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Abstract: Requête pour arrêt des procédures (articles 11(b) et 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés)

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R. c. Latour, 2013 CSTNO 95
Date: 2013 12 12
Dossier: S 1 CR 2012 000063

COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

ENTRE:

SA MAJESTÉ LA REINE


- et -


HUGUES LATOUR



	

Requête pour arrêt des procédures (articles 11(b) et 24(1) de la Charte canadienne        des droits et libertés).

Requête entendue à Yellowknife, TN-O le 6 août 2013.
Décision rendue oralement le 9 août 2013.
Motifs de décision déposés le 12 décembre, 2013.



MOTIFS DE DÉCISION DE
L’HONORABLE JUGE L.A. CHARBONNEAU


Me Marc Lecorre:	 Procureur de la Couronne

Me Serge Petitpas: Procureur de Hugues Latour


R. c. Latour, 2013 CSTNO 95	
	Date: 2013 12 12
Dossier: S 1 CR 2012 000063

COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

ENTRE:

SA MAJESTÉ LA REINE


- et -


HUGUES LATOUR


	MOTIFS DE DÉCISION

[1]	Le 12 août 2013 devait débuter le procès de Hugues Latour, concernant des accusations portées contre lui en octobre 2011.  Avant le début du procès, il a déposé une requête demandant un arrêt des procédures, alléguant une violation de son droit de subir son procès dans un délai raisonnable.
[2]	Cette requête, entendue par le tribunal le 6 août 2013, a été rejetée le 9 août 2013.  Les parties ont été avisées que des motifs écrits suivraient.

[3]	Il n'a pas été possible de sélectionner un jury complet le 12 août 2013 et un avortement de procès a été déclaré. Quelques semaines plus tard la Couronne a ordonné un arrêt des procédures.  L'issue de la requête qu'avait présentée Mr. Latour est donc maintenant sans conséquence pour lui.  Cependant, au-delà des faits de l'espèce, elle a soulevé des questions qui sont d'intérêt général  pour l'administration de la justice dans les Territoires du Nord-Ouest.  Par conséquent, j'estime toujours nécessaire d'exposer les motifs pour lesquels je l'ai rejetée.
B) 	LES FAITS
1. 	Remarques préliminaires
[4]	À l'appui de sa requête, Mr. Latour a déposé les transcriptions de toutes les comparutions qui ont eu lieu en Cour Territoriale des Territoires du Nord-Ouest (la Cour Territoriale) dans ce dossier.
[5]	À la lecture de ces transcriptions, l'historique des procédures peut sembler un peu compliqué puisque Mr. Latour, au moment où les accusations dans le présent dossier ont été portées, faisait face à des chefs d'accusations dans plusieurs affaires distinctes, la plupart n'ayant aucun lien les unes avec les autres.  Mais en réalité, les autres dossiers n'ont pas eu de réelle incidence sur les délais dans le dossier en l'espèce.
[6]	Outre les transcriptions, Mr. Latour  déposé, à l'appui de sa requête, un affidavit qui relate les diverses étapes procédurales qui ont eu lieu à partir du moment où les accusations ont été portées.   Cet affidavit fait état de l'impact que les procédures ont eu sur lui et le préjudice qu’elles lui ont causé.   La Couronne ne l'a pas contre-interrogé sur cet affidavit.
[7]	L'affidavit inclut comme pièces des copies de documents qui font partie du dossier du tribunal.  Dans mon examen de la requête, j'ai aussi tenu compte de d'autres documents qui font partie du dossier du tribunal, et qui fournissent de l’information contextuelle supplémentaire.  J'ai également tenu compte de certains faits dont j'estime pouvoir prendre connaissance d'office, concernant le fonctionnement des tribunaux dans les Territoires du Nord-Ouest.
[8]	La Couronne n'a pas présenté de preuve lors de l'audition de cette requête.  C'est en grande partie compréhensible, puisque les transcriptions et plusieurs des documents parlent d'eux-mêmes.  Par contre, à certains égards, il aurait été utile pour le tribunal d'avoir  de l'information supplémentaire concernant certains aspects du dossier, notamment concernant les disponibilités de la Couronne au moment de fixer la date du procès.  Je reviendrai sur cette question plus loin dans ces motifs.
2. 	L'historique des procédures
[9]	Les évènements qui ont mené aux accusations portées contre Mr. Latour remontent au mois de septembre 2011.  Une dénonciation a été assermentée le 11 octobre 2011.  Mr. Latour a comparu pour la première fois devant un juge de paix le lendemain.  Suite à cette première comparution, il y en a eu plusieurs autres en Cour Territoriale, soit le 14 octobre 2011, le 20 octobre 2011, le 6 décembre 2011, le 13 décembre 2011, le 25 janvier 2012, le 31 janvier 2012, le 14 février 2012, le 13 mars 2012, le 20 mars 2012, le 27 mars 2012, et du 9 au 11 mai 2012.
[10]	Il n'est pas nécessaire de passer en revue les détails de chacune de ces comparutions, mais il y a lieu de souligner certains faits.  La Couronne a remplacé la dénonciation assermentée le 11 octobre 2011 par une dénonciation substituée le 31 janvier 2012.  Elle a exercé son choix de procéder par voie de mise en accusation le 13 mars 2012.  Mr. Latour a exercé son option d'avoir son procès devant juge et jury le 20 mars 2012. Le 27 mars 2012, l'enquête préliminaire a été fixée à procéder au mois de mai.
[11]	Le 11 mai 2012, à la conclusion de l'enquête préliminaire, Mr. Latour a été renvoyé à procès.  Conformément à la pratique habituelle de la Cour, le Greffe du tribunal a fait parvenir aux parties une lettre, datée du 13 juin 2012, leur demandant, entre autres choses, de communiquer avec le tribunal pour fixer une date pour la conférence préparatoire.  La lettre invite également les parties à faire part de leurs représentations concernant la date de procès:
            	(...)
Further, the Court requests that counsel jointly prepare a pre-trial conference report (pursuant to Rule 80) in Form 6 (attached) to be presented to the trial judge.  In this regard you are requested to contact Maryse Good or Erin O'Rourke in the Judge's Chambers at 873-7105 or 873-7253 within 30 days of the date of this letter to schedule a pre-trial conference with one of the judges.
Also, in order that the Court might schedule a trial date, the Court requests your  cooperation by providing to the Court, within 30 days of the date of this letter, any submissions you have as to the trial date.
	(...)
Affidavit de Hugues Latour, Pièce "C"
[12]	Une conférence préparatoire a eu lieu le 21 août 2012.  Diverses questions y ont été discutées.  L'avocat de Mr. Latour a indiqué qu'il comptait présenter une requête pour exclusion de certains éléments de preuve en vertu des articles 8 et 24(2) de la Charte.  Il a été convenu que cette requête procéderait les 11 et 12 décembre 2012.
[13]	L’avocat de Mr. Latour a également dit, lors de cette conférence préparatoire, que dépendamment de la date à laquelle le procès serait fixé, il était possible qu’il présente une requête pour arrêt des procédures fondée sur le Paragraphe 11(b) de la Charte.   Memorandum suivant une conférence préparatoire (21 août 2012)

[14]	Au moment de cette première conférence préparatoire, l’avocat de Mr. Latour avait déjà fait parvenir au Greffe ses disponibilités jusqu’en avril 2013.  La Couronne n’avait pas encore fait part de ses disponibilités.  Le tribunal a demandé aux parties de faire parvenir leurs disponibilités jusqu’à la fin août 2013 et ce, le plus tôt possible, afin qu’une date de procès puisse être fixée.
[15]	L’avocat de Mr. Latour a fait parvenir l’information supplémentaire concernant ses disponibilités le 22 août.  La Couronne a envoyé les siennes au Greffe le 4 septembre.  L’avocat de Mr. Latour a ensuite envoyé, le 6 septembre, une autre mise à jour concernant ses disponibilités.
[16]	À la lumière de cette correspondance, la première période où la Couronne et la Défense étaient toutes deux disponibles pour le procès était du 10 au 28 juin 2013.  Malheureusement, le tribunal ne pouvait procéder ces semaines-là.  La prochaine date de disponibilité commune aux deux parties était au mois d’août.  Un rôle a été émis le 17 septembre 2012 fixant le procès au 12 août 2013.
[17]	La requête en exclusion de preuve a procédé comme prévu le 11 décembre 2012.  La décision concernant cette requête a été rendue le 8 mars 2013.  R. c. Latour, 2013 CSTN-O 15.
[18]	Une seconde conférence préparatoire a eu lieu le 7 juin 2013.  Lors de cette conférence préparatoire, la Défense a confirmé son intention de présenter une requête pour arrêt des procédures fondée sur le paragraphe 11(b) de la Charte.  Il a été convenu que cette requête serait entendue le 6 août 2013.  Memorandum suivant une conférence préparatoire (7 juin 2013)
[19]	Au moment où les accusations ont été portées, Mr. Latour était en détention, ayant été arrêté et détenu dans un autre dossier le 26 septembre 2011.  Par la suite, il a présenté une requête en cautionnement à la Cour Territoriale en août 2012.  Cette requête a été rejetée et Mr. Latour est demeuré détenu.
[20]	Le 18 janvier 2013, il a présenté une requête en révision de cautionnement.  Le 24 janvier 2013, cette requête a été accordée et le tribunal a ordonné sa remise en liberté sur engagement.  Les parents de Mr. Latour se sont engagés à être ses cautions pour un montant de $40,000.00, avec un dépôt de $20,000.00.  Mr. Latour a été remis en liberté le 1er février 2013.
[21]	L'engagement comportait plusieurs conditions, incluant notamment un couvre-feu; une obligation de se rapporter en personne au poste de police trois fois par semaine; déposer son passeport; une condition de résider chez ses parents et des restrictions sur sa mobilité; une interdiction d’être en présence de personne de moins de 18 ans sauf en présence d’un de ses parents; une interdiction de consommer de l’alcool, d’être en possession d’alcool, ou d’être dans un établissement licencié, sauf un restaurant; une interdiction d’utiliser tout ordinateur ou appareil donnant accès à internet sauf en présence d’un de ses parents; une interdiction d’utiliser une caméra ou un appareil permettant de filmer ou de photographier sauf pour des fins de travail; déposer au Greffe une preuve d’achat de billet d’avion pour se rendre à son procès; et se livrer au poste de Yellowknife de la Gendarmerie Royale du Canada au plus tard le 10 août, soit 2 jours avant le début de son procès.
[22]	Mr. Latour s’est livré à la G.R.C. le 10 août 2013 et est demeuré en détention jusqu'au moment où l'avortement de procès a été déclaré le 13 août 2013.
C) 	ANALYSE
1. 	Le cadre juridique
[23]	Le Paragraphe 11(b) de la Charte se lit comme suit:
		11.  Tout inculpé a le droit
			(…)
		(b) d’être jugé dans un délai raisonnable.
[24]	Les principes qui s'appliquent lorsque cette disposition est invoquée ont été élaborés et précisés dans une série d'arrêts de la Cour suprême du Canada, notamment  R. v. Smith, [1989] 2 R.C.S. 1120; R. v. Askov, [1990] 2 R.C.S. 1199; R. v. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771; R. v. Godin, [2009] 2 R.C.S. 3.  Ainsi, le cadre juridique qui régit la requête présentée par Mr. Latour est bien établi.
[25]	Le paragraphe 11(b) de la Charte a pour objet la protection des intérêts individuels de l’accusé, mais aussi la protection des intérêts de l’ensemble de la société.   R. v. Morin, supra, p.786.
[26]	En ce qui concerne les droits individuels de l’accusé, le paragraphe 11(b) protège le droit à la sécurité de la personne en tentant de diminuer l’anxiété, la préoccupation et la stigmatisation qu’entraîne la participation à des procédures criminelles.  Il protège le droit à la liberté en réduisant les restrictions à la liberté résultant de la détention d’un accusé en attente de procès, ou du fait pour cet accusé d’être sujet à des conditions de remise en liberté restrictives.  Il protège aussi le droit à un procès équitable, puisqu’il permet la tenue du procès pendant que la preuve est disponible et récente.  R. c. Morin, supra, p.786.
[27]	La société a également intérêt à ce qu’il n’y ait pas de délai déraisonnable dans la tenue des procès criminels : les procès qui se tiennent rapidement ont la confiance du public.  D’autre part, la société a aussi intérêt à ce que ceux qui sont accusés de crime soient traduits en justice et traités selon la loi.  R. c. Morin, supra, p.786.
[28]	Les facteurs qui doivent être examinés pour analyser si le délai est déraisonnable dans une situation donnée incluent la longueur du délai, la renonciation par l’accusé à invoquer certaines périodes dans le calcul, les causes du délai, et le préjudice subi par l’accusé en raison du délai. R. c. Morin, supra, pp.787-788.
[29]	Pour évaluer ces facteurs, le tribunal doit procéder à un examen minutieux du dossier, notamment pour déterminer s'il y a eu renonciation de l'accusé à ses droits, et quelles ont été les causes du délai.  Le tribunal ne doit s’engager dans cet examen en profondeur que si le délai entre le moment où les accusations sont portées et la date du procès est suffisamment long pour remettre en question, à sa face même, son caractère raisonnable.
2. 	Le délai en l'espèce
[30]	En l'espèce, le délai entre le début des procédures et la date du procès est de 22 mois (du 11 octobre 2011 au 13 août 2013).  Je ne suis pas convaincue que ce délai, à sa face même, soulève une question quant à son caractère raisonnable lorsqu'il est question d'un procès devant juge et jury dans les Territoires du Nord-Ouest.  Cette conclusion est fondée sur mon évaluation de ce qui constitue un délai institutionnel acceptable dans le contexte particulier de notre juridiction.  D'ailleurs, notre tribunal a récemment statué qu'un délai institutionnel de 22 mois n'est pas en lui-même déraisonnable. R. v. Caesar, 2013 NWTSC 65, paras. 18-24.
[31]	Cependant, en raison des questions soulevées par les parties, je vais tout de même procéder à une analyse détaillée des circonstances en l'espèce à la lumière des facteurs dont fait état la jurisprudence.
a) 	Renonciation
[32]	À mon avis, il est clair que Mr. Latour n'a renoncé ni explicitement ni implicitement à son droit d'avoir son procès dans un délai raisonnable.   L'évaluation du caractère raisonnable ou déraisonnable du délai en l'espèce dépend de l'évaluation des causes du délai, et de la question du préjudice subi par Mr. Latour en raison de ce délai.
b) 	Les causes du délai
i) 	les différentes causes du délai
[33]	Dans Morin, la Cour suprême a reconnu que dans une affaire criminelle, certains délais sont inévitables. Certains de ces délais sont inhérents à l'affaire, et font partie d’un processus préparatoire auquel on doit s’attendre dans ce domaine. Plus l'affaire est complexe et plus la preuve est volumineuse, plus ces étapes préparatoires risquent de prendre du temps.
[34]	Par exemple, la Couronne doit communiquer sa preuve à l'accusé.   Dans les affaires où la preuve est très volumineuse, cela peut occasionner des délais supplémentaires.  Si les infractions alléguées sont des infractions hybrides, la Couronne peut avoir besoin d'un certain temps pour décider si elle procédera par voie sommaire ou par acte d'accusation.  Dans les juridictions où la Couronne n'autorise pas les plaintes avant que les dénonciations soient assermentées (ce qui est le cas dans les Territoires du Nord-Ouest), la Couronne doit parfois aussi décider, à la lumière de son évaluation de la preuve, s’il y a lieu de procéder sur des chefs d'accusations différents de ceux que les enquêteurs ont choisi de déposer.  Si c’est le cas, il s'ensuit généralement qu'une dénonciation substituée est assermentée, comme ce fut le cas ici.
[35]	D'autre part, un accusé et son avocat ont besoin de temps pour examiner et  analyser la preuve, décider de l’approche qui sera prise, incluant, le cas échéant, le choix quant au mode de procès.
[36]	Les délais dits « institutionnels » sont un autre facteur qui contribue au délai qui s'écoulera inévitablement avant la tenue d'un procès.  Il est question ici de délais qui surviennent à partir du moment où les deux parties sont prêtes à procéder mais que les ressources des tribunaux ne sont pas immédiatement disponibles pour entendre l'affaire.
[37]	Il arrive aussi que l'une ou l'autre des parties soit directement responsable d'une partie du délai: si c'est le cas, cette partie ne peut pas invoquer cette partie du délai à l'appui de sa position.  R. c. Morin, supra, pp.793-794.
[38]	Finalement, il peut y avoir des délais qui n’appartiennent à aucune des catégories susmentionnées.  La maladie d'un juge, ou le retard d’un juge à rendre une décision sur une matière interlocutoire, une récusation, ou autres situations fortuites, peuvent contribuer au délai et doivent également être considérées dans l’évaluation d’une requête fondée sur le paragraphe 11(b).   R. c. Camiran, 2013 QCCA 452, au para.19.
[39]	Les parties reconnaissent qu’une partie du délai en l’espèce est de nature inhérente et institutionnelle.  Mais elles ont des positions divergentes au sujet de certains autres aspects du délai.  Par exemple, Mr. Latour attribue l’ensemble du délai qui a précédé la tenue de l’enquête préliminaire à la  Couronne.  De son côté, la Couronne prétend plutôt que ce délai est en partie inhérent, et en partie causé par Mr. Latour.  Il est donc nécessaire d’examiner de plus près les évènements qui ont contribué au délai avant et après le renvoi à procès.
ii) 	délai entre le dépôt des accusations et le renvoi à procès
[40]	Le délai entre le dépôt initial des accusations (11 octobre 2011) et le renvoi à procès (11 mai 2012)  a été de 7 mois.   Les parties étaient prêtes à fixer une date d'enquête préliminaire lors de la comparution du 27 mars 2012.  Le délai entre cette date et la date du début de l'enquête préliminaire (le 10 mai 2012) est un délai institutionnel.
[41]	Ce délai institutionnel n'a rien d'exceptionnel dans le contexte des Territoires du Nord-Ouest.  La Cour Territoriale est une cour de circuit.  La seule communauté où elle siège à toutes les semaines est la ville de Yellowknife.  Pour le reste des communautés, la Cour établit un horaire pour les circuits.  Ceci a un impact à toutes les étapes des procédures: lorsqu'une affaire est remise pour compléter la divulgation de la preuve, ou pour permettre aux parties d'évaluer leurs positions, elle doit généralement l'être au circuit suivant, qui peut n'avoir lieu que plusieurs semaines plus tard.
[42]	Ceci étant dit, le délai total de 7 mois entre le dépôt des accusations et la tenue de l'enquête préliminaire semble, à première vue, plus long que ce à quoi on pourrait normalement s'attendre.  Comme les transcriptions le démontrent, la Cour Territoriale siège régulièrement à Inuvik. Il y a eu plusieurs circuits, et de nombreuses remises, entre la première comparution et le moment où la date d'enquête préliminaire a été fixée.
[43]	Dans ses représentations écrites, la Couronne a fait valoir qu'une partie du délai avant la fixation de la date de l'enquête préliminaire était imputable à Mr. Latour parce qu'il a tardé à exercer son choix quant au mode de son procès.   Cet argument ne tient pas, comme l'a reconnu la Couronne lors de l'audition de la requête: Mr. Latour faisait face à des chefs d'accusations hybrides, pour lesquelles la Couronne avait l’option de procéder sommairement ou par acte d'accusation.   Jusqu'à ce que la Couronne exerce son option, Mr. Latour n'avait pas de choix à faire quant à son mode de procès.
[44]	Or, la Couronne n’a exercé cette option que le 13 mars 2012, 5 mois après le début des procédures. Mr. Latour a choisi son mode de procès le 20 mars, soit une semaine plus tard.  On ne peut guère lui reprocher d'avoir tardé à faire ce choix.
[45]	Mr. Latour affirme de son côté que la Couronne est responsable d'une partie du délai parce qu’elle a tardé à compléter le processus de divulgation de la preuve,  et à déposer une dénonciation substituée.  Pour ce qui est de la divulgation de la preuve, il ne s'agissait pas ici d'une affaire hautement complexe mais je reconnais que les questions soulevées par la contestation du mandat de perquisition ont ajouté un certain niveau de complexité et ajouté aux obligations de la Couronne en matière de divulgation de la preuve.
[46]	Quant au dépôt de la dénonciation substituée, il n'est pas clair qu'elle ait occasionné des retards supplémentaires.  C'est surtout le temps qu’a mis la Couronne à confirmer sa décision de procéder par acte d'accusation qui semble avoir retardé les choses.
[47]	  Un autre facteur qui a retardé les procédures est le fait que Mr. Latour n'ait pas été avisé dès sa première comparution de son droit de subir son procès en français.  Mr. Latour prétend que cet aspect du délai est imputable à la Couronne.  Selon moi, ce n'est pas le cas, puisque la responsabilité d'aviser un accusé de ce droit relève des tribunaux.  Ce n’est pas non plus un délai inhérent à proprement parler puisqu’il résulte d’une erreur.  La partie du délai imputable à ce fait, s'il y en a une, fait partie de la catégorie résiduelle à laquelle j’ai fait allusion plus haut au Paragraphe 38.
[48]	Selon moi, chose certaine, Mr. Latour n'est responsable d'aucune partie du délai entre le dépôt des accusations et son renvoi à procès.  La Couronne porte une partie de la responsabilité pour ce délai.  Le fait que Mr. Latour n’ait pas été avisé de ses droits linguistiques dès le début des procédures a aussi contribué à retarder les choses.
[49]	Ceci dit, il est difficile d’évaluer de combien de semaines ou de mois le processus aurait pu être accéléré si la Couronne avait exercé son choix plus tôt et si Mr. Latour avait été avisé dès le début de son droit d’avoir un procès en français.  Il y a très peu d'avocats francophones qui pratiquent le droit criminel dans les Territoires du Nord-Ouest, et tous les avocats sont très occupés.   Il est donc fort possible qu'il y ait quand même eu des délais reliés à la disponibilité des avocats, même si Mr. Latour avait été avisé de ses droits et demandé un procès en français dès le début des procédures et même si l'option de la Couronne avait été exercée dès les premières comparutions.
[50]	Malgré cette incertitude, j'estime que dans l'évaluation globale du caractère raisonnable ou déraisonnable de l'ensemble du délai, le tribunal doit considérer que l'approche de la Couronne, combinée avec l'erreur de la cour concernant les droits linguistiques de Mr. Latour, a retardé la progression du dossier de quelques mois.  Le reste du délai qui s'est écoulé avant le renvoi à procès est selon moi attribuable aux délais inhérents et institutionnels.
iii) 	causes du délai entre le renvoi à procès et la date du procès
[51]	Le délai entre le renvoi à procès (le 11 mai 2012) et la date du procès (le 12 août 2013) est de 15 mois.
[52]	Mr. Latour a déposé une requête pour faire exclure certains éléments de preuve.  Dans Morin, la Cour suprême a expliqué que bien qu'un accusé ait parfaitement le droit de se prévaloir de ce genre de procédure, il faut néanmoins en tenir compte pour déterminer si le délai est raisonnable.  R. v. Morin, supra, pp.793-794.
[53]	Ici, cependant, rien ne laisse supposer que cette requête ait eu un impact significatif sur la date du procès.  Dès la première conférence préparatoire en août 2012, la date pour l’audition de la requête en exclusion de preuve a été fixée.  Le rôle fixant la date de procès lui-même a été émis quelques semaines plus tard, soit le 17 septembre.
[54]	En ce qui concerne la date du procès, il est clair qu'en la fixant, le tribunal devait tenir compte de ses ressources.  Mais dans les faits, ici, les contraintes dans les disponibilités des parties n'auraient pas permis que le procès soit fixé beaucoup plus rapidement qu'à la date où il l’a été.
[55]	Comme j’en ai fait état plus haut au Paragraphe 16, les premières dates où les deux parties étaient disponibles étaient en juin 2013.  Les prochaines dates étaient au mois d’août, le mois où le procès a effectivement été fixé à procéder.   Certaines observations s’imposent concernant les dates de disponibilités fournies par les parties en l’espèce.
[56]	Les parties ont estimé que ce procès prendrait une semaine.  Le 4 septembre 2012, la Couronne a avisé le Greffe qu’elle n’était pas disponible du tout avant le 22 février 2013. Elle n’était également disponible ni du 4 mars au 10 mai 2013, ni du 20 mai au 7 juin 2013, ni en juillet 2013.  Donc, pour les premiers 7 mois de 2013, il n’y avait en tout que 5 semaines où la Couronne était disponible (1 semaine en février 2013, 1 semaine en mai 2013, et 3 semaines en juin 2013).
[57]	Pour les 7 premiers mois de 2013, la Défence, elle, était disponible pour un total de 16 semaines, soit 3 semaines du mois de janvier, 3 semaines au mois d’avril, tout le mois de mai, tout le mois de juin, et 2 semaines en juillet.
[58]	L’importance de l’information concernant les disponibilités des parties dans le processus qui mène à la fixation des dates de procès, et le lien entre cette information et le délai institutionnel dans le contexte particulier des Territoires du Nord-Ouest, a déjà été soulignée par le tribunal:
Context is helpful in illustrating the link between the Crown's failure to submit dates and the institutional delay.  This is a busy circuit court that hears criminal and civil cases in various communities throughout the Northwest Territories. Scheduling trials requires coordinating the schedules of judges, court and sheriff's officers, court reporters, interpreters (if required) and, of course, lawyers.  Suitable facilities, which are frequently in short supply and often shared with the Territorial Court, must be booked, along with air travel and accommodation.  The starting point for scheduling is knowing all of this information.
	R. v. Latour, 2012 NWTSC 4, au paragraphe 65.
[59]	Ces remarques soulignent l’importance pour les parties de fournir au tribunal l’information concernant leurs disponibilités, mais elles font aussi ressortir de façon générale la complexité du processus de fixation de dates de procès, compte tenu des ressources limitées du tribunal, et l’impact que les disponibilités des parties ont dans le cadre de ce processus.  Il va de soi que plus les disponibilités sont limitées, plus l’identification d’une date de procès devient difficile.
[60]	Il est évidemment tout à fait normal que les parties aient des contraintes qui limitent leurs disponibilités.  Il peut y avoir toutes sortes de facteurs qui ont un impact sur ces disponibilités, notamment la disponibilité des témoins.  Mais dans le cadre d’une requête où un accusé allègue qu'il y a eu délai déraisonnable, si il s'avère que les disponibilités de la Couronne étaient très limitées, il serait prudent pour la Couronne de présenter de la preuve pour expliquer pourquoi.  Dans certains cas, la non-disponibilité de la Couronne, surtout si elle n’est pas expliquée, pourrait être un facteur déterminant dans l’issue d’une requête comme celle-ci.
[61]	Ceci étant dit, je conclus tout de même que le délai entre le renvoi à procès et la date du procès n’est pas hors norme, compte tenu des contraintes logistiques qui ont un impact sur les délais institutionnels dans les Territoires du Nord-Ouest.
c)	Le préjudice
[62]	Le préjudice qu'a subi un accusé suite à un délai dans la tenue de son procès peut être implicite en raison du délai lui-même: plus le délai est long, plus il est vraisemblable que l'on puisse faire cette déduction. R. c. Morin, supra, p.801; R. c. Godin, supra, para.31.  L'accusé peut également présenter une preuve spécifique expliquant le préjudice qu'il ou elle a subi. R. c. Morin, supra, p. 802.
[63]	Pour être pertinent aux fins de l'analyse, le préjudice allégué doit résulter du délai, et non du simple fait que l'accusé fait face à des accusations.  R. c. Rahey, (1987) 1 R.C.S. 588, p.624; R. v. Pidskalny, 2013 SKCA 74, au para. 41.
[64]	Mr. Latour affirme, dans son affidavit, avoir subi un préjudice pour les raisons suivantes: il a passé du temps en détention préventive; il a été tenu de se conformer à des conditions très strictes après sa libération, qui ont nui à ses projets de travail et à sa vie sociale; il a souffert d'anxiété tout au long des procédures; le temps d'attente pour son procès lui a causé des problèmes de santé comme la dépression et l'insomnie, pour lesquels il a dû prendre des médicaments; sa vie familiale a souffert parce qu'il n'avait aucune chance d'obtenir la garde de son fils avant la conclusion des poursuites.
[65]	La Couronne a fait valoir, lors de l'audition de la requête, que la preuve présentée par Mr. Latour concernant ses troubles d'anxiété, sa dépression et son insomnie est trop vague pour permettre d'établir que ces effets ont résulté du délai et non du simple fait de faire face à des accusations.
[66]	Toute personne faisant face à des accusations criminelles sérieuses risque de vivre de l'anxiété.  D'ailleurs, Mr. Latour affirme dans son affidavit qu'il vit constamment dans l'anxiété depuis le début des procédures.
[67]	Il affirme que ses problèmes d'insomnie et de dépression ont découlé des remises et de la longueur de l'attente pour son procès.  Cette affirmation n'a été remise en question par aucune preuve contraire, et la Couronne a choisi de ne pas le contre-interroger sur son affidavit.  Ceci dit, la preuve n'est pas très détaillée.  J'accepte que ces effets sont en partie imputables à la durée des procédures, mais à mon avis Mr. Latour n'a pas établi qu'ils le sont entièrement.   Selon moi il ne fait aucun doute que le seul fait de faire face à ces accusations très sérieuses aurait eu certains effets néfastes sur lui, nonobstant la durée des procédures.
[68]	Mr. Latour a été en détention préventive pendant environ les deux tiers de la période entre le dépôt des accusations et la date du procès. Une fois libéré sur engagement, il a dû se conformer à des conditions de remise en liberté plutôt strictes. Je reconnais que ces restrictions à sa liberté lui ont causé un certain préjudice.  Ce préjudice fait partie des facteurs à considérer dans l'analyse pour déterminer si le délai en l'espèce était déraisonnable. Cependant, il n'était pas assigné à résidence et jouissait quand même d'une certaine liberté dans ses mouvements et ses activités.
3. 	Le délai en l’espèce est-il déraisonnable?
[69]	L’évaluation finale quant au caractère raisonnable ou déraisonnable du délai dépend de l’évaluation de l’ensemble des facteurs évoqués plus haut, soit, en l'espèce, les causes du délai et le préjudice subi par l’accusé.
[70]	Pour les motifs énoncés plus haut, j’estime que la Couronne est responsable d’une partie du délai avant le renvoi à procès.  J’estime aussi que les disponibilités fort limitées qu’elle a fournies au tribunal pour fixer la date de procès ont également contribué au délai.  Cependant, je conclus que la majeure partie du délai global résulte de délais inhérents et institutionnels.
[71]	Il ressort clairement de la jurisprudence qui porte sur le paragraphe 11(b) que la Cour suprême du Canada, tout en reconnaissant qu'il existe des limites aux ressources institutionnelles, a statué que ces limites ne peuvent pas servir d'excuse pour justifier une violation des droits garantis par la Charte.  Il y a donc une limite à la longueur de délai institutionnel qui est acceptable.
[72]	La Cour suprême a émis des lignes directrices pour guider les tribunaux de première instance dans leur évaluation de ce qui constitue un délai institutionnel acceptable.  Dans Askov, elle avait émis l’opinion qu’un délai d’attente de 6 à 8 mois « pourrait être à la limite supérieure du raisonnable » en ce qui concerne le délai entre le renvoi à procès et la tenue du procès.  R. c. Askov, supra, p.1240.  Dans Morin, la Cour a confirmé cette ligne directrice, et précisé que le délai institutionnel acceptable pour les procédures en cour provinciale serait de 8 à 10 mois.    R. c. Morin, supra, p.799.
[73]	Mais dans Morin, la Cour suprême a apporté deux précisions importantes concernant ces lignes directrices.  Premièrement, elles ne doivent pas être appliquées de façon rigide ni être traitées comme un délai de prescription pour les poursuites criminelles.  R. c. Morin, supra, p.797.
[74]	Deuxièmement, ces lignes directrices ne doivent pas être appliquées de façon mécanique. La Cour a souligné l'importance de tenir compte du contexte particulier de chacune des juridictions:
Ces délais proposés sont destinés à servir de guide pour les tribunaux de première instance d'une manière générale.  Les tribunaux de première instance devront sans doute ajuster ces délais dans les diverses raisons du pays pour tenir  compte des conditions locales, et ils devront le faire à l'occasion pour s'adapter à des circonstances différentes. La cour d'appel dans chaque province jouera un rôle de surveillance pour viser à atteindre l'uniformité sous réserve de la nécessité de prendre en compte les conditions et les problèmes spéciaux de différentes régions dans la province.
	  R. c. Morin, supra, pp.799-800.
[75]	À ma connaissance, la Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur cette question depuis l’arrêt Morin.  Jusqu’à ce qu’elle le fasse, il appartient aux tribunaux de première instance d’évaluer ce que constitue un délai institutionnel acceptable, dans le contexte particulier de notre juridiction.
[76]	Il ne fait aucun doute que le contexte dans lequel opèrent les tribunaux dans le nord du Canada est particulier, comme en faisait état le tribunal dans l’extrait cité plus haut au Paragraphe 58.  Ce contexte unique a été évoqué dans d'autres décisions des tribunaux du nord.  R. v. Caesar, supra, paras 22-24; R. v. Oolamik, 2012 NUCJ 28, paras 99-106.
[77]	Comme je l'ai évoqué plus haut, la Cour Territoriale et ce tribunal sont des cours de circuit.  Elles siègent à toutes les semaines à Yellowknife, mais également dans différentes communautés réparties sur le vaste territoire des Territoires du Nord-Ouest.  En raison des distances considérables qui séparent les communautés et les limites du réseau routier, le tribunal se rend généralement dans les communautés par voie aérienne.  Les circuits dans les diverses communautés n'ont pas tous lieu à la même fréquence.  Il arrive aussi que les aléas de la température causent des retards ou des annulations complètes des circuits.  Tout ceci contribue aux délais institutionnels.
[78]	En ce qui concerne ce tribunal, une grande partie de ses circuits concerne la tenue de procès criminels.  La pratique du tribunal est, dans la mesure du possible, de tenir ces procès dans la communauté où les évènements qui ont donné lieu aux accusations sont allégués s’être produits et ce, tant pour les procès devant juge seul que les procès devant juge et jury.  Ainsi, au cours des 7 dernières années,  le tribunal a tenu des assises dans 17 communautés autres que la ville de Yellowknife.
[79]	D’autre part, dans les Territoires du Nord-Ouest, plusieurs personnes accusées de crimes sérieux se prévalent de leur droit d’avoir leur procès devant un tribunal composé d’un juge et d’un jury.  Ainsi, un grand nombre de procès devant jury sont fixés à chaque année dans différentes communautés du territoire.  C’est un autre facteur qui a un impact sur les ressources judiciaires.
[80]	Ces facteurs, et leur effet cumulatif, présentent des défis et contraintes logistiques particuliers.  Le tribunal en a fait état, récemment, dans une affaire de révision de cautionnement où l’accusé fondait sa demande de cautionnement, entre autres choses, sur le fait qu’il aurait à attendre plusieurs mois avant de subir son procès:
The delay must be looked at in context. It must be understood that this court sits not only in Yellowknife every week to deal with civil, family and criminal matters, but it is also a circuit court that travels to the many communities across the Northwest Territories, which is a jurisdiction where a relatively small population is spread out over a large geographical area.  The large majority of the circuits that this court holds are held for the purpose of holding criminal trials, and a very large proportion of those trials are jury trials. Circuits in general, and circuits where jury trials are held in particular, require a lot of planning and present logistical constraints and challenges.  In scheduling these circuits the court has to contend with geography, a finite level of judicial resources, a small criminal bar whose members have a very heavy case load and many circuit and court commitments. In that context, it is simply not realistic for people to expect to have their jury trial within a matter of months from charges being laid.  The court strives to give priority in assigning dates to matters where the accused are in custody or to matters that are getting more dated.  Still, the reality is that it takes time for the various processes to take their course. People do have the right to choose to be tried by a court composed of a judge and a jury when they are charged with an indictable offence, but one of the consequences of that choice is having to wait longer before being able to have their trial.
	R. v. Ruben 2013 NWTSC 23, at para.30.
[81]	Étant donné ces contraintes, la période d'attente entre le renvoi à procès et la date fixée pour un procès devant juge et jury dans les Territoires du Nord-Ouest variera nécessairement, dépendamment de la communauté où le procès doit se tenir, le temps requis pour la tenue du procès, et les autres contraintes logistiques qui peuvent se présenter.  Mais de façon générale, considérant le contexte particulier dans lequel les tribunaux des Territoires du Nord-Ouest opèrent, tant la période précède le renvoi à procès que celle qui le suit risquent, à mon avis, d'être un peu plus longue que les lignes directrices évoquée dans Morin, sans être déraisonnables pour autant.
[82]	Comme je l’ai dit plus haut, je reconnais que Mr. Latour a été en détention préventive pendant plusieurs mois.  Et même une fois libéré sur caution, il a été contraint de se conformer à des conditions très restrictives.  Je n’ai aucun mal à accepter que ces choses ont eu un impact sur lui et lui ont causé un certain préjudice.  Mais comme je l'ai évoqué précédemment, une partie de ce préjudice découle du simple fait pour lui d’avoir fait face à des accusations sérieuses.  Le préjudice ne découle pas entièrement du temps qui s’est écoulé avant que l'affaire ne puisse être entendue.
[83]	Dans l'analyse d'une requête présentée en vertu du paragraphe 11(b) de la Charte, le tribunal doit tenir compte de l'ensemble des facteur établis par la jurisprudence et les évaluer soigneusement pour décider si les droits de l'accusé d'avoir son procès dans un délai raisonnable ont été respectés.
[84]	Selon moi, la majeure partie du délai de 22 mois en l'espèce est attribuable à des délais inhérents et institutionnels.  Même si, pour les raisons énoncées plus haut, je suis d'avis que la Couronne est aussi responsable d'une partie du délai, compte tenu de ce à quoi l'on peut raisonnablement s'attendre en fait de délais inhérents et institutionnels dans le contexte particulier des Territoires du Nord, et compte tenu de l'absence de preuve démontrant un préjudice particulièrement sévère, je conclus que Mr. Latour n'a pas établi une violation de ses droits en vertu du paragraphe 11(b) de la Charte.
[85]	La requête est rejetée.

Fait à Yellowknife, TN-O, ce
12e jour de décembre 2013.


									
									   L.A. Charbonneau
									          J.C.S.



Me Marc Lecorre:	 Procureur de la Couronne

Me Serge Petitpas: Procureur de Hugues Latour
S-0001-CR 2012000063




COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST


ENTRE:

SA MAJESTE LA REINE


- et -


HUGUES LATOUR




MOTIFS DE DÉCISION DE
L’HONORABLE JUGE L.A. CHARBONNEAU

   
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