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DOSSIER : SCT-5001-14

TRADUCTION OFFICIELLE

RÉFÉRENCE : 2017 TRPC 6

DATE : 20171219

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

PREMIÈRE NATION DE MOSQUITO GRIZZLY BEAR’S HEAD LEAN MAN

Revendicatrice

 

Me Aaron Christoff, pour la revendicatrice

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

Représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

 

Me Lauri M. Miller et Me Scott T. Bell, pour l’intimée

 

 

ENTENDUE : Le 13 décembre 2017

motifs de la décision (demande d’Ajournement)

L’honorable Harry Slade, président


Note : Le présent document pourrait faire l’objet de modifications de forme avant la parution de sa version définitive.

Loi citée :

Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22 art 20.


[1]  La présente revendication se rapporte à une cession de terres de réserve d’une très grande superficie qui est survenue en 1905 et à des ventes de terres survenues vers 1906, 1908 et 1910.

[2]  La revendicatrice, la Première Nation de Mosquito Grizzly Bear’s Head Lean Man, affirme que la cession n’était pas conforme aux dispositions de la Loi sur les Indiens, et que, si la revendication est jugée valide, une indemnité — fondée sur la valeur marchande actuelle des terres, sans égard aux améliorations qui ont pu y être apportées entre‑temps, et sur la perte de l’usage des terres depuis la date de cession jusqu’à la date à laquelle le Tribunal conclut à la responsabilité de la Couronne intimée — doit être versée en vertu des alinéas 20(1)g) et h) de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22 [LTRP].

[3]  La revendicatrice affirme subsidiairement que la cession, si elle est valide, constituait un manquement à une obligation de fiduciaire puisqu’elle était déraisonnable et qu’elle a été effectuée dans des circonstances qui laissent croire que les agents de la Couronne ont commis une faute.

[4]  L’intimée fait référence à des éléments de preuve selon lesquels les terres cédées auraient été vendues à un prix inférieur à leur valeur marchande et que, si cela est avéré, la revendicatrice aurait tout de même été indemnisée. Par conséquent, l’alinéa 20(1)f) de la LTRP s’appliquerait de sorte que l’indemnité correspondrait au manque à gagner, tel qu’établi par la preuve, et serait rajustée pour prendre en compte la valeur temporelle de l’argent qui sera déterminée à l’étape de l’instance qui porte sur l’indemnisation.

[5]  Les parties ont déployé beaucoup d’efforts pour se préparer à l’audience relative à la présente affaire. L’audition de la preuve par histoire orale a eu lieu en janvier 2015 dans la collectivité de la revendicatrice. Cette dernière et l’intimée ont toutes les deux déposé des rapports d’expert. Le rapport historique de la revendicatrice, rédigé par Mme Peggy Martin McGuire, a été déposé auprès du Tribunal le 8 mai 2015. Le rapport produit en réponse par l’intimée a été rédigé par M. Norris Wilson et a été déposé le 4 avril 2017.

[6]  Le rapport McGuire porte principalement sur le bien‑fondé de la revendication, et repose sur la prémisse que la cession a été effectuée sans l’autorisation légale requise, quoiqu’il traite d’autres sujets susceptibles de toucher à la question du manquement à l’obligation de fiduciaire.

[7]  Le rapport de l’intimée rédigé par M. Derek Whitehouse-Strong répond au rapport de Mme Martin McGuire. À l’instar de ce dernier, il semble très détaillé. Il fait état des sujets sur lesquels les experts ont des opinions divergentes.

[8]  Il ressort d’une lecture rapide de ces rapports que ceux‑ci aideront le Tribunal à tirer des conclusions de fait. Cependant, aucun des experts n’a été interrogé sur son rapport.

[9]  J’examinerai maintenant les rapports d’évaluation. M. Norris Wilson a déposé le sien le 4 avril 2017, et M. Hal Love a produit son rapport en réponse le 15 septembre 2017.

[10]  Encore une fois, je constate, après avoir examiné ces rapports, qu’ils permettront au Tribunal de tirer des conclusions de fait sur la question de savoir si la revendicatrice a reçu une indemnité adéquate au moment de la cession ou des ventes, selon le cas.

[11]  Les rapports d’évaluation n’ont pas été mis à l’épreuve dans le cadre d’un contre‑interrogatoire. Il est prévu que les experts témoigneront et seront interrogés par les avocats de la partie adverse du 8 au 12 janvier 2018, à Saskatoon (Saskatchewan). Les observations finales relatives au bien‑fondé de la revendication doivent être entendues les 23 et 24 janvier 2018.

[12]  En prévision de l’audience, les parties ont déposé, le 5 octobre 2017, un recueil conjoint de documents composé de 16 volumes. Elles ne s’entendent pas sur l’énoncé des questions en litige ni sur l’exposé des faits. Les actes de procédure sont cependant assez complets et, dans la mesure où certaines des allégations qu’ils contiennent sont admises, celles‑ci pourraient servir d’assise à un exposé conjoint des faits.

[13]  Les parties ont déposé un exposé conjoint en prévision de la présente conférence de gestion de l’instance. Elles demandent que les audiences prévues en janvier soient ajournées de façon générale afin de pouvoir examiner les possibilités de règlement. Aucune raison valable n’a été donnée pour justifier cet ajournement. Les parties affirment seulement que les coûts de l’instance ne seraient pas justifiés si elles parviennent à un règlement.

[14]  Seuls les exposés conjoints concernant les questions en litige et les faits restent à terminer. Bien que ces exposés soient souhaitables, leur absence ne justifie pas d’ajourner l’instruction de la revendication à l’étape du bien‑fondé.

[15]  Si l’affaire se poursuit comme prévu jusqu’à l’audition des observations finales les 23 et 24 janvier, il reste amplement de temps pour rédiger un exposé conjoint des faits.

[16]  J’ai présenté les questions en litige dans le cadre de la présente conférence de gestion de l’instance, de sorte que l’audience ne sera pas perturbée parce qu’elles auront été mal comprises.

[17]  J’examinerai maintenant la proposition selon laquelle l’audience devrait être ajournée afin de permettre aux parties d’étudier les possibilités de règlement.

[18]  Par suite de la discussion tenue aujourd’hui, je comprends que la Couronne intimée n’a pas obtenu l’autorisation écrite du ministre de négocier le règlement de la revendication. Dans le cadre du processus de règlement des revendications particulières administré par la Direction générale des revendications particulières, cette autorisation est une condition sine qua non des négociations. Mme Miller, qui représente l’intimée, m’assure que l’autorisation de procéder à des discussions exploratoires, qu’elle qualifie de négociations, a été accordée. Selon ce que je comprends, cette autorisation émanerait de la Direction générale des revendications particulières du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, maintenant connu sous le nom de ministère des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord Canada, sans que ce changement ait été fait de façon officielle.

[19]  Interrogée à ce sujet, Mme Miller m’a fait savoir que les négociations font intervenir la Direction générale des revendications particulières et la Direction générale du règlement des litiges.

[20]  Les parties n’ont fourni aucune entente officielle selon laquelle elles devaient entamer des négociations et elles n’ont pas fait référence à une telle entente. Lorsqu’ils ont été saisis des demandes conjointes en suspension de l’instance, les membres du Tribunal ont été informés que cette entente, qualifiée de [traduction] « protocole de négociation », était nécessaire pour que les parties puissent commencer à négocier un règlement. Je comprends que ce protocole officiel garantit la bonne foi des deux parties, établit le calendrier d’exécution des tâches, l’heure et la fréquence des réunions, et décrit les mesures internes établies par une politique gouvernementale en vue d’en arriver à un règlement et d’en exécuter les modalités. Un membre s’est fait dire qu’un délai d’environ un an était nécessaire pour établir le « protocole de négociation » et qu’il faudrait ensuite de deux à cinq ans pour parvenir à une entente de règlement et en exécuter les modalités.

[21]  Les membres du Tribunal qui sont saisis de demandes conjointes visant à suspendre l’instruction des revendications déposées auprès du Tribunal ont aussi été informés que des centaines de revendications étaient en cours de négociation. Cela explique peut-être pourquoi ces affaires s’éternisent.

[22]  En l’espèce, les parties n’ont échangé aucune proposition de règlement. Les avocats ont indiqué qu’ils ne s’attendent pas à des négociations du type de celles où une partie fait une offre et l’autre une contre-offre sans que chacune ait présenté à l’autre une certaine analyse des questions en litige et son point de vue sur les résultats probables. Selon moi, le contre‑interrogatoire des experts permettrait aux parties de circonscrire le débat.

[23]  Aucune date n’a été proposée pour le début des négociations visant le règlement de la présente revendication pas plus qu’il n’existe d’engagement à faire tous les efforts possibles dans l’intention ferme de conclure un règlement dans un délai raisonnable.

[24]  Si les parties ne parviennent pas à un règlement, l’affaire retournera devant le Tribunal afin qu’il rende une décision sur le bien‑fondé de la revendication. Dans cette éventualité, nous ne savons pas si les témoins seront disponibles et si je serai en mesure de présider l’instance. Comme j’ai entendu les témoignages, je suis saisi du dossier à moins que les parties estiment que l’affaire peut être instruite par un autre membre. Ainsi, l’une ou l’autre des parties pourrait exiger que l’affaire soit réentendue.

[25]  Le Tribunal a pour mandat de statuer sur les revendications particulières de façon rapide, équitable et définitive. Vu l’état d’avancement des discussions entre les avocats, et vu que les parties sont engagées dans un processus régi par des règles selon lesquelles le Tribunal peut imposer des délais pour l’exécution de tâches préalables à l’audience, je ne suis pas du tout convaincu qu’il serait moins rapide ou rentable de procéder comme prévu à l’audition des experts et des observations finales, et de prendre le temps nécessaire pour rendre une décision, que de laisser les parties décider si elles entameront des négociations et, le cas échéant, procéderont avec diligence.

[26]  Nous savons que, si l’instruction complète de l’affaire a lieu comme prévu, une décision sera rendue. Il est difficile de savoir combien de temps cela prendra, mais bien qu’elles mettent en cause une quantité importante d’éléments de preuve documentaire, de récits oraux et de rapports d’experts, les questions en litige en l’espèce ne me semblent pas, compte tenu de l’exhaustivité des rapports d’experts, être de celles qui représentent un défi inhabituel pour le Tribunal qui doit tirer des conclusions de fait et des conclusions de droit relatives au bien‑fondé de la revendication.

[27]  La présente affaire n’est pas la seule où le Tribunal a jugé préoccupantes les longues périodes de discussion qui débutent lorsque les parties demandent conjointement la « suspension » de l’instance pour un temps déterminé au motif qu’elles mènent des [traduction] « discussions exploratoires en vue d’un règlement ». Ces demandes de suspension ont, de façon générale, été accueillies. Dans tous les cas, plusieurs demandes de prorogation de la période de « suspension » ont été présentées. Certaines de ces revendications sont « suspendues » depuis plus de deux ans.

[28]  Néanmoins, après avoir vu des revendications être « suspendues » pour négociation et apparemment traîner pendant des années, je ne crois pas qu’il soit dans l’intérêt de la justice, étant donné que le Tribunal a pour mandat de parvenir rapidement à un règlement, d’ajourner l’audition de la preuve prévue pour le 8 janvier 2018 et l’audition des observations finales prévue pour le 23 janvier 2018. Par ailleurs, aucune raison n’a été donnée quant à savoir pourquoi les négociations ne pourraient pas suivre leur cours pendant que l’affaire est en instance devant le Tribunal. Accorder un ajournement éliminerait la pression d’une décision imminente sur le bien‑fondé de la revendication.

[29]  Cependant, je reconnais que la négociation est la voie à privilégier pour régler de façon définitive les revendications des peuples autochtones – les revendications particulières comme les revendications globales. C’est pourquoi j’inviterai les avocats à présenter, à la fin de l’audience relative au bien‑fondé de la revendication, des observations sur la question suivante : souhaitent‑ils que le Tribunal reporte pour une période déterminée le prononcé des motifs et des conclusions sur le bien‑fondé de la revendication? Je songe à une période de trois mois afin que les parties puissent mener à bien les négociations. Elles auront la possibilité de demander une prorogation, mais devront prouver, sans divulgation inappropriée, qu’elles ont fait des progrès.

[30]  Pendant les négociations, je rendrai — si les avocats le demandent — toute décision interlocutoire fondée sur la preuve visant à faciliter les négociations et à réduire l’écart potentiellement énorme pouvant exister entre l’indemnité fondée sur la valeur actuelle et la perte d’usage et l’indemnité inadéquate accordée au moment de la cession et des ventes.

HARRY SLADE

L’honorable Harry Slade, président

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


 TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20171219

Dossier : SCT-5001-14

OTTAWA (ONTARIO), le 19 décembre 2017

En présence de l’honorable Harry Slade, président

ENTRE :

PREMIÈRE NATION DE MOSQUITO GRIZZLY BEAR’S HEAD LEAN MAN

Revendicatrice

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

À :

Avocat de la revendicatrice PREMIÈRE NATION DE MOSQUITO GRIZZLY BEAR’S HEAD LEAN MAN

Représentée par Me Aaron Christoff

Maurice Law, Barristers & Solicitors

ET AUX :

Avocats de l’intimée

Représentée par Me Lauri M. Miller et Me Scott T. Bell

Ministère de la Justice

 

 

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