Motifs de la demande

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DOSSIER: SCT-3001-14

RÉFÉRENCE: 2016 TRPC 4

DATE: 20160405

TRADUCTION OFFICIELLE

 

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

PREMIÈRE NATION DE SHOAL LAKE Nº 40

Revendicatrice

 

Bruce McIvor et Kate Gunn, pour la revendicatrice

– et –

PREMIÈRE NATION INDÉPENDANTE ISKATEWIZAAGEGAN Nº 39

Revendicatrice

 

 

Terence Douglas, pour la revendicatrice

– et –

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU  CANADA

Représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

 

Joseph Langan et Susan Ols, pour l’intimée

 

 

DEMANDE INSTRUITE À L’AIDE D’OBSERVATIONS ECRITES

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’honorable Harry Slade, président

LE TRIBUNAL EST SAISI D’UNE DEMANDE DE la Première Nation de Shoal Lake nº 40 visant à faire condamner l’intimée aux dépens en lien avec une demande de la Première Nation indépendante Iskatewizaagegan nº 39 visant l’obtention de la qualité de partie, qui visait initialement à obtenir l’autorisation d’intervenir et qu’elle a par la suite modifiée d’après la recommandation formulée par l’intimée dans sa réponse à la demande initiale.

Note : Le présent document pourrait faire l’objet de modifications de forme avant la parution de sa version définitive.

Jurisprudence :

Première Nation (Bande indienne) de Big Grassy (Mishkossimiiniiziibing) c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2012 TRPC 6.

Lois et règlements cités :

Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22, art 22, 25, 5, 34, préambule.

Règles de procédure du Tribunal des revendications particulières, DORS/2011-119, r 30, 44, 110.

TABLE DES MATIÈRES

I. la revendication  4

II. les demandes  4

A. Demandes d’autorisation pour intervenir et pour obtenir la qualité de partie  4

B. Demande d’adjudication des dépens présentée par la Première Nation de Shoal Lake  6

III. analyse  7

A. La Loi sur le Tribunal des revendications particulières : choix, caractère, définitif, justice et rapidité  7

IV. ordonnance  9


 

I.  la revendication

[1]  La revendication découle du fait que la Couronne ne se serait pas acquittée de son obligation de mettre de côté des terres de réserve sur les îles où la Première Nation de Shoal Lake nº 40 cultivait des potagers (« Garden Islands ») au moment où le Traité nº 3 a été conclu.

[2]  Les Garden Islands se trouvent dans la baie Indian, des deux côtés de la frontière entre l’Ontario et le Manitoba. 

[3]  La revendicatrice soutient en outre que quelques-unes des Garden Islands situées dans la province du Manitoba, lesquelles étaient réservées, ont été illégalement expropriées par le Greater Winnipeg Water District et qu’une indemnité insuffisante lui a été versée pour l’expropriation.

[4]  En droit, la revendication est fondée sur le fait que l’intimée aurait manqué à ses obligations issues du Traité nº 3 ainsi qu’à ses obligations de fiduciaire et légales en ce qui concerne les Garden Islands situées des deux côtés de la frontière provinciale. L’intimée admet qu’elle était tenue, aux termes du traité, de mettre de côté à titre de réserve sept des Garden Islands pour la revendicatrice et la Première Nation de Shoal Lake nº 39 (aussi connue sous le nom de Première Nation indépendante Iskatewizaagegan nº 39). 

[5]  L’intimée soutient que les 4,5 Garden Islands situées dans la province du Manitoba ont été légalement expropriées et que la Première Nation a été indemnisée, et qu’elle a notamment reçu les sommes qui auraient dû être versées à la Première Nation indépendante Iskatewizaagegan nº 39 en raison de son intérêt dans les Garden Islands du Manitoba. Par conséquent, l’intimée affirme qu’elle a une obligation découlant d’un traité non réglée de mettre de côté, à titre de terres de réserve, 2,5 Garden Islands en Ontario seulement.

II.  les demandes

A.  Demandes d’autorisation pour intervenir et pour obtenir la qualité de partie

[6]  La Première Nation Iskatewizaagegan a reçu un avis en vertu de l’article 22 de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22 [LTRP], le 19 mai 2015, comme elle l’avait demandé dans une lettre déposée le 30 mars 2015.

[7]  Le 22 octobre 2015, la Première Nation Iskatewizaagegan a déposé une demande d’autorisation pour intervenir en vertu des règles 30 et 44 des Règles de procédure du Tribunal des revendications particulières, DORS/2011-119 [Règles], et de l’article 25 de la LTRP.

[8]  La demande d’autorisation pour intervenir de la Première Nation Iskatewizaagegan est fondée sur des allégations de fait formulées par l’intimée dans sa réponse à la déclaration de revendication, déposée le 27 janvier 2015. Au paragraphe 19, l’intimée soutient que la Première Nation indépendante Iskatewizaagegan nº 39 partageait les Garden Islands avec la Première Nation revendicatrice. Au paragraphe 28, l’intimée signale que la Première Nation Iskatewizaagegan a un intérêt dans les Garden Islands.

[9]  La Première Nation Iskatewizaagegan affirme qu’elle a un intérêt direct dans la revendication et dans son issue du fait que la revendication soulève des questions communes et des questions de chevauchement en ce qui a trait aux droits fonciers fondés sur le Traité nº 3.

[10]  La revendicatrice, la Première Nation de Shoal Lake nº 40, a consenti à l’ajout de la Première Nation Iskatewizaagegan à titre d’intervenante.

[11]  L’intimée s’est opposée à l’ajout de la Première Nation Iskatewizaagegan à titre d’intervenante. Elle jugeait plus approprié que la Première Nation Iskatewizaagegan acquière la qualité de partie puisque l’issue de la présente revendication était susceptible d’avoir une incidence directe sur sa revendication relative aux Garden Islands.

[12]  Dans sa réplique déposée le 1er février 2016, la revendicatrice invoque un argument technique – à savoir que la demande de la Première Nation Iskatewizaagegan visait l’obtention de la qualité d’intervenante en vertu de l’article 25 de la LTRP – pour contester la position défendue par l’intimée, selon laquelle la Première Nation Iskatewizaagegan devrait être constituée partie à la revendication. 

[13]  Dans sa réplique datée du 1er février 2016, la Première Nation Iskatewizaagegan a indiqué qu’après avoir examiné la réponse du Canada et avoir tenu des consultations dans la collectivité, notamment auprès des aînés, elle a décidé de demander l’autorisation de devenir partie à la revendication à titre de revendicatrice.

[14]  L’intimée et la revendicatrice ont acquiescé à la demande d’autorisation déposée le 1er mars 2016 par la Première Nation Iskatewizaagegan pour se faire reconnaître la qualité de partie.

[15]  Le Tribunal a accueilli la demande de la Première Nation Iskatewizaagegan dans une ordonnance rendue le 22 mars 2016.

B.  Demande d’adjudication des dépens présentée par la Première Nation de Shoal Lake

[16]  La revendicatrice, la Première Nation de Shoal Lake nº 40, sollicite une ordonnance, suivant le paragraphe 110(1) des Règles, condamnant l’intimée à verser 5 000 $ à titre de dépens parce que la revendicatrice a produit une réplique à la réponse de la Couronne (observations sur les dépens de la revendicatrice, déposées le 29 février 2016).

[17]  La demande est fondée sur la réponse donnée par la Couronne à la première demande présentée par la Première Nation Iskatewizaagegan pour se faire reconnaître la qualité d’intervenante. La revendicatrice estime que la position de la Couronne était contraire à l’esprit et à l’intention de la LTRP et à ses dispositions particulières :

[traduction]

Le préambule de la Loi reconnaît l’importance de régler les revendications particulières parce que leur règlement contribuera au rapprochement entre Sa Majesté et les Premières Nations. La Loi prévoit également qu’elle n’aura d’effet sur les droits d’une Première Nation « que si celle-ci choisit de saisir le Tribunal d’une revendication particulière et que dans la mesure qui y est expressément prévue » [LTRP, art 5]. La réponse du Canada est, en fait, une demande d’ordonnance qui aurait pour effet d’empêcher Iskatewizaagegan de participer à la revendication à moins qu’elle présente une demande pour se voir reconnaître la qualité de partie. La position défendue par le gouvernement du Canada est carrément contraire aux objectifs de la Loi.

En outre, la procédure visant à intervenir dans une revendication présentée en vertu de la Loi ou à y participer en tant que partie repose sur le principe que les Premières Nations peuvent déterminer la mesure dans laquelle elles souhaitent participer à une revendication. La Loi prévoit un processus par lequel une Première Nation qui risque d’être grandement touchée par une revendication peut choisir de présenter une demande pour se voir reconnaître la qualité d’intervenante ou bien celle de partie [LTRP, par 22(1), art 24, 25]. Aucune disposition de la Loi ne permet à une Première Nation d’être ajoutée comme partie à moins qu’elle n’effectue le choix de présenter une demande en ce sens.

Le fait qu’une Première Nation puisse choisir si et de quelle façon elle participera au règlement d’une revendication est un élément essentiel à l’atteinte de l’objectif de rapprochement, lequel sous-tend le processus des revendications particulières.

Shoal Lake nº 40 soutient qu’en l’absence d’une ordonnance d’adjudication des dépens, l’issue de la présente demande créera un précédent qui permettra à la Couronne d’empêcher les Premières Nations de participer aux revendications comme elles le souhaitent.

Shoal Lake nº 40 ajoute que les Premières Nations ne devraient pas être tenues d’assumer leurs propres dépens quand elles répliquent à des observations de la Couronne qui sont incompatibles avec les objectifs de la Loi, comme dans la présente demande. [observations sur les dépens de la revendicatrice, déposées le 29 février 2016]

[18]  Dans sa réponse aux observations sur les dépens de la revendicatrice, déposée le 4 mars 2016, la Couronne intimée soutient :

[traduction] […] que sa réponse à la demande présentée par Iskatewizaagegan en vue d’obtenir la qualité d’intervenante reflétait l’esprit et l’intention de la Loi, était raisonnable et fondée sur des principes, et ne correspondait aucunement à une « conduite répréhensible, flagrante ou outrageante » ou à un abus de procédure qui pourrait justifier une adjudication de dépens. Le Tribunal a clairement établi que les demandes provisoires devraient faire l’objet d’un régime sans frais […] [observations sur les dépens de l’intimée en ce qui concerne la demande d’Iskatewizaagegan, au para 22]

III.  analyse

A.  La Loi sur le Tribunal des revendications particulières : choix, caractère, définitif, justice et rapidité

[19]  Je conviens avec la revendicatrice que la loi habilitante établit à l’article 5 de la LTRP un régime qui repose sur le « choix » qui s’ouvre aux Premières Nations. Le préambule de la LTRP décrit le choix qu’ont les Premières Nations à cet égard comme étant « le droit des Premières Nations de saisir ce tribunal de leurs revendications particulières […] ».

[20]  La LTRP offre différentes options aux Premières Nations qui souhaitent participer à une procédure du Tribunal dans le cadre de laquelle leurs intérêts pourraient être touchés ou lorsqu’elles peuvent contribuer au règlement définitif d’une revendication particulière. Elles sont libres de choisir comment elles le feront sur le plan procédural et les parties opposées à ce choix sont libres de le contester. Au final, le Tribunal détermine s’il accueille une demande et fixe les modalités dont l’ordonnance doit être assortie.

[21]  Le caractère définitif est un aspect essentiel de la tâche du Tribunal (LTRP, par 34(2)). La LTRP s’intéresse aussi au règlement équitable et rapide des revendications :

[…]

qu’il convient de constituer un tribunal indépendant capable, compte tenu de la nature particulière de ces revendications, de statuer sur celles-ci de façon équitable et dans les meilleurs délais; [LTRP, préambule]

[…]

[22]  La Première Nation Iskatewizaagegan a conclu qu’elle serait mieux à même de promouvoir son intérêt en tant que partie à la revendication. La position de l’intimée a conduit à cette décision, mais n’a pas eu pour effet de limiter les choix offerts à la Première Nation sur la façon de procéder. 

[23]  La Première Nation de Shoal Lake nº 40 et l’intimée acquiescent à la demande d’autorisation présentée par la Première Nation Iskatewizaagegan en vue d’obtenir la qualité de partie.

[24]  À mon avis, les dispositions de la LTRP relatives au « choix » ne devraient pas dissuader les parties, dont la Couronne, de proposer dans une réponse à une demande un moyen d’assurer un cheminement efficace vers le règlement définitif d’une revendication. L’intimée a formulé sa proposition devant le tribunal approprié, pour des raisons valables.

[25]  Le Tribunal s’est déjà prononcé sur la question des dépens. Le juge Smith a énoncé la politique du Tribunal en ce qui a trait à l’adjudication des dépens dans le cadre de demandes provisoires dans l’affaire Première Nation (Bande indienne) de Big Grassy (Mishkossimiiniiziibing) c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2012 TRPC 6. Le Tribunal favorise un régime sans frais, sauf quand une partie s’est conduite de manière « répréhensible, scandaleuse ou outrageante » (Young c Young, [1993] 4 RCS 3 à la p 134, cité dans Big Grassy, aux para 35- 46).

[26]  L’approche de l’intimée ne peut être considérée comme une conduite « répréhensible, scandaleuse ou outrageante ». Au contraire, elle était constructive et, comme en témoigne le fait que les parties ont consenti à la demande visant à obtenir la qualité de partie et que le moyen procédural est approprié pour régler les revendications relatives aux Garden Islands.

IV.  ordonnance

[27]  La demande d’adjudication des dépens que la revendicatrice a présentée contre l’intimée est rejetée.

HARRY SLADE

L’honorable Harry Slade, président

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20160405

Dossier : SCT-3001-14

OTTAWA (ONTARIO), le 5 avril 2016

En présence de l’honorable Harry Slade

ENTRE :

PREMIÈRE NATION DE SHOAL LAKE Nº 40

Revendicatrice

et

PREMIÈRE NATION INDÉPENDANTE ISKATEWIZAAGEGAN Nº 39

  Revendicatrice

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

AUX :

Avocats de la revendicatrice PREMIÈRE NATION DE SHOAL LAKE Nº 40

Représentée par Bruce McIvor et Kate Gunn

First Peoples Law Corporation

ET À :

Avocat de la revendicatrice PREMIÈRE NATION INDÉPENDANTE ISKATEWIZAAGEGAN Nº 39

représentée par Terence Douglas

Terence Douglas Professional Corporation

 ET AUX :

Avocats de l’intimée

Représentée par Joseph Langan et Susan Ols

Ministère de la Justice

 

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