Motifs de la demande

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Contenu de la décision

DOSSIER: SCT-6002-13

RÉFÉRENCE: 2013 TRPC 8

DATE: 20130724

TRADUCTION OFFICIELLE

 

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

PREMIÈRE NATION CRIE MIKISEW

Revendicatrice (défenderesse)

 

Michael Bailey et Steven W. Carey, pour la revendicatrice (défenderesse)

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU  CANADA

Représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée (demanderesse)

 

Cynthia Dickins, pour l’intimée (demanderesse)

 

 

 

MOTIFS sur la demande

L’honorable W.L. Whalen

LE TRIBUNAL EST SAISI D’UNE DEMANDE de l’intimée, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, visant à modifier l’article 42 des Règles de procédure du Tribunal des revendications particulières, dans le but d’obtenir une prorogation de délai de 62 jours pour déposer sa réponse à la déclaration de revendication produite par la Première Nation revendicatrice.

[1]  La Première Nation crie Mikisew a déposé une revendication à l’encontre de la Couronne parce que celle-ci ne lui aurait pas fourni les avantages agricoles qu’elle s’était engagée à lui fournir aux termes du Traité n° 8.

[2]  Le litige remonte à loin. Son histoire commence par le dépôt d’une revendication particulière administrative, en 1993, suivi par de longues négociations qui n’ont cependant rien donné et ont abouti à la présente déclaration de revendication déposée auprès du Tribunal le 6 juin 2013, et signifiée à la Couronne le 17 juin 2013.

[3]  La Première Nation avait aussi intenté une poursuite devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, en décembre 1996, dans laquelle la Couronne avait déposé une défense en février 1998. En dépit du fait qu’elle était bien engagée, l’instance a finalement été suspendue en faveur du processus administratif des revendications particulières.

[4]  Conformément à l’article 42 des règles du Tribunal, la Couronne devait déposer une réponse à la déclaration de revendication dans les trente jours, c.-à-d. avant le 17 juillet 2013. Le paragraphe 4(1) donne au Tribunal le pouvoir d’exempter une partie de l’observation des règles lorsqu’il considère que cela permettra un règlement juste, rapide ou plus économique de la revendication particulière.

[5]  La Couronne a demandé à la revendicatrice un délai de 62 jours. La procureure de la Couronne affirme qu’elle a besoin de ce temps pour examiner les 4 877 documents (4 500 pages) qui ont été produits dans le cadre des procédures antérieures, ce qui lui permettra de formuler une réponse adéquate, d’examiner cette réponse avec la cliente, d’obtenir des instructions, et de pouvoir prendre les vacances à l’étranger qu’elle planifie depuis longtemps, soit du 22 août au 9 septembre 2013.

[6]  La procureure de la Couronne a souligné qu’elle se trouve à Edmonton et que sa cliente est à Ottawa. Elle a également fait remarquer que, bien que le ministère de la Justice soit une entité indivisible, elle ne représentait pas la Couronne dans les procédures antérieures. On ne peut donc pas présumer qu’elle connaît toutes les procédures ou les documents qui ont été produits.

[7]  La Première Nation a reconnu que la Couronne avait besoin de plus de temps en lui offrant une prorogation de 45 jours, mais elle a refusé de lui en accorder davantage. Elle a souligné que la Couronne avait déjà formulé une réponse dans sa défense à l’action engagée devant le tribunal albertain. De plus, la Couronne connaissait bien la revendication et la thèse défendue puisque le processus administratif a duré des décennies.

[8]  Dans une lettre datée du 4 avril 2013, la Première Nation avait avisé le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien qu’elle avait l’intention de saisir le Tribunal de sa revendication si le ministre ne manifestait pas son intention de reprendre les négociations avant le 1er juin 2013. Une ébauche de la présente déclaration de revendication était aussi jointe à la lettre. Par conséquent, la Couronne était au courant du litige en instance, de la nature de la revendication, de l’historique de sa propre position et des règles du Tribunal.

[9]  La Première Nation est clairement, et peut-être à juste titre, frustrée en raison de l’inactivité du gouvernement à l’égard de la revendication. Elle fait valoir, à bon droit, que la disposition en cause a un but précis et que les prorogations de délai devraient être exceptionnelles. Je reconnais que la Première Nation souhaite faire avancer le dossier aussi rapidement que possible afin d’arriver à un règlement, et qu’elle en a parfaitement le droit.

[10]  La Couronne a souligné que le Tribunal a accordé des prorogations de délai d’au moins 60 jours dans plusieurs autres revendications, ce qui laisse entendre que la demande n’était pas inhabituelle. Elle n’a cité aucun cas particulier ni les motifs énoncés pour justifier les prorogations de délai dans ces revendications. Cependant, je suis entièrement d’accord avec la Première Nation pour dire qu’il faut suivre les règles et que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de les assouplir ne saurait clairement se justifier que dans des circonstances exceptionnelles. L’application du délai de 30 jours prévu à l’article 42 devrait être la norme, et non l’exception.

[11]  En l’espèce, la Première Nation a reconnu qu’il y avait des circonstances exceptionnelles en offrant une prorogation de délai de 45 jours, et il s’agit d’une offre raisonnable compte tenu de l’historique de l’affaire. D’ailleurs, dans ses observations, la procureure de la Couronne a indiqué que le délai de 45 jours aurait été suffisant, n’eût été ses vacances.

[12]  La Première Nation ne conteste pas que les procédures antérieures ont donné lieu à une documentation volumineuse, ou qu’on a eu recours à la négociation. La Couronne a peut-être déposé une défense dans l’action en justice, mais c’était il y a plus de 15 ans. Je ne sais pas dans quelle mesure ladite documentation se rapportait aux négociations qui ont subséquemment eu lieu au niveau ministériel et si, par conséquent, cette documentation était ultérieure à la défense produite dans l’action. En fait, bien que la Couronne indivisible fût partie défenderesse dans les procédures antérieures, elle était fort probablement représentée par plusieurs personnes, occupant différents postes et fonctions, de sorte que personne n’était entièrement au courant de ce qui se passait dans les deux recours. J’accepte que la procureure actuelle de la Couronne n’a pas participé aux procédures antérieures et qu’elle doit, par conséquent s’informer des grandes lignes du dossier pour pouvoir donner des conseils utiles et recevoir des instructions. Selon mon expérience, j’estime qu’il s’agit d’une situation normale compte tenu de la taille du ministère de la Justice et de son organisation.

[13]  Par conséquent, je conclus que l’affaire est suffisamment compliquée (non seulement de par son objet, mais aussi de par son historique) pour justifier une prorogation de délai de 45 jours. Je conclus également que la véritable difficulté en l’espèce réside dans le fait que la procureure de la Couronne a des projets de vacances. Rien n’indique que ces projets n’étaient pas réels ou qu’ils étaient différents de ceux que la procureure avait présentés. La prorogation de délai de 45 jours se terminerait le vendredi 30 août 2013, soit presque au milieu des vacances de la procureure, qui doit s’absenter du 22 août au 9 septembre 2013. Si le délai est prorogé de 62 jours, la Couronne devra déposer sa réponse avant le 17 septembre 2013.

[14]  Rien ne me laisse croire que la Couronne a tenté de retarder le dossier. Si c’était le cas, je rendrais une ordonnance en conséquence. Comme je l’ai déjà dit, l’article 42 est clair et devrait être respecté à moins qu’il n’existe des motifs valables justifiant d’y déroger, ce qui est le cas en l’espèce, je le répète, et ce qui a en fait été reconnu par la prorogation de délai de 45 jours offerte par la revendicatrice.

[15]  Je conclus également que la situation personnelle des procureurs, des parties ou des témoins peut commander une exception. Il semble que ce soit le cas en l’espèce compte tenu des vacances de la procureure de la Couronne, lesquelles étaient prévues avant le dépôt de la revendication. Ce projet de vacances ferait obstacle au compromis de 45 jours proposé par la Première Nation, puisque la procureure ne pourrait pas profiter de cette prorogation. Je pense aussi qu’il est raisonnable d’accorder un peu de temps à la procureure à son retour pour qu’elle se replonge dans le dossier. Habituellement, les avocats règlent ce genre de situation dans un esprit de collaboration et de courtoisie professionnelle. Cependant, à cause de la frustration engendrée par l’historique de l’affaire, il semble que cela ne soit pas possible en l’espèce.

[16]  N’eût été les vacances de la procureure de la Couronne, je ne crois pas que nous en serions rendus là. Cependant, même la procureure de la Couronne a droit à des vacances. La Première Nation ne subira pas vraiment de préjudice en l’espèce si la Couronne obtient 15 jours supplémentaires, outre ce que la Première Nation a déjà offert volontairement. Je suis convaincu que la Couronne a remarqué l’importance que la revendicatrice accorde au facteur temps. Aussi, à ce stade-ci, le Tribunal devrait pouvoir traiter le dossier rapidement.

[17]  Pour les motifs qui précèdent, la demande de la Couronne est accueillie. La Couronne doit signifier et déposer sa réponse à la revendication avant le 17 septembre 2013.

W.L. WHALEN

L’honorable W.L. Whalen

Tribunal des revendications particulières Canada

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20130724

Dossier : SCT-6002-13

OTTAWA (ONTARIO), le 24 juillet 2013

En présence de l’honorable W.L. Whalen

ENTRE :

PREMIÈRE NATION CRIE MIKISEW

Revendicatrice (défenderesse)

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée (demanderesse)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

AUX :

Avocats de la revendicatrice PREMIÈRE NATION CRIE MIKISEW

Représentée par Michael Bailey et Steven W. Carey

Maurice Law Barristers & Solicitors

ET À :

Avocate de l’intimée

Représentée par Cynthia Dickins

Ministère de la Jusitce

 

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