Motifs de la demande

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DOSSIER : SCT-4001-14

TRADUCTION OFFICIELLE

RÉFÉRENCE : 2017 TRPC 2

DATE : 20170621

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

PREMIÈRE NATION DE SAGKEENG

Revendicatrice (défenderesse)

 

Me Candice S. Metallic et Me Ryan M. Lake, pour la revendicatrice (défenderesse)

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

Représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée (demanderesse)

 

Me Lauri M. Miller, pour l’intimée (demanderesse)

 

 

INSTRUITE : à l’aide d’observations écrites

Motifs sur la demande

L’honorable Harry Slade, président

 


Note : Le présent document pourrait faire l’objet de modifications de forme avant la parution de sa version définitive.

Jurisprudence :

Bande de Sawridge c Canada, 2005 CF 1501, [2006] 1 CNLR 385; R c Corbett, [1988] 1 RCS 670, 41 CCC (3e) 385; R c Mohan, [1994] 2 RCS 9, 114 DLR (4e) 419; R c Abbey, [1982] 2 RCS 24, 138 DLR (3e) 202; Bande indienne de Squamish c Canada (1998), 144 FTR 106 (CF 1re inst.); Nation et bande indienne de Samson c Canada, 199 FTR 125 (CF 1re inst.), [2001] 2 CNLR 353.

Sommaire :

Droit autochtone – Revendication particulière – Admissibilité de la preuve – Rapport

La Première Nation de Sagkeeng (la revendicatrice), anciennement la bande no 262 de Fort Alexander, soutient n’avoir pas obtenu toutes les terres de réserve auxquelles le Traité no 1 lui donnait droit. La revendicatrice affirme qu’en dépit de la promesse verbale faite par la Couronne d’exclure les lots privés appartenant aux membres de la bande no 262 de Fort Alexander du calcul des terres de réserve auxquelles la bande avait droit, ces lots avaient été pris en compte dans le calcul de la superficie en acres de la réserve.

La revendicatrice fonde également sa revendication sur le défaut allégué de la Couronne de tenir compte de l’ensemble des membres reconnus de la bande lorsqu’elle a calculé l’attribution de terres de 160 acres à chaque famille de cinq personnes.

L’intimée reconnaît que la Couronne a fait cette promesse verbale. Elle conteste en revanche les calculs établis par la revendicatrice en ce qui a trait à la population de la Première Nation à la date du premier arpentage, ainsi qu’à la date rajustée du premier arpentage, et au nombre d’acres de terres qui devaient être mises de côté à titre de réserve.

L’intimée sollicite une ordonnance déclarant inadmissible en preuve le rapport d’expert rédigé par M. Paul Chartrand, au motif qu’il renferme une argumentation juridique et politique. Les qualifications de M. Chartrand ne sont pas contestées en l’espèce.

Décision : La demande est accueillie en partie.

Le rapport de Chartrand est pertinent en ce qui a trait à la revendication, car il traite de la question de savoir si les « Sang-Mêlé » possédant des terres privées étaient des membres de la bande no 262 de Fort Alexander.

Le rapport de Chartrand est nécessaire pour permettre au Tribunal de statuer sur la revendication, car celui-ci peut y trouver des opinions et des renseignements pertinents, de même qu’une mise en contexte historique.

Certaines parties du rapport de Chartrand, dans la mesure où elles renferment des arguments juridiques ou des énoncés politiques, sont irrecevables.


 

TABLE DES MATIÈRES

I. questions soulevées dans la revendication de la Première Nation de Sagkeeng   5

II. Demande portant sur l’admissibilité du rapport  5

III. Le droit applicable  7

A. Inclusion de la preuve  7

B. Le critère relatif à l’admissibilité de la preuve : l’arrêt Mohan  8

1. Critère de la pertinence  8

2. Critère de la nécessité  9

a) Les arguments juridiques  10

b) Les déclarations politiques  10

IV. AnalysE  10

V. ORDONNANCE  13

annexe  15


 

I.  questions soulevées dans la revendication de la Première Nation de Sagkeeng

[1]  La Première Nation de Sagkeeng (la revendicatrice), anciennement la bande no 262 de Fort Alexander, soutient que la Couronne lui a fait verbalement la promesse d’exclure les lots privés appartenant aux membres de la bande du calcul des terres de réserve attribuables à la bande en vertu du Traité no 1. La revendicatrice affirme que ces lots auraient dû être déduits dans le calcul relatif à l’attribution des terres de réserve, mais que tel n’avait pas été le cas.

[2]  L’intimée reconnaît que la Couronne a fait cette promesse verbale.

[3]  En ce qui a trait à la quantité de propriétés privées à déduire de l’attribution des terres constituant la réserve de Fort Alexander, une question qui se pose est celle du statut des colons dits de « sang-mêlé » qui possédaient des propriétés foncières situées sur ce qui est maintenant la réserve de Fort Alexander.

[4]  La revendicatrice allègue en outre que le recensement de la population de la bande effectué par le Canada à la date du premier arpentage, de même qu’à la date rajustée du premier arpentage (soient les dates réputées correspondre au dénombrement des membres de la bande), était inexact. Elle affirme que la population de la bande no 262 de Fort Alexander ayant droit aux terres promises par traité s’élevait à 574 personnes, c’est-à-dire 475 membres à la date du premier arpentage, plus 99 membres admissibles à être pris en compte dans le calcul. L’intimée conteste ce nombre, et affirme qu’elle comptait 508 membres à la date rajustée du premier arpentage.

II.  Demande portant sur l’admissibilité du rapport

[5]  L’intimée (demanderesse) sollicite une ordonnance :

  • autorisant l’instruction de la demande;

  • déclarant inadmissible en preuve le rapport d’expert écrit par Paul Chartrand;

  • ou, à titre subsidiaire, une ordonnance portant que le rapport soit révisé avant son dépôt en preuve afin d’en supprimer tout contenu jugé inadmissible.

[6]  L’intimée fait valoir que le rapport est, en tout ou en partie, constitué d’arguments juridiques et politiques. Elle ajoute que le rapport de Chartrand n’est d’aucune aide au Tribunal pour ce qui est de trancher la question dont il est saisi, et que, par conséquent, il n’est pas admissible en preuve.

[7]  L’objection soulevée par l’intimée à l’égard du rapport est exprimée en termes généraux. Elle ne prend pas la forme d’une énonciation, paragraphe par paragraphe, de motifs d’irrecevabilité.

[8]  La revendicatrice, quant à elle, fait valoir que le rapport fournit un contexte historique, politique et juridique nécessaire pour permettre au Tribunal d’avoir une bonne compréhension des questions soulevées dans la présente revendication.

[9]  La revendicatrice soutient que le rapport est admissible dans son entier, étant donné qu’il renferme des connaissances et des renseignements spécialisés sur les liens sociopolitiques qui existaient entre les « Indiens », les « Sang-Mêlé » et les Métis, ainsi que sur les politiques de la Couronne s’y rapportant, au cours de période visée par la revendication.

[10]  À titre subsidiaire, la revendicatrice demande au Tribunal de préciser les parties du rapport qu’il juge inadmissibles, le cas échéant.

[11]  M. Chartrand souligne avoir employé l’expression « Sang-Mêlé » dans son rapport en raison du fait qu’à l’époque d’un arpentage réalisé en 1874, ce terme était utilisé pour désigner les personnes d’ascendance mixte autochtone et européenne. Selon ses explications, cette expression témoigne de l’attitude de supériorité qui était courante chez les Européens au 19e siècle, et le fait de l’utiliser de nos jours, sauf dans le cadre d’un discours professionnel portant sur des questions historiques, serait offensant.

[12]  La première partie du rapport traite notamment des questions suivantes :

  • Les personnes désignées en tant que « Sang-Mêlé » par le Canada à l’époque du premier arpentage de la réserve de la bande de Fort Alexander étaient-elles des membres de la communauté visée par le Traité qui est devenue la bande no 262 de Fort Alexander?

  • Une personne considérée comme étant de « sang-mêlé » pouvait-elle également, dans la culture de la bande, être considérée comme un membre de celle-ci?

  • Le Canada s’en remettait-il aux pratiques de la bande pour déterminer l’appartenance des membres de celle-ci?

  • Compte tenu de la situation géographique de la bande et de la date à laquelle ses membres ont été dénombrés, appliquait-on une distinction entre les « Sang-Mêlé » et les « Indiens » aux fins du calcul de la superficie des terres de réserve?

[13]   La première partie du rapport, soit les paragraphes 1 à 101, traite de la question de la promesse verbale, en la replaçant dans son contexte historique. Cette partie est tout à fait pertinente par rapport aux questions soulevées par la revendication et, sauf pour ce qui est des exceptions précisées ci‑dessous, elle est admissible.

[14]  La deuxième partie du rapport, qui va du paragraphe 102 au paragraphe 150, s’attarde davantage sur les objectifs et l’intention qui sous-tendaient les politiques du gouvernement à l’égard de ceux que l’on appelait les « Sang-Mêlé », et en particulier, sur les mesures prises pour mettre de côté des terres pour les « Sang‑Mêlé » et les Métis.

[15]  Les conclusions figurent aux paragraphes 151 à 167 du rapport.

III.  Le droit applicable

A.  Inclusion de la preuve

[16]  Dans la décision Sawridge Band c Canada, 2005 CF 1501 au para 48, [2006] 1 CNLR 385, la Cour fédérale de première instance (CF 1re inst.) a renvoyé à un « principe d’inclusion » faisant partie des règles du droit de la preuve pour faire valoir qu’en matière d’admission d’éléments de preuve, il valait mieux pécher par inclusion que par exclusion. Dans son jugement, la CF 1re inst. a repris à cet effet le passage suivant de l’arrêt R c Corbett, [1988] 1 RCS 670 au para 50, 41 CCC (3e) 385 :

Je suis d’accord avec mon collègue le juge La Forest pour dire que les règles fondamentales du droit de la preuve comportent un principe d’inclusion en vertu duquel il est permi[s] de produire en preuve tout ce qui sert logiquement à prouver un fait en litige, sous réserve des règles d’exclusion reconnues et des exceptions à celles-ci. Pour le reste, c’est une question de valeur probante. La valeur probante d’un élément de preuve peut être forte, faible ou nulle. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, à mon avis, conformément à la transparence de plus en plus grande de notre société, nous devrions nous efforcer de favoriser l’admissibilité, à moins qu’il n’existe une raison très claire de politique générale ou de droit qui commande l’exclusion.

B.  Le critère relatif à l’admissibilité de la preuve : l’arrêt Mohan

[17]  Le critère applicable en matière d’admissibilité de la preuve est énoncé en ces termes par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Mohan, [1994] 2 RCS 9 au para 17, 114 DLR (4e) 419 [Mohan] :

L’admission de la preuve d’expert repose sur l’application des critères suivants :

a) la pertinence;

b) la nécessité d’aider le juge des faits;

c) l’absence de toute règle d’exclusion;

d) la qualification suffisante de l’expert.

[18]  L’application des critères a) et b) est analysée ci-après.

1.  Critère de la pertinence

[19]  Dans l’arrêt Mohan, la Cour suprême du Canada a décrit de la façon suivante le critère de pertinence (au para 18) :

Comme pour toute autre preuve, la pertinence est une exigence liminaire pour l’admission d’une preuve d’expert.  La pertinence est déterminée par le juge comme question de droit.  Bien que la preuve soit admissible à première vue si elle est à ce point liée au fait concerné qu’elle tend à l’établir, l’analyse ne se termine pas là. Cela établit seulement la pertinence logique de la preuve.  D’autres considérations influent également sur la décision relative à l’admissibilité.  Cet examen supplémentaire peut être décrit comme une analyse du coût et des bénéfices, à savoir «si la valeur en vaut le coût.»  Voir McCormick on Evidence (3e éd. 1984), à la p. 544.  Le coût dans ce contexte n’est pas utilisé dans le sens économique traditionnel du terme, mais plutôt par rapport à son impact sur le procès.  La preuve qui est par ailleurs logiquement pertinente peut être exclue sur ce fondement si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable, si elle exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur ou si elle peut induire en erreur en ce sens que son effet sur le juge des faits, en particulier le jury, est disproportionné par rapport à sa fiabilité. Bien qu’elle ait été fréquemment considérée comme un aspect de la pertinence juridique, l’exclusion d’une preuve logiquement pertinente, pour ces raisons, devrait être considérée comme une règle générale d’exclusion (voir Morris c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 190).  Qu’elle soit traitée comme un aspect de la pertinence ou une règle d’exclusion, son effet est le même. Ce facteur fiabilitéeffet revêt une importance particulière dans l’appréciation de l’admissibilité de la preuve d’expert.

[20]  La plus grande partie du rapport est pertinente à l’égard de la revendication, puisqu’elle se rapporte à la question de savoir si les « Sang-Mêlé » possédant des terres privées étaient des membres de la bande no 262 de Fort Alexander.

2.  Critère de la nécessité

[21]  Toujours dans l’arrêt Mohan, la Cour suprême du Canada a cité le passage suivant de l’arrêt R c Abbey, [1982] 2 RCS 24 à la p 42, 138 DLR (3e) 202 :

Quant aux questions qui exigent des connaissances particulières, un expert dans le domaine peut tirer des conclusions et exprimer son avis.  Le rôle d’un expert est précisément de fournir au juge et au jury une conclusion toute faite que ces derniers, en raison de la technicité des faits, sont incapables de formuler.  [traduction] « L’opinion d’un expert est recevable pour donner à la cour des renseignements scientifiques qui, selon toute vraisemblance, dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge ou d’un jury.  Si, à partir des faits établis par la preuve, un juge ou un jury peut à lui seul tirer ses propres conclusions, alors l’opinion de l’expert n’est pas nécessaire » [renvoi omis].

[22]  Le rapport décrit la diversité ethnique des groupes présents dans la région au cours de l’époque pertinente, en situant du même coup dans leur contexte des questions qui dépassent les connaissances du Tribunal. Cela dit, il n’est pas tout à fait clair dans quelle mesure les observations qu’on y trouve au sujet des Métis et de la distinction à faire entre eux et les « Sang‑Mêlé » sont pertinentes, puisque les points soulevés dans les actes de procédure ne mettent pas en jeu la question de savoir si les Métis ont été, ou auraient dû être pris en compte aux fins du calcul de la superficie de la réserve. Je traiterai plus loin de la recevabilité de ce genre de contenu.

a)  Les arguments juridiques

[23]  Les arguments juridiques figurant dans un rapport d’expert sont susceptibles d’être jugés inadmissibles, parce qu’ils n’aident aucunement le tribunal dans l’exercice de ses fonctions de juge des faits.

[24]  Ainsi, dans la décision Bande indienne de Squamish c Canada (1998), 144 FTR 106 au para 9, la CF 1re inst. a conclu à l’irrecevabilité d’un rapport rédigé par un éminent avocat, au motif qu’il se composait dans une très large mesure d’arguments juridiques et ne serait d’aucune utilité à la Cour dans l’exercice de ses fonctions de juge des faits.

b)  Les déclarations politiques

[25]  Les déclarations politiques ne sont généralement d’aucune aide pour le juge des faits.

[26]  Dans Nation et bande indienne de Samson c Canada, 199 FTR 125 au para 22, [2001] 2 CNLR 353, la CF 1re inst. a tranché que le contenu d’un rapport élaboré par le directeur des recherches au Native Law Centre of Canada de la Faculté de droit de l’Université de la Saskatchewan (le rapport Henderson), était en général de nature politique et se prêtait davantage à un débat ailleurs que devant un tribunal judiciaire. La partie du rapport Henderson qui dressait un résumé du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones concernant les traités était superflue. Les arguments invoqués dans le rapport en cause tenaient davantage d’une plaidoirie faite par un avocat. Par conséquent, le rapport a été déclaré inadmissible en preuve.

IV.  AnalysE

[27]  Sous la rubrique intitulée [traduction] « Sommaire », aux paragraphes 1 à 4, M. Chartrand traite de la composition des communautés autochtones au moment de la conclusion du Traité no 1. D’après ce que je comprends, les paragraphes 5 et 6 portent sur les normes et les lois autochtones régissant l’appartenance aux groupes autochtones. Les conclusions qui y sont tirées sont des conclusions de fait; elles sont donc admissibles.

[28]  Les dernières phrases des paragraphes 7 et 8, ainsi que le paragraphe 9 au complet, énoncent des conclusions de droit. Ces parties ne sont donc pas admissibles.

[29]  Des conclusions de droit sont tirées dans les dernières phrases des paragraphes 45 et 47; ceux-ci sont donc irrecevables.

[30]  Le paragraphe 48 est de nature politique et, de ce fait, il n’est pas admissible.

[31]  La dernière phrase du paragraphe 50 renferme une conclusion de droit; elle est par conséquent irrecevable.

[32]  Les paragraphes 51 à 100 exposent l’évolution historique ayant donné lieu à l’existence des Métis en tant que peuple distinct, et précisent les facteurs qui distinguent ceux-ci de ces personnes d’ascendance mixte que l’on appelait autrefois « Sang-Mêlé ». Bien qu’aucun argument n’ait été invoqué relativement à l’inclusion ou à l’exclusion des Métis à titre de membres de la bande, le fait que deux groupes distincts — quoique tous les deux d’ascendance non autochtone — aient été présents dans la région pourrait avoir une incidence sur l’identification des personnes à prendre en compte dans le calcul de la superficie de la réserve prévue par le Traité. Le contenu de ces paragraphes, sauf pour l’exception mentionnée ci-après, est admissible.

[33]  L’exception en question est l’emploi du terme [traduction] « inacceptable » apparaissant au paragraphe 57. La question de savoir si les actes de la Couronne peuvent être qualifiés ainsi n’a aucune pertinence quant aux questions qui se posent dans la présente instance, et, en tout état de cause, elle est de nature argumentative. Ce terme est donc irrecevable.

[34]  La dernière phrase du paragraphe 101 relève d’une argumentation juridique, de telle sorte qu’elle est inadmissible.

[35]  Quant aux paragraphes 102 à 118, ils portent sur les politiques, la législation et les pratiques du Canada à l’égard des « Sang-Mêlé ». Sans doute pourrait-on avancer qu’à certains endroits, des conclusions de droit sont tirées, mais il s’agit essentiellement d’énoncés de faits fondés sur le dossier historique; aussi ces paragraphes sont-ils recevables.

[36]  Le terme [traduction] « raciste » employé au paragraphe 116 est redondant : en effet, le point de vue exprimé est parfaitement compréhensible sans qu’il soit nécessaire de l’utiliser. Ce terme est par conséquent irrecevable.

[37]  Sous la rubrique [traduction] « Reconnaissance du titre indien », M. Chartrand examine, aux paragraphes 119 à 126, les politiques et objectifs du Canada en ce qui a trait aux intérêts fonciers des « Indiens » et des « Sang-Mêlé ». Il explique ensuite, aux paragraphes 127 à 129, les raisons pour lesquelles la délivrance des certificats aux Métis a été repoussée jusqu’en 1876. Tous ces paragraphes sont admissibles. Puis, aux paragraphes 130 à 142, M. Chartrand traite de la remise de certificats à certaines personnes — dont celles d’ascendance mixte que l’on appelait les « Sang‑Mêlé » —, qui a été autorisée par un décret daté du 23 mars 1876.

[38]  Du point de vue de la question centrale qu’il reste à trancher en l’espèce, la pertinence d’une bonne partie du rapport de Chartrand, laquelle s’étend du paragraphe 130 au paragraphe 142, n’est pas évidente. Prise dans son ensemble, cette partie porte sur la question des intérêts fonciers respectifs des Métis et des « Sang-Mêlé ». En l’absence d’arguments ciblés de la part de la demanderesse, il n’est pas possible de se prononcer sur la recevabilité de cette portion du texte. La ligne de conduite à adopter, en l’espèce, consiste à pencher en faveur de l’admissibilité du rapport, à l’exception des parties expressément déclarées inadmissibles.

[39]  L’expression [traduction] « haine des réserves » figurant au paragraphe 132 est péremptoire quant au caractère de son sujet, lequel n’est pas mis en cause. Elle n’est donc ni pertinente, ni admissible.

[40]  Le paragraphe 142, qui énonce une conclusion de fait, et non de droit, est admissible.

[41]  Les paragraphes 143 à 150 traitent directement de l’étendue de l’application de la Loi sur le Manitoba d’un point de vue géographique, ainsi que des certificats reçus par les « Sang‑Mêlé » de Fort Alexander en 1871, lors de la signature du Traité no 1, de même qu’en 1874, année d’achèvement de l’arpentage, par l’agent Harris, de la réserve établie par traité. Le paragraphe 150 énonce une conclusion, mais il s’agit d’une inférence tirée de faits déjà mentionnés précédemment et, prise conjointement avec les autres, elle est admissible.

[42]  Les conclusions tirées aux paragraphes 151 à 167 s’appuient sur les éléments de preuve historiques et les dispositions législatives citées par l’auteur. Elles sont liées à la question centrale en l’espèce. Exception faite des paragraphes 156 et 167, qu’il serait préférable d’aborder dans le cadre des plaidoiries, elles sont admissibles.

[43]  Le rapport est reproduit en annexe des présents motifs. Les parties déclarées irrecevables sont rayées.

V.  ORDONNANCE

[44]  La demande est accueillie en partie.

HARRY SLADE

L’honorable Harry Slade, président

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie‑Marie Bissonnette, trad. a.


 

 TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20170621

Dossier : SCT-4001-14

OTTAWA (ONTARIO), le 21 juin 2017

En présence de l’honorable Harry Slade, président

ENTRE :

PREMIÈRE NATION DE SAGKEENG

Revendicatrice (Défenderesse)

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

Représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée (Demanderesse)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

AUX :

Avocats de la revendicatrice (défenderesse) PREMIÈRE NATION DE SAGKEENG

Représentée par Me Candice S. Metallic et Me Ryan M. Lake

Maurice Law

ET À :

Avocate de l’intimée (demanderesse)

Représentée par Me Lauri M. Miller

Ministère de la Justice


annexe

***L’annexe n’est pas disponible dans le présent format.***

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.