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ORGANE NATIONAL DE POURSUITE JUDICIAIRE v MUNYAGISHARI

[Rwanda COUR D’APPEL – RPA/GEN00004/2019/CA (Gakwaya, P.J, Kaliwabo et Tugireyezu, J.) 7 Mai 2021]

Loi portant procedure penale – Appel – l’acte d’appel – Le moyen articulé postérieurement à l’acte d’appel, ne saurait être accueilli d’autant qu’il étend le champ de l’appel à un point non soulevé dans son mémoire d’appel. Certes, s’il est permis à l’appelant par des conclusions postérieures à l’acte d’appel de restreindre son appel à certains chefs décrits dans son acte d’appel, et ainsi en réduire l’effet dévolutif, il ne laissé pas la latitude d’accroître la portée de l’appel, par des conclusions ultérieures, à des chefs non critiqués dans l’acte d’appel. C’est dire que l’appelant ne peuve, par des conclusions ultérieures, sortir des limites qu’il a lui-même assignées à son appel.

Loi portant procedure penale – Circonstance attenuante – Aveu au niveau d’appel – L’invocation d’une erreur de fait ne saurait être l’occasion, pour l’accusé qui a choisi de plaider non coupable des faits mis à sa charge au premier degré, de présenter son aveu en appel, après avoir été condamné par la juridiction de première instance.

Résumé de l’affaire: L’Affaire a commencé devant la chambre détachée de la Haute Cour chargée de connaître au premier degré des crimes à caractère international et transnational, où l’Organe National de Poursuite Judiciaire a poursuivi Munyagishari pour crimes de génocide, conspiration de génocide, complicité de génocide, meurtre comme crime contre l’humanité, ainsi que pour viol comme crime contre l’humanité. Au terme du procès, la Haute Cour a convaincu Bernard Munyagishari de meurtres comme crime de génocide et crime contre l’humanité, l’a acquitté du chef de viol comme crime contre l’humanité et l’a condamné à la peine d’emprisonnement à perpétuité.

Non content de l’arrêt rendu par la Haute Cour, Munyagishari fait appel devant la Cour Suprême, aux fins de la voir déclarer son appel fondé, infirmer tous les arrêts avant dire-droit pris par la Haute Cour, ensemble l’arrêt définitif rendu sur le fond et ordonner à cette Cour de statuer à nouveau sur la cause.  Suite à la réforme judiciaire en 2018, l’Affaire a été renvoyé à la Cour d’Appel pour être tranche.  Munyagishari s’est désisté de ses moyens d’appel contenus dans son acte d’appel, à l’exception du premier moyen portant sur la question de sa nationalité là où il fait grief à la Haute Cour d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’elle a omis de statuer sur sa nationalité alors qu’il avait soulevé devant elle la question préjudicielle de nationalité, il dit que la Haute Cour décide qu’elle a juridiction pour juger tant les nationaux que les étrangers, que par conséquent, importe peu sa nationalité, elle est compétente pour connaître des crimes retenus contre lui. Or, conteste-t-il, il n’a pas soulevé devant la Haute Cour l’exception d’incompétence. Il explique qu’il a établi par des preuves suffisantes qu’il est un sujet congolais et non un citoyen rwandais mais que la Haute Cour n’y a pas eu égard. Il affirme que les documents administratifs attestant de sa citoyenneté rwandaise, mis en exergue par l’Organe National de Poursuite Judiciaire, lui ont été délivrés frauduleusement.

Munyagishari introduit aussi un nouveau moyen d’appel tendant à l’aveu des faits mis à sa charge et sollicitant à cet effet le bénéfice de circonstances atténuantes aux fins d’obtenir la mitigation de la peine prononcée contre lui au premier degré. Il explique qu’il postule ce moyen d’appel aux fins de reconnaître sa responsabilité pénale individuelle, de confesser et plaider coupable des faits lui imputés, de présenter son pardon et de solliciter le bénéfice d’une atténuation de la peine prononcée contre lui. Il indique que se fondant sur les dispositions de la loi relative au renvoi des affaires à la République du Rwanda, il fait grief à la Haute Cour d’avoir commis dans son arrêt sur le fond rendu des erreurs de jugement fondées sur des faits inexacts mis à sa charge, ayant conduit à sa condamnation. Il explique que par ce moyen d’appel, il entend éclairer la Cour sur la véracité et l’exactitude des crimes commis par lui, étant donné qu’en première instance, il n’a pas eu l’opportunité de s’exprimer. Il expose que les faits inexacts retenus contre lui portent sur les attaques perpétrées à Nyundo, à Saint Paul, à Saint Fidèle et à Rwandex. Il relève également que les faits inexacts retenus contre lui concernent l’homicide de l’Epouse de Mafene, des nommés Chantal, Cécile, Kanzayire Solange, Munyampeta Esron, Abbé Ntagara, Rwemalika et KAGEMANA. Il indique enfin que les faits inexacts critiqués apparaissent aux paragraphes 84, 100, 110, 111, 112, 118, 146 et 147 de l’arrêt entrepris.

Il déclare être coupable de recrutement, de formation et de distribution des armes aux Interahamwe depuis 1992 dans la Préfecture de Gisenyi, d’avoir organisé les réunions ayant préparé et exécuté le génocide dans la Préfecture de Gisenyi, d’avoir placé et supervisé les barrières dans la ville de Gisenyi, où les Tutsis furent identifiés et tués par les Interahamwe, d’avoir supervisé en sa qualité de Président des Interahamwe, les attaques perpétrées par les Interahamwe et d’avoir personnellement commis un meurtre sur la personne d’un jeune Tutsi non autrement identifié. Il déclare également assumer les meurtres commis par les Interahamwe sous sa responsabilité. Quant à la recevabilité de ce moyen d’appel formulé au cours de l’instruction de l’affaire par la Cour d’appel, c’est-à-dire bien longtemps après le dépôt de son mémoire d’appel, il soutient qu’eu égard aux règles prévues par le code de procédure pénale et aux nombreuses décisions rendues par les juridictions pénales internationales, son aveu doit être accueilli. Il conclut en demandant à la Cour de prendre en considération ce qui est transcrit dans la conclusion conjointe, d’accueillir son aveu comme sincère, d’accepter son pardon et de lui accorder la réduction de la peine lui infligée.

L’Organe National de Poursuite Judiciaire expose en ce qui concerne la nationalité, qu’il résulte de l’arrêt rendu par la Haute Cour que cette dernière a statué sur la question de l’identification de l’appelant en ce qu’elle a conclu que l’appelant a reconnu être le fils de Ndinkabandi et de Nyirakibibi, marié à Uwimanimpaye , père de 4 enfants, avoir été transféré au Rwanda par le Tribunal Pénal International, avoir été définitivement condamné pour viol sur mineure en date du 19/8/1982 par la Cour d’Appel de Ruhengeri; que partant la Haute Cour n’a pas omis de statuer sur la question de nationalité de l’appelant. Il indique que devant la Haute Cour, des éléments de preuve établissant la nationalité rwandaise de l’appelant ont été produits; certains ayant par ailleurs été reconnus par lui-même à l’audience. Il précise que les preuves produites à cet effet, toutes datant de la décennie 1980-1990, sont sa carte d’identité rwandaise (rwandais d’ethnie hutue), l’attestation d’identité complète lui délivrée en date du 10/5/1983, l’attestation de mariage lui délivrée par le service de l’état civil, l’attestation de bonne conduite et mœurs lui remis par le service de l’état, l’attestation de services rendus lui remis par le Secrétaire Général du MRND, son diplôme d’études secondaires, le curriculum vitae dressé et signé par lui et les décisions judiciaires le condamnant pour viol sur mineure et attestant de sa nationalité rwandaise. Quant aux preuves produites par l’appelant Munyagishari pour convaincre de sa nationalité congolaise, l’Organe National de Poursuite Judiciaire soutient qu’elles ont été émises à partir de l’année 2000, que par ailleurs l’appelant n’indique ni le moment, ni les modalités ou les procédures légales accomplies ayant conduit à sa perte de la nationalité rwandaise et à l’acquisition de la nationalité congolaise. Au final, il est d’avis que ce moyen de l’appelant est dilatoire.

En ce qui concerne l’aveu de l’appelant, l’ONPJ soutient les prétentions de l’appelant Bernard Munyagishari, il indique que conformément aux dispositions de la loi sur le transfert, la Haute Cour a effectivement commis une erreur de jugement parce qu’elle s’est fondé sur certains faits inexacts pour condamner l’accusé. Il explique que si l’accusé avait eu l’occasion de s’exprimer, la Haute Cour n’allait pas retenir les faits tels que lui soumis et confirmés par les témoins entendus en la cause. Il soutient que l’erreur alléguée trouve son fondement dans les raisons qui ont conduit l’accusé à ne pas s’exprimer, que la Haute Cour n’est pas responsable des raisons qui l’ont empêché de s’exprimer. Il fait valoir qu’en l’état de la pratique judiciaire, il n’est pas interdit à l’accusé de plaider coupable pour la première fois devant la juridiction d’appel ; que plusieurs décisions rendues par la Cour Suprême et la Cour d’Appel sont allées dans ce sens. Il conclut en requérant de la Cour d’accueillir comme sincère l’aveu de l’appelant et quant à la détermination de la peine à appliquer contre l’appelant eu égard à son aveu, il laisse le soin à la Cour d’apprécier la peine appropriée.

Resume de la decision: 1. Le moyen articulé postérieurement à l’acte d’appel, ne saurait être accueilli d’autant qu’il étend le champ de l’appel à un point non soulevé dans son mémoire d’appel. Certes, s’il est permis à l’appelant par des conclusions postérieures à l’acte d’appel de restreindre son appel à certains chefs décrits dans son acte d’appel, et ainsi en réduire l’effet dévolutif, il ne laissé pas la latitude d’accroître la portée de l’appel, par des conclusions ultérieures, à des chefs non critiqués dans l’acte d’appel. C’est dire que l’appelant ne peuve, par des conclusions ultérieures, sortir des limites qu’il a lui-même assignées à son appel, donc Munyagishari n’avait pas droit de sortir dans les limites de son act d’appel.

2. L’invocation d’une erreur de fait ne saurait être l’occasion, pour l’accusé qui a choisi de plaider non coupable des faits mis à sa charge au premier degré, de présenter son aveu en appel, après avoir été condamné par la juridiction de première instance, donc l’appel de Munyagishali est irrecevable.

L’appel est non fondé sur la question de nationalité.

L’appel est irrecevable portant sur l’aveu au degrée d’appel.

Les frais de la procédure est à charge du Trésor Public.

 

Les lois:

Loi Organique Nº 51/2008 du 9/9/2008 portant code d’organisation, fonctionnement et competence, article 78.

Loi Organique Nº 30/2008 du 5/7/2008 portant code de la nationalité rwandaise, article 29.

Déclaration universelle des droits de l’homme du 10/12/1948, article 15

Loi No 027/2019 du 9/9/2019 portant procédure pénale, article 26, 27, 183 et 188.

Loi Nº 30/2018 du 2/6/2018 déterminant la compétence des juridictions, article 31 et 74.

Loi 47/2013 du 16/6/2013 relative au renvoi des affaires à la République du Rwanda, article 18.

Les Arrêts:

SANLAM Assurances Générales Plc contre University of Rwanda, RS/INJUST/RCOM 00003/20202/SC, rendu par La Cour Suprême en date du 27/11/2020.

Aloys Simba contre le Procureur, ICTR-01-76-A du 27/11/2007.

Sylvestre Gacumbitsi contre le Procureur, ICTR-01-64-A du 7/7/2006.

Le Procureur contre Predrag Banovic, IT-02-65/1-S, Jugement portant condamnation du 28/10/2003.

Alfred Musema contre le Procureur, ICTR-96-13-A du 16/11/2001.

Le Procureur contre Jean-Paul Akayezu, ICTR-96-4-A du 1/6/2001.

Affaire Celebici, IT-96-21-A, rendu par la Chambre d’appel en date du 20/2/2001.

Le Procureur contre Omar Serushago, ICTR-98-39-S, Jugement sur la sentence du 5/2/1999.

La doctrine:

Gaston Stefani, Georges Levasseur et Bernard Bouloc, Procédure pénale, 16e édition, Dalloz, Paris, 1996, P. 769, Par. 760.

Loïc cadiet et Emmanuel Jeuland, Droit judiciaire privé, 5e édition, Litec, Paris, PP. 521-522, nº 832.

Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, sous la direction de Gérard Cornu, 6e édition, Presses universitaires de France, Paris, 1996, P.675.

Jean Pradel, Procédure pénale, 10e édition, Cujas, Paris, 2000, PP. 99-103.

Michel Franchimont, Ann Jacobs et Adrien Masset, Manuel de procédure pénale, 2e édition, Larcier, Bruxelles, PP. 78-79.

Hakim Boularbah, Olivier Caprasse, Georges De Leval, Frédéric Georges, Pierre Moreau, Dominique Mougenot, Jacques Van Compernolle et Jean-FranÇois Van Drooghenbroeck, Droit judiciaire, Manuel de procédure civile, Tome 2, Larcier, 2015, P. 804, nº 8.46.

Sous la direction de Serge Guinchard, Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz, Paris, 1999, P. 1179, nº 5977.

Sous la direction de Serge Guinchard Droit et pratique de la procédure civile, Paris, 1999, P. 1179, nº 5978.

Sous la direction de Serge Guinchard Droit et pratique de la procédure civile, Dalloz, Paris, P.1173, nº 5970.

Judgement

I.                  INTRODUCTION

[1]               La Cour d’Appel est saisie de l’appel formé par Bernard Munyagishari contre l’arrêt nº RP/GEN 0012/13/HCCI rendu en date du 20/4/2017 par la Chambre détachée de la Haute Cour chargée de connaître au premier degré des crimes à caractère international et transnational, dont les affaires transférées par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda ou le Mécanisme et celles transférées par d’autres Etats.

A.    Rappel de la procédure

[2]               Sur la base de l’acte d’accusation déposé en date du 5/11/2013 par l’Organe National de Poursuite Judiciaire au greffe de la Chambre détachée de la Haute Cour, compétente pour connaître des affaires transférées par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, relatives au génocide commis contre les Tutsis, l’appelant Bernard Munyagishari a été jugé pour crimes de génocide, conspiration de génocide, complicité de génocide, meurtre comme crime contre l’humanité, ainsi que pour viol comme crime contre l’humanité.

[3]               Au terme du procès en première instance, la Haute Cour a convaincu Bernard MUNYAGISHARI de meurtres comme crime de génocide et crime contre l’humanité, l’a acquitté du chef de viol comme crime contre l’humanité et l’a condamné à la peine d’emprisonnement à perpétuité.

[4]               Non content de l’arrêt rendu par la Haute Cour, Bernard MUNYAGISHARI postule appel en date du 20/4/2017 devant la Cour Suprême, aux fins de la voir déclarer son appel fondé, infirmer tous les arrêts avant dire-droit pris par la Haute Cour, ensemble l’arrêt définitif rendu sur le fond et ordonner à cette Cour de statuer à nouveau sur la cause.

[5]               Au soutien de son recours, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI s’appuyant sur les dispositions pertinentes de l’article 18 de la loi 47/2013 du 16/6/2013 relative au renvoi des affaires à la République du Rwanda, fait valoir que les arrêts avant dire-droit interlocutoires comme l’arrêt définitif rendu sur le fond au premier degré sont entachés d’erreurs de droit et de fait de nature à entrainer leur annulation.

[6]               A cet effet, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI soulève dans son acte d’appel huit moyens d’appel tendant à la démonstration des erreurs de droit et de fait commis par la Haute Cour invalidant les différents arrêts énervés, par elle rendus. Dans son premier moyen d’appel, il fait grief à la Haute Cour d’avoir commis une erreur de droit dans son arrêt avant dire-droit rendu en date du 19/3/2014 en ce qu’elle aurait omis de statuer sur sa nationalité. Son second moyen d’appel fait état de ce que la Haute Cour aurait commis une erreur de droit en décidant au cours de l’audience tenue en date du 25/2/2015 qu’il n’avait pas droit à un personnel d’appui devant procéder aux enquêtes nécessaires aux fins de lui garantir une défense utile. Son troisième moyen d’appel relève que la Haute Cour aurait commis une erreur de droit en décidant dans son arrêt avant dire-droit rendu en date du 9/6/2015 de congédier ses avocats et en rejetant au cours de l’audience du 3/6/2015 sa requête en citation à comparaître du Ministre de la justice, du Bâtonnier et de ses conseils pour être entendus sur les raisons du défaut de ces derniers aux audiences de la Cour. Son quatrième moyen reproche à la Haute Cour d’avoir commis une erreur de droit et de fait dans son arrêt avant dire-droit rendu en date du 31/7/2015 en confirmant les nouveaux avocats lui assignés, constitués en violation de la loi. Son cinquième moyen d’appel mentionne que la Haute Cour aurait commis une erreur de droit et de fait en lui refusant l’aide juridictionnelle adéquate devant lui garantir un procès équitable. Son sixième moyen d’appel reproche à la Haute Cour d’avoir commis une erreur de droit en décidant de poursuivre l’instruction de la cause au mépris des règles de procédure d’ordre public commandant le sursis à statuer. Son septième moyen reproche à la Haute Cour d’avoir notamment dans son arrêt avant dire-droit du 10/2/2015 refusé de recevoir sa demande en récusation contre la Présidente du siège connaissant de son affaire. Son huitième moyen fait grief à la Haute Cour d’avoir procédé en faisant fi des appels formulés par lui devant la Cour suprême contre ces décisions avant dire-droit à effet suspensif.

[7]               A l’audience du 27/7/2020, la Cour d’Appel procéda à la mise en état de la cause. A la requête de l’appelant, la décision de conduire l’instruction en langue franÇaise fut prise et la cause renvoyée à l’audience du 28/9/2020. L’Organe National de Poursuite Judiciaire n’ayant pas pu déposer ses conclusions en réplique dans les délais à lui impartis, l’instruction de la cause fut décalée au 5/10/2020. Alléguant avoir été dans l’impossibilité de consulter l’appelant sur les répliques de l’Organe National de Poursuite Judiciaire, le Conseil de ce dernier sollicita la remise de l’audience et celle-ci fut renvoyée au 7/10/2020.

[8]               Appelée à l’audience du 7/10/2020, la cause fut instruite. Au cours de cette instruction, les deux premiers moyens d’appel postulés par l’appelant Bernard MUNYAGISHARI ont été soumis au débat et les discussions quant à ce clôturées.

[9]               Suite à la correspondance adressée au Président de la Cour d’Appel en date du 12/10/2020 par l’Organe National de Poursuite Judiciaire, tendant à solliciter le report des audiences fixées au 13 et 14 octobre 2020 et un délai de deux semaines courant à partir du 13/10/2020, aux fins de lui permettre de s’entretenir avec l’appelant Bernard MUNYAGISHIRA sur le dossier de la cause et ce, à l’initiative de ce dernier, ces audiences n’ont pu se tenir.

[10]           En date du 10/11/2020, l’Organe National de Poursuite Judiciaire a versé au dossier de la cause un document intitulé ’’Conclusion conjointe de Bernard MUNYAGISHARI et de l’Organe National de Poursuite Judiciaire dans l’affaire RPA/GEN 0004/2019/CA ’’, portant sur un accord de négociation de plaidoyer de culpabilité, duquel il ressort que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI se désiste des sept moyens d’appel contenus dans son mémoire d’appel et conserve le seul moyen portant sur la question de sa nationalité. Il résulte également de ce document qu’eu égard à sa responsabilité pénale individuelle, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI entend, devant la Cour d’Appel, plaider coupable du crime de génocide mis à sa charge et à cet effet, il sollicite de la Cour de retenir en sa faveur des circonstances atténuantes. Il se dégage enfin de ce document que l’Organe National de Poursuite Judiciaire requiert de la Cour de dire fondé le seul moyen invoqué par l’appelant relatif à sa nationalité, de déclarer comme sincères ses aveux et d’avoir égard aux dispositions légales afférentes à l’application de la peine. En définitive, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI comme l’Organe National de poursuite Judiciaire requièrent de la Cour d’avoir égard aux termes des conclusions conjointes et de recevoir l’accord de négociation de plaidoyer de culpabilité.

[11]           En raison des difficultés causées par la pandémie de Covid-19 qui n’ont pas permis que l’Appelant Bernard MUNYAGISHARI soit transporté au siège de la Cour pour être aux côtés de son conseil, la Cour d’Appel n’a pas pu procéder à l’instruction de la cause aux audiences du 12 et 17 novembre 2020.

[12]           L’audience fixée au 22/2/2021 a été différée au 24/2/2021 du fait des difficultés liées à la connexion internet qui n’a pas permis à la Cour de procéder à l’instruction de la cause par voie de vidéo-conférence.

[13]           A l’audience du 24/2/2021, l’instruction de la cause a porté sur l’examen du contenu des conclusions conjointes des parties tel que relevé ci-haut au paragraphe 10.

[14]           Après avoir entendu l’Organe National de Poursuite Judiciaire en ses réquisitions et l’appelant Bernard MUNYAGISHARI en ses plaidoiries à l’audience du 4/3/2021, la Cour d’Appel prit la cause en délibéré et indiqua aux parties que le rendu de la décision se tiendra le 30/4/2021. N’ayant pas pu se prononcer à cette date, le rendu de la décision sera différé au 7/5/2021.

B.      Principes devant régir l’examen d’un appel en général et spécifiquement contre une décision rendue en matière de génocide relativement aux dossiers transférés

[15]           Avant d’entreprendre l’examen des moyens d’appel proposés par l’appelant, il importe de rappeler, au regard des dispositions de l’article 18 de la loi nº 47/2013 du 16/6/2013 relative au renvoi des affaires à la République du Rwanda, certains des principes devant guider la juridiction d’appel dans sa mission. L’article 18 précité fixe que les parties ont le droit de faire appel contre toute décision rendue par la Haute Cour en faisant valoir des erreurs de droit ou de fait entachant la décision entreprise. L’article 18 précité précise que l’erreur de droit relevée doit être de nature à invalider la décision attaquée, alors que l’erreur de fait mise en relief doit avoir eu pour conséquence une erreur judiciaire ou un déni de justice[1].

[16]           Par ailleurs, il se comprend aisément des termes de l’article 18 précité qu’il ne suffit pas à l’appelant de relever telle erreur de droit, encore faut-il qu’il présente une argumentation juridique au soutien de sa thèse[2] et qu’il démontre en quoi cette erreur de droit invalide la décision critiquée[3]. Quant à l’erreur de fait, une jurisprudence constante de la Chambre d’appel du Tribunal Pénal International pour le Rwanda établit que les constatations de fait erronées faites par le premier juge ne sauraient uniquement être infirmées ou modifiées au degré d’appel que s’il en est résulté une erreur judiciaire. En outre, elle indique que la juridiction d’appel n’infirmera les constatations de la juridiction de premier degré que lorsqu’aucun juge de fait n’aurait raisonnablement pu parvenir à la même conclusion ou lorsque celles-ci sont totalement erronées. Aussi, la juridiction d’appel doit se garder d’infirmer à la légère les circonstances matérielles de l’infraction telles que constatées par la juridiction de première instance dans la décision attaquée[4].

[17]           Il est de principe qu’en appel, la partie appelante est astreinte à indiquer dans son acte d’appel les références précises renvoyant aux pages pertinentes du compte rendu d’audience critiqué (procès-verbal d’audience) ou aux paragraphes contestés de la décision attaquée, afin de permettre à la juridiction d’apprécier valablement ses prétentions[5].

[18]           Relativement à l’effet dévolutif de l’appel, il est de règle bien établie que la juridiction d’appel ne statue que sur les faits déférés au premier juge et sur les demandes résolues par lui. De même, la juridiction d’appel ne statue que dans les limites fixées par l’acte d’appel (tantum devolutum, quantum appelatum)[6]. Il va s’en dire que la partie appelante qui dans son acte d’appel, a limité son recours à certains chefs de la décision entreprise, ne saurait par la suite l’étendre par voie de conclusions. En revanche, il serait fondé à en réduire la portée[7].

[19]           Au-delà de ce qui vient d’être souligné ci-haut, il est utile d’indiquer qu’au sens de l’article 18 de la loi nº 47/2013 du 16/6/2013 relative au renvoi des affaires à la République du Rwanda, la Cour d’Appel n’a pas principalement vocation, au degré d’appel, de juger à nouveau la cause dans son ensemble c’est-à-dire de conduire un procès de novo, ses attributions se limitant à corriger les erreurs sur un point de droit qui invalident la décision attaquée ou les erreurs de fait ayant entraîné un déni de justice[8]. Partant, on ne saurait autoriser un appelant qui s’est abstenu volontairement de présenter des arguments ou de soulever des objections utiles au premier degré, sur des questions entravant le bon déroulement du procès, de le faire pour la première fois au degré d’appel; cette attitude de sa part, en l’absence de toute circonstance particulière contraignante, devant être interprétée comme une renonciation à son droit de les postuler au degré d’appel[9].

[20]           Enfin, Il sied de noter que les principes directeurs de l’examen d’un appel ci-haut rappelés, spécialement celui imposant à la juridiction d’appel d’observer les limites de l’appel telles que fixées dans l’acte d’appel et celui de l’interdiction de conduire un procès de novo au degré d’appel, ressortent clairement des prévisions de l’article 18, alinéa 1, de la loi no 47/2013 du 16/6/2013 relative au renvoi des affaires à la République du Rwanda et de l’article 183 de la loi no 027/2019 du 9/9/2019 portant procédure pénale.

II.              APPEL DE BERNARD MUNYAGISHARI

[21]           Comme indiqué au paragraphe 10 du présent arrêt, par voie de conclusions, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI s’est désisté de ses moyens d’appel contenus dans son acte d’appel, à l’exception du premier moyen portant sur la question de sa nationalité. Dans ces mêmes conclusions, communes à l’organe National de poursuite judiciaire et confirmées en audience de la Cour, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI introduit un nouveau moyen d’appel tendant à l’aveu des faits mis à sa charge et sollicitant à cet effet le bénéfice de circonstances atténuantes aux fins d’obtenir la mitigation de la peine prononcée contre lui au premier degré.

[22]           Il en découle que comme soutenu par l’Organe Nationalité de Poursuite Judiciaire après rétractation en audience, la Cour d’Appel ne recevra pas en tant qu’accord de négociation de plaidoyer de culpabilité les conclusions conjointes des parties produites au dossier de la cause parce qu’aux sens des articles 26 et 27 de la loi nº 027/2019 du 19/9/2019 portant procédure pénale, cet accord doit nécessairement intervenir après interrogatoire de l’accusé par l’Organe National de Poursuite Judiciaire et avant la saisine de la juridiction de jugement au premier degré. Cet accord devant être présenté in limine litis en première instance, le législateur ne laisse pas place à pareille possibilité après le dessaisissement de la juridiction de premier degré et moins encore après qu’une décision de condamnation soit intervenue.

[23]           La Cour d’Appel va donc axer son examen sur les deux moyens proposés par l’appelant Bernard MUNYAGISHARI.

III.           EXAMEN DE L’APPEL

a. Du moyen pris du refus de statuer sur la question préjudicielle de la nationalité

a.1. Arguments de l’appelant

[24]           Comme il résulte de son mémoire d’appel, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI fait grief à la Haute Cour d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’elle a omis de statuer sur sa nationalité alors qu’il avait soulevé devant elle la question préjudicielle de nationalité.

[25]           Il soutient qu’en refusant d’y répondre, elle a délibérément violé les dispositions de l’article 29, alinéa 3 de la Loi Organique nº 30/2008 du 5/7/2008 portant code de la nationalité rwandaise qui prescrit que ‘’ Les exceptions de nationalité et de statut d’étranger sont d’ordre public. Elles doivent être examinées quand bien même elles ne seraient pas soulevées par les parties. Ces exceptions constituent devant toute juridiction, une question préjudicielle qui oblige le tribunal à surseoir à statuer’’. Il fait valoir qu’en omettant de statuer sur cette question, la Haute Cour est également en contravention de l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10/12/1948 qui dispose que ‘’ Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité’’.

[26]           Il indique en effet qu’aux paragraphes 12 et 13 de son arrêt avant dire-droit du 19/3/2014, au lieu de statuer sur la question de nationalité, la Haute Cour décide qu’elle a juridiction pour juger tant les nationaux que les étrangers, que par conséquent, importe peu sa nationalité, elle est compétente pour connaître des crimes retenus contre lui. Or, conteste-t-il, il n’a pas soulevé devant la Haute Cour l’exception d’incompétence.

[27]           Il explique qu’il a établi par des preuves suffisantes qu’il est un sujet congolais et non un citoyen rwandais mais que la Haute Cour n’y a pas eu égard. Il affirme que les documents administratifs attestant de sa citoyenneté rwandaise, mis en exergue par l’Organe National de Poursuite Judiciaire, lui ont été délivrés frauduleusement.

[28]           Contradictoirement aux arguments développés dans le mémoire d’appel, le Conseil de l’appelant Bernard MUNYAGISHIRA soutient en audience[10] que bien que face à une exception préjudicielle de nationalité à caractère d’ordre public, la Haute Cour aurait dû statuer sur celle-ci en apportant correction sur la nationalité de l’appelant et ce, sans devoir surseoir à statuer. Se contredisant, il conclut tantôt en sollicitant de la Cour d’Appel d’annuler l’arrêt attaqué rendu sur le fond et de renvoyer la cause devant la Haute Cour[11], tantôt en sollicitant de la Cour d’appel de pallier cette erreur[12].

a. 2. Arguments en réplique de l’Organe National de poursuite judiciaire

[29]           L’Organe National de Poursuite Judiciaire expose qu’il résulte du paragraphe 11 de l’arrêt rendu par la Haute Cour en date du 19/3/2014 que cette dernière a statué sur la question de l’identification de l’appelant en ce qu’elle a conclu que l’appelant a reconnu être le fils de NDINKABANDI et de NYIRAKIBIBI, marié à UWIMANIMPAYE Jacqueline (mariage célébré le 8/1/1983 à l’ancienne Commune de GITESI), père de 4 enfants, enregistré à la Caisse Sociale au nº 309227, avoir été transféré au Rwanda par le Tribunal Pénal International en date du 24/7/2013, avoir été définitivement condamné pour viol sur mineure en date du 19/8/1982 par la Cour d’Appel de RUHENGERI; que partant la Haute Cour n’a pas omis de statuer sur la question de nationalité de l’appelant.

[30]           Il indique que devant la Haute Cour, des éléments de preuve établissant la nationalité rwandaise de l’appelant ont été produits; certains ayant par ailleurs été reconnus par lui-même à l’audience du 26/2/2014. Il précise que les preuves produites à cet effet, toutes datant de la décennie 1980-1990, sont sa carte d’identité rwandaise (rwandais d’ethnie hutue), l’attestation d’identité complète lui délivrée en date du 10/5/1983, l’attestation de mariage lui délivrée par le service de l’état civil, l’attestation de bonne conduite et mœurs lui remis par le service de l’état, l’attestation de services rendus lui remis par le Secrétaire Général du MRND, son diplôme d’études secondaires, le curriculum vitae dressé et signé par lui et les décisions judiciaires le condamnant pour viol sur mineure et attestant de sa nationalité rwandaise.

[31]           Il fait particulièrement remarquer que lors de son procès ayant abouti à sa condamnation pour viol sur mineure, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI n’a jamais soulevé d’exception ni sur son identification en général, ni sur sa nationalité en particulier.

[32]           Quant aux preuves produites par l’appelant Bernard MUNYAGISHARI pour convaincre de sa nationalité congolaise, l’Organe National de Poursuite Judiciaire soutient qu’elles ont été émises à partir de l’année 2000. Il souligne par ailleurs que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI n’indique ni le moment, ni les modalités ou les procédures légales accomplies ayant conduit à sa perte de la nationalité rwandaise et à l’acquisition de la nationalité congolaise. Au final, il est d’avis que ce moyen de l’appelant est dilatoire.

[33]           A l’audience du 7/10/2020, confirmant ses écritures, l’Organe National de Poursuite Judiciaire rappelle que la Haute Cour a connu de la question de l’identification de l’appelant et non de sa nationalité. Il indique que relativement à sa nationalité, la Haute Cour a estimé qu’il importe peu de la déterminer pour autant que la personne déférée devant elle est bien celle contre qui les faits incriminés sont imputés. Il conclut en audience que si par impossible, la Haute Cour aurait commis une erreur, celle-ci ne saurait avoir pour conséquence l’invalidation de la décision sur le fond rendue contre l’appelant Bernard MUNYAGISHARI.

[34]                Comme relevé plus haut, contrairement à son précédent argumentaire et suivant en cela les termes de l’accord conclu avec l’appelant en date du 9/11/2020, l’Organe National de Poursuite Judiciaire requiert à l’audience du 4/3/2021 la modification de l’identification de l’appelant Bernard MUNYAGISHARI en lui reconnaissance la nationalité congolaise.

a.3. Position de la Cour sur le moyen allégué par l’appelant

[35]           Les conclusions du 14/1/2014 de l’appelant Bernard MUNYIGISHARI devant la Haute Cour indiquent que se fondant sur les dispositions de l’article 29 de la Loi Organique nº 30/2008 du 5/7/2008 portant code de la nationalité rwandaise, il fait valoir que les contestations sur la nationalité sont d’ordre public et constituent une question préjudicielle devant entraîner le sursis à statuer; que par ces motifs, il sollicite principalement qu’il soit considéré comme étant de nationalité congolaise et subsidiairement, il sollicite le sursis à statuer et la saisine du Président de la Cour Suprême aux fins de requérir une commission rogatoire auprès des autorités congolaises compétentes.

[36]           Il découle des paragraphes 2 et 6 de l’arrêt avant dire-droit du 19/3/2014 rendu par la Haute Cour que l’actuel appelant a notamment sollicité l’examen préalable de la question préjudicielle de la nationalité soumise à la Cour étant donné qu’il n’est pas de nationalité rwandaise comme le soutient l’accusation, mais qu’il détient plutôt la nationalité congolaise.

[37]           Il résulte du paragraphe 12 de l’arrêt avant dire-droit du 19/3/2014 que la Haute Cour estime que la contestation portant sur la nationalité de l’accusé, la date et le lieu de sa naissance ne constitue pas un élément substantiel de la procédure devant entraîner le sursis à statuer sur le fond, et lui imposant de statuer préalablement sur cette question. La Haute Cour est d’avis qu’il soit de nationalité rwandaise ou congolaise, il n’y a aucun obstacle à ce qu’elle le juge sur les crimes à caractère international à lui imputés dans la présente procédure.

[38]           L’article 29 de la Loi Organique nº 30/2008 du 5/7/2008 portant code de la nationalité rwandaise dispose que ‘’ Les contestations sur la nationalité, portant autant sur les demandes principales que sur les demandes incidentes dirigées contre les actes administratifs sont portées devant les juridictions compétentes. Les exceptions de nationalité et de statut d’étranger sont d’ordre public. Elles doivent être examinées quand bien même elles ne seraient pas soulevées par les parties. Ces exceptions constituent devant toute juridiction, une question préjudicielle qui oblige le tribunal à surseoir à statuer’’.

[39]           Comme cela ressort de l’article 29 précité, les contestations sur la nationalité élevées incidemment devant une juridiction de jugement autre que civile constituent des exceptions préjudicielles ou des questions préjudicielles d’ordre public soulevées par la défense, obligeant la juridiction saisie à surseoir à statuer et à renvoyer les parties devant la juridiction normalement compétente pour en connaître[13]. En l’espèce, la question de nationalité posée par Bernard MUNYAGISHARI devant la Haute Cour, Chambre détachée chargée de connaître au premier degré des crimes à caractère international et transnational, juridiction pénale, est une exception préjudicielle de nature civile devant préalablement être tranchée par la juridiction civile compétente, en l’occurrence le Tribunal de Grande Instance[14].

[40]           Toutefois, quand bien même les exceptions préjudicielles au jugement pénal constituent une dérogation à la règle ‘’ le juge de l’action est le juge de l’exception’’, rien n’interdit au juge pénal d’apprécier la pertinence de la question civile soulevée devant lui pour déterminer si elle est de nature à lui imposer le sursis à statuer et le renvoi des parties devant le juge civil compétent pour en connaître[15]. Aussi, le droit comparé enseigne que le sursis à statuer ne s’impose au juge pénal que si la question préjudicielle est invoquée par l’accusé avant toute défense au fond, si elle est de nature à retirer au fait déféré son caractère criminel et si elle est fondée sur des titres ou sur des faits de nature à faire disparaître l’infraction. C’est uniquement si ces conditions réunies sont satisfaites que la juridiction pénale fixera à l’accusé un délai pour saisir la juridiction pénale, à défaut, elle passera outre et rendra sa décision sans désemparer[16].

[41]           A la lumière de ce qui vient d’être explicité ci-haut, la Cour d’Appel retient que par la volonté du législateur telle qu’exprimée dans l’article 29 de la Loi Organique nº 30/2008 du 5/7/2008 portant code de la nationalité rwandaise, la nationalité est par nature une question préjudicielle d’ordre civil ; que soulevée devant une juridiction pénale, elle constitue une exception d’ordre public l’enjoignant à surseoir à statuer si manifestement, elle pourrait enlever aux faits reprochés à l’accusé leur caractère infractionnel ou pourrait, après examen, aboutir à l’acquittement de l’accusé. Il s’ensuit qu’il ne s’agit pas d’une simple question soumise à la juridiction pénale aux fins de solliciter la correction de l’identification contestée de l’accusé portant sur sa nationalité, la juridiction pénale étant dépourvue de toute compétence pour y procéder ou pour trancher cette contestation. La Cour d’Appel doit ainsi rejeter comme sans pertinence les arguments en réplique de l’Organe National de Poursuite Judiciaire tendant à soutenir que le point soumis à la Haute Cour portait sur la question de l’identification de l’accusé et non sur la question de sa nationalité, encore qu’au regard de ses conclusions du 14/1/2014 et de ses plaidoiries à l’audience du 26/2/2014 tel qu’il ressort des paragraphes 2 et 6 de l’arrêt avant dire-droit du 19/3/2014, il n’y a pas l’ombre d’un doute que l’accusé Bernard MUNYAGISHARI a bien soulevé une question ou une exception préjudicielle de nationalité.

[42]           Le sursis à statuer n’étant pas discuté, la Cour d’Appel relève que c’est à tort que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI fait grief à la Haute Cour de n’avoir pas eu égard à la question de nationalité, parce que comme constaté au paragraphe 36 de la présente décision, la Haute Cour y a répondu en énonçant que la contestation portant sur la nationalité de l’accusé, la date et le lieu de sa naissance ne constitue pas un élément substantiel de la procédure devant entraîner le sursis à statuer sur le fond, et lui imposant de statuer préalablement sur cette question. La Haute Cour expose qu’il soit de nationalité rwandaise ou congolaise, il n’y a aucun obstacle à ce qu’elle le juge sur les crimes à caractère international à lui imputés dans la présente procédure.

[43]           Il faut dès lors en déduire que la Haute Cour a estimé qu’il n’y avait pas lieu à suspension de la procédure au motif que le fait que l’accusé soit de nationalité rwandaise ou congolaise, ne constitue pas un obstacle à ce qu’il soit jugé sur les crimes à caractère international mis à sa charge, commis sur le territoire rwandais. Ce faisant, il convient d’admettre qu’implicitement, la Haute Cour n’a pas accueilli l’exception préjudicielle parce qu’en tout état de cause, elle n’était pas de nature à faire barrage à un jugement pénal sur le fond contre l’accusé ou de nature à retirer aux faits mis à sa charge leur caractère criminel.

[44]           La Cour d’Appel est d’avis que le reproche fait à la Haute Cour en tant qu’elle aurait omis de statuer sur la question de nationalité, ne résiste pas à la critique d’autant qu’elle n’a pas vocation, comme juridiction pénale, pour trancher les contestations relatives à la nationalité, domaine réservé à la juridiction civile déterminée par la loi. C’est dire qu’en l’espèce jugée, la Haute Cour, agissant comme juridiction pénale, n’avait aucun pouvoir pour examiner la pertinence des différents éléments de preuve produits par les parties au soutien de leurs arguments, pour au final décider de la nationalité de l’accusé. Comme dit plus haut, la Haute Cour avait pour unique devoir d’apprécier si les conditions étaient réunies pour admettre ou accueillir l’exception préjudicielle, auquel cas elle devait surseoir à statuer, à défaut il n’y avait pas lieu au sursis à statuer et elle devait rejeter l’exception préjudicielle.

[45]           Partant, la Cour d’Appel ne voit pas en quoi la Haute Cour aurait transgressé les dispositions de l’article 29 de la Loi Organique nº 30/2008 du 5/7/2008 portant code de la nationalité rwandaise.

[46]           Quant à la violation de l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10/12/1948[17], alléguée par l’appelant Bernard MUNYAGISHARI, la Cour d’Appel estime qu’on ne saurait y avoir égard d’autant que l’appelant ne dit pas en quoi cette disposition aurait été violée. De surcroît, la Haute Cour n’a pas pu contrevenir à cette disposition car elle tend à protéger toute personne contre toute déchéance de sa nationalité d’origine ou de sa nationalité acquise au mépris des motifs exigés par la loi pour ce faire, et à préserver son droit au changement à son gré de sa nationalité. Or, la Haute Cour n’a pas déchu l’appelant Bernard MUNYAGISHARI d’une quelconque nationalité.

[47]           Pour ces motifs, la Cour d’Appel conclut au rejet comme sans fondement de ce motif d’appel de Bernard MUNYAGISHARI parce qu’il ne fait pas la preuve de l’erreur de droit alléguée et ce, sans devoir répondre à ses arguments surabondants basés sur les éléments de preuve qu’il a produits.

b.  Sur l’aveu de l’appelant Bernard MUNYAGISHARI au degré d’appel

b. 1. Arguments de l’appelant

[48]           L’appelant Bernard MUNYAGISHARI explique qu’il postule ce moyen d’appel aux fins de reconnaître sa responsabilité pénale individuelle, de confesser et plaider coupable des faits lui imputés, de présenter son pardon et de solliciter le bénéfice d’une atténuation de la peine prononcée contre lui.

[49]           Il indique que se fondant sur les dispositions de l’article 18, alinéa 1, point 2, de la loi nº 47/2013 du 16/6/2013 relative au renvoi des affaires à la République du Rwanda, il fait grief à la Haute Cour d’avoir commis dans son arrêt sur le fond rendu en date du 20/4/2017 des erreurs de jugement fondées sur des faits inexacts mis à sa charge, ayant conduit à sa condamnation. Il explique que par ce moyen d’appel, il entend éclairer la Cour sur la véracité et l’exactitude des crimes commis par lui, étant donné qu’en première instance, il n’a pas eu l’opportunité de s’exprimer.

[50]           Il expose que les faits inexacts retenus contre lui portent sur les attaques perpétrées à Nyundo, à Saint Paul, à Saint Fidèle et à Rwandex. Il relève également que les faits inexacts retenus contre lui concernent l’homicide de l’Epouse de MAFENE, des nommés Chantal, Cécile, KANZAYIRE Solange, MUNYAMPETA Esron, Abbé NTAGARA, RWEMALIKA et KAGEMANA. Il indique enfin que les faits inexacts critiqués apparaissent aux paragraphes 84, 100, 110, 111, 112, 118, 146 et 147 de l’arrêt entrepris.

[51]           Il déclare être coupable de recrutement, de formation et de distribution des armes aux Interahamwe depuis 1992 dans la Préfecture de Gisenyi, d’avoir organisé les réunions ayant préparé et exécuté le génocide dans la Préfecture de Gisenyi, d’avoir placé et supervisé les barrières dans la ville de Gisenyi, les Tutsis furent identifiés et tués par les Interahamwe, d’avoir supervisé en sa qualité de Président des Interahamwe, les attaques perpétrées par les Interahamwe et d’avoir personnellement commis un meurtre sur la personne d’un jeune Tutsi non autrement identifié. Il déclare également assumer les meurtres commis par les Interahamwe sous sa responsabilité.

[52]           Quant à la recevabilité de ce moyen d’appel formulé au cours de l’instruction de l’affaire par la Cour d’appel, c’est-à-dire bien longtemps après le dépôt de son mémoire d’appel, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI soutient qu’eu égard aux règles prévues par le code de procédure pénale et aux nombreuses décisions rendues par les juridictions pénales internationales[18], son aveu doit être accueilli.

[53]           Il conclut en demandant à la Cour de prendre en considération ce qui est transcrit dans la conclusion conjointe, d’accueillir son aveu comme sincère, d’accepter son pardon et de lui accorder la réduction de la peine lui infligée.

 b.2.  Arguments en réplique de l’Organe National de Poursuite judiciaire

[54]           Soutenant en cela les prétentions de l’appelant Bernard MUNYAGISHARI, il indique que conformément aux dispositions de l’article 18 de la loi sur le transfert, la Haute Cour a effectivement commis une erreur de jugement parce qu’elle s’est fondé sur certains faits inexacts pour condamner l’accusé. Il explique que si l’accusé avait eu l’occasion de s’exprimer, la Haute Cour n’allait pas retenir les faits tels que lui soumis et confirmés par les témoins entendus en la cause.

[55]           Il soutient que l’erreur alléguée trouve son fondement dans les raisons qui ont conduit l’accusé à ne pas s’exprimer, que la Haute Cour n’est pas responsable des raisons qui l’ont empêché de s’exprimer.

[56]           Il fait valoir qu’en l’état de la pratique judiciaire, il n’est pas interdit à l’accusé de plaider coupable pour la première fois devant la juridiction d’appel ; que plusieurs décisions rendues par la Cour Suprême et la Cour d’Appel sont allées dans ce sens.

[57]           Il indique que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI reproche à la Haute Cour d’avoir mis à sa charge tous les faits de la prévention alors que certains d’entre eux n’ont pas été directement commis par lui ; qu’ils ont été commis par les miliciens Interahamwe qu’il dirigeait. Il expose que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI reconnaît être l’auteur du meurtre d’un jeune garÇon, d’avoir eu l’intention d’attenter à la vie de KALIMUNDA mais que s’étant rendu à son domicile muni d’un fusil, il n’a pas pu passer à l’acte parce qu’il venait d’être tué par des militaires, d’avoir manqué de secourir Solange, l’épouse de monsieur KAMANZI, qui venait d’être gravement blessée par les Interahamwe, et ce, jusqu’à ce que mort s’ensuive.

[58]           Il conclut en requérant de la Cour d’accueillir comme sincère l’aveu de l’appelant et quant à la détermination de la peine à appliquer contre l’appelant eu égard à son aveu, il laisse le soin à la Cour d’apprécier la peine appropriée.

b. 3. Position de la Cour sur le moyen postulé par l’appelant

[59]           En date du 10/11/2020, de concert avec l’appelant Bernard MUNYAGISHARI, l’Organe National de Poursuite Judiciaire fait parvenir à la Cour un document intitulé ’’Conclusion conjointe de Bernard MUNYAGISHARI et de l’Organe National de Poursuite Judiciaire dans l’affaire RPA/GEN 0004/2019/CA ’’, dans lequel il résulte notamment que l’appelant introduit un nouveau motif d’appel, se bornant à déclarer son aveu des faits lui imputés, à présenter son repentir et à solliciter la mansuétude de la Cour pour l’obtention d’une atténuation de la peine écopée au premier degré.

[60]           A l’audience du 24/2/2021, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI confirmera le motif d’appel et s’en expliquera.

[61]           L’arrêt visé dans le présent moyen fait état en son paragraphe 4 de ce que l’accusé Bernard MUNYAGISHARI a choisi de ne pas comparaître aux audiences de la Cour et de ne déposer aucune conclusion en défense.

[62]           Néanmoins, le paragraphe 5 de l’arrêt critiqué renseigne que ses conseils entendus par la Cour tout au long du procès ont plaidé et conclu à l’irrecevabilité des chefs d’accusation portant sur la conspiration et la complicité de génocide, ainsi qu’au rejet comme non établis des autres chefs d’accusation.

[63]           Au vu des constatations ci-haut relevées et des arguments des parties, La Cour d’Appel estime que l’examen de ce moyen d’appel doit s’effectuer en deux branches.

 b.3.1. Du sort du moyen d’appel produit ultérieurement à l’acte d’appel

[64]           L’une des règles sous-tendant la dévolution de l’appel pose le principe que l’appel ne saisit la juridiction d’appel que dans les limites fixées par l’acte d’appel[19]. Ce principe de droit bien établi et portant une règle d’ordre public[20], traduit l’idée que seul l’acte d’appel détermine l’étendue de celui-ci et en fixe les limites. Il s’ensuit que la juridiction d’appel ne doit statuer que sur les dispositions du jugement attaqué dont elle est saisie par l’acte d’appel.

[65]           Comme signalé supra, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI a introduit ce moyen ou motif d’appel en date 10/11/2020 après que l’instruction de la cause ait été entamée devant la Cour d’Appel et après avoir renoncé à 7 motifs d’appel contenus dans ses conclusions primitives faisant office d’acte d’appel.

[66]           Sur la base du principe guidant la dévolution de l’appel défini ci-haut, ce moyen articulé postérieurement à l’acte d’appel, ne saurait être accueilli d’autant qu’il étend le champ de l’appel à un point non soulevé dans son mémoire d’appel. Certes, s’il est permis à l’appelant par des conclusions postérieures à l’acte d’appel de restreindre son appel à certains chefs décrits dans son acte d’appel, et ainsi en réduire l’effet dévolutif[21], il ne lui est pas laissé la latitude d’accroître la portée de son appel, par des conclusions ultérieures, à des chefs non critiqués dans l’acte d’appel. C’est dire que l’appelant ne pourrait, par des conclusions ultérieures, sortir des limites qu’il a lui-même assignées à son appel[22]. Il va s’en dire que par des conclusions ultérieures, il ne peut que, sans plus, développer les moyens d’appel contenus dans l’acte d’appel ou soumettre plus amples explications de ceux-ci à la juridiction d’appel.

b.3.2. De l’aveu présenté pour la première fois au degré d’appel

[67]           Comme indiqué plus haut, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI a choisi devant la Haute Cour de ne ni comparaître aux audiences, ni déposer des conclusions à l’appui de sa défense. De même, ses conseils ont plaidé et conclu à l’irrecevabilité des chefs d’accusation portant sur la conspiration et la complicité de génocide, ainsi qu’au rejet comme non établis des autres chefs d’accusation.

[68]           Alors que cela ne ressortait pas des conclusions conjointes, l’appelant Bernard MUNYAGISHARI a soutenu en audience que ce moyen portant sur son aveu au degré d’appel tend à démontrer que la Haute Cour a commis une erreur de jugement portant sur des faits inexacts en ce que s’il avait pu s’exprimer devant elle, celle-ci n’aurait pas pu raisonnablement retenir les faits incriminés tels qu’exposés dans l’arrêt attaqué; que la Haute Cour s’est fondée uniquement sur les déclarations de témoins. Cette position est également soutenue par l’Organe National de Poursuite Judiciaire.

[69]           Comme précédemment rappelé, l’article 18, alinéa 1, point 2, de la loi nº 47/2013 du 16/6/2013 relative au renvoi des affaires à la République du Rwanda prévoit que la juridiction d’appel n’a compétence que pour connaître d’une erreur de fait qui a entraîné une erreur judiciaire ou un déni de justice.

[70]           D’emblée, la Cour d’Appel est d’avis que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI ne saurait être autorisé à présenter ses aveux pour la première fois en appel parce que cela conduirait manifestement à l’organisation d’un nouveau procès au degré d’appel, et ce avec toutes ses implications. Or, la Cour d’Appel n’a pas, dans ses attributions, la faculté de juger à nouveau l’ensemble de l’affaire comme au premier degré, son pouvoir se limitant uniquement à l’examen des critiques articulées par l’appelant portant sur une erreur de droit invalidant la décision attaquée ou portant sur une erreur de fait ayant entraîné une erreur judiciaire ou un déni de justice[23]. En plus, on ne peut passer outre le fait que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI avait l’opportunité d’avouer les faits mis à sa charge depuis la phase préliminaire et devant la Haute Cour. N’ayant pas saisi cette opportunité et ayant librement choisi de ne pas comparaître aux audiences de la Haute Cour et de plaider, par le biais de ses conseils, son innocence sur certaines charges et l’irrecevabilité d’autres chefs d’accusation, il faut en déduire qu’il a légitimement et définitivement renoncé à plaider coupable en la présente procédure[24].

[71]           Au demeurant, la Cour d’Appel estime que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI et l’Organe National de Poursuite Judiciaire ne peuvent invoquer l’erreur de fait que si l’inexactitude des faits retenus par Haute Cour a entraîné une erreur judiciaire[25]. Or, s’il aurait fallu autoriser l’appelant Bernard MUNYAGISHARI à plaider coupable au degré d’appel et ainsi à présenter ses aveux, la décision de la Cour d’Appel aurait raisonnablement abouti à sa condamnation. Il n’y aurait donc pas eu lieu à constater une erreur judiciaire.

[72]           Par conséquent, au regard des dispositions de l’article 18 précité, l’invocation d’une erreur de fait ne saurait être l’occasion, pour l’accusé qui a choisi de plaider non coupable des faits mis à sa charge au premier degré, de présenter son aveu en appel, après avoir été condamné par la juridiction de première instance.

[73]           Sans préjudice de ce qui est exposé aux paragraphes précédents et bien que surabondant, la Cour d’Appel estime que l’appelant Bernard MUNYAGISHARI et l’Organe National de Poursuite Judiciaire ne sauraient critiquer les conclusions factuelles de la Haute Cour d’autant que les faits examinés et retenus par celle-ci ont été présentés par l’accusation et confirmés par les témoins entendus; l’actuel appelant ayant usé de son libre arbitre de ne pas les contredire.

[74]           Bien qu’également superfétatoire au regard des motifs développés ci-haut, la Cour d’Appel ne saurait suivre l’Organe National de Poursuite Judiciaire dans son argumentaire suivant lequel il est de jurisprudence abondante de la Cour Suprême et de la Cour d’Appel que les aveux des accusés sont accueillis au degré d’appel. En effet, sans contester cet état de fait, la Cour d’Appel reste d’avis que cette jurisprudence ne pourrait recevoir application en l’espèce parce que l’interprétation de l’article 18 de la loi précitée est sans équivoque[26], l’appel ne peut être postulé que pour alléguer une erreur de droit qui invalide la décision rendue au premier degré ou une erreur de fait qui a entraîné une injustice (déni de justice ou erreur judiciaire). A ce sujet, la Cour Suprême rappelle à bon droit que la juridiction d’appel a pour mission de vérifier si la décision attaquée a été rendue dans le respect de la loi, en se fondant sur les arguments de fait et les preuves produites par les parties, à défaut y apporter les corrections nécessaires[27].

[75]           La Cour d’Appel doit également rejeter l’argument de l’appelant tendant à solliciter que son aveu soit accueilli au motif qu’à la lumière des décisions rendues par les juridictions pénales internationales, déposées au dossier, il est de règle de recevoir les aveux des accusés et même d’atténuer la peine encourue s’il y a lieu. En effet, la Cour d’Appel constate que les décisions produites par l’appelant au soutien de son affirmation ont été rendues par les Chambres de première instance de ces juridictions internationales[28], à telle enseigne qu’elles ne sauraient être suivies en l’espèce pour les motifs précédemment développés.

[76]           Par tous ces motifs, la Cour d’Appel ne peut recevoir le moyen de l’appelant relatif à son aveu.

IV.            DISPOSITIF DE L’ARRÊT

Statuant contradictoirement,

[77]           Rejette comme non fondé le moyen d’appel de Bernard MUNYAGISHARI pris du refus par la Haute Cour de statuer sur la question préjudicielle de la nationalité,

[78]           Déclare irrecevable le moyen d’appel de Bernard MUNYAGISHARI portant sur son aveu au degré d’appel,

[79]           Confirme en toutes ses dispositions l’arrêt nº RP/GEN 0012/13/HCCI rendu en date du 20/4/2017 par la Chambre détachée de la Haute Cour chargée de connaître au premier degré des crimes à caractère international et transnational,

[80]           Met les frais de la présente procédure à charge du Trésor Public.

 



[1] Pendant de l’article 18 ci-haut cité, l’article 24 du Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda dispose que ‘’ La Chambre d’appel connaît des recours introduits soit par les personnes condamnées par les Chambres de première instance, soit par le procureur, pour les motifs suivants : a) Erreur sur un point de droit qui invalide la décision, ou b) erreur de fait qui a entraîné un déni de justice. La chambre d’appel peut confirmer, annuler ou réviser les décisions des Chambres de première instance’’.

[2] La Chambre d’appel du Tribunal Pénal International pour le Rwanda indique que ‘’Toutefois, même si les arguments de l’appelant ne confirment pas le bien-fondé de sa thèse, la Chambre d’appel peut prendre l’initiative de retenir l’allégation d’erreur de droit pour des raisons différentes’’, arrêt ICTR-01-76-A du 27/11/2007, Aloys SIMBA contre le Procureur, Par. 8. ‘’ Cependant, même si ses arguments se révèlent insuffisants, son recours n’est pas automatiquement rejeté car la Chambre d’appel peut intervenir et juger, pour d’autres raisons, qu’il y a erreur de droit, in arrêt NTAKIRUTIMANA, cité par l’arrêt ICTR-01-64-A du 7/7/2006, Sylvestre GACUMBITSI contre le Procureur, Par. 7

[3] ‘’ Une partie ne saurait se contenter de répéter en appel les arguments qui ont échoué en première instance, à moins de démontrer que leur rejet a entraîné une erreur telle qu’elle justifie l’intervention de la Chambre d’Appel’’, arrêt ICTR-01-64-A du 7/7/2006, Sylvestre GACUMBITSI contre le Procureur, Par. 9.

[4] Arrêt ICTR-01-64-A du 7/7/2006, Sylvestre GACUMBITSI contre le Procureur, Par. 8. ‘’ La Chambre d’appel n’intervient dans de tels cas que si aucun juge des faits raisonnable n’aurait pu arriver à la même conclusion ou si celle-ci est totalement erronée. Au demeurant, une conclusion factuelle erronée ne peut être infirmée ou réformée que si l’erreur a entraîné un déni de justice’’, arrêt ICTR-01-76-A du 27/11/2007, Aloys SIMBA contre le Procureur, Par. 9. Voir également arrêt KRSTIC, par.40, arrêt KAMUHANDA, par. 7, arrêt NTAGERURA, par. 12, arrêt SEMANZA, par. 8.

[5] La chambre d’appel du Tribunal Pénal International pour le Rwanda décide que ‘’En outre, on ne saurait s’attendre à ce que la chambre d’appel examine en détail les conclusions des parties si elles sont obscures, contradictoires ou vague, ou si elles sont entachées d’autres vices de forme flagrants’’, arrêt ICTR-01-64-A du 7/7/2006, Sylvestre GACUMBITSI contre le Procureur, Par. 10, qui cite aussi les arrêts VASILJEVIC, KAMUHANDA, KAJELIJELI et NIYITEGEKA.

[6] Les pouvoirs du juge d’appel dépendent en effet de l’objet de l’appel, tel qu’il résulte de l’acte d’appel’’, Crim., 26 mars 1974, Bull. nº 128, in Gaston Stefani, Georges Levasseur et Bernard Bouloc, Procédure pénale, 16e édition, Dalloz, Paris, 1996, P. 769, Par. 760. ‘’ Les limitations et restrictions à la portée de l’appel doivent résulter des termes mêmes de l’acte d’appel’’, Crim. 18 mars 1980, Bull., crim., nº 93, in Gaston Stefani, Georges Levasseur et Bernard Bouloc, idem.

[7] ’ Il n’est pas sans intérêt de préciser que seul l’acte d’appel opère dévolution, de sorte qu’un appel limité à certains chefs ne peut ensuite être étendu par voie de conclusions. En revanche, un appel général dans sa déclaration peut ensuite être limité par les conclusions ultérieures de l’appelant’’, Loïc cadiet et Emmanuel Jeuland, Droit judiciaire privé, 5e édition, Litec, Paris, PP. 521-522, nº 832.

[8] Voir arrêt AKAYEZU nº ICTR-96-4-A, Par. 177, citant en cela sous note infra-paginale nº 318 les déclarations de la Chambre d’appel du TPIY dans l’affaire FURUND’IJA, en son paragraphe 40 : ‘’ La Chambre d’appel estime non fondé l’argument de l’Appelant selon lequel le champ de l’examen en appel devrait être élargi de manière à permettre un examen de novo. La présente chambre ne fonctionne pas comme une seconde Chambre de première instance.

………….., le rôle de la Chambre d’appel se limite à corriger les erreurs sur des points de droit qui invalident la décision ou les erreurs de fait ayant entraîné un déni de justice’’.

[9] 10 ‘’ La Chambre pose en principe qu’une partie qui s’est abstenue de soulever un problème qui était manifesté durant le procès en première instance, ne devrait pas pouvoir s’en réserver la possibilité lorsqu’une conclusion lui est défavorable. Ce principe, établi dans plusieurs systèmes internes, a été dans des décisions antérieures de la Chambre d’appel’’, arrêt nº IT-96-21-A du 20/2/2001, affaire CELEBICI, Par. 640.   

 ‘’ L’appelant fait valoir que son droit d’être entendu avant la modification de l’acte d’accusation initial a été violé du fait que le délai dont il a pu disposer était insuffisant. La chambre d’appel considère qu’elle ne doit pas examiner plus avant cet argument. Elle observe que l’accusé a plaidé non coupable des nouveaux chefs d’accusation et a effectivement plaidé sa cause à leur égard sans soulever aucune autre objection. A la lumière de ce qui précède, même si les droits de l’accusé avaient été violés, il y a lieu de considérer que la Défense a renoncé à tout de s’en prévaloir devant la Chambre d’appel’’, arrêt nº ICTR-96-4-A du 1/6/2001 en cause le Procureur contre Jean-Paul AKAYEZU, Par. 113. 

 

‘’ Le fait que l’appelant n’a pas formulé d’objection devant la Chambre de première instance signifie, en l’absence de circonstances particulières, qu’il a renoncé à son droit d’invoquer la question comme motif d’appel valable. Au vu de ce qui précède et en l’absence de circonstances particulières justifiant un examen du motif d’appel, la Chambre d’appel rejette le moyen’’., arrêt nº ICTR-96-13-A du 16/11/2001 en cause Alfred MUSEMA contre le Procureur, Par. 341.  

[10] Voir pages 7 et 8 du procès-verbal d’audience du 7/10/2020

[11] Voir page 5 du procès-verbal d’audience du 7/10/2020.

[12] Voir page 8 du procès-verbal d’audience du 7/10/2020.

[13] ‘’ La question préjudicielle est une question d’ordre civil, commercial, administratif ou même pénal, de la solution de laquelle dépend l’existence d’une infraction et qui, au lieu d’être laissée à l’appréciation de la juridiction compétente pour connaître de l’infraction, doit être tranchée par une autre juridiction, seule qualifiée pour la résoudre avant que l’infraction soit l’objet d’un jugement’’, Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, sous la direction de Gérard Cornu, 6e édition, Presses universitaires de France, Paris, 1996, P.675.

 

De manière générale, elle est définie comme ‘’ celle qui oblige le tribunal à surseoir à statuer jusqu’à ce qu’elle ait

é𝑡é soumise à la juridiction compétente qui rendra à son sujet un acte de juridiction’’. 

[14] L’article 78 de la Loi Organique nº 51/2008 du 9/9/2008 portant code d’organisation, fonctionnement et compétence, en vigueur au moment où la Haute Cour connaissait de la cause, dispose que ‘’ En matière civile, les Tribunaux de Grande Instance connaissent en premier ressort de toutes les actions qui ne sont pas de la compétence d’autres juridictions ’’. Les actions relatives à la nationalité n’ayant pas été attribuées à une autre juridiction, sont naturellement de la compétence des Tribunaux de Grande Instance. Actuellement, l’article 31, alinéa premier, de la loi nº 30/2018 du 2/6/2018 déterminant la compétence des juridictions dispose que ‘’ Les Tribunaux de Grande Instance connaissent au premier degré de toutes les affaires ne relevant de la compétence d’autres juridictions’’.

[15] A ce sujet, en ce qui concerne la question préjudicielle sur l’inconstitutionnalité, l’article 74, alinéa 4, de la loi nº 30/2018 du 2/6/2018 déterminant la compétence des juridictions dispose que ‘’Toutefois, la juridiction inférieure saisie de la demande principale n’est pas tenue de surseoir aux procédures pour attendre l’arrêt de la Cour Suprême lorsque la demande principale est déclarée irrecevable pour des motifs autres que la question préjudicielle posée ou lorsque le juge inférieur estime que la réponse à la question préjudicielle n’aura aucun effet sur sa décision. Cette décision de refus de surseoir à l’examen n’est appelable qu’avec toute l’affaire jugée au fond’’.

‘’ Mais, lorsque l’exception soulevée est importante ou délicate à résoudre, le législateur et la jurisprudence dérogent à la règle ‘’ le juge de l’action est le juge de l’exception’’, Gaston Stefani, Georges Levasseur et Bernard Bouloc, Procédure pénale, 16e édition, Dalloz, Paris, 1996, P. 435, nº 436.

[16] 17 Lire à cet effet l’article 386 du code de procédure pénale FranÇais. Lire également Gaston Stefani, Georges Levasseur et Bernard Bouloc, op.cit., P. 443, nº 443. Lire aussi Jean Pradel, Procédure pénale, 10e édition, Cujas, Paris, 2000, PP. 99-103. ‘’ Pour obliger le tribunal à surseoir à statuer, il faut, d’une part, que l’exception préjudicielle soit fondée sur un titre apparent ou sur des faits de possession précis et, d’autre part, que les titres produits ou les faits articulés semble devoir ôter au fait qui sert de base aux poursuites tout caractère d’infraction. Lorsque ces conditions sont invoquées par le prévenu, le juge de répression saisi de cette exception préjudicielle doit soit rejeter l’exception si les conditions ne lui paraissent pas réunies, soit admettre l’exception et renvoyer les parties devant la juridiction civile ; il ne peut pas trancher lui-même la contestation. Certains auteurs admettent toutefois qu’il n’y a pas lieu à suspension de l’action publique par le renvoi au juge civil lorsque le juge répressif estime l’exception fondée et justifiant l’acquittement’’, Michel Franchimont, Ann Jacobs et Adrien Masset, Manuel de procédure pénale, 2e édition, Larcier, Bruxelles, PP. 78-79.

[17] 18 L’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10/12/1948 dispose que ‘’ Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité’’.

[18] Affaire nº ICTR-98-39-S en cause Le Procureur contre Omar SERUSHAGO, Jugement sur la sentence du 5/2/1999. Affaire nº IT-02-65/1-S en cause Le Procureur contre Predrag BANOVIC, jugement portant condamnation du 28/10/2003.

[19] L’article 188, alinéa 1, de la loi nº 027/2019 du 19/09/2019 portant procédure pénale dispose que ‘’ L’accusé peut interjeter appel contre tout le jugement ou certains points du jugement dont il n’est pas satisfait. La juridiction saisie en appel juge seulement dans les limites du point en appel’’. Les points 5, 6 et 7 de l’article 183 de la même loi dispose à juste titre que les conclusions introductives d’instance en appel doivent indiquer les griefs faits au jugement attaqué, les arguments au soutien de ces griefs (motivation) et s’il y a lieu, une argumentation sur les demandes additionnelles.

[20] ‘’ Par l’effet dévolutif de l’appel, le juge se trouve saisi, dans les limites de l’appel principal ou incident, c’est-à-dire dans le respect de l’effet relatif, de l’ensemble du litige avec toutes les questions de fait ou de droit qu’il comporte

………….. Cette règle est d’ordre public’’, Hakim Boularbah, Olivier Caprasse, Georges De Leval, Frédéric Georges, Pierre Moreau, Dominique Mougenot, Jacques Van Compernolle et Jean-FranÇois Van Drooghenbroeck, Droit judiciaire, Manuel de procédure civile, Tome 2, Larcier, 2015, P. 804, nº 8.46. Il a été jugé que ‘’ Si le juge d’appel excède les limites de sa saisine, il méconnaît le principe général du droit dit du principe dispositif’’, Cass., 28 octobre 2011, R.G., nº F.11.0004.F, in Hakim Boularbah et consorts, idem.

[21] ’ Il convient d’ailleurs de rappeler qu’un appelant peut, par conclusions postérieures à l’acte d’appel, limiter son appel à certains chefs et réduire ainsi l’effet dévolutif’’, Droit et pratique de la procédure civile, sous la direction de Serge Guinchard, Dalloz, Paris, 1999, P. 1179, nº 5978.

[22] Ainsi, l’appelant principal ne peut-il plus sortir des limites qu’il a assignées à son appel’’, Droit et pratique de la

procédure civile, sous la direction de Serge Guinchard, Dalloz, Paris, 1999, P. 1179, nº 5977.

[23] La Chambre d’appel du Tribunal Pénal International pour le Rwanda rappelle sa jurisprudence abondante selon laquelle ‘’ S’agissant d’une erreur de fait, l’appelant doit rapporter la preuve que, premièrement, la Chambre de première instance a effectivement commis une telle erreur et deuxièmement, que ladite erreur a entraîné un déni de justice. Il est constant que la procédure d’appel ne saurait être l’occasion d’un procès de novo’’., affaire ICTR- 96-13-A en cause Alfred MUSEMA contre le Procureur, par. 125.

 

‘’ Comme l’affirme la Chambre d’appel du TPIY, un appel ne saurait constituer, dans l’optique du Statut, un procès de novo              Les critères appliqués par la Chambre d’appel afin d’évaluer tant les erreurs de fait que les erreurs

sur un point de droit sont établis par une jurisprudence constante de la Chambre d’appel du TPIY      En ce qui

concerne les erreurs de fait, la Chambre d’appel confirme que le critère appliqué est celui du caractère raisonnable ou non de la conclusion contestée, étant entendu que la Chambre d’appel ne peut annuler une décision de la Chambre de première instance pour n’importe quelle erreur de fait : celle –ci doit avoir entraîné un déni de justice (miscarriage of justice). Il revient donc à l’appelant d’établir qu’une erreur a été commise par la Chambre et que cette erreur a entraîné un déni de justice ’’ , affaire nº ICTR-96-4-A en cause Jean AKAYEZU contre le Procureur, Par. 177 et 178.

 

‘’ La Chambre d’appel du TPIY rappelle qu’elle ne fonctionne pas comme une seconde chambre de première instance, son rôle se limitant à corriger les erreurs sur des points de droit qui invalident une décision ou sur les erreurs de fait ayant entraîné un déni de justice’’, affaire FURUND’IJA, Par. 40.

 

[24] ‘’ Ainsi une partie ne peut-elle invoquer en appel, un moyen auquel elle a expressément renoncé en première instance’’, Droit et pratique de la procédure civile, sous la direction de Serge Guinchard, op.cit., P. 1173, nº 5970.

[25] ’ Au demeurant, une conclusion factuelle erronée ne peut être infirmée ou réformée que si l’erreur a entraîné un déni de justice’’, arrêt ICTR-01-76-A du 27/11/2007, Aloys SIMBA contre le Procureur, Par. 9. Voir également arrêt KRSTIC, par.40, arrêt KAMUHANDA, par. 7, arrêt NTAGERURA, par. 12, arrêt SEMANZA, par. 8.

[26] D’ailleurs, une interprétation correcte de l’article 183 de la loi nº 027/2019 du 11/9/2019 portant procédure pénale doit conduire à admettre qu’un aveu ne peut être présenté pour la première fois au premier degré parce que prescrit cette disposition, l’acte d’appel ou les conclusions introductives d’instance d’appel doivent notamment indiquer les erreurs contenues dans la décision attaquée ayant fait grief à l’appelant ainsi que les solutions proposées pour la correction de ces erreurs. Or, l’aveu en appel d’un accusé condamné au premier degré ne vient pas critiquer une erreur judiciaire commise par le premier juge, au contraire il ne vient qu’établir la justesse de la condamnation prononcée contre l’accusé appelant. Décider autrement, c’est retirer à l’appel toute son essence.

 

[27] Arrêt nº RS/INJUST/RCOM 00003/20202/SC rendu en date du 27/11/2020, en cause SANLAM Assurances Générales Plc contre University of Rwanda, voir par. 23.

[28] Affaire nº ICTR-98-39-S en cause Le Procureur contre Omar SERUSHAGO, Jugement sur la sentence du 5/2/1999. Affaire nº IT-02-65/1-S en cause Le Procureur contre Predrag BANOVIC, jugement portant condamnation du 28/10/2003.

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