale de la Couronne envers les bénéficiaires de la réserve de SI et ne peut pas non plus être utilisé pour justifier la décision de la ministre.

[191]  Le fait qu’il existait un conflit entre les bandes officielles et non officielles ne dispense pas la Couronne de son obligation de préserver et protéger les droits de la revendicatrice, ni ne relègue son obligation au rang de celle d’un arbitre chargé de régler les différends entre bénéficiaires et non-bénéficiaires. Dans l’arrêt Wewaykum, la CSC a aussi confirmé que, lorsqu’il est question d’intérêts dans des réserves confirmées, les obligations fiduciaires de la Couronne ne se limitent pas au rôle d’« arbitre désintéressé » : Wewaykum, précité, par 104.

[192]  La Couronne a aussi présenté des arguments quant au caractère équitable de la décision de la ministre compte tenu de la superficie des terres de réserve distribuées per capita parmi les entités concernées. Les intérêts dans les réserves confirmées sont détenus collectivement par les bandes, et non par les membres, et il ne s’agit pas de programmes publics de prestations pouvant être réattribués selon ce que le ministre juge nécessaire : Wewaykum, précité, au par 74 citant Guerin, précité. Les réserves confirmées doivent être gérées d’une manière qui tient compte de l’importance, sur les plans historique et juridique, des intérêts de la bande dans la réserve au sens défini par la CSC et la Loi sur les Indiens.

[193]  En résumé, je conclus que la ministre a manqué à ses obligations fiduciaires envers la revendicatrice en ce qui concerne l’intérêt de cette dernière dans la réserve de SI, y compris la responsabilité ordinaire d’un fiduciaire et l’obligation de préserver et protéger les terres de réserve contre l’exploitation de la Couronne, quand elle a transféré l’intérêt de la revendicatrice dans la réserve de SI à la bande de SI en 1959.

B.  Les fonds détenus en fiducie de Seabird Island

[194]  Dans l’arrêt Ermineskin, précité, au par 131, la CSC a décrit le soin exigé de la Couronne dans l’administration des fonds en fiducie en faisant référence à la prudence ordinaire :

Suivant l’arrêt Fales, le soin exigé de la Couronne dans l’administration des fonds des Indiens est celui « qu’un bon père de famille apporte à l’administration de ses propres affaires » (le juge Dickson, p. 315). Toutefois, comme la Couronne « ne saurait être un fiducia[l], son obligation d’agir comme le ferait une personne avisée administrant ses propres affaires est façonnée par les lois applicables et les considérations susmentionnées.

[195]  Le paragraphe 61(1) de la Loi sur les Indiens de 1956, en vigueur en 1959, imposait à la Couronne l’obligation de gérer les fonds détenus en vertu de la Loi au profit des bénéficiaires : 

61. (1) Les deniers des Indiens ne doivent être dépensés qu’au bénéfice des Indiens ou des bandes à l’usage et au profit communs desquels ils sont reçus ou détenus, et, sous réserve de la présente loi et des termes de tout traité ou cession, le gouverneur en conseil peut décider si les fins auxquelles les deniers des Indiens se trouvent employés, ou doivent l’être, sont à l’usage et au profit de la bande.

[196]  Cela ne signifie pas que les biens d’une bande visée par une division sont intouchables en vertu du paragraphe 17(2). Comme dans le cas des réserves, les intérêts par filiation qui découlent de l’application du paragraphe 17(2), et le partage des sommes détenues en fiducie en fonction des droits de succession, confirment les principes énoncés au paragraphe 61(1) et dans l’arrêt Ermineskin, réduisent au minimum les contradictions dans le rôle de la Couronne et sont compatibles avec une interprétation raisonnable du paragraphe 17(2).

[197]  Je ne vois aucune raison de prendre en considération, dans le cadre d’une distribution fondée sur le paragraphe 17(2), les nouveaux membres d’une bande qui, avant la division, n’étaient pas membres de la bande d’origine. En ce qui concerne les réserves, l’approche la plus cohérente consiste à ne tenir compte que des bénéficiaires pour la distribution. Si l’on tient compte des tiers, il en résulte une érosion injustifiée des biens de la bande d’origine.

[198]  La revendicatrice a aussi soutenu qu’il était nécessaire d’obtenir un consentement éclairé avant de procéder à une aliénation pour respecter l’obligation fiduciaire et, plus précisément en ce qui concerne les fonds détenus en fiducie, et que l’article 64 exigeait le consentement de Popkum pour toutes les dépenses de capitaux. La revendicatrice nie avoir donné son consentement.

[199]  Comme il a déjà été mentionné, l’alinéa 17(1)a) et le paragraphe 17(2) ne font aucune mention d’un consentement. J’estime qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l‘effet de l’article 17 sur l’article 64. La Couronne n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour étayer la thèse selon laquelle Popkum a été divisée. La ministre n’avait pas le pouvoir de diviser les fonds détenus en fiducie de Popkum en vertu de l’article 17. Il fallait donc obtenir le consentement de la revendicatrice avant de pouvoir dépenser ses fonds en capital.

[200]  Au-delà des questions d’appartenance et de filiation, la Loi sur les Indiens ne précise pas, outre les dispositions déjà mentionnées, comment les fonds en fiducie appartenant à plusieurs bandes peuvent être partagés à la suite d’une dissolution, c’est-à-dire selon le principe de l’égalité pour chaque bande ou sur une base per capita. La revendicatrice fonde son argument relatif à la division des fonds selon une formule égalitaire sur le droit partagé des sept bandes et sur le fait qu’en 1890, les sommes reçues à la suite d’une prise de terres situées sur la réserve de SI ont été divisées en sept parts égales parmi les sept bandes. 

[201]  Avant 1959, les fonds détenus en fiducie de SI appartenaient aux sept bandes. Les biens d’une bande appartiennent à la bande, et non à ses membres. J’estime que la nature collective de la propriété des sept bandes suppose que chacune des sept bandes avait droit à un septième.

[202]  S’agissant des réserves, l’administration des fonds détenus en fiducie peut devenir compliquée quand plusieurs bandes sont concernées, mais cela ne libère pas la Couronne de ses obligations fiduciaires et législatives ni ne réduit son rôle à celui d’un arbitre désintéressé. La CSC a affirmé ce qui suit, au par 104 de l’arrêt Wewaykum, précité :

[…] l’obligation de fiduciaire ne se limite pas en l’espèce au rôle d’arbitre désintéressé. La Couronne ne pouvait pas se dérober à son obligation de fiduciaire simplement en invoquant l’existence d’intérêts opposés.

[203]  J’arrive à la conclusion que la ministre a manqué à son obligation fiduciaire envers la revendicatrice quand, en 1959, elle a distribué les fonds de SI détenus en fiducie à tous les membres des sept bandes et de la bande de SI nouvellement constituée sur une base per capita. La distribution des fonds en fiducie de la bande aurait dû être effectuée en fonction du nombre de bandes, ce qui est probablement la seule méthode de distribution qui représentait la véritable nature des intérêts en cause dans les circonstances de la présente revendication. 

[204]  Pour les mêmes raisons que celles exposées au sujet de la réserve de SI, la bande de SI n’était pas un bénéficiaire de la part de la revendicatrice dans les fonds de SI détenus en fiducie. La ministre n’avait aucune raison de distribuer la part de Popkum à la bande de SI en vertu de l’article 17. Les arguments formulés par la Couronne selon lesquels la bande de SI était généralement liée à la revendicatrice et devrait être considérée comme un bénéficiaire de ces fonds en raison de la filiation n’ont pas su me convaincre. Les six autres bandes n’étaient pas non plus bénéficiaires de la part de Popkum. Selon la distribution per capita, une partie de la part de la revendicatrice dans les fonds en fiducie a été attribuée à des non-bénéficiaires. Il s’agissait d’un manquement aux obligations fiduciaires de la Couronne envers la revendicatrice. 

IX.  dispositif

[205]  Le fait que la Couronne ait dépossédé Popkum de son intérêt dans la réserve de SI sans indemnité et qu’elle ait distribué sa part dans les fonds en fiducie de Seabird Island à des non-bénéficiaires constituait un manquement à la responsabilité ordinaire de la Couronne, à titre de fiduciaire, et un manquement à l’obligation de la Couronne de préserver et protéger l’intérêt de la revendicatrice dans la réserve confirmée contre l’exploitation de la Couronne.

X.  dépens

[206]  Au cas où les parties seraient incapables de régler la question des dépens elles-mêmes, elles devront déposer des observations écrites dans les 30 jours suivant la communication des présents motifs. Les observations doivent avoir au plus 5 pages.

PATRICK SMITH

L’honorable Patrick Smith

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas

 


TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20140627

Dossier : SCT-7005-11

OTTAWA (ONTARIO), le 27 juin 2014

En présence de l’honorable Patrick Smith

ENTRE :

PREMIÈRE NATION DE POPKUM

revendicatrice

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

AUX :

Avocats de la revendicatrice PREMIÈRE NATION DE POPKUM

Représentée par Allan Donovan et John Burns

Donovan & Company

ET AUX :

Avocats de l’intimée

Représentée par Rosemarie Schipizky et Sean Stynes

Ministère de la Justice

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.