Motifs de la demande

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Contenu de la décision

DOSSIER: SCT-3002-11

RÉFÉRENCE: 2012 TRPC 6

DATE: 20121129

TRADUCTION OFFICIELLE

TRIBUNALL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

PREMIÈRE NATION (BANDE INDIENNE) BIG GRASSY (MISHKOSIIMIINIIZIIBING)

Revendicatrice

 

Donal R. Colborne, pour la revendicatrice

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

Représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

 

John Syme, pour l’intimée

 

 

INSTRUIT À L’AIDE D’OBSERVATIONS ÉCRITES

MOTIFS sur la demande

L’honorable SMITH


VUE D’ENSEMBLE

[1] La question précise dont le Tribunal est saisi est de savoir s’il faudrait adjuger des dépens en faveur de la revendicatrice, qui a réussi à faire rejeter une demande présentée par l’intimée, et, de façon plus générale, quelle est la politique en ce qui a trait à la manière dont le Tribunal des revendications particulières réglera en général la question des dépens.

FAITS

[2] La revendicatrice, la Première Nation Big Grassy (Big Grassy), a déposé auprès du Tribunal une revendication concernant la construction dans les années 30 d’une route traversant leur réserve – une route qui est encore empruntée aujourd’hui.

[3] Big Grassy cherche à obtenir une indemnisation pour divers dommages subis; elle demande notamment des dommages-intérêts pour des terres expropriées, des immeubles expropriés et des matériaux pris dans la réserve afin de construire la route, de la location d’immeubles et de stationnements sur les terres en question, de même que des pertes de revenus et d’équivalents en raison d’effets adverses occasionnés par les activités de construction de la route sur la chasse, le piégeage et la capture du gibier à plumes ainsi que la récolte du riz sauvage.

[4] Dans sa réponse, l’intimée, Sa Majesté la Reine du chef du Canada (la Couronne) déclare que la revendication devrait se limiter à une indemnisation pour la terre utilisée pour la route et que les dommages-intérêts devraient se limiter à la période aux environs de 1933.

[5] La Couronne a ensuite déposé une demande en vue d’obtenir une ordonnance précisant qu’il incombait à Big Grassy de prouver et d’établir son droit aux dommages-intérêts allégués et le montant de ces dommages-intérêts. Dans la demande, la Couronne a demandé des dépens.

[6] En juillet 2012, le Tribunal a rejeté la demande de la Couronne, déclarant que l’ordonnance demandée était prématurée et qu’elle aurait pour effet de créer un précédent injustifié.

[7] La revendicatrice soutient qu’il faudrait octroyer une indemnisation complète des dépens puisqu’elle a obtenu gain de cause dans le cadre de la demande, que la Couronne aurait dû retirer sa demande, qu’il ne s’agissait pas d’un succès partiel et que l’affaire était importante et complexe.

[8] La Couronne affirme qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés dans le cadre de la demande puisque le Tribunal était saisi d’une question d’intérêt public et que, subsidiairement, si des dépens étaient adjugés, une indemnisation complète des dépens ne devrait pas être octroyée, celle-ci devant se limiter strictement aux instances liées à une conduite répréhensible et irrégulière.

RÉSUMÉ DE LA DÉCISION

[9] C’est la première fois qu’il est demandé au Tribunal de se pencher sur la question des dépens.

[10] Les frais juridiques, notamment le régime actuel au sein des tribunaux civils canadiens voulant que le [traduction] « perdant paie », constituent un obstacle universel à l’accès à la justice.

[11] Le Parlement a créé le Tribunal en tant que tribunal spécial afin d’assurer aux Premières Nations du Canada un accès à la justice et de permettre d’accélérer le règlement de bon nombre de revendications particulières historiques non résolues. Un régime de dépens traditionnel irait à l’encontre de ces fins et exacerberait le sentiment d’isolation et de marginalisation vécu par bon nombre de Premières Nations depuis des décennies.

[12] Le Tribunal doit être accessible et abordable, et offrir un environnement où l’accent est mis sur une résolution rapide des conflits d’une manière efficiente en fonction des besoins et des ressources des utilisateurs pour qui il a été conçu.

[13] À l’exception des cas d’inconduite ou d’abus de procédure, le Tribunal des revendications particulières adoptera un régime sans dépens à l’égard des demandes déposées au cours d’instances dont il est saisi.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÈGLES PERTINENTES

[14] L’alinéa 13(1)d) de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières (la Loi) énonce l’autorisation légale conférée au Tribunal d’adjuger les dépens en conformité avec ses règles :

Le Tribunal a […] les attributions d’une cour supérieure d’archives; il peut : […] d) adjuger les dépens en conformité avec ses règles[1].

[15] Les règles 110 et 111 des Règles de procédure du Tribunal des revendications particulières sont ainsi libellées :

110. (1) Après l’audition d’une demande, le Tribunal peut adjuger des dépens pour cette demande.

(2) Après l’audition de la revendication particulière, le Tribunal peut adjuger des dépens pour l’instance.

111. (1) Lorsque le Tribunal décide s’il adjugera des dépens en vertu du paragraphe 110(2), il prend en considération les facteurs suivants :

a) si une partie a agi de mauvaise foi;

b) si une partie n’a pas respecté une ordonnance du Tribunal;

c) si une partie a refusé une offre de règlement raisonnable.

(2) Lorsque le Tribunal décide s’il adjugera des dépens au revendicateur en vertu du paragraphe 110(2), il prend en considération les facteurs suivants :

a) si les frais ont été raisonnablement engagés mais ils sont disproportionnés par rapport à l’indemnité qui sera accordée;

b) si les questions en litige sont complexes ou visent d’importantes questions d’intérêt public[2]

[16] Le Tribunal peut compléter toute question de procédure non prévue dans ses règles par analogie avec les Règles des Cours fédérales[3].

[17] La partie II des Règles des Cours fédérales énonce la procédure concernant les dépens de manière générale, et confère le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer, s’il en est ainsi ordonné :

400. (1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens, de les répartir et de désigner les personnes qui doivent les payer.

[…]

(6) Malgré toute autre disposition des présentes règles, la Cour peut :

a) adjuger ou refuser d’adjuger les dépens à l’égard d’une question litigieuse ou d’une procédure particulières;

b) adjuger l’ensemble ou un pourcentage des dépens taxés, jusqu’à une étape précise de l’instance;

c) adjuger tout ou partie des dépens sur une base avocat client;

d) condamner aux dépens la partie qui obtient gain de cause[4].

ANALYSE

[18] En ce qui a trait à la question des dépens, il existe une distinction importante entre les tribunaux administratifs et les cours de justice. Les tribunaux administratifs détenant l’autorisation légale d’ordonner des dépens peuvent exercer leur pouvoir discrétionnaire différemment d’une cour civile, et la déférence sera de mise à cet égard[5].

[19] Dans l’arrêt Bell Canada c Assoc. des Consommateurs du Canada[6], la Cour suprême du Canada a examiné la question à savoir si le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le CRTC) était lié par le principe de l’indemnisation lors de l’adjudication des dépens. Voici ce que le juge Le Dain a déclaré :

Les cours d’appel de trois provinces ont jugé que dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’adjuger des frais en vertu de dispositions rédigées essentiellement selon les mêmes termes que l’art. 73 de la Loi nationale sur les transports, les tribunaux administratifs n’étaient pas liés par les principes et les règles régissant l’adjudication des frais devant les tribunaux judiciaires […] [7]

[20] Le juge Le Dain a cité avec approbation le juge Truman dans l’arrêt Northern Engineering & Dev. Co. c Philip :

[traduction] Les procédures engagées devant la commission appartiennent à une catégorie différente et sont nécessairement traitées d’un point de vue qui n’a pas de place dans un litige entre parties. Le statut et les risques des poursuivants dans une action sont fixés par la pratique, la doctrine et la jurisprudence. La commission n’a établi aucune règle qui prévoit que les personnes représentées par avocat devant la commission doivent, sous réserve du pouvoir discrétionnaire de la commission, avoir droit aux frais si elles ont gain de cause ou payer les frais si elles échouent. La question de savoir si une telle règle devrait être adoptée ou non relève uniquement de la commission […][8]

[21] La Cour a également cité avec approbation le juge Gushue, dans l’arrêt Newfoundland & Labrador Hydro c Newfoundland & Labrador Federation of Municipalities :

[traduction] La manière dont les frais sont calculés et adjugés, constitue une question qui relève strictement du pouvoir discrétionnaire et de la compétence de la Commission et cette Cour n’est pas compétente pour intervenir dans ce pouvoir discrétionnaire, à moins évidemment qu’il ne soit exercé de manière inappropriée. Le fait qu’une partie au litige dans une procédure devant un tribunal soit assujettie à diverses règles relatives aux frais n’est pas pertinent en l’espèce[9].

[22] Dans l’arrêt Bell Canada, la Cour suprême a déclaré que le CRTC avait le droit « d’adopter une interprétation large à l’égard de l’application du principe de l’indemnisation[10]».

[23] Le raisonnement de l’arrêt Bell Canada a été largement adopté dans le cadre de nombreuses affaires qui ont suivi. Dans l’arrêt Erlendson c Ashern Freighters Ltd., un appel concernant l’octroi de dépens lors d’une audience relative à la délivrance d’un permis, le juge Philp a déclaré ce qui suit :

[traduction] […] premièrement, qu’une régie ou une commission exerçant un pouvoir discrétionnaire en vertu de dispositions législatives similaires au paragraphe 56(1) de la Loi n’est pas tenue, de la même manière qu’une cour ou un juge, d’agir de façon judiciaire; deuxièmement, le principe de l’indemnisation qui guide l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’une cour lors de l’adjudication des dépens devrait également guider la régie ou la commission, quoique celle-ci puisse adopter une interprétation large à l’égard de l’application du principe; troisièmement, qu’une régie ou une commission doit agir de façon raisonnable. Et il existe en tout temps une condition préalable selon laquelle une régie ou une commission doit agir de manière juste[11].

[24] En guise d’autre exemple, la Commission des affaires municipales de l’Ontario a tranché comme suit dans l’affaire Re Township of Innisfil :

[traduction] Lors de l’adjudication des dépens, la commission tient autant compte de l’exercice de ses fonctions administratives que de la décision rendue dans toute autre affaire dont elle a été valablement saisie[12] .

[25] Il existe, somme toute, une jurisprudence abondante sur laquelle peut se fonder un tribunal administratif qui s’écarte de la présomption voulant que les dépens suivent le sort du principal. Bien qu’il soit plus souvent invoqué dans le cadre d’audiences liées à la réglementation, le principe s’applique en outre aux instances qui s’apparentent davantage à un litige où, par exemple, l’indemnisation pour une expropriation est en cause. Un tribunal doit toutefois exercer son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur des principes et de manière juste et raisonnable.

CIRCONSTANCES PROPRES AU TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

[26] Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’adjuger des dépens, la politique et l’intention de la loi habilitante sont des facteurs pertinents que le Tribunal doit prendre en considération.

[27] En vertu de l’article 13 de la Loi, le Tribunal est autorisé à exercer son pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait aux dépens, pourvu que sa décision demeure fondée sur des principes, et soit juste et raisonnable[13].

[28] Dans sa politique Revendications particulières : La justice, enfin, le gouvernement du Canada a reconnu que le système antérieur pour régler les revendications particulières était insuffisant ou inefficace, et a conclu : « Pour corriger la situation, le Canada procédera à la réforme du système et à la refonte du processus des revendications particulières en fonction de normes modernes[14]. »

[29] En réponse, le Parlement a créé un tribunal indépendant dont la mission distincte est précisée dans le préambule : « [I]l convient de constituer un tribunal indépendant capable, compte tenu de la nature particulière de ces revendications, de statuer sur celles-ci de façon équitable et dans les meilleurs délais[15]. »

[30] Le préambule témoigne également de l’importance de régler l’arriéré des revendications : « [I]l est dans l’intérêt de tous les Canadiens que soient réglées les revendications particulières des Premières Nations[16] »

[31] Le Tribunal détient un mandat et un vaste pouvoir discrétionnaire afin de mettre en œuvre des approches qui permettront de réaliser de façon optimale l’intention de la loi, de maintenir l’intégrité du processus et de favoriser une résolution équitable et rapide des revendications. La portée du mandat et du pouvoir discrétionnaire s’étend à l’élaboration d’une politique concernant les questions des dépens.

QUELLES SONT LES CIRCONSTANCES QUI PEUVENT ENTRAÎNER DES SANCTIONS AU CHAPITRE DES DÉPENS?

Le modèle des poursuites civiles

[32] Dans les instances civiles, il existe une présomption selon laquelle des dépens suivent le sort du principal, mais qu’une partie à un litige qui obtient gain de cause n’a pas droit à des dépens[17]. Plusieurs circonstances justifient le fait que les cours s’écartent de cette règle générale et qu’elles en viennent à adjuger des dépens élevés, à n’adjuger aucuns dépens ou à adjuger des dépens contre une partie qui obtient gain de cause.

[33] Pour s’écarter de la règle générale suivie par les cours dans le cadre d’instances civiles, la conduite d’une des parties doit être [traduction] « abusive plutôt que simplement négligente [...] répréhensible, motivée par la mauvaise foi, ou frôler la chicane; la conduite doit être flagrante, même dans le contexte d’une bataille juridique acharnée[18]».

[34] Il y aura des circonstances dans lesquelles le Tribunal ordonnera l’adjudication de dépens; toutefois, des dépens ne doivent pas être ordonnés, à moins que la conduite d’une des parties ne le justifie. Dans ces circonstances, il peut être fait renvoi à des ordonnances rendues relativement à des dépens dans le cadre de poursuites civiles, où les cours ont ordonné l’adjudication de dépens sur la base d’une indemnisation intégrale.

[35] Les circonstances dans lesquelles des dépens plus élevés sont adjugés ont été décrites par la juge McLachlin (maintenant juge en chef du Canada) à la Cour suprême, dans l’arrêt Young c Young :

Les dépens comme entre procureur et client ne sont généralement accordés que s’il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d’une des parties[19] .

[36] Des dépens plus élevés ont été adjugés dans le cadre d’instances où des abus de procédure ont fait obstacle à une résolution convenable des instance[20], empêchant un règlement raisonnable[21] et donnant lieu à d’autres instances inutiles[22]. Des dépens élevés ont également été adjugés pour conduite trompeuse[23] et des allégations d’inconduite non fondées[24].

[37] Le fait de poursuivre une affaire avec zèle ne justifiera pas une sanction au chapitre des dépens : [traduction] « [I]l faut faire une distinction entre une bataille juridique acharnée qui se révèle avoir été mal guidée, d’une part, et une conduite malveillante et nuisible, d’autre part[25]. »

[38] Dans le même ordre d’idées, une erreur de jugement est insuffisante à l’instar d’une conclusion défavorable en matière de crédibilité[26]. Par ailleurs, le fait que le dossier soit peu solide[27], voire sans fondement juridique[28], ne justifie pas à lui seul des dépens supplémentaires. Dans la décision Abdijama (Litigation Guardian of) c McDonald’s Restaurants of Canada, Ltd., des portions des actes de procédure du demandeur ont été radiées parce qu’elles ne révélaient aucune cause d’action raisonnable; la cour a pourtant refusé d’adjuger des dépens élevés à titre d’indemnisation, déclarant ce qui suit : [traduction] « [P]our assurer la vitalité de nos principes en common law et leur réactivité à l’égard de circonstances changeantes, l’innovation et la souplesse des actes de procédure, même si ces dernières sont infructueuses, ne doivent pas être menacées par l’adjudication de dépens punitifs[29]. »

accès à la justice

[39] Les cours et tribunaux du Canada sont essentiels pour notre système de justice et nos principes démocratiques. Pour être efficaces, ils doivent être exploités de façon efficiente et en fonction des besoins et des ressources des utilisateurs pour qui ils ont été créés. Plus important encore, le système de justice doit être accessible. Voici ce qu’a déclaré la juge en chef McLachlin :

Même le système de justice le plus avancé du monde constitue un échec s’il ne permet pas aux citoyens d’obtenir justice. L’accès à la justice revêt par conséquent une importance primordiale[30].

[40] La politique du Tribunal concernant les dépens doit être interprétée à la lumière de son mandat légal et du caractère distinct du règlement des revendications particulières. L’adjudication de dépens peut dissuader des parties de déposer des revendications, ce qui est contraire à l’intention et à l’esprit de la Loi, qui a été expressément promulguée afin que les revendications particulières soient instruites rapidement et efficacement. L’adjudication de dépens peut entraver l’accès à la justice et dissuader des revendicateurs ayant des causes valables en droit, plus précisément des Premières Nations dont les ressources financières sont restreintes.

[41] Dans le cadre de revendications ou de demandes jugées par le Tribunal, des circonstances liées à une conduite répréhensible, flagrante ou outrageante peuvent justifier l’adjudication de dépens. Un abus de procédure et une conduite qui nuit à la résolution de revendications peuvent aussi entraîner une sanction au chapitre des dépens. Autrement, aucuns dépens ne devraient être ordonnés.

[42] Il est raisonnable et juste de présumer qu’aucuns dépens ne seront adjugés dans des affaires dont le Tribunal est saisi, étant donné les difficultés historiques auxquelles les Premières Nations ont dû faire face en vue d’un règlement de leurs revendications particulières, l’objet de la Loi et le risque sérieux que des présomptions traditionnelles sur les dépens dissuaderaient vraisemblablement des revendicateurs d’utiliser adéquatement le Tribunal. Il existe un déséquilibre financier dans toutes les affaires dont le Tribunal est saisi, puisque les parties, une Première Nation et la Couronne, disposent de ressources totalement différentes. Vu cette différence, il serait manifestement injuste de mettre en œuvre un régime conventionnel de dépens.

[43] Cette approche confirme [traduction] « le principe fondamental d’accès à la justice[31] » et répond aussi au besoin exprimé par le ministre Jim Prentice lors de l’introduction de la politique Revendications particulières : La justice, enfin, soit de « rétablir la confiance dans l’intégrité et l’efficacité du processus[32]».

[44] Le Tribunal a vu le jour dans le but de faciliter l’accès à la justice. La mise en œuvre d’un régime conventionnel de dépens qui repose sur le modèle des poursuites irait à l’encontre de ce but :

  • Les Règles du Tribunal, qui ont été rédigées par des intervenants en collaboration avec des utilisateurs, sont simplifiées et conviviales.

  • Le registre électronique est un registre interactif et transparent auquel ont accès les Premières Nations isolées.

  • Les Règles du Tribunal prônent la détermination précoce des questions d’ordre juridique, la gestion pratique des cas avec l’accès à un dispositif de médiation et à un mode substitutif de résolution des litiges.

  • Pour encourager la participation des collectivités des Premières Nations, ces dernières ont accès à la vidéoconférence et à la téléconférence. Des audiences sont mises au rôle avec une collectivité des Premières Nations lorsque cela est possible.

dépens liés à une instance

[45] Les considérations énoncées plus haut pourront être prises en compte dans les décisions relatives aux dépens rendues au terme de l’audition d’une revendication particulière sur le fond. Les facteurs énumérés à l’article 111 des Règles du Tribunal s’appliqueront également.

décision

[46] Les faits en l’espèce ne satisfont pas à la norme requise pour donner lieu à l’adjudication de dépens. La Couronne n’a pas agi de mauvais aloi et sa conduite ne peut pas non plus être qualifiée de « répréhensible, scandaleuse ou outrageante » pour reprendre les termes utilisés par la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Young c Young[33].

[47] Par conséquent, il n’existe aucune raison pour le Tribunal de s’écarter de la présomption selon laquelle il n’y a aucuns dépens, et aucuns dépens ne sont ordonnés.

PATRICK SMITH

L’honorable Patrick Smith

Tribunal des revendications particulières du Canada


TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20121129

Dossier : SCT-3002-11

OTTAWA (ONTARIO), le 29 novembre 2012

En présence de l’honorable Patrick Smith

ENTRE :

PREMIÈRE NATION (BANDE INDIENNE) BIG GRASSY (MISHKOSIIMIINIIZIIBING)

Revendicatrice

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

À :

Avocat de la revendicatrice PREMIÈRE NATION (BANDE INDIENNE) BIG GRASSY (MISHKOSIIMIINIIZIIBING)

Représentée par Donald R. Colborne

ET À :

Avocat de l’intimée

Représentée par John Syme

Ministère de la Justice

 



[1] Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22.

[2] Règles de procédure du Tribunal des revendications particulières, DORS/2011-119 [les Règles du Tribunal].

[3] Ibid art 5; Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

[4] Ibid para 400(1) et (6).

[5] Georgia Strait Alliance c Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2012 CAF 40 au para 87, 33 Admin LR (5th) 243 [Georgia Strait].

[6] Bell Canada c Assoc. des Consommateurs du Canada, [1986] 1 RCS 190 [Bell Canada].

[7] Ibid à la p 204. En vertu de l’article 73 de la Loi nationale sur les transports (LRC 1970, c N-17), les frais étaient laissés « à la discrétion de la Commission » et la Commission pouvait ordonner « par qui et à qui les frais d[evaient] être payés » et établir un tarif.

[8] Ibid aux pp 204 et 205, où est cité un extrait de la page 390 de l’arrêt Northern Engineering & Dev. Co. c Philip, [1930] 3 DLR 387.

[9] Bell Canada, supra note 6 à la p 206, où est cité l’arrêt Newfoundland & Labrador Hydro c Newfoundland & Labrador Federation of Municipalities (1979), 24 Nfld & PEIR 317 à la p 325 (CA) (disponible sur QL).

[10] Bell Canada, supra note 6 à la p 207.

[11] Erlendson c Ashern Freighters Ltd. (1989), 58 Man R (2d) 250 aux para 15-16 (CA) (disponible sur QL) [Erlendson]. La disposition législative pertinente était ainsi libellée : « Sauf disposition contraire de la présente loi, les frais qu’entraînent une procédure exercée devant la Régie sont laissés à la discrétion de la Régie et peuvent, dans tous les cas, être fixés à une somme déterminée ou être taxés. » (Loi sur la Régie des services publics, CPLM 1987, c P-280, para 56(1)).

[12] Re Township of Innisfil (1981), 26 CPC 309 à la p 314 (Commission des affaires municipales de l’Ontario),

[13] Erlendson, supra note 11.

[14] Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Revendications particulières : La justice, enfin (Ottawa, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada, 2007) à la p 8 [La justice, enfin].

[15] Loi sur le Tribunal des revendications particulières, supra note 1, préambule.

[16] Ibid.

[17] Mark Orkin, The Law of Costs, feuilles mobiles (consultées le 21 novembre 2012), 2e éd, Toronto, Canada Law Book, 2012, à la p 2-17 [Orkin].

[18] Ibid.

[19] Young c Young, [1993] 4 RCS 3 à la p 134.

[20] Incluant : le fait de prendre [TRADUCTION] « des mesures afin de délibérément contrecarrer ou retarder l’administration de la justice par le biais d’un abus des règles ou d’une omission constante de respecter les règles » (Orkin, supra note 24 à la p 2-218); dissimuler des documents et se fonder plus tard sur ceux-ci; omettre de produire un document en temps opportun; prolonger des instances au moyen d’obstruction, de tactiques de retardement ou d’intimidation (ibid à la p 2-227).

[21] Ibid aux pp 2-215 et 2-234.

[22] Ibid aux pp 2-217, 2-218 et 2-227.

[23] Ibid à la p 2-226.

[24] Ibid aux p 2-221 à 2-225.

[25] Clarington (Municipality) c Blue Circle Canada Inc., 2009 ONCA 722 au para 45, 312 DLR (4th) 278 (sub nom Davies c Clarington (Municipality) disponible sur QL).

[26] Orkin, supra note 17, aux pp 2-238 et 2-244

[27] Young c Young, supra note 19 à la p 134.

[28] Abdijama (Litigation Guardian of) c McDonald’s Restaurants of Canada, Ltd., [2004] OJ no 4312 (QL) (Ont Sup Ct J).

[29] Ibid au para 7.

[30] La très honorable Beverley McLachlin, C.P., « Les défis auxquels nous faisons face » (allocution présentée devant l’Empire Club of Canada, à Toronto, le 8 mars 2007).

[31] Boucher c Public Accountants Council for the Province of Ontario (2004), 71 OR (3d) 291 (CA) au para 37, 48 CPC (5th) 56. Dans cette affaire, une demande de révision judiciaire avait fait l’objet d’un désistement avant son audition. Des dépens avaient été adjugés aux intimés; lors de l’appel, ces dépens ont été réduits puisque le montant n’était ni juste ni raisonnable. Voici ce que le juge Armstrong a déclaré : [TRADUCTION] « Lors de la taxation des dépens, le fait de ne pas avoir fait référence au principe primordial de raisonnabilité peut mener à un résultat contraire à l’objectif fondamental d’accès à la justice. »

[32] La justice, enfin, supra note 14 à la p 1.

[33] Young c Young, supra note 19.

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