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DOSSIER : SCT-7006-12

TRADUCTION OFFICIELLE

RÉFÉRENCE : 2016 TRPC 2

DATE : 20160204

 

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

PREMIÈRE NATION D’AKISQ’NUK

Revendicatrice

 

Darwin Hanna et Adam Munnings, pour la revendicatrice

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU  CANADA

représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

 

Christa Hook et Deborah McIntosh, pour l’intimée

 

 

DEMANDE INSTRUITE À L’AIDE D’OBSERVATIONS ÉCRITES

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’honorable Harry Slade, président


Note : Le présent document pourrait faire l’objet de modifications de forme avant la parution de sa version définitive.

Jurisprudence :

Calder et al c PG de la Colombie-Britannique, [1973] RCS 313, 34 DLR (3d) 145; R c Sioui, [1990] 1 RCS 1025, 70 DLR (4th) 427; R c Bartleman (1984), 12 DLR (4th) 73, 13 CCC (3d) 488 (C.A. C.-B.); Bande indienne Montana c Canada, [1994] 1 CF 425; Cronk c Canadian General Insurance Company (1995), 128 DLR (4th) 147, 25 OR (3d) 505 (C.A. Ont.); R c Haines, [1981] 1 CNLR 87; Canada c Première nation de Kitselas, 2014 CAF 150, [2014] 4 CNLR 6.

Lois et règlements cités :

Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22, préambule, art 13.

Sommaire :

Droit autochtone – Revendications particulières – Connaissance d’office

Le Tribunal a avisé les parties qu’il envisageait de prendre connaissance d’office du contenu de plusieurs ouvrages historiques portant sur la création des réserves dans la colonie et, après la Confédération, dans la province de la Colombie-Britannique.

Dans le cas de revendications autochtones mettant en jeu des questions historiques, la loi accorde au Tribunal une marge de manœuvre en matière de connaissance d’office et de connaissance judiciaire. En vertu de sa loi habilitante, le Tribunal jouit en effet d’une latitude importante sur le plan de la preuve, ce qui lui permet de tenir compte « des renseignements » qu’il estime indiqués. Le Tribunal a donné aux parties la possibilité de contester l’exactitude ou la fiabilité des ouvrages en question. Ni la Couronne ni la revendicatrice ne l’ont fait.

Arrêt : L’opposition de la Couronne est rejetée. Le Tribunal a admis d’office les ouvrages. 

TABLE DES MATIÈRES

I. LE CONTEXTE  4

II. LES OUVRAGES  5

III. LES POSITIONS DES PARTIES  6

A. Position de l’intimée  6

B. Position de la revendicatrice  7

IV. critère juridique et analyse  8

V. la loi sur le tribunal des revendications particulières  9

VI. décision  11


 

I.  LE CONTEXTE

[1]  La revendication est fondée sur des actes et des omissions qui remontent à la période allant des années 1870 aux années 1920. Certains documents historiques ont été admis en preuve; toutefois, peu d’éléments de preuve ont été soumis en ce qui concerne le contexte historique général de l’époque. Or, ce contexte est nécessaire pour comprendre non seulement l’importance des documents présentés, mais aussi la situation politique et sociale de l’époque. Les événements et interactions ne se produisent pas sans raison. 

[2]  Le 8 juillet 2015, le Tribunal a envoyé un mémorandum aux avocats où il indiquait avoir consulté des passages tirés de trois ouvrages historiques qui n’avaient pas été versés au dossier de la présente revendication afin d’obtenir le contexte historique nécessaire. Il ajoutait qu’il pourrait prendre en considération ces ouvrages, ainsi que les documents historiques qui y étaient cités dans les notes de bas de page, suivant le principe de la connaissance d’office et de la connaissance judiciaire.

[3]  Une conférence de gestion d’instance (CGI) s’est tenue le 29 juillet 2015 pour discuter de la question. Le Tribunal a réitéré qu’il s’appuierait sur ces ouvrages pour connaître le contexte historique, puis il a fait référence à un document cité en note de bas de page, en précisant qu’il s’y fierait tout particulièrement. Le document en question a par la suite été remis aux parties. Le Tribunal a, par ailleurs, clairement indiqué qu’il ne se fonderait sur aucune opinion ou conclusion des auteurs pour rendre sa décision.

[4]  La Couronne a exprimé son opposition, et la revendicatrice, son acceptation générale. Un calendrier de rencontres préparatoires a été établi pour permettre aux parties de présenter des observations. Le Tribunal a informé les parties qu’elles pourraient lui soumettre d’autres documents faisant autorité pour qu’il les examine. Le procès-verbal du Tribunal officialisant les décisions prises lors de la CGI a été établi le 5 août 2015.

[5]  La Couronne a produit ses observations écrites le 3 septembre 2015. Quant à la revendicatrice, elle a déposé sa réponse le 21 septembre 2015. Dans une lettre datée du 1er octobre 2015, la Couronne a indiqué qu’elle renonçait à exercer son droit de réponse. Au moyen d’une lettre envoyée le 18 août 2015, les parties ont informé le Tribunal qu’elles s’étaient entendues pour que l’affaire soit instruite sur la base d’observations écrites seulement.

II.  LES OUVRAGES

[6]  Les ouvrages en litige sont les suivants :

1.  Robert E Cail, Land, Man, and the Law, The Disposal of Crown Lands in British Columbia, 1871 - 1913 (The University of British Columbia, 1974), chapitres 11 à 13 (« Cail »).

2.  Cole Harris, Making Native Space, Colonialism, Resistance, and Reserves in British Columbia (University of British Columbia Press, 2002), aux pp 241-261 (« Harris »).

3.  E Brian Titley, A Narrow Vision, Duncan Campbell Scott and the Administration of Indian Affairs in Canada (University of British Columbia Press, Vancouver, 1986), chapitre 8 (« Titley »).

[7]  Le document auquel Harris renvoie en note de bas de page, et qui a été communiqué aux parties, est le rapport de 1926-1927 du comité mixte spécial sur les réclamations des tribus indiennes alliées de la Colombie-Britannique (« rapport de 1927 »). Le comité a entendu des témoignages sur la « question des terres indiennes », notamment celui de Duncan Campbell Scott, le représentant du gouvernement fédéral qui n’a pas contesté la décision d’annuler l’attribution des 2960 acres supplémentaires.

[8]  Dans son ouvrage, Cail décrit la politique foncière coloniale appliquée avant 1871 — année d’adoption de l’article 13 des Conditions de l’adhésion de la Colombie-Britannique, selon lequel le Dominion devait appliquer une politique « aussi libérale » que par le passé — jusqu’à la Commission McKenna McBride.

[9]  Quant à lui, Harris traite essentiellement des mêmes faits historiques que Cail, jusqu’au transfert au Dominion des terres réservées, en 1938.

[10]  S’il aborde en grande partie les mêmes aspects que Cail et Harris, Titley, pour sa part, s’attarde tout particulièrement au rôle joué par Scott, surintendant général adjoint des Affaires indiennes de 1913 à 1932. Le chapitre en cause, qui s’intitule « Land Claims in British Columbia » (revendications territoriales en Colombie-Britannique), rend compte des interactions entre les gouvernements fédéral et provincial en plus de l’organisation et des politiques des Premières Nations de la Colombie-Britannique tout au long du processus de création des réserves, de 1871 à 1938. On y trouve des détails particuliers sur ces interactions auxquelles Scott a pris une part très active, notamment l’entente fédérale-provinciale aux termes de laquelle les conclusions de la Commission McKenna McBride devaient être examinées, soit la convention Scott-Cathcart, et les efforts de longue date des Nisga’as en vue de faire reconnaître leur titre ancestral. Dans ce chapitre, les délibérations des comités parlementaires consignées dans le rapport de 1927 sont décrites de manière plus détaillée que dans les ouvrages de Cail ou de Harris, et l’accent est mis sur le rôle et les témoignages de Scott. À l’instar de ces deux autres auteurs, Titley s’appuie abondamment sur des renseignements provenant de documents primaires. Le recours à des sources secondaires est limité et lorsque des opinions et des conclusions sont formulées, elles sont présentées d’une manière qui permet de les distinguer clairement des renseignements factuels.

[11]  Les extraits des ouvrages examinés par le Tribunal sont des exposés de faits rédigés par des experts. Les renseignements qu’ils contiennent sont tirés de documents provenant des archives publiques.

III.  LES POSITIONS DES PARTIES

A.  Position de l’intimée

[12]  La Couronne est surtout préoccupée par le manque de précisions données par le Tribunal quant aux faits qu’il admettra d’office. Elle considère que seuls les faits individuels peuvent être admis d’office, et estime que les ouvrages constituent [TRADUCTION] « cent vingt-deux pages de recherche en sciences sociales » et renferment à la fois l’opinion des auteurs et [TRADUCTION] « des centaines de faits dont l’exactitude, la notoriété, l’incontestabilité et le caractère démontrable varient » (mémoire des faits et du droit de l’intimée, au para 24, 26). En l’absence de détails concernant les faits dont le Tribunal prendra connaissance, la Couronne estime qu’il est [TRADUCTION] « impossible de déterminer si les faits contenus dans ces documents satisfont au critère de common law applicable à la connaissance d’office », qu’ils soient pris séparément ou dans leur ensemble (aux para 25, 61). Même les normes souples appliquées dans le contexte des litiges autochtones et des tribunaux administratifs spécialisés ne sauraient les sauvegarder.

[13]  La Couronne ne conteste pas l’exactitude ni la fiabilité de tout ou partie des textes cités. Il est tout à fait possible que chacun des faits figurant dans ces textes réponde au critère susmentionné. La Couronne affirme simplement qu’elle est en droit d’obtenir davantage de précisions avant que le Tribunal ne prenne connaissance d’office du contexte grâce à une lecture des faits historiques rapportés dans les ouvrages. La Couronne soulève une objection de nature procédurale, qui, par voie de conséquence, soulève également une question d’équité procédurale.

[14]  La Couronne soutient également que les ouvrages ne peuvent être utilisés en preuve devant le Tribunal, malgré la marge de manœuvre que confère l’alinéa 13(1)b) de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22 [LTRP], en ce qui a trait à l’admission des éléments de preuve. De l’avis de la Couronne, l’alinéa 13(1)b) de la LTRP devrait être interprété comme signifiant que seuls les parties ou un expert nommé par le Tribunal peuvent produire des éléments de preuve. Lorsque le Tribunal présente lui-même des éléments de preuve, il doit préciser quelle question de fait ceux-ci viendront appuyer et donner aux parties l’occasion de répondre. Maintenant, il est tout simplement trop tard pour que le Tribunal puisse le faire.

B.  Position de la revendicatrice

[15]  Selon la revendicatrice, la Première Nation d’Akisq’nuk, différents types de faits appellent différents critères en matière de connaissance d’office. Les faits qui sont utilisés pour fournir un historique ou une mise en contexte et qui ne sont pas au cœur du litige en cause nécessitent un niveau de preuve moins élevé que ceux qui pourraient avoir une valeur probante ou jouer un rôle déterminant dans une décision. La revendicatrice fait également valoir que le droit reconnaît l’importance du contexte historique ainsi que la capacité des juges d’effectuer des recherches sur les faits de l’histoire pour pouvoir en prendre connaissance d’office. Cela est particulièrement vrai pour les renseignements historiques relatifs aux litiges autochtones.

[16]  Dans ces circonstances, la revendicatrice soutient qu’il est non seulement approprié, mais de la plus haute importance que le Tribunal prenne connaissance des ouvrages pour se renseigner au sujet du contexte historique. Les textes en question sont fiables et font autorité — une affirmation qui n’est pas contestée par la Couronne — et, pour pouvoir parvenir à un règlement juste et rapide de la revendication, il est nécessaire de disposer du contexte historique. Le Tribunal a indiqué qu’il ne s’appuierait pas sur les opinions des auteurs et il a donné aux avocats la possibilité de réagir à son utilisation des documents et de s’y opposer. Par conséquent, tant le principe d’équité procédurale que le cadre législatif ont été respectés, et la connaissance d’office est justifiée.

IV.  critère juridique et analyse

[17]  Il est bien établi que les tribunaux peuvent prendre connaissance d’office de faits historiques et se fonder sur leurs propres connaissances historiques ainsi que sur les recherches qu’ils font à cet égard (voir, p. ex., Calder et al c PG de la Colombie-Britannique, [1973] RCS 313 au para 83, 34 DLR (3d) 145). Le juge Lamer a expliqué ce principe plus amplement dans l’arrêt R c Sioui, [1990] 1 RCS 1025 au para 60, 70 DLR (4th) 427 :

Je considère que tous les documents auxquels je ferai référence, que mon attention y ait été attirée par l’intervenante ou à la suite de mes recherches personnelles, sont des documents de nature historique sur lesquels je suis autorisé à me fonder en vertu de la notion de connaissance judiciaire.  Comme le disait le juge Norris dans White and Bob (à la p. 629):

[TRADUCTION] La cour a le droit "de prendre connaissance d’office des faits historiques passés ou contemporains" comme l’a dit lord du Parcq dans l’arrêt Monarch Steamship Co., Ltd. v. Karlshamns Oljefabriker (A/B), [1949] A.C.  196, à la p. 234, [1949] 1 All E.R. 1 à la p. 20, et a le droit de se fonder sur sa propre connaissance de l’histoire et sur ses recherches, Read v. Bishop of Lincoln, [1892] A.C. 644, le lord chancelier Halsbury, aux pp. 652 à 654.

Les documents que je cite nous permettent tous, à mon avis, d’identifier avec plus de précision la réalité historique essentielle à la résolution du présent litige.

[18]  Bien entendu, cette règle se limite aux faits qui sont à l’abri de toute contestation de la part de personnes raisonnables (voir, p. ex., R c Bartleman (1984), 12 DLR (4th) 73 aux para 12-13, 13 CCC (3d) 488 (C.A. C.-B.)). Il n’est pas contesté que les tribunaux ont la capacité de discerner les arguments et les opinions des faits objectifs composant les écrits savants (id.; voir également Bande indienne Montana c Canada, [1994] 1 CF 425).

[19]  Comme il l’a clairement indiqué lors de la CGI portant sur cette question, le Tribunal n’a pas l’intention de retenir les opinions des auteurs dans son utilisation des ouvrages, qui sera totalement conforme au principe énoncé dans la décision Bande indienne Montana c Canada, [1994] 1 CF 425, à savoir que :

Les études doivent être essentiellement utilisées pour aider la Cour à prendre connaissance d’office des événements susceptibles d’être rendus concrets: il appartient à la Cour d’interpréter les intentions et les buts de ces événements ou actes. En outre, il appartient à la Cour d’évaluer la fiabilité et la force probante de ces renvois et de trancher les contradictions possibles entre les auteurs. Naturellement, aucune étude ne peut être considérée comme concluante à l’égard d’un fait particulier. [au para 10]

[20]  Il existe une jurisprudence à l’appui de la thèse selon laquelle les tribunaux doivent divulguer les sources de nature contestable ou non étayées par des preuves, comme les études en sciences sociales ou les textes inédits (voir, p. ex., Cronk c Canadian General Insurance Company (1995), 128 DLR (4th) 147, 25 OR (3d) 505 (C.A. Ont.); R c Haines, [1981] 1 CNLR 87).

[21]  Mais cela ne s’applique pas en l’espèce. Qui plus est, la Couronne s’est vu donner l’occasion de contester la fiabilité des ouvrages ou de proposer d’autres sources pour les soumettre à l’examen du Tribunal, mais elle a refusé de le faire.

V.  la loi sur le tribunal des revendications particulières

[22]  En vertu de l’alinéa 13(1)b) de la LTRP, le Tribunal peut se fonder sur des éléments de preuve et « des renseignements » :

13. (1) Le Tribunal a, pour la comparution, la prestation de serment et l’interrogatoire des témoins, la production et l’examen des pièces, l’exécution de ses décisions, ainsi que pour toutes autres questions liées à l’exercice de sa compétence, les attributions d’une cour supérieure d’archives; il peut :

[…]

b) recevoir des éléments de preuve — notamment l’histoire orale — ou des renseignements par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout autre moyen qu’il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire, à moins que, selon le droit de la preuve, ils ne fassent l’objet d’une immunité devant les tribunaux judiciaires;

[23]  Le préambule de la LTRP reconnaît en ces termes le mandat particulier dont le Tribunal est investi :

[il] convient de constituer un tribunal indépendant capable, compte tenu de la nature particulière de ces revendications, de statuer sur celles-ci de façon équitable et dans les meilleurs délais;

[24]  Dans l’arrêt Canada c Première nation de Kitselas, 2014 CAF 150 au para 26, [2014] 4 CNLR 6, la Cour d’appel a déclaré ce qui suit lorsqu’elle s’est penchée sur l’objet du Tribunal et sur la nature des questions qu’il doit trancher :

La Loi sur le TRP a pour objet d’établir le Tribunal des revendications particulières, qui se compose de juges de juridiction supérieure venant de partout au Canada et qui est chargé de statuer sur le bien-fondé des revendications particulières admissibles des Premières Nations, ainsi que sur les indemnités y afférentes. Les revendications particulières visées dans cette loi sont principalement les revendications historiques qu’il n’est en général plus possible de porter devant les cours supérieures en raison de l’écoulement du temps. [soulignement ajouté]

[25]  De nombreux écrits d’étudiants et de chercheurs en histoire traitent des événements qui se sont produits par le passé au Canada et qui ont eu une incidence sur les intérêts des Autochtones. Lorsque, comme en l’espèce, des ouvrages et des articles d’experts relatent des faits prouvables au regard de documents historiques, on peut s’en servir comme s’ils étaient établis par des preuves, et pour les mêmes fins. Cela ne se limite pas à une compréhension du contexte; lorsqu’on examine ces ouvrages en corrélation avec des éléments de preuve, notamment des preuves documentaires, il est possible d’évaluer leur fiabilité et le poids à leur accorder dans le cadre du processus qui permettra de tirer des conclusions de fait.

[26]  À titre d’exemple, deux documents déposés en preuve sont au cœur de la revendication de la Première Nation d’Akisq’nuk, selon laquelle la Couronne aurait manqué à son obligation de fiduciaire en n’ayant pas procédé à l’ajout de 1915 de 2960 acres à la RI 3, la réserve qui lui avait déjà été attribuée. Cet ajout avait été ordonné par la Commission McKenna-McBride, mise sur pied en vertu d’une convention conclue entre la province et le Dominion en 1912 (convention McKenna-McBride, déposée en preuve). Les deux parties voulaient que les terres accordées par la Commission soient transférées de la province au Dominion et détenues en fiducie pour la revendicatrice. Toutefois, une autre entente, signée en 1920 (document sur la Commission Ditchburn-Clark, déposé en preuve), prévoyait une révision des attributions de terres faites par la Commission. L’ajout de 1915 a été approuvé par Ditchburn, mais refusé par Clark, le représentant de la province. Le contexte de l’époque, dont les ouvrages rendent pleinement compte, était marqué par un conflit qui a duré de 1871 à 1920, et même au-delà, et qui portait sur les terres que la province devait transférer au Dominion afin de respecter l’obligation que lui conférait l’article 13 des Conditions de l’adhésion. Pour remonter à la source du conflit, il faut examiner la politique coloniale en vigueur avant la Confédération, de 1850 à 1871.

[27]  Un autre exemple : la revendicatrice soutient qu’il incombait à la Couronne de saisir le secrétaire d’État pour les colonies du désaccord entre Ditchburn et Clark afin qu’il tranche la question, un recours prévu à l’article 13. À première vue, cet argument paraît fondé. L’intimée, pour sa part, plaide que si une telle obligation existait (ce qu’elle nie), la Couronne avait le devoir plus large de mettre un terme à cinq décennies de querelles au sujet de la quantité de terres à transférer. Elle a donc accepté l’annulation de l’ajout, et confirmé que cette question litigieuse était résolue. Cependant, il n’est pas possible de déterminer le bien-fondé de la réponse de l’intimée sur la foi de la preuve limitée dont le Tribunal dispose. L’ouvrage de Harris pallie l’insuffisance de la preuve en renvoyant aux sources primaires qui constituent le dossier historique.

[28]  À mon sens, l’équité procédurale a été dûment respectée, compte tenu de l’avis donné aux parties et de la possibilité qu’elles ont eue de soumettre des observations. Il appartient peut-être à d’autres instances de rendre une décision définitive sur la question.

VI.  décision

[29]  L’opposition de la Couronne à un examen par le Tribunal des extraits des ouvrages est rejetée.

HARRY SLADE

L’honorable Harry Slade, président

 

Traduction certifiée conforme

Julie-Marie Bissonnette


TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20160204

Dossier : SCT-7006-12

OTTAWA (ONTARIO), le 4 février 2016

En présence de l’honorable Harry Slade

ENTRE :

PREMIÈRE NATION D’AKISQ’NUK

Revendicatrice

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

AUX :

Avocats de la revendicatrice PREMIÈRE NATION D’AKISQ’NUK

représentée par Darwin Hanna et Adam Munnings

Callison & Hanna, avocats

ET AUX :

Avocates de l’intimée

représentée par Christa Hook et Deborah McIntosh

Ministère de la Justice

 

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