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Abstract: Motifs de Décision

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Latour v. S.M.L.R, 2013 CSTNO 22
Date:  2013 04 24
Dossier:  S 1 CR 2012 000059


COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
ENTRE:
HUGUES LATOUR
Appellant

-et-


SA MAJESTÉ LA REINE
Intimée

MOTIFS DE DÉCISION

A)	INTRODUCTION
[1]	Le 1er mai 2012, Hugues Latour a été déclaré coupable, suite à un procès devant la Cour territoriale des Territoires du Nord-Ouest, de chefs d'accusations portés en vertu des articles 72(1), 266 et 145(3) du Code criminel.  Il a interjeté appel de sa condamnation ainsi que de la peine qui lui a été imposée.
[2]	Mr. Latour a déposé son avis d'appel en anglais, mais lors d'une de ses comparutions subséquentes, visant à fixer une date pour l'audition de l'appel, il a demandé que l'appel procède en français.  Cette demande a été accordée.  L'appel de Mr. Latour a été entendu le 24 janvier 2013.
[3]	Lors de l'audition, Mr. Latour a fait valoir plusieurs motifs d'appel, dont le fait qu'il n'avait pas été avisé de son droit de subir son procès en français.  Au moment de l'audition de l'appel, la transcription du procès était déposée au dossier du tribunal, ainsi les transcriptions de certaines autres comparutions, mais il en manquait plusieurs autres.
[4]	  La Couronne a fait valoir que le tribunal avait suffisamment d’information pour  conclure que Mr. Latour avait nécessairement  dû être avisé de son droit de subir son procès en français.  La Couronne a aussi fait valoir que c'était Mr. Latour qui, en tant qu'Appellant, avait la responsabilité de s'assurer que toutes les informations pertinentes à son appel soient versées au dossier du tribunal.
[5]	J'ai dit au cours de l'audition de l'appel que j'estimais peu opportun de décider d'une question factuelle contestée (la question à savoir si Mr. Latour avait ou non été avisé de son droit de subir son procès en français) en ayant recours à des inférences et de la preuve circonstancielle, compte tenu du fait que les transcriptions manquantes pouvaient facilement être produites et versées au dossier du tribunal, et étaient susceptibles de résoudre la question.
[6]	J'ai donc ordonné que les transcriptions manquantes des comparutions de Mr. Latour soient produites et versées au dossier du tribunal.  Une fois déposées, ces transcriptions ont été envoyées avec une Note aux Parties datée du 1er mars 2013, donnant aux parties jusqu'au 21 mars 2013 pour déposer des représentations écrites supplémentaires à la lumière des nouvelles transcriptions.
[7]	Les deux parties ont déposé des représentations écrites supplémentaires. La Couronne concède maintenant que les exigences de l'article 530 du Code criminel n'ont pas été respectées et soutient que la mesure de réparation appropriée est une ordonnance pour la tenue d'un nouveau procès.
[8]	À la lumière de l'ensemble des transcriptions, il m'apparaît clair que la concession de la Couronne est justifiée et que l'appel doit être accueilli.  Cependant, en raison de l'importance des questions soulevées et des implications pour l'administration de la justice criminelle dans les Territoires du Nord-Ouest, j'estime nécessaire de revenir sur les principes qui s'appliquent en la matière.
B)	ANALYSE
1.	L'objet de l'article 530 du Code criminel
[9]	Le point de départ de l'analyse est l'article 530 du Code criminel :
530 	(1) 	Sur demande d’un accusé dont la langue est l’une des langues officielles du Canada, faite au plus tard :
a)	 au moment où la date du procès est fixée :
(i) 	s’il est accusé d’une infraction mentionnée à l’article 553 ou punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire,
(ii) 	si l’accusé doit être jugé sur un acte d’accusation présenté en vertu de l’article 577;
b) 	au moment de son choix, s’il choisit de subir son procès devant un juge de la cour provinciale en vertu de l’article 536 ou d’être jugé par un juge sans jury et sans enquête préliminaire en vertu de l’article 536.1;
c) 	au moment où il est renvoyé pour subir son procès :
(i)	s’il est accusé d’une infraction mentionnée à l’article 469,
(ii)	 s’il a choisi d’être jugé par un tribunal composé d’un juge seul ou d’un juge et d’un jury,
(iii) 	s’il est réputé avoir choisi d’être jugé par un tribunal composé d’un juge et d’un jury,
un juge de paix, un juge de la cour provinciale ou un juge de la Cour de justice du Nunavut ordonne que l’accusé subisse son procès devant un juge de paix, un juge de la cour provinciale, un juge seul ou un juge et un jury, selon le cas, qui parlent la langue officielle du Canada qui est celle de l’accusé ou, si les circonstances le justifient, qui parlent les deux langues officielles du Canada.
(2) 	Sur demande d’un accusé dont la langue n’est pas l’une des langues officielles du Canada, faite au plus tard à celui des moments indiqués aux alinéas (1)a) à c) qui est applicable, un juge de paix ou un juge de la cour provinciale peut rendre une ordonnance à l’effet que l’accusé subisse son procès devant un juge de paix, un juge de la cour provinciale, un juge seul ou un juge et un jury, selon le cas, qui parlent la langue officielle du Canada qui, de l’avis du juge de paix ou du juge de la cour provinciale, permettra à l’accusé de témoigner le plus facilement ou, si les circonstances le justifient, qui parlent les deux langues officielles du Canada.
(3) 	Le juge de paix ou le juge de la cour provinciale devant qui l’accusé comparaît pour la première fois veille à ce que l’accusé soit avisé de son droit de demander une ordonnance au titre des paragraphes (1) ou (2) et des délais dans lesquels il doit faire une telle demande.
(4) 	Lorsqu’un accusé ne présente aucune demande pour une ordonnance en vertu des paragraphes (1) ou (2) et que le juge de paix, le juge de la cour provinciale ou le juge devant qui l’accusé doit subir son procès — appelés « tribunal » dans la présente partie — est convaincu qu’il est dans les meilleurs intérêts de la justice que l’accusé subisse son procès devant un juge de paix, un juge de la cour provinciale, un juge seul ou un juge et un jury qui parlent la langue officielle du Canada qui est celle de l’accusé ou, si la langue de l’accusé n’est pas l’une des langues officielles du Canada, la langue officielle du Canada qui, de l’avis du tribunal, permettra à l’accusé de témoigner le plus facilement, le tribunal peut, par ordonnance, s’il ne parle pas cette langue, renvoyer l’accusé pour qu’il subisse son procès devant un juge de paix, un juge de la cour provinciale, un juge seul ou un juge et un jury qui parlent cette langue ou, si les circonstances le justifient, qui parlent les deux langues officielles du Canada.
(…)
[10]	Cette disposition a été examinée en profondeur dans R. c. Beaulac [1999] 1 R.C.S. 768.  Cet arrêt portait plus particulièrement l’interprétation des paragraphes (1) et (4) de l’article 530, mais a donné l’occasion à la Cour suprême du Canada de se pencher sur l’objet de l’article 530, l’importance des droits qu’il protège, et les principes qui régissent son interprétation.  Traitant de l’objectif de l’article 530, la Cour a dit:
J’estime que pour trouver la solution au problème, il suffit d’examiner l’objectif de l’art. 530. Cet objectif vise, comme je l’ai déjà dit, à donner un accès égal aux tribunaux aux accusés qui parlent l’une des langues officielles du Canada afin d’aider les minorités de langue officielle à préserver leur identité culturelle; Ford, précité, à la p. 749. La langue de l’accusé est de nature très personnelle; elle forme une partie importante de son identité culturelle. Il faut donc donner à l’accusé le droit de faire un choix entre les deux langues officielles en fonction des liens subjectifs qu’il entretient avec la langue elle-même. Les principes sur lesquels le droit linguistique est fondé, le fait que le droit de base est absolu, l’exigence d’égalité dans la prestation de services dans les deux langues officielles au Canada et la nature substantielle du droit indiquent tous que les Canadiens sont libres d’affirmer que l’une ou l’autre langue officielle est la leur (…)
R. c. Beaulac [1999] 1 R.C.S. 768, au paragraphe 34
[11]	La Cour a précisé que l’aptitude d’un accusé à parler l’autre langue officielle n’est pas pertinente pour déterminer si ses droits linguistiques ont été respectés:
On a beaucoup discuté, en l’espèce, de l’aptitude de l’accusé à s’exprimer en anglais. Cette aptitude n’est pas pertinente parce que le choix de la langue n’a pas pour but d’étayer la garantie juridique d’un procès équitable, mais de permettre à l’accusé d’obtenir un accès égal à un service public qui répond à son identité linguistique et culturelle. En fait, il serait surprenant que l’intention du Parlement ait été de restreindre le droit des Canadiens bilingues quand, dans la réalité, les minorités de langue officielle, qui ont le taux le plus élevé de bilinguisme (84 p. 100 des francophones vivant à l’extérieur du Québec comparativement à 7 p. 100 des anglophones, selon le recensement de 1996 de Statistique Canada), sont les personnes auxquelles l’article devait avant tout venir en aide.
R. c. Beaulac, supra, au paragraphe 45
[12]	Dans Beaulac, la Cour suprême n’avait pas à se pencher sur le paragraphe (3) de l'article 530. Le pourvoi concernait l’interprétation du paragraphe (4), qui donne au tribunal la discrétion de rejeter une demande faite en vertu de l’article 530 si cette demande n’est pas faite dans les délais prévus par les paragraphes (1) et (2).  Le pourvoi portait également sur la portée de l’article 530 dans le contexte de nouveaux procès ordonnés suite à un appel.
[13]	Mais en examinant les critères qui doivent guider le tribunal dans l’exercice de la discrétion conférée par le paragraphe (4), la Cour a souligné l’importance fondamentale de la connaissance par l’accusé de son droit.  Le jugement majoritaire de la Cour est même plutôt critique du libellé du paragraphe (3):
(…) Comme la règle est d’accorder automatiquement à l’accusé un procès dans la langue officielle de son choix lorsqu’il présente une demande à temps, et de pouvoir l’accorder, par l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, lorsqu’elle n’est pas présentée à temps, le juge du procès devrait donc examiner avant tout les motifs du retard. La première question qui vient à l’esprit est ce que l’accusé sait du droit. Quand a t il été mis au courant de son droit? A t il renoncé à ce droit et changé d’avis par la suite? Pourquoi a t il changé d’avis? Est ce à cause des difficultés auxquelles il a dû faire face pendant l’instance? Il est important de souligner ici que le droit de l’accusé d’être informé de son droit prévu au par. 530(3) est d’une valeur douteuse parce qu’il s’applique seulement à l’accusé qui n’est pas représenté par un avocat. Il est peu réaliste de présumer que l’avocat est au courant du droit et qu’il en avisera effectivement son client dans tous les cas en l’absence d’obligation lui incombant à cet égard, comme le confirme le rapport du Commissaire aux langues officielles du Canada, L’utilisation équitable du français et de l’anglais devant les tribunaux au Canada (1995), à la p. 105.
R. c. Beaulac, supra, au paragraphe 37
[14]	Cet extrait souligne l'importance pour le tribunal de s’assurer qu'un accusé est clairement au fait de ses droits en vertu de l’article 530.  C'est donc dire que l’information qui est fournie à un accusé à cet égard doit être claire et sans équivoque, compte tenu de l’objet de la disposition et l’importance fondamentale du droit qu’elle protège.
[15]	L’interprétation du caractère absolu du droit, et l’importance d'en aviser une personne accusée qui n’est pas représentée par un avocat lors de sa première comparution, ont été soulignées par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans  R. v. MacKenzie 2004 NSCA 10.  Dans cette affaire, le tribunal a reconnu que puisque les obligations qui incombent aux tribunaux sont déclenchées lorsqu'un accusé fait une demande en vertu de l'article 530, il est crucial que l’accusé soit avisé des droits conférés par la disposition.  En résumant cet aspect des principes

qui découlent de l’arrêt Beaulac, la Cour d’appel a dit:
(…)
4. 	Ms. MacKenzie’s assertion of language is the prerequisite to the application under s. 530(1) for a trial in French.
5. 	Effective notice is prerequisite to the assertion of language by an unrepresented accused. Because Ms. MacKenzie was unrepresented, the court was required to notify Ms. MacKenzie under s. 530(3) of her right to apply for a trial in either official language and the time within which that application must be made. Ms. MacKenzie’s right to notice is as absolute as are Ms. MacKenzie’s rights which flow from that notice…
R. v. MacKenzie, supra, au paragraphe 15
[16]	La Cour d’appel a aussi rejeté l’argument selon lequel il n’y avait pas eu de violation de l’article 530 parce qu’au moment de la comparution de l’accusé,  il n’y avait pas d’indication que l’accusée était francophone:
Accused need not take the initiative: While the Crown acknowledged the breach of s. 530(3), at the hearing of this appeal it was suggested that, as there was no material before the Provincial Court judge to indicate that Ms. MacKenzie was French-speaking, it was understandable that the Provincial Court judge did not give the s. 530(3) notice. I disagree. The only condition which triggers the requirement for a notice is that the accused appear unrepresented. The accused is not required to present herself as French-speaking. She need not take the initiative before the notice. The reason for the notice under s. 530(3) is that the unrepresented person likely is unaware of her right to a trial in either language. Once the sole condition - unrepresented appearance - exists, the onus of initiative is with the judge.
R. v. MacKenzie, supra, au paragraphe 12
Je suis entièrement d’accord avec ces commentaires.
[17]	C’est à la lumière de l’ensemble de ces principes que ce qui s’est passé dans la présente affaire doit être examiné

2.	Violation de l’article 530

[18]	Mr. Latour a eu plusieurs comparutions avant que son procès ait lieu.  La première a eu lieu devant un juge de paix le 29 septembre 2011.  Il a ensuite comparu en Cour Territoriale les 3, 4, 5, 12, 14 et 20 octobre; les 6 et 13 décembre 2011; les 25 et 31 janvier 2012; et le 6 mars 2012.
[19]	Lors de la première comparution du 29 septembre 2011, Mr. Latour n’était pas représenté par avocat.  Il n’a pas été avisé de son droit de subir son procès en français. Ceci, en soi, constitue une violation de l’article 530.
[20]	Il n’a pas été question de la langue du procès lors des comparutions du mois d’octobre, sauf celle du 20 octobre 2012. Lors de cette comparution, la Couronne a soulevé la question:
Mr. Boyd:	…I believe Mr. Latour is present before the Court.  Mr. Shabala is here representing him.
There is one issue I would like to raise with the Court.  It’s come to my attention I believe Mr. Latour is Francophone and I don’t believe inquiries were made as to whether or not he is content proceeding in the English language or would like to exercise his right to have these proceedings in French.  I was wondering if the Court could make that inquiry.
The Court:	All right.  What is your preference, Mr. Latour
The Accused:	I would be okay in English.
The Court:	You would be okay in English?  Thank you.
Transcript of Show Cause proceedings October 20, 2012, page 7, lignes 3 à 18.
[21]	Même en présumant qu’une violation du paragraphe 530(3) puisse être rectifiée en avisant un accusé de ses droits lors d’une comparution subséquente - question que je n'ai pas à décider en l'espèce -  à mon avis, l’échange qui a eu lieu le 20 octobre ne répond pas aux exigences de l’article 530, compte tenu du caractère absolu du droit et de l’objet de la disposition, telle qu’elle a été interprétée dans Beaulac.
[22]	La teneur de l’échange entre Mr. Latour et le tribunal le 20 octobre consistait essentiellement à lui demander si il avait une “préférence” dans le choix de la langue dans laquelle son procès se tiendrait.   Selon moi, il y a une différence importante entre demander à une personne si elle a une préférence entre deux options, et aviser une personne de son droit de se prévaloir de l’une ou l’autre des options.
[23]	Lors des comparutions des 25 et 31 janvier, la question de la langue du procès a été soulevée de nouveau. Il semble qu’avant la comparution du 25 janvier, Mr. Latour ait  dit à son avocat qu’il voulait avoir son procès en français.  L’avocat de Mr. Latour a communiqué cela au tribunal et un échange s’en est ensuivi quant à la meilleur façon de procéder :
Mr. Shabala :	And I can indicate that Mr. Latour enters a plea of not guilty to those three counts, Your Honour.  As noted on the Information, these are Inuvik matters.  I have been advised by Mr. Latour that he wishes to have a trial in French.  I don’t know, not know [sic] the availability of a trial Judge in Inuvik on that particular date but the defence would be, be in a position to proceed at the earliest.
The Court:	Could the Crown proceed with that trial the week of march the 5th?
Ms. Vaillancourt:	Currently these files are assigned to Mr. Glen Boyd and I was just made aware that Mr. Latour was requesting a French trial.  Mr. Boyd obviously doesn’t speak French at a working level so I would need more time to confirm because the Crown that’s actually scheduled over and above Mr. Boyd that week does not speak French either.  So I’m not sure if we can stand this down.
The Court:	Do you want to stand it down or put it to next week to set the date?
Mr. Shabala:	I think in the circumstances, I think it might be more prudent to put these matters over to January 31st at 1:30.  I can advise that I will also have to check with Legal Services Board to determine what duty counsel who speaks French is available at the suggested trial date.
The Court:	That’s what I figured, is that there may be a lot of things to check here.  I am going to set that matter to January the 31st.  Does Mr. Latour want to appear by video on that date?  January 31st, at 1:30 by video, territorial Court in Yellowknife.  There will be a Form 19 to that effect.  To set a date.
Counsel, ask you to consider the week of, I don’t know what the Inuvik Registry, you will have to check with them as well to see if there is trial time, but consider the week of March the 5gh and also the week of April the 2nd to 5th.  And if we will have to look at other Inuvik weeks, you may want to contact the Chief Judge to see about getting a French Judge.
Transcript of the Appearance January 25, 2012, page 1, ligne 27 à page 3, ligne 19
[24]	Le 31 janvier, l’avocat de Mr. Latour a dit au tribunal que Mr. Latour était maintenant d’accord pour avoir son procès en anglais, avec l’aide d’un interprète.  Mais il semble que ce changement de position ait eu lieu quand  Mr. Latour a été mis au fait de difficultés à trouver une date où l’avocat francophone de l’aide juridique et le procureur de la Couronne francophone étaient tous deux disponibles:
Mr. Shabala:	As indicated on my last appearance, Your Honour, it was my instructions at that time that Mr. Latour wanted a trial in French with respect to the three-count Information.
The Court:	Yes.
Mr. Shabala:	I can advise, Your Honour, the Legal Services Board is not in a position to provide a French lawyer on a March date as suggested by my friend; and the alternate date in April, a French-speaking Crown would not be available.  So I’ve spoken to Mr. Latour, Your Honour; he is prepared to proceed on the three-count Information only with a French interpreter on that day so the trial in fact can proceed in English with respect to the three-count Information.
The Court:	Very well.
Mr. Shabala:	I believe my friend is proposing a date of March 6th, 2012.
Mr. Boyd:	I believe March 5th is a good date, Your Honour.
The Court:	What would be the time estimate?
Mr. Boyd:	I’d say a half to three-quarters of a day.
And I can indicate just for the record, the Crown will have a Francophone lawyer in attendance just out of an abundance of caution.  I understand Mr. Latour is willing to proceed with an interpreter, but we have made arrangements in respect to what is obviously his constitutional rights to have a trial in the language of his choice.
The Court:	Yes.
Transcript of the Appearance January 31, 2012, page 1, ligne 18 à page 2, ligne 25
[25]	La juge de la Cour territoriale qui présidait le 31 janvier s’est adressée à Mr. Latour en français, pour s’assurer que Mr. Latour comprenait bien ce qui s’était passé :
The Court :	Very well.  So Mr. Latour, est que vous avez compris?
(The Court and The Accused speak in French)
The Court:	Just for the record, I just explained in French of confirmed in French to Mr. Latour that he understood that we were setting a trial for March 6th in Inuvik, that it would be in English, and that a French interpreter would be provided.  I will also translate back into the record that Mr. Latour said that maybe he would not need an interpreter for that trial.  I explained that it was his right to have that and that it was not a question of cost and therefore that the interpreter would be there, whether he needs it or not.  Or whether he wants it or not.  But it’s, as I said, it’s a legal requirement
Transcript of the Appearance January 31, 2012, page 4, lignes 8 à 23
[26]	Le 6 mars, la Couronne a présenté une requête pour remettre le procès à une autre date, requête qui fut accordée.  Le procès a été remis au 1er mai. Il n’a pas été question de la langue du procès lors de la comparution du 6 mars.
[27]	Le jour du procès, l’avocat anglophone de Mr. Latour a confirmé au début des procédures que Mr. Latour acceptait d’avoir son procès en anglais:
Mr. Shabala:	Defence is prepared to proceed with Mr. Latour, Your Honour.  I can advise the Court that Mr. Latour indicated to me that he is prepared to have his trial in English only.  I note that there is an interpreter beside him, and I gather if Mr. Latour has problems he can ask the French interpreter for assistance.
Transcript of Trial Proceedings of May 1, 2012, page 1, lignes 1 à 10
[28]	Il est clair que Mr. Latour n’a pas été, au départ, avisé de son droit d’avoir un procès en français.  Il est également clair que par la suite, il a communiqué à son avocat qu’il voulait avoir son procès en français. Il est revenu sur cette décision une semaine plus tard. Mais compte tenu de ce qui s’est dit lors de la comparution du 31 janvier 2012,  il n’est pas déraisonnable de conclure qu’il  s’est cru obligé de faire un choix entre procéder en anglais à la date prévue et avec l’aide d’un avocat, ou procéder à la date prévue, en français, mais sans avocat.  Évidemment, il y avait une troisième option : procéder en français, avec un avocat, à une autre date.
[29]	      Si les droits de Mr. Latour  lui avait été clairement expliqué dès sa première comparution en septembre 2011 comme l’exige l’article 530, il aurait pu faire sa demande à ce moment-là et les arrangements logistiques nécessaires auraient pu  être faits.    Il ne se serait pas retrouvé en janvier 2012, 4 mois plus tard, contraint de choisir entre avoir son procès à la date prévue, en français, mais sans être représenté par avocat, avoir son procès à la date prévue, en anglais, et avoir un avocat, ou avoir son procès, en français, à une date inconnue et possiblement éloignée, à cause  des problèmes d’horaires des avocats.
[30]	Dans ces circonstances, l’acquiescement de Mr. Latour à procéder en anglais ne peut pas raisonnablement être considéré comme une véritable renonciation à son droit de choisir la langue de son procès.
[31]	La violation du droit prévu à l’article 530 du Code criminel est une erreur de droit.  Les articles 686(1)(b)(iii) et (686(1)(b)(iv) du Code criminel, qui permettent à la cour d’appel de rejeter un appel même lorsqu’une erreur de droit a été commise, s’appliquent aux appels en matières sommaires. Code criminel, article 839.
[32]	Cependant, un tribunal d’appel ne peut pas avoir recours à ces dispositions pour maintenir une déclaration de culpabilité d’un accusé dont les droits en vertu de l’article 530 ont été violés.  La Cour suprême du Canada a décidé de cette question dans Beaulac:
Compte tenu de la nature des droits linguistiques, de l’exigence d’une égalité réelle, de l’objet de l’art. 530, décrit en l’espèce, et de l’objet de l’art. 686, je crois que la violation de l’art. 530 est un tort important et non une irrégularité de procédure. Par conséquent, l’al. 686(1)b) ne s’applique pas en l’espèce et un nouveau procès doit être ordonné. Il faut une réparation efficace dans les cas de violation des droits prévus à l’art. 530. L’application de l’art. 686 rendrait cela illusoire.
R. c. Beaulac, supra, au paragraphe 54
[33]	En conséquence, comme le concède la Couronne, l'appel de Mr. Latour doit être accueilli.  La seule question qui reste à être déterminée et celle de la mesure de réparation qui est appropriée dans les circonstances.

3.	La réparation


[34]	Deux  possibilités s’offrent au tribunal en matière de réparation qui pourrait être ordonnée: la tenue d’un nouveau procès ou un arrêt des procédure.
[35]	L’arrêt de procédure est une mesure réparatrice qui est disponible en vertu du Paragraphe  24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, lorsqu'il y a eu violation par l’État d’un droit garanti par la Charte.  Ici, il n’est pas question de violation de la Charte.  Mais il est aussi depuis longtemps reconnu que même lorsque la Charte n'est pas en cause, les pouvoirs inhérents et résiduels des tribunaux incluent celui d'ordonner un arrêt de procédure pour empêcher un abus de procédure.     R. v. Power [1994] 1 S.C.R. 601, at pp.615-616; R. v. O’Connor [1995] 4 S.C.R. 411; R. v. Carosella [1997] 1 S.C.R. 80; R. v. Reagan [2002] 1 S.C.R. 297.
[36]	Il est également clairement établi, cependant, que c’est une mesure qui ne doit être utilisée que dans les cas les plus clairs et manifestes d'abus de procédure, ceux où le préjudice causé est irréparable.  L’une des raisons d'être d'un arrêt de procédure dans de tels cas est de mettre fin à l’abus de procédure et empêcher qu'il se perpétue. R. v. MacKenzie, supra, au paragraphe 88.
[37]	Je conclus qu’en l’espèce, un arrêt de procédure n’est pas justifié.  Bien qu'il y ait eu violation de l'article 530, il n’y a aucune indication de mauvaise foi de la part des autorités. Il est fort malheureux que Mr. Latour n’ait pas été avisé de ses droits de façon claire dès le départ.  Mais le fait est que, probablement parce que ses droits ne lui ont pas été expliqués clairement, ses prises de position concernant la langue du procès ont été quelque peu ambivalentes, et même, contradictoires à différents moments.
[38]	Il va sans dire qu’un accusé ne devrait jamais avoir à faire le choix entre se passer de représentation légale ou se prévaloir de ses droits linguistiques.   Mais vu dans son ensemble, ce qui s’est passé en l’espèce n’est pas un abus de procédure qui justifie  que le tribunal ait recours à la mesure exceptionnelle qu’est un arrêt des procédures.
[39]	De plus,  il existe une autre mesure réparatrice (la tenue d'un nouveau procès), qui assurera le respect des droits de Mr. Latour.   Il ne s'agit pas d'une situation où un arrêt de procédure est le seul moyen d'empêcher que la violation de ses droits se perpétue.
[40]	Un nouveau procès doit avoir lieu et il est clair que ce procès devra se tenir en français.  Il n'y a aucune ambiguïté  à cet égard: Mr. Latour a dit, lors de l’audition de son appel, qu’il aurait demandé que son procès se tienne en français s’il avait été informé de son droit, et que ce qu'il demande dans le cadre de cet appel est la tenue d'un procès en français.
[41]	Dans les circonstances, je conclus que la mesure de réparation la plus appropriée est la tenue d’un nouveau procès, en français.
[42]	Étant donné mes conclusions concernant ce motif d’appel, je n’ai pas à examiner les autres motifs soulevés par Mr. Latour.   Je n'ai pas non plus à statuer sur sa requête pour présenter de la nouvelle preuve dans le cadre de cet appel.  Il appartiendra au juge du nouveau procès de décider de la pertinence et de la recevabilité de ces éléments de preuve.


[43]	Pour tous ces motifs, l’appel est accueilli et j’ordonne la tenue d’un nouveau procès, en français, sur les trois chefs d’accusations.


									L.A. Charbonneau
									J.C.S.
Daté à Yellowknife, NT ce
24e jour d’ avril 2013

Hugues Latour:	 	se représente lui-même
Me Marc Lecorre:		procureur de L’Intimée
Me Serge Petitpas:	 (à titre gracieux)








S 1 CR 2012 000059


COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES
DU NORD-OUEST



ENTRE:

HUGUES LATOUR
Appellant

-et-


SA MAJESTÉ LA REINE
Intimée





MOTIFS DE DÉCISION DE
L’HONORABLE JUGE L.A. CHARBONNEAU

   
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