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Abstract: Memoradum de décision

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Parent c. Desjardins, 2010 CSTN-O 17
Date: 2010 03 02
Docket: S-0001-FM-2009000030

	COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

ENTRE:

	LINDA PARENT
	Requérante

	- et -


	ROBERT DESJARDINS
	Intimé

	MEMORANDUM DE DÉCISION


[1]	Dans cette affaire, la Requérante, résidente de Yellowknife, demande la modification d’un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec en avril 2002.  L’Intimé est le père de K.  Il réside à Ste-Anne des Plaines, dans la province de Québec.

[2]	Le jugement de la Cour supérieure du Québec, qui fut rendu avec le consentement des deux parties, se lit comme suit:

1.	Les parties auront la garde partagée de l’enfant [K.] en alternance d’année en année du 23 juin d’une année au 23 juin de l’autre année en commençant par le père pour l’année 2002-2003;

2. 	Cependant, l’autre parent aura des droits d’accès à l’enfant aussi souvent que possible mais au minimum l’enfant visitera le parent qui n’en a pas la garde selon les modalités suivantes:
(...)

C) 	deux semaines durant les Fêtes;
(...)


3. 	Les parties vont se partager les coûts du transport aller et retour afin de permettre à l’enfant l’exercice des contacts prévus au paragraphe précédent;

4. 	La partie requérante autorisera en tout temps les contacts téléphoniques entre la partie intimée et l’enfant, en autant que les appels téléphoniques soient faits à des heures raisonnables;

5. 	Les parties continueront d’exercer conjointement l’autorité parentale à l’égard de l’enfant [K.] et, sans limiter la généralité de ce qui précède, sur toutes les questions d’importance concernant l’éducation, la santé, les soins médicaux, le bien-être de l’enfant, le choix des écoles, et se consulteront et décideront ensemble des mesures les plus appropriées et ce dans le meilleur intérêt de l’enfant;

6. 	Les parties se réservent le droit de saisir le Tribunal pour modifier la présente convention et le présent jugement s’il advenait que les besoins de l’enfant changent ou que la situation prévue par la présente convention ne conviennent [sic] plus.

[3]	Le régime de garde en alternance a bien fonctionné au cours des cinq années qui ont suivi le jugement:  K. a vécu en alternance, d’année en année, chez son père et chez sa mère.  La Requérante a témoigné que les parties s’étaient entendues pour payer, chacune à leur tour, les frais de déplacement de K. au moment du changement de son lieu de résidence.

[4]	Cependant, au début de l’été 2007, la Requérante s’est inquiétée du fait que l’Intimé tardait à acheter un billet d’avion pour K., qui devait revenir à Yellowknife le 23 juin.  La Requérante affirme que l’Intimé aurait menacé de ne pas retourner K. à Yellowknife parce qu’il n’avait pas suffisamment d’argent pour lui acheter un billet d’avion.  Elle affirme aussi que l’Intimé a évoqué la possibilité de renvoyer K. à Yellowknife uniquement à Noël.  La Requérante a éventuellement pris des mesures pour organiser elle-même le retour de sa fille à Yellowknife.  L’Intimé n’a financé aucune partie des frais de ce voyage.

[5]	K. est donc revenue à Yellowknife pour l’année 2007-2008.  Le 23 juin 2008, elle n’est pas retournée au Québec.  La  preuve révèle qu’elle a exprimé à l’Intimé le désir de demeurer à Yellowknife, et que l’Intimé a accepté.

[6]	La Requérante a déposé son avis introductif d’instance le 19 mars 2009.  Le dossier a été ajourné à quelques reprises à la demande des parties.  Le 23 juillet 2009, j’ai émis une ordonnance alimentaire intérimaire selon laquelle l’Intimé devait payer à la Requérante un montant de $448.00 par mois pour le bénéfice de K.


[7]	L’audition a procédé le 10 février 2010.  La  Requérante s’est représentée elle-même.  Elle a témoigné, adopté le contenu de l’affidavit qu’elle avait déposé quand elle a entrepris ces procédures, et fourni certaines autres précisions quant aux circonstances qui ont mené au dépôt de la requête.  Elle également appelé K. comme témoin.

[8]	L’Intimé n’a pas présenté de preuve à l’audition.  Il n’était d’ailleurs pas présent.  Il était par contre représenté par son avocat, qui a pu contre-interroger la  Requérante et K., ainsi que faire des représentations au tribunal.  Les contre-interrogatoires ont été brefs, ce qui reflète, je pense, que le litige n’est pas fondé sur une contestation des faits, mais plutôt sur un désaccord quant aux conséquences juridiques qui découlent de ces faits.

[9]	À mon avis il n’existe aucune raison de ne pas accepter la preuve présentée par la Requérante, qui n’a été contestée ni par une preuve contradictoire, ni affaiblie en contre-interrogatoire.  C’est donc en fonction des faits établis par cette preuve que je dois décider des questions soulevées dans le cadre de cette  requête.

[10]	La Requérante affirme qu’il n’est plus dans le meilleur intérêt de sa fille de continuer à vivre en alternance à Yellowknife et à Ste-Anne des Plaines.  Cet aspect de la requête n’est pas contesté: l’Intimé, par l’entremise de son avocat, a exprimé son  accord pour que K. réside avec sa mère à temps plein.

[11]	Ceci  semble être conforme aux désirs de K.  Lors de son témoignage, elle a affirmé qu’elle aime son père, qu’elle a du plaisir à faire des activités avec lui, notamment des activités de plein air, mais qu’elle préfère habiter à Yellowknife à plein temps.  J’ai observé K. attentivement pendant son témoignage.  Elle m’a semblé être une jeune fille intelligente, lucide, confiante, et qui sait ce qu’elle veut.  Il me semble que, tenant compte de son âge, il ne serait pas dans son meilleur intérêt de continuer à lui imposer un changement de résidence à tous les ans.  Il est donc approprié, à mon avis, de modifier le jugement de 2002 pour  permettre à K. de résider avec la Requérante à Yellowknife de façon continue.


[12]	Je ne crois pas, par contre, que le changement dans les modalités de résidence de K. ne justifie de modifier les stipulations du Paragraphe 5 du jugement de 2002, qui prévoit que les parties continueront à exercer conjointement l’autorité parentale.  Évidemment, le parent avec qui un enfant réside, par la force des choses, est nécessairement celui qui exerce l’autorité parentale au quotidien.  Mais rien dans la preuve ne suggère que l’Intimé devrait être privé du droit, ni être relevé de sa responsabilité, d’être impliqué dans les décisions d’importance concernant le bien-être de K.  Je comprends que les relations entre la Requérante et l’Intimé ont pu souffrir des conflits qui sont survenus au cours des dernières années, et qu’une certaine tension ait pu s’installer entre eux.  Il n’en demeure pas moins qu’ils partagent une responsabilité vis-à-vis de K.  Ils doivent  donc s’efforcer  de continuer à discuter des questions qui concernent son bien-être, et de prendre ensemble les décisions nécessaires à ses meilleurs intérêts.

B) 	QUESTIONS EN LITIGE

[13]	Si la question du changement des modalités de garde n’est pas contestée, d’autres aspects de la requête le sont.  Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre au sujet de l’ordonnance alimentaire que la Requérante réclame pour K., sur les  modalités des droits de visite qui devraient être accordés à l’Intimé, et sur la question à savoir qui devrait défrayer les frais occasionnés par ces visites.

1. 	L’ordonnance alimentaire

[14]	La Loi sur le droit de l’enfance, L.T.N.-O. 1997, ch.14, établit les paramètres qui régissent les obligations des parents d’apporter un soutien financier à leurs enfants.  L’existence de cette obligation est reconnue à l’article 58 de la Loi:

58. Les parents sont tenus de fournir des aliments à leur enfant dans la mesure de leurs capacités.

[15]	L’article 59 prévoit qu’à la suite d’une requête, le tribunal peut ordonner à un parent de fournir des aliments à son enfant et en fixer le montant et la durée.  Dans ce contexte, le terme “aliments” s’entend d’une somme d’argent destinée à être utilisée pour combler les besoins de l’enfant.  Le droit aux aliments est le droit de l’enfant lui-même, et non le droit du parent qui en a la garde.

[16]	Quant à la fixation du montant, la discrétion du tribunal est limitée.  La règle générale est énoncée au paragraphe 58(4):

58. (...)

(4) 	Le tribunal qui rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) (...) la rend conformément aux lignes directrices applicables.

                (...)

[17]	Les lignes directrices dont il est question sont celles établies par règlement.  Les Lignes directrices applicables aux aliments des enfants, R-138-98 prévoient l’utilisation de tables qui établissent le montant qui doit être payé en fonction du revenu du parent payeur.  Pour tenir compte des différences entre les contextes économiques qui existent dans différentes régions du Canada, les  Lignes directrices établissent une table spécifique pour chaque province et territoire.  C’est la province ou territoire de résidence du parent payeur qui détermine quelle table doit être utilisée.

[18]	L’article 12 des Lignes directrices prévoit que dans certaines circonstances, le tribunal peut déroger aux montants prévus aux tables:

12.	(1) 	Le tribunal peut, sur requête, fixer comme montant d’aliments un montant différent de celui qui serait déterminé en application des articles 4 à 7, 10 ou 11 s’il conclut que, sans cette mesure, le parent de l’enfant à l’égard duquel la requête est faite ou tout enfant visé par celle-ci éprouverait des difficultés excessives.

[19]	En l’espèce, l’Intimé n’a pas présenté de requête en vertu de cette disposition.  Il n’a présenté aucune preuve qui puisse démontrer que le montant à payer en l’espèce  devrait être différent de celui qui est prévu aux tables.

[20]	L’ordonnance alimentaire intérimaire dont j’ai fait état au Paragraphe 6 a été rendue sur consentement des parties.  Elles ont avisé le tribunal, lors de la comparution du 23 juillet, que le revenu annuel de l’Intimé était de 55,183.02$.  Le montant mensuel a été fixé conformément à la table  applicable au Québec.  Lors de l’audition du 10 février, l’avocat de l’Intimé a confirmé l’exactitude des renseignements fournis le 23 juillet quant au revenu annuel de l’Intimé.


[21]	Cependant, l’Intimé, par l’entremise de son avocat, s’est opposé à une ordonnance alimentaire permanente.  Son avocat a fait valoir que l’Intimé estime que puisque la Requérante a l’avantage d’avoir K. avec elle a plein temps, et qu’elle bénéficie de ce contact régulier avec sa fille, il est injuste qu’elle bénéficie en plus d’une ordonnance alimentaire.  Mais ce raisonnement va complètement à l’encontre des principes juridiques applicables en la matière.  Comme je l’ai déjà mentionné, le droit aux aliments est le droit de l’enfant, et il existe pour le bénéfice de l’enfant, non pour le bénéfice du parent qui en a la garde. K. a donc le droit de bénéficier du soutien financier de son père, en proportion avec le revenu de ce dernier, même si elle n’habite pas avec lui.  L’Intimé doit comprendre que le montant qu’il paie mensuellement n’est pas destiné à la Requérante pour ses propres besoins: il est destiné à combler les besoins de K.

[22]	Dans les circonstances, et eu égard aux principes juridiques applicables en la matière, il n’existe aucun motif qui pourrait justifier une dérogation aux règles d’application générale.  Ainsi, les termes de l’ordonnance intérimaire rendue en juillet 2009 continueront à s’appliquer jusqu’à ce que K. atteigne l’âge de la majorité, (qui est 19 ans dans les Territoires du Nord-Ouest), à moins qu’elle ne se soustraie à l’autorité parentale avant cette date.

2. 	Ordonnance alimentaire rétroactive

[23]	La Requérante demande que l’ordonnance alimentaire soit payable rétroactivement au mois de septembre 2008.  Je comprends que cette demande est fondée sur le fait que le changement du régime de résidence remonte, dans les faits, à l’été 2008.  Selon les modalités du jugement de 2002, K. aurait dû retourner vivre chez son père à compter du 23 juin 2008.  La preuve est à l’effet que K. a manifesté, au cours de l’été, son désir de rester dans les Territoires du Nord-Ouest et que c’est ce qui s’est passé, avec l’assentiment de l’Intimé.  La Requérante fait valoir que puisque c’est à cette date que le régime de garde a changé dans les faits, c’est à compter de cette date que l’Intimé devrait être tenu de verser une pension alimentaire pour le bénéfice de K.


[24]	Généralement, les tribunaux octroient des droits et obligations pour l’avenir, et non de façon  rétroactive.  Il existe cependant des circonstances où une ordonnance alimentaire rétroactive peut être accordée.  Après tout, ce droit est celui de l’enfant, et il existe indépendamment de toute ordonnance judiciaire.

[25]	La Cour Suprême du Canada a fixé les principes qui régissent ce genre de demande dans l’arrêt D.B.S. c. S.R.G. [2006] 2 R.C.S. 231.  Ce faisant, la Cour a reconnu l’importance de chercher à atteindre un équilibre entre le droit du parent débiteur d’avoir une certaine certitude quant à ses obligations, et l’impératif de l’équité envers l’enfant.

[26]	La Cour Suprême a expliqué qu’un tribunal saisi d'une demande d'ordonnance alimentaire rétroactive doit considérer l'affaire dans sa globalité et trancher en fonction des faits de l'espèce.  Certains facteurs doivent être considérés, comme la raison pour laquelle le parent créancier a tardé à demander l'ordonnance alimentaire, le comportement du parent débiteur, la situation de l'enfant, y compris ses besoins au moment où la pension aurait dû être versée, et les difficultés que pourrait causer une ordonnance rétroactive.

[27]	En l’espèce, le comportement de la Requérante et celui de l’Intimé doivent être examinés en tenant compte du contexte.  Le régime de résidence en alternance a été établi quand K. avait presque 6 ans, et a bien fonctionné pendant plusieurs années.  En 2007, l’Intimé a tardé à prendre les mesures nécessaires pour renvoyer K. à Yellowknife.  La Requérante s’est vue dans l’obligation de prendre des mesures elle-même pour faire revenir sa fille.  L’Intimé n’a pas payé pour les frais de transport de K.  D’un autre côté, l’été suivant, l’Intimé a accepté ce que lui demandait  K., soit qu’elle puisse demeurer à Yellowknife au lieu de retourner chez lui en juin 2008.  Il s’est donc montré flexible et ouvert aux besoins et désirs de sa fille.

[28]	La Requérante, elle, n’a pas entrepris les présentes procédures avant mars 2009, soit neuf mois après que les parties se soient entendues pour modifier le régime de garde.  La preuve présentée à l’audition ne contenait pas d’explication pour ce délai.  Mais je reconnais que la situation était en pleine évolution et qu’il était raisonnable pour la Requérante de ne pas intenter un recours judiciaire immédiatement.  D’ailleurs, il ne serait pas opportun d’encourager les gens à se tourner vers les tribunaux avant d’avoir d’abord essayé de régler ce genre de situation à l’amiable.

[29]	Je conclus donc que ni le délai de la Requérante à intenter ce recours, ni le comportement de l’Intimé ne sont déterminants dans la décision d’accorder ou non une ordonnance alimentaire rétroactive.

[30]	Quant au troisième critère, il n’y a pas de preuve spécifique démontrant que K. a été pénalisée ou privée de quelque chose de précis  pendant la période où l’Intimé n’a pas payé de pension alimentaire à la Requérante.  Mais K. aurait dû pouvoir compter sur le soutien  de ses deux parents, indépendamment du choix qu’elle faisait de demeurer à Yellowknife.  Et la Requérante n’aurait pas dû avoir à assumer ce fardeau financier seule.

[31]	Le quatrième facteur identifié dans D.B.S. c. S.R.G. est l’impact qu’une ordonnance rétroactive pourrait avoir sur le débiteur.  En l’espèce, l’impact dépendrait, le cas échéant, du montant ordonné.  Je reconnais qu’une ordonnance rétroactive imposerait un fardeau financier additionel à l’Intimé.  Par contre, comme je l’ai déjà mentionné, ce fardeau correspond à une obligation que l’Intimé avait indépendamment de tout recours judiciaire.


[32]	En examinant la situation dans son ensemble, tel qu’il est de mon devoir de le faire, je conclus qu’il est approprié de rendre une ordonnance alimentaire rétroactive pour le bénéfice de K.  Je ne suis cependant pas convaincue que cette ordonnance devrait être rétroactive au mois de septembre 2008.

[33]	Toujours dans l’arrêt D.B.S. c. S.R.G., La Cour Suprême a établit que l’ordonnance doit généralement rétroagir à la date à laquelle le parent créancier a réellement informé le parent débiteur qu'une pension devait être payée ou que la pension versée devait être majorée.  La notion d’ “information réelle” ne suppose pas nécessairement l'exercice d'un recours judiciaire par le parent créancier; il suffit que le sujet ait été abordé.

[34]	En l’espèce, il n’y a aucune preuve faisant état de discussions que les parties ont pu avoir au sujet de la question de l’ordonnance alimentaire.  Le sujet du soutien financier est brièvement abordé au paragraphe 27 de l’affidavit de la Requérante, mais ce paragraphe ne fait pas état de demande spécifique de sa part:


27. 	L’intimé n’a jamais payé une pension alimentaire pour [K.] et au meilleur de mes connaissances, il n’a acheté que le strict nécessaire au niveau des vêtements et des matériaux scolaires. Il me dit toujours qu’il n’a pas d’argent (...)

[35]	Par contre, la demande de pension alimentaire est clairement énoncée dans l’Avis introductif d’instance signifié à l’Intimé en mars 2009.  Ceci établit sans contredit  qu’à  partir du moment où on lui a signifié les document relatifs à la présente requête, l’Intimé savait que la Requérante lui demandait de contribuer au soutien financier de K.  Une fois informé de celà, il savait que la Requérante n’était pas satisfaite du statu quo.  Il est donc approprié, à mon avis, d’accorder une ordonnance alimentaire rétroactive à la date de signification, soit le 27 mars 2009.  Cette ordonnance couvrira donc la période entre cette date et le 1er août 2009, date à laquelle l’ordonnance alimentaire intérimaire a pris effet.

[36]	Certes, l’ordonnance rétroactive imposera un fardeau financier additionel à l’Intimé, mais dans une moindre mesure que si l’ordonnance s’appliquait à compter du changement effectif de régime de garde en juin 2008, ou à compter de septembre 2008, tel que le demandait la Requérante.  Elle rendra disponible pour K. une partie du soutien financier dont elle aurait dû pouvoir bénéficier à l’époque, mais n’imposera pas à l’Intimé un fardeau financier écrasant.  J’estime  qu’une ordonnance alimentaire rétroactive pour une période de quatre mois est équitable, compte tenu du contexte et de l’ensemble des facteurs dont j’ai fait mention.

3. 	Les droits de visites

[37]	L’autre sujet de désaccord entre les parties concerne les droits de visite.  L’Intimé demande que K. passe, à tous les ans, toutes ses vacances  estivales avec lui, ainsi que toute la période des Fêtes.  La Requérante, de son côté, demande que le choix soit laissé à K. de décider de la fréquence et de la durée de ses visites chez l’Intimé.

[38]	Il ne fait aucun doute que la modification du régime de résidence en alternance, et la grande distance qui sépare Yellowknife de Ste-Anne des Plaines, aura pour effet de réduire considérablement le temps que l’Intimé pourra passer avec sa fille au  cours des prochaines années.  C’est un changement drastique, considérant que selon le régime précédent, il avait la garde de K. une année sur deux.  Il est compréhensible qu’il veuille passer le plus de temps possible avec K.  Il est aussi dans le meilleur intérêt de K. de maintenir un contact significatif et un lien solide avec lui.

[39]	D’un autre côté, il faut aussi  approcher la situation avec réalisme.  K. aura 13 ans dans quelques mois.  Comme j’en ai déjà fait état, son témoignage m’a paru sincère et raisonnable: elle aime son père et veut le voir, mais elle a clairement insisté sur le fait qu’elle tient à passer du temps de qualité avec lui.  Elle affirme qu’il y a eu des périodes où elle était chez son père mais le voyait très peu parce qu’il travaillait beaucoup et était très occupé.  Au sujet de la possibilité de passer tous ses étés au Québec, K. a dit lors de son témoignage, “J’aime mieux y aller pour 3 semaines et qu’on fasse des activités ensemble qu’y aller tout l’été mais qu’on ne passe pas de temps ensemble”.  Il a aussi été fait mention du désir de K. de se trouver un emploi d’été, ce qui pourrait avoir un impact sur sa  capacité de s’absenter pour toute la durée des vacances estivales.

[40]	Pour qui est du temps des Fêtes, encore là, une certaine flexibilité s’impose.  La Requérante a soulevé le fait, par exemple, que si les grands-parents maternels de K. ou d’autres membres de sa famille élargie viennent passer le temps des fêtes à Yellowknife, il est possible que K. préfère y rester pour profiter de leur présence.

[41]	Les positions des parties sont trèes polarisées: la Requérante demande au tribunal de ne fixer aucun paramètre pour les droits de visite, et de les laisser à la complète discrétion de K.; l’Intimé, lui, insiste pour avoir, à tous les ans, un droit de visite pour toute la période estivale et pour tout le temps des Fêtes.  Ni l’une ni l’autre de ces solutions ne me semble appropriée.  Laisser les droits de visite de l’Intimé à la complète discrétion de K. n’est pas souhaitable.  Celà ferait porter à K. une  responsabilité et une pression qui n’est pas appropriée compte tenu de son âge, même si je ne doute ni de son intelligence, ni de son niveau de maturité.  Évidemment, elle approche d’un âge où il sera difficile de la contraindre à rendre visite à l’Intimé si elle ne veut pas le faire mais celà ne veut pas dire qu’elle devrait assumer la  responsabilité de négocier avec lui l’horaire et la fréquence de ses visites.  Par contre, je comprends aussi les inquiétudes exprimées par K., et bien que des contacts réguliers entre elle et son père doivent être encouragés, il est également important de laisser place à une certaine flexibilité.


[42]	Je suis également d’avis qu’un seul droit de visite par année n’est pas suffisant, compte tenu du nombre d’années que K. a passées à vivre avec l’Intimé au quotidien depuis 2002.  Par conséquent, à chaque année, l’Intimé aura un droit de visite avec K. pour une période minimum de 3 semaines durant les vacances estivales; il aura également un autre droit de visite pour une période minimum de 10 jours, soit  pendant le temps des Fêtes, soit pendant le congé scolaire hivernal, soit à une autre période sur laquelle les parties pourront s’entendre.

[43]	Ces deux droits de visites spécifiques sont un minimum: ils n’empêchent nullement les parties de s’entendre pour des visites supplémentaires si K. désire rendre visite à son père plus souvent, et si celà est possible d’un point de vue financier.

[44]	J’insiste sur le fait qu’il serait souhaitable que les parties discutent d’avance des dates et des modalités de ces droits de visite, en consultation avec K., pour tenir compte de ses besoins et préférences, et pour éviter les  conflits d’horaire qui ont été évoqués lors de l’audition.  Si les visites sont planifiées longtemps d’avance et que les parties collaborent, il devrait être possible d’éviter la plupart des difficultés.  Toutes les personnes en cause devront faire preuve de bonne volonté et de flexibilité, y compris, dans une certaine mesure, K. elle-même.

[45]	Mon ordonnance sera structurée de façon à laisser aux parties le plus de flexibilité possible, tout en réglant les modalités des droits de visite avec plus de détails si les parties sont incapables de s’entendre.  Et si les modalités plus spécifiques ne fonctionnent pas, il reviendra aux parties de présenter une requête pour  préciser davantage les paramètres des visite.  Mais je réitère qu’ un horaire imposé par le tribunal a beaucoup plus de chances d’être insatisfaisant pour tout le monde qu’un horaire établi par les parties elles-mêmes.  Il est donc souhaitable que le tribunal ne soit pas appelé à régler les paramètres des visites dans leurs moindres détails.

4. 	Frais de transport

[46]	Le jugement de 2002 prévoit que les parties se partageront les frais associés aux visites de K. chez le parent qui n’en a pas la garde.  Jusqu’à l’été 2007, cette clause semble avoir fonctionné sans problème.  La Requérante affirme qu’à cause des difficultés qu’elle a rencontrées au début de l’été 2007, elle craint que l’Intimé ne paie pas sa part de frais de transport.  Elle suggère que l’Intimé assume seul les frais de visite, mais qu’en contrepartie l’ordonnance alimentaire soit suspendue pour les périodes où K. est en visite chez l’Intimé.  L’Intimé de son côté affirme que la Requérante devrait assumer seule les frais de transport pour les visites.

[47]	Chacune des parties a fait valoir qu’il était plus juste que l’autre défraie seule les frais de transport nécessaires pour que K. puisse passer du temps avec l’Intimé, mais ni l’une ni l’autre n’a apporté d’argument convaincant pour justifier cette position.  À mon avis, l’entente initiale des parties sur cette question, qui fut homologuée dans le jugement de 2002, était juste et raisonnable. Je ne vois pas pourquoi l’un ou l’autre des parents devrait défrayer seul les frais de visite.  Il est dans le meilleur intérêt de K. qu’elle puisse passer du temps avec son père et maintenir un lien véritable avec lui.  Je vois mal sur quel principe je pourrais me fonder pour faire porter le fardeau financier de ces visites  uniquement à l’un ou l’autre des parents.  La solution la plus équitable, à mon sens, c’est que ces frais soient partagés.

CONCLUSION

[48]	Pour ces motifs, j’ordonne ce qui suit:

A) 	Les Paragraphes 1 et 2 du jugement de la Cour supérieure du Québec en date du 25 avril 2002 sont remplacés par ce qui suit:

1. 	L’enfant K. aura sa résidence principale avec la Requérante.

1.1.	Le père de K. aura des droit d’accès à K. aussi souvent que possible, mais au minimum K. le visitera:

a) 	pour une période de 3 semaines pendant les vacances estivales, et

b) 	pour une période de 10 jours soit pendant le congé des  Fêtes, soit pendant le congé scolaire du printemps, soit à une autre période de l’année sur laquelle les parties se seront  entendues.

1.2	Si les parties n’arrivent pas à s’entendre concernant l’horaire des visites prévues au paragraphe 1.1, les dates de visite seront  régies par les paramètres suivants:

a) 	du 1er juillet au 22 juillet de chaque année, et


b) 	en alternance, d’année en année, entre le congé des Fêtes et le congé scolaire du printemps, en commençant, en 2010-2011, avec le congé des Fêtes.

2.	L’Intimé payera à la Requérante un montant mensuel de 448.00$ pour le support de K., payable le 1er jour du mois.

2.1	L’Intimé payera à la Requérante un montant de 1,792.00$ en guise de pension alimentaire rétroactive pour la période du 27 mars 2009 au 1er août 2009.

B) 	Les Paragraphes 3 à 6 du jugement demeurent en vigueur.

[49]	Dans les circonstances, puisque certains aspects de la requête n’ont pas été contestés, et que le résultat sur les aspects contestés de la requête sont partagés, il n’y aura pas d’ordonnance quant aux dépens.



L.A. Charbonneau
        J.C.S.
Fait à Yellowknife, TN-O, ce
2e jour de mars 2010

La Requérante s’est représentée elle-même
Procureur de l’ Intimé:	Me Roch Matte	


S-0001-CV-2008000133



COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES
DU NORD-OUEST



ENTRE:

	LINDA PARENT
	Requérante
- et -


	ROBERT DESJARDINS
	Intimé





MEMORANDUM DE  DÉCISION
L’HONORABLE JUGE L.A. CHARBONNEAU





   
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