Motifs de la demande

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DOSSIER: SCT-3001-12

RÉFÉRENCE: 2014 TRPC 5

DATE: 20140625

TRADUCTION OFFICIELLE

 

TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

ENTRE :

 

 

AUNDECK OMNI KANING

Revendicatrice (Défenderesse)

 

Paul Williams, pour la revendicatrice (défenderesse)

– et –

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU  CANADA

Représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée (Demanderesse)

 

Jennifer Roy, pour l’intimée (demanderesse)

 

 

DEMANDE INSTRUITE À L’AIDE D’OBSERVATIONS ÉCRITES

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’honorable Patrick Smith


I.  l’aperçu

[1]  Le 17 janvier 2014, le Tribunal a publié sa décision dans cette affaire, Aundeck Omni Kaning c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2014 TRPC 1 [Aundeck], et a demandé aux parties de fournir des observations écrites sur la question des dépens.

[2]  Le Tribunal a reçu et examiné les observations des deux parties.

[3]  La décision Aundeck expose en détail l’historique et la preuve concernant la présente revendication; il n’est donc pas nécessaire de les répéter ici. Pour reprendre le paragraphe 1 :

L’intimée (« Canada ») a présenté une demande visant à faire rejeter la revendication déposée par la revendicatrice, la Première Nation d’Aundeck Omni Kaning (« PNAOK »), au motif que le Tribunal des revendications particulières n’a pas compétence pour entendre la revendication, celle-ci ne respectant pas les conditions d’admissibilité prévues à l’al. 16(1)a) de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières (L.C. 2008, ch. 22) (« LTRP ») du fait que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le « ministre ») a offert d’en négocier le règlement. 

[4]  Le Canada a admis qu’il avait manqué à son obligation fiduciaire envers la revendicatrice en faisant des paiements irréguliers à même les fonds qu’il détenait en fiducie.

II.  les règles applicables en ce qui concerne les dépens

[5]  Dans la décision sur les dépens qu’il a récemment rendue, Première Nation de Doig River et Premières Nations de Blueberry River c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2014 TRPC 4, le Tribunal a examiné les règles et principes applicables à la question des dépens. Ces règles et principes s’appliquent également à la présente revendication et méritent d’être répétés.

[6]  Le paragraphe 110(2) des Règles de procédure du Tribunal des revendications particulières, DORS/2011-119 [Règles], confère au Tribunal un vaste pouvoir discrétionnaire qui lui permet de rendre une ordonnance quant aux dépens après l’audition sur le fond.

[7]  Les paragraphes 111(1) et (2) des Règles énoncent les facteurs que le Tribunal doit prendre en considération lorsqu’il décide s’il adjugera des dépens.

[8]   L’alinéa 111(2)a) des Règles dispose que, quand les dépens sont réclamés par les Premières Nations, le Tribunal doit se demander si les frais « ont été raisonnablement engagés, mais ils sont disproportionnés par rapport à l’indemnité qui sera accordée ».

[9]  L’alinéa 111(2)b) des Règles oblige le Tribunal à prendre en considération la complexité et l’importance des questions soulevées.

[10]  La liste des facteurs énoncés à l’article 111 des Règles n’est pas exhaustive. L’article 5 des Règles permet au Tribunal de se référer aux Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, pour compléter « toute question de procédure » non prévue dans ses propres règles d’attribution des dépens.

[11]  Dans les Règles des Cours fédérales, les facteurs à considérer dans l’adjudication des dépens sont énoncés au paragraphe 400(3) et comprennent notamment le résultat de l’instance, l’importance et la complexité des questions en litige et toute autre question que la Cour juge pertinente.

III.  les principes généraux de l’adjudication des dépens

[12]  En matière civile, la règle générale veut que les dépens suivent l’issue de la cause.  Comme il est énoncé dans l’ouvrage intitulé The Law of Costs : 

[traduction] En général, on peut dire que lorsqu’une requête est régulièrement formée, les dépens devraient être accordés à la partie requérante si elle obtient gain de cause, et dans le cas contraire, ils devraient être accordés à la partie intimée, toujours sous réserve du pouvoir discrétionnaire du juge ou de l’officier de justice. [Mark Orkin, The Law of Costs, feuilles mobiles, (Aurora, Ont : Canada Law Book, 1987), art 402, p. 4 1]

[13]  Voici les trois objectifs fondamentaux des règles modernes en matière de dépens :

  • indemniser la partie qui a gain de cause des coûts occasionnés par le litige;

  • favoriser les règlements extrajudiciaires;

  • décourager et sanctionner les comportements inacceptables.

IV.  les décisions antérieures du tribunal sur les dépens

[14]  En 2012, le Tribunal a rendu sa première décision en matière de dépens dans l’affaire Première Nation (Bande indienne) de Big Grassy (Mishkosiimiiniiziibing) c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2012 TRPC 6 [Big Grassy].

[15]  La Première Nation de Big Grassy avait demandé que le Canada soit condamné aux dépens en vertu du paragraphe 110(1) des Règles, après avoir obtenu le rejet de la demande du Canada, présentée en vertu de l’article 29 des Règles, sur la question de savoir à quelle partie il incombait d’établir un point de droit et de fait.

[16]  Au paragraphe 13 du jugement Big Grassy, le Tribunal a décidé de ne pas accorder de dépens et d’adopter une approche fondée sur la présomption qu’« aucuns dépens » ne seront adjugés dans le cadre des demandes provisoires, « [à] l’exception des cas d’inconduite ou d’abus de procédure ».

[17]  Aux paragraphes 26 à 31 et 39 à 44 du jugement Big Grassy, le Tribunal explique cette décision, et il n’est pas nécessaire de reprendre ici ces explications, sauf pour souligner que la décision repose essentiellement sur l’idée que, si le Tribunal devait adopter le principe selon lequel « les dépens suivent l’issue de la cause », il pourrait entraver l’accès à la justice en plaçant les Premières Nations, qui sont pauvres et qui manquent de ressources financières, devant un obstacle financier important, en plus d’empêcher l’affaire d’être instruite sur le fond.

V.  la position des parties

[18]  La revendicatrice prétend que, vu l’importance et la complexité des questions, le fait que c’était la première fois que le Tribunal était appelé à se pencher sur l’interprétation de l’article 16 de la Loi sur le Tribunal des revendications particulières, LC 2008, c 22 [LTRP], et la conduite du Canada, des dépens devraient être adjugés. 

[19]  Le Canada prétend qu’aucuns dépens ne devraient être adjugés, conformément à la décision du Tribunal dans Big Grassy. Plus précisément, le Canada soutient que ce n’est pas d’un cas d’inconduite ou d’abus de procédure dont est saisi le Tribunal, mais plutôt d’une question de compétence, légitime et nouvelle, qu’il était en droit de défendre avec zèle.

VI.  la décision

[20]  Pour les motifs qui suivent, des dépens sont accordés à la revendicatrice sur une base d’indemnisation partielle conformément à la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales.

[21]  La conduite du Canada justifie que l’on s’écarte de la présomption selon laquelle aucuns dépens ne sont adjugés à l’égard d’une demande sur laquelle le Tribunal s’est prononcé. 

[22]   Au paragraphe 89 de la décision Aundeck, le Tribunal a formulé des observations sur le processus de détermination des revendications de faible valeur utilisé par le Canada :

Cette position, tout comme le processus utilisé par la Direction générale des revendications particulières pour régler les revendications de faible valeur, et peut-être bien d’autres, est, à vrai dire, paternaliste, intéressée, arbitraire et irrespectueuse des Premières Nations. Elle ne préserve pas l’honneur de la Couronne, ni le principe implicite de « bonne foi » nécessaire dans toutes les négociations que le Canada entreprend avec les Premières Nations. Une telle position ne laisse pas place aux principes de réconciliation, d’accommodement et de consultation que la Cour suprême a, dans plusieurs décisions, décrits comme étant le fondement de la relation du Canada avec les Premières Nations.

[23]  L’argument du Canada selon lequel l’article 16 de la LTRP était ambigu n’est pas sans fondement. Cependant, en décidant de défendre son processus relatif aux revendications de faible valeur, le Canada a continué d’agir de mauvaise foi et il a omis de préserver l’honneur de la Couronne et de favoriser la conciliation des intérêts.

[24]  Plutôt que de simplement entamer des discussions avec la revendicatrice dans le but d’arriver à un règlement monétaire équitable à l’égard d’une revendication de faible valeur dont il avait déjà reconnu la validité, le Canada a choisi de contester la compétence du Tribunal, obligeant ainsi une petite Première Nation ayant, selon l’avocat de la revendicatrice, peu de ressources financières, à supporter les frais associés à la tenue d’une audience, et retardant encore davantage le règlement d’un différend qui durait déjà depuis longtemps. La conduite du Canada dépassait la défense avec zèle de son point de vue. Le Canada disposait d’autres moyens pour éviter les coûts et la perte d’efficience engendrés par une demande de cette nature. Par exemple, aux termes de l’al. 16(1)c) de la LTRP, le ministre aurait pu consentir par écrit à ce que la revendicatrice saisisse le Tribunal de sa revendication, sans avoir à se livrer à un exercice d’interprétation des dispositions de la LTRP qui semble contraire aux objectifs de conciliation, d’efficacité et de célérité. Il existait une meilleure façon de régler la situation, une façon qui aurait respecté les objectifs de conciliation, de célérité et de rentabilité. L’adjudication des dépens en faveur de la revendicatrice est donc justifiée.

[25]  L’adjudication des dépens est conforme à la décision du Tribunal dans Big Grassy, aux objectifs et à la philosophie qui sous-tendent la LTRP, aux principes généraux en matière d’adjudication des dépens, au paragraphe 111(2) des Règles et à l’alinéa 400c) des Règles des Cours fédérales.

[26]  L’adjudication des dépens est aussi dans l’intérêt du public puisqu’elle préserve l’honneur de la Couronne et favorise l’accès à la justice en incitant les Premières Nations à saisir le Tribunal de leurs revendications particulières et, surtout, elle est conforme au principe général de conciliation des intérêts des Autochtones et des non-Autochtones.

[27]  Dans le cas où les parties seraient incapables de s’entendre sur le montant des dépens, elles devront présenter d’autres observations ou demander des instructions au Tribunal.

PATRICK SMITH

L’honorable Patrick Smith

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


TRIBUNAL DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

SPECIFIC CLAIMS TRIBUNAL

Date : 20140625

Dossier : SCT-3001-12

OTTAWA (ONTARIO), le 25 juin 2014

En présence de l’honorable Patrick Smith

ENTRE :

AUNDECK OMNI KANING

Revendicatrice (Défenderesse)

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien

Intimée (Demanderesse)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

À :

Avocat de la revendicatrice (défenderesse) AUNDECK OMNI KANING

Représentée par Paul Williams

Avocat

ET À :

Avocate de l’intimée (demanderesse)

Représentée par Jennifer Roy

Ministère de la Justice

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.