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Abstract: Motifs de Decision

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Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest  et al c. Procureur Général des Territoires du Nord Ouest (No. 5), 2009 CSTNO 43
Date: 2009 06 11
Dossier: S-0001-CV-2008000133

	COUR SUPRÊME DES TERRITORIES
	DU NORD-OUEST

ENTRE:

COMMISSION SCOLAIRE FRANCOPHONE, TERRITOIRES DU NORD-OUEST, CATHERINE BOULANGER et CHRISTIAN GIRARD

	Demandeurs
	- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST, et COMMISSAIRE DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

	Défendeurs

__________________________________________________________________

Requête pour modifier une Ordonnance


Audition tenue à Yellowknife, TN-O, le 27 mai 2009


Motifs déposés le 11 juin 2009
______________________________________________________________________________

MOTIFS DE DÉCISION DE L’HONORABLE  JUGE L.A. CHARBONNEAU

Procureur des demandeurs: 	Me Roger Lepage

Procureur des défendeurs: 	Me Maxime Faille

Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest  et al c. Procureur Général des Territoires du Nord Ouest (No. 5), 2009 CSTNO 43
Date: 2009 06 11
Dossier: S-0001-CV-2008000133

	COUR SUPRÊME DES TERRITORIES
	DU NORD-OUEST

ENTRE:

COMMISSION SCOLAIRE FRANCOPHONE, TERRITOIRES DU NORD-OUEST, CATHERINE BOULANGER et CHRISTIAN GIRARD

	Demandeurs
	- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST, et COMMISSAIRE DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

	Défendeurs

MOTIFS DE DÉCISION
(DEUXIÈME REQUÊTE EN MODIFICATION D’ORDONNANCE)



A)     INTRODUCTION ET MISE EN CONTEXTE


1.	La présente requête vise la modification d’une injonction interlocutoire accordée par le tribunal le 21 août 2008.  Les Demandeurs ont déposé leur avis de motion et leur preuve en mars 2009.  Subséquemment, ils ont demandé que l’audition de la motion soit suspendue, ou remise sine die, avec la possibilité pour eux de la réactiver au besoin.   Les Défendeurs se sont opposés à cette demande, leur position étant que la motion devait être soit entendue, soit retirée.



2.	L’audition de la motion a procédé le 27 mai 2009.   La position première des Demandeurs, à la lumière de la preuve déposée par les Défendeurs, est que le tribunal devrait s’abstenir de rendre une decision sur la motion, et l’ajourner sine die.  Subsidiairement, les Demandeurs affirment que la preuve démontre  que l’Ordonnance du 21 août devrait être modifiée pour encadrer  sa mise en oeuvre de facon plus serrée, en raison du manque de diligence dont les Défendeurs ont fait preuve pour s’y conformer.


3.	Les Défendeurs affirment pour leur part que la motion n’a aucun fondement et n’aurait jamais dû être déposée.   Ils estiment qu’il n’y a pas lieu d’ajourner la motion, et ils demandent au tribunal de la rejeter.


4.	Je ne reviendrai pas  ici sur tous les détails des procédures interlocutoires qui ont eu lieu dans le cadre de ce dossier. Par contre, la présente requête doit, jusqu’à un certain point, être mise en contexte.


5.	  Les Demandeurs ont obtenu, le 22 juillet 2008, une injonction interlocutoire contraignant les Défendeurs à fournir à l’École Boréale de Hay River trois salles de classes supplémentaires pour l’année scolaire 2008-2009.  L’Ordonnance prévoyait que ces salles de classes seraient situées dans l’autre école secondaire à Hay River, entre autres pour faciliter l’accès des élèves au gymnase et au laboratoire de sciences de cette école.   Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest et al. c. Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest et al., 2008 CSTNO 53.



6.	Par la suite, les Défendeurs ont présenté une requête en modification de cette Ordonnance. Ils ont deposé de la preuve supplémentaire démontrant que la mise en oeuvre des modalités de l’Ordonnance du 22 juillet, et en particulier l’utilisation de salles de classes  dans l’école secondaire anglophone, poserait des problèmes considérables.   Le 21 août, à la lumière de cette preuve, j’ai accordé la requête et modifié l’Ordonnance.   L’Ordonnance modifiée exigeait que certains paramètres soient respectés quant aux salles de classes qui seraient fournies a l’École Boréale, mais elle laissait aux Défendeurs la flexibilité de décider des moyens à prendre pour rendre ces salles disponibles.  Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest et al. c. Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest et al. (No.3), 2008 CSTNO 66.


7.	La présente requête s’inscrit, et doit se comprendre, dans le contexte de ces procédures antérieures.  Mais il ne s’agit pas ici de revenir sur les éléments de preuve présentés au soutien des requêtes précédentes, ni sur les questions qui ont déjà été tranchées.   Les Demandeurs fondent leur  requête sur le non-respect  par les Défendeurs de l’Ordonnance du 21 août.  Ce sont donc les événements survenus depuis cette date, plus particulièrement  les mesures prises par les Défendeurs pour se conformer à l’Ordonnance, qui doivent être examinés.


B)     LA MISE EN OEUVRE DE L’ORDONNANCE DU 21 AOÛT


8.	Il y a d’abord lieu de rappeler l’extrait pertinent de l’Ordonnance du 21 août.  D’une part, elle prévoyait certains paramètres pour l’aménagement des salles de classes supplémentaires pour l’École Boréale:

(...)
3. A) Les Défendeurs prendront des mesures immédiates pour faire aménager trois salles de classes qui seront mises à la disposition de l’École Boréale, selon les paramètres suivants:

i)	l’espace sera aménagé de façon à créer un lieu physique distinct pour les élèves qui les utiliseront;

ii)	les Défendeurs prendront toutes les mesures légalement disponibles pour accélérer tout processus d’appel d’offres ou de signatures de contrats pour mettre en oeuvre cette Ordonnance;

iii)	les salles de classes ne seront pas aménagées au sein d’une autre école, à moins que les Demandeurs n’y consentent expressément par écrit par l’entremise de leur procureur;


iv)	les Défendeurs fourniront aux Demandeurs, au plus tard  le 12 septembre 2008, un rapport écrit sur les progrès faits dans la mise en oeuvre de cette Ordonnance, et continueront de fournir de tels rapports aux Demandeurs à toutes les trois semaines jusqu’à ce que les classes soient prêtes.

9.	Parce que la rentrée scolaire 2008-2009 était imminente au moment où la requête en modification a été entendue, l’Ordonnance prévoyait aussi une mesure transitoire:

(...)
B) D’ici à ce que les espaces décrits au Paragraphe 3 soient aménagés, les Défendeurs rendront disponibles pour l’utilisation par l’École Boréale:

i) 	une salle de classe à l’école Diamond Jenness et deux salles de classes à l’école Princess Alexandra, ou

ii)	sur consentement des Demandeurs, de l’espace dans un autre lieu.

10.	La preuve quant aux événements survenus suite à  l’Ordonnance du 21 août est peu controversée. Le litige entre les parties se situe surtout au niveau de l’interprétation des faits et des conclusions que le tribunal devrait en tirer.

1. La location de salles au Ptarmigan Inn

11.	Dans la semaine qui a suivi la modification de l’Ordonnance, des représentants des parties se sont  rendus à Hay River pour identifier et examiner les options qui existaient pour aménager des salles de classes.   La décision a alors été prise de louer des salles de conférences situées dans un hôtel de Hay River, le Ptarmigan Inn, et d’y aménager trois salles de classes.  Les Demandeurs ont été consultés, et ont consenti à cette mesure.  La rentrée scolaire pour les élèves devant utiliser ces classes a été quelque peu retardée  pour permettre certains aménagements aux salles, mais on a ainsi évité que les élèves aient à entreprendre l’année scolaire dans d’autres écoles de Hay River.  Dans son affidavit, Phillipe Brûlot, le directeur général de la commission scolaire, affirme qu’il a fait valoir aux représentants des Défendeurs que les salles du Ptarmigan Inn ne seraient acceptables qu’à court terme.



12.	Le 4 septembre, les Demandeurs ont reçu une lettre de Joanne McGrath, directrice intérimaire aux services aux organismes scolaires du Ministère de l’Éducation.  Dans cette lettre, elle les remerciait pour leur collaboration dans l’étude des options disponibles pour établir des salles de classes à Hay River, et ajoutait en conclusion:

Nous poursuivons nos efforts avec nos employés afin de trouver une solution permanente pour le reste de l’année scolaire 2008-2009.

13.	Les Défendeurs ont entrepris, dès le mois de septembre, d’examiner la possibilité de faire l’acquisition de salles de classes modulaires pour l’École Boréale.


14.	Rien dans la  preuve n’établit que l’accord des  Demandeurs d’envoyer les élèves au Ptarmigan Inn était conditionnel à ce que  des classes modulaires soient achetées.  Rien non plus n’établit un engagement formel de la part des Défendeurs de faire l’acquisition de classes modulaires à ce moment-là.  Mais il est clair que les Défendeurs envisageaient de trouver une solution autre que le Ptarmigan Inn, ont communiqué celà aux Demandeurs, et leur ont aussi dit qu’ils examinaient l’option d’acheter des classes modulaires.


15.	Il est aussi clair que les Demandeurs souhaitaient fortement que le séjour des élèves au Ptarmigan Inn soit de courte durée; ils voyaient en cet arrangement une solution temporaire, dans l’attente de la mise en oeuvre d’une autre solution. Ils ont exprimé cette position à maintes reprises dans leur correspondance ainsi que dans leurs rencontres avec les représentants des Défendeurs.			

16.	La preuve démontre aussi que les Défendeurs visaient le même objectif, soit, que les espaces au Ptarmigan Inn ne soient utilisés qu’à court terme.   L’extrait précité de la lettre de Mme McGrath laisse clairement entendre que son ministère n’envisageait pas que les élèves y passent toute leur année scolaire.  La même intention ressort, à mon avis, de l’ensemble de la correspondance que les Défendeurs ont fait parvenir aux Demandeurs au fil des mois qui ont suivi.  Par exemple, le sous-ministre de l’Éducation, Dan Daniels, écrivait dans une lettre datée du 12 septembre  envoyée aux Demandeurs:


“(...) Comme vous le savez, au lieu de fournir trois salles de classes dans deux écoles, tel qu’indiqué dans l’Ordonnance de la juge Charbonneau, nous avons conclu un accord afin que l’école Boréale utilise les espaces du Ptarmigan Inn jusqu’à ce qu’on trouve d’autres arrangements.”

2. L’achat de bâtiments modulaires					

17.	Les affidavit de Paul Devitt et Barry Ward  expliquent le processus  suivi par les Défendeurs pour faire l’acquisition des classes modulaires.   Plusieurs précisions sont  aussi  ressorties du contre-interrogatoire de Mr. Devitt sur son affidavit, ainsi  que des réponses aux engagements découlant de ce contre-interrogatoire.

18.	  La preuve démontre que les Défendeurs  ont commencé à étudier cette option dès le mois de septembre.  Dans sa lettre du 12 septembre, M. Daniels faisait état de recherches en cours pour déterminer le coût d’achat ou de location de bâtiments modulaires qui pourraient être transportés à Hay River.  Il expliquait que le ministère des Travaux publics et des services émettrait sous  peu une recommandation sur la meilleure façon de procéder pour accélérer le processus relatif à l’Ordonnance.

19.	Ce qui était envisagé à ce moment-là était de faire construire les classes par une compagnie albertaine, et les faire livrer à Hay River.  On estimait qu’il faudrait compter de trois à quatre mois entre la signature du contrat et la fin de l’installation des bâtiments modulaires.   Il ressort aussi de la preuve que deux options étaient envisagées pour les installations du système d’égout  pour ces nouvelles classes: la première option était l’installation d’un système d’égout relié à un réservoir temporaire; la deuxième option était de raccorder les bâtiments au  système  d’égout municipal, ce qui ne pourrait se faire qu’au printemps.


20.	Vers la fin du mois de septembre, les Défendeurs furent avisés que la municipalité de Hay River ne permettrait pas l’installation d’un réservoir temporaire.  Dans sa lettre aux Demandeurs  datée du 24 octobre, Mr. Daniels déplore que les conduites d’eau et d’égoût ne puissent être rattachées aux bâtiments modulaires avant le printemps.  Dans celle du 14 novembre, il revient d’ailleurs sur cette question:


Tel que mentionné dans la lettre que nous vous avons envoyée le 24 octobre dernier, le ministère des Travaux publics et des Services a indiqué que les conduites d’eau et d’égoût ne pourront pas être raccordées aux bâtiments modulaires avant le printemps.  Nous allons demander au Ministère de réexaminer cette recommandation une fois qu’on 	aura déterminé le meilleur emplacement possible pour l’installation des bâtiments.  Il est important que l’échéancier relatif à cette installation soit revisé afin de s’assurer que les salles de classe additionnelles soient prêtes le plus tôt possible.

21.	Il faut aussi noter qu’au  mois d’octobre, le conseil exécutif du gouvernement avait autorisé le Ministère des Travaux publics et services à négocier l’achat des bâtiments modulaires avec la compagnie albertaine.


22.	En novembre, les Défendeurs ont retenu les services des architectes qui avaient conçu les plans originaux de l’École Boréale pour élaborer les plans pour l’ajout des bâtiments modulaires.


23.	Entre temps, des contracteurs de Hay River ont manifesté un intérêt pour le projet de construction des bâtiments modulaires.  En janvier, deux contracteurs ont présenté aux représentants du Ministère des Travaux publics une projet conjoint et une proposition détaillée pour la construction des bâtiments.  Cette proposition a été étudiée et a été retenue.  Les approbations nécessaires ont été obtenues du conseil exécutif et le contrat a été signé en février.


24.	Au 26 mars 2009, date à laquelle Mr. Ward a souscrit son affidavit, l’échéancier  du projet prévoyait que les classes seraient prêtes au début du mois d’août.    Au moment de l’audition de la motion le 27 mai, cet échéancier demeurait le même, malgré certains retards mineurs.


C)  ANALYSE

25.	La position principale des Demandeurs continue d’être que leur motion devrait être ajournée sine die.    C’est donc la première question dont je dois traiter.



1.  Ajournement de la motion sine die


26.	Les Demandeurs affirment que dans les circonstances, ils sont en droit d’obtenir un ajournement de la motion sine die, tout en se réservant le droit de procéder à une date ultérieure, si nécessaire.


27.	Une partie qui dépose une motion a toujours le loisir de la retirer.   Les Règles de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest  prévoient aussi l’ajournement d’une motion, à une date fixe ou sans date fixe, sur consentement des parties.  Évidemment, le tribunal a également le pouvoir d’ajourner une motion à la demande de l’une des parties même si l’autre partie s’y oppose.    Mais rien ne donne à une partie le droit absolu d’ajourner une motion sine die unilatéralement.


28.	Dans certaines circonstances, un ajournement sine die peut être approprié.    Mais le tribunal doit tenir compte de la position d’une partie intimée qui s’oppose à un tel ajournement, surtout quand  cette  partie  prétend que la motion est dépourvue de fondement.  Il existe des situations où il est préférable de trancher la question, afin de résoudre la question soulevée par la motion et que les parties sachent à quoi  s’en tenir.


29.	A mon avis, la motion en l’espèce se prête mal à un ajournment sine die.   Les mesures de redressement qui y sont recherchées se rattachent a l’échéancier d’un projet  très précis.  Si la motion devait être ajournée et remise sur le rôle du tribunal dans quelques mois, les parties auraient à déposer de la preuve pour faire part au tribunal des événements qui sont survenus depuis que la preuve existante a été déposée.  Les mesures de redressement recherchées seraient probablement différentes, pour être adaptées aux nouvelles circonstances révélées par la  preuve.


30.	Pour cette raison, à mon avis, il n’est pas approprié, en l’espèce, d’ajourner la motion sine die.    Je suis d’accord avec les Défendeurs qu’il est préférable de trancher, maintenant, la question à savoir si l’Ordonnance du 21 août doit être modifiée.



2. Modification de l’Ordonnance du 21 août


31.	Il convient de faire un bref rappel des paramètres juridiques qui s’appliquent à une requête comme celle-ci.


32.	La Règle 399 des Règles de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest permet au tribunal de modifier une ordonnance.  Bien que cette Règle soit formulée en termes plutôt larges, la jurisprudence reconnaît que ce type de pouvoir ne doit pas être utilisé par le tribunal pour reconsidérer ses décisions dans n’importe quelles circonstances.


33.	Règle générale, une fois qu’une ordonnance est rendue et que le jugement a été enregistré, il faut procéder par voie d’appel pour faire la faire modifier.    Même quand le jugement n’a pas été enregistré, le pouvoir du tribunal de reconsidérer sa décision  doit être exercé avec une certaine prudence.  Fullowka v. Royal Oak Ventures Inc. 2002 NWTSC 14; Becker v. Alberta (Director of Employment Standards) 2003 ABCA 130.


34.	Le tribunal dispose d’une plus grande souplesse  dans le cas d’ordonnances interlocutoires.  Pocklington Foods Inc. v. Alberta (Provincial Treasurer) 165 A.R. 155 (Alta C.A.).  Même dans ces cas, on ne devrait généralement pas permettre que des parties se présentent continuellement devant le tribunal pour demander le ré-examen de questions qui ont déjà été tranchées.   Mais la présentation de nouvelle preuve peut justifier une reconsidération de la décision. Riviera Developments Inc. v. Midd Financial Corp. [1995] A.J. No. 107.  C’est d’ailleurs ce qui s’est produit dans la présente affaire en août 2008 quand les Défendeurs ont obtenu une modification à l’Ordonnance du 22 juillet.



35.	La question est donc de savoir si la preuve présentée dans le cadre de cette motion établit qu’il est  nécessaire de  modifier à nouveau l’Ordonnance.  Cette preuve porte   essentiellement sur les mesures prises par les Défendeurs depuis le 21 août  pour se conformer à l’Ordonnance.  Les Demandeurs prétendent que la preuve établit que les Défendeurs n’ont pas fait preuve de diligence et ne se sont pas conformés à certains aspects de l’Ordonnance.  Les Défendeurs prétendent qu’au contraire, ils se sont   rapidement et scrupuleusement conformés à l’Ordonnance, allant bien au-delà de ce qu’elle exigeait.


36.	Il est important de souligner, d’entrée de jeu, le désaccord fondamental qui existe entre les parties quant à l’inteprétation des mesures prises par les Défendeurs suite à l’Ordonnance du 21 août.


37.	Les Défendeurs affirment qu’en louant les salles du Ptarmigan Inn, ils se sont conformés au Paragraphe 3(A) de l’Ordonnance.   Selon eux, la décision du gouvernement de faire construire des classes modulaires échappe au cadre de l’Ordonnance.  Selon cette interprétation, c’est par bonne volonté et dans un esprit de collaboration qu’ils ont tenu les Demandeurs informés du projet, et tenté de le faire avancer le plus rapidement possible, et non parce  qu’ils avaient l’obligation juridique de le faire.


38.	Les Demandeurs affirment au contraire que leur intention était d’accepter l’aménagement des classes au Ptarmigan Inn comme mesure transitoire à court terme, conformément à l’alinéa 3(B)(ii) de l’Ordonnance.  Ils voyaient en cet aménagement une mesure  remplaçant l’option d’envoyer leurs élèves dans d’autres écoles en attendant l’aménagement des trois salles de classes supplémentaires.  Ils ont toujours cru que c’était  également la façon  dont les Défendeurs envisageaient la situation.   Les Demandeurs affirment donc que l’installation des classes modulaires tombe sous l’égide du Paragraphe 3(A) de l’Ordonnance. Par conséquent, ils affirment que les Défendeurs étaient légalement tenus de procéder le plus rapidement possible et de faire rapport aux Demandeurs à toutes les 3 semaines jusqu’à ce que les classes soient prêtes.



39.	Les Demandeurs invitent le tribunal à décider quelle interprétation des faits est juste.   Les Défendeurs affirment que la question n’a pas à être tranchée.  Selon eux, elle n’est pas pertinente, et ne le deviendrait que si les Défendeurs devaient abandonner le projet de construction de classes modulaires, une éventualité hautement improbable au stade où en sont actuellement les choses.


40.	Le malentendu quant aux intentions respectives des parties aide très certainement à comprendre leurs positions quant à cette motion.   Mais à mon avis, la réponse à la question en litige dans cette motion  - la preuve établit-elle que l’Ordonnance doit être modifiée? -  ne dépend pas nécessairement de la justesse de l’une ou l’autre des interprétations des faits.   Autrement dit, même si l’interprétation des Demandeurs est retenue, il ne s’ensuit pas nécessairement que leur requête doit être accordée.


41.	Les Demandeurs allèguent que les Défendeurs ont failli à deux des obligations que leur imposait l’Ordonnance.  Ils allèguent, premièrement, que les Défendeurs n’ont pas agi suffisamment rapidement pour mettre en oeuvre le Paragraphe 3(A) de  l’Ordonnance.  Ils allèguent, deuxièmement, que les rapports fournis par les Défendeurs  n’ont pas été suffisamment détaillés.  Les Demandeurs affirment que ces faits justifient une  modification de l’Ordonnance, parce qu’ils démontrent le besoin d’ encadrer sa mise en oeuvre de façon plus serrée.


42.	Les Demandeurs demandent donc au tribunal de modifier l’Ordonnance pour en faire une ordonnance  structurelle avec des exigences très strictes, adoptant ainsi une approche semblable a celle qui a recu l’aval de la majorité de la Cour Suprême du Canada dans Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62.     Ils affirment qu’il est d’autant plus nécessaire de modifier l’Ordonnance à la lumière  de la position des Défendeurs, puisque ceux-ci estiment n’avoir  aucune obligation légale, à l’égard  des  Demandeurs, de compléter le projet.



43.	La position première des Défendeurs est qu’ils se sont conformés au paragraphe 3(A) de l’Ordonnance dès septembre, en louant les espaces au Ptarmigan Inn.   Mais ils soutiennent que de toute façon, en ce qui a trait au projet d’achat des bâtiments modulaires, il ne leur était pas possible de procéder plus rapidement, compte tenu de l’envergure du projet, des contraintes reliées au fonctionnement de l’appareil gouvernemental, et de d’autres facteurs qui échappaient à leur contrôle.


44.	Ils affirment en particulier qu’ils n’avaient aucun contrôle sur les délais causés par le fait que le travail relatif au raccordement des conduites d’eau et d’égout  n’allait pas pouvoir se faire pendant l’hiver.     Pour le reste, ils affirment avoir procédé le plus rapidement possible dans les circonstances.


45.	Les Demandeurs prétendent au contraire que le délai le plus important dans l’avancement  du projet est imputable à la décision des Défendeurs de faire affaire avec  des entrepreneurs locaux plutôt que de conclure une entente avec la compagnie albertaine.    Ils affirment que cette décision a considérablement retardé le projet.   Ils font valoir qu’il aurait été possible, dès septembre, de commander les bâtiments de la compagnie albertaine et de faire les travaux de creusage nécessaires pour l’installation éventuelle du système d’égout.  Ainsi, affirment-ils, tout aurait pu être en place pour installer et raccorder les tuyaux aux bâtiments une fois ceux-ci livrés.   Les Demandeurs affirment que si tout celà avait été fait,  les nouvelles classes auraient pu être disponibles dès les premiers mois de l’année 2009.

46.	Lors de l’audition de la motion, en présentant cet argument, le procureur des Demandeurs a fait référence au contre-interrogatoire de Mr. Devitt et aux documents fournis dans les réponses aux engagements.  La transcription du contre-interrogatoire et les documents n’avaient pas été déposés avant l’audition mais il a été convenu qu’ils seraient envoyés au tribunal après l’audition, ce qui fut fait.  Le procureur des Défendeurs a, le 28 mai, fait parvenir une lettre, et un document supplémentaire, au procureur des Demandeurs, et a envoyé une copie à mon cabinet.   Dans mes délibérations, je n’ai pas tenu compte des propos tenus dans la lettre, ni du document.  La correspondance entre avocats sur ce genre de sujet de devrait jamais être copiée au tribunal, et il est particulièrement mal avisé de le faire lorsqu’une affaire est en délibéré.  Une partie peut demander de ré-ouvrir l’audition si elle le juge nécessaire, mais ne peut pas simplement faire parvenir au tribunal de la preuve ou des arguments supplémentaires.


47.	Pour en revenir à la prétention des Demandeurs au sujet des travaux qui auraient pu être faits dès septembre, leur procureur a fait valoir que deux documents appuient sa thèse.  Le premier est un facsimile daté du 18 septembre de la compagnie Atco Structures.  Ce document est essentiellement un estimé fourni par la compagnie en question quant au cout d’achat et de livraison de trois bâtiments modulaires.  Ce document, comme d’autres éléments de preuve, établit qu’il aurait été possible de commander les bâtiments modulaires dès l’automne.

48.	  Les deux autres documents sont des copies de courriels datés du 25 septembre. Le premier courriel fait état des deux possibilités que le Ministère des Travaux publics et services examinait pour le système  d’égout qui serait rattaché aux bâtiment modulaires.  Les deux options sont décrites comme suit:

Option A - provide the units with a temporary heated sewage tank, as it is not recommended to utilize the tanked sewage for a prolonged amount of time.  Once the ground thaws, a trench would be dug to attach the utilities to the main school building and connect underground services.  PWS has advised that this method would add approximately $100K to the project.

Option B - wait until spring to locate the units on site. Due to the court order the timeline for this option is not recommended.

L’auteur du message indique aussi que la  réglementation municipale ne permet pas l’utilisation de réservoir d’égout temporaire, mais que des démarches sont en cours pour demander si la municipalité consentirait à faire une exception.  Le deuxième courriel avise du refus de la municipalité de faire cette exception.


49.	À mon sens, la preuve n’établit pas qu’il aurait été possible de procéder de la façon  évoquée par le procureur des Demandeurs.  On ne doit pas faire dire à ces documents des choses qu’ils ne disent  pas.  Les document  expliquent simplement les deux options possibles pour établir le système d’égout pour les classes modulaires; ils font état du fait que des travaux de creusage  devront être faits après le dégel si l’Option A est mise en oeuvre.  Ils ne parlent aucunement de la possibilité de procéder immédiatement à des travaux de creusage pour faire les raccordements une fois les bâtiments livrés.


50.	   Aucune autre preuve n’a été présentée  démontrant la faisabilité de travaux préliminaires de creusage à la fin septembre, ni que ces travaux auraient effectivement rendu possible le raccordement de la tuyauterie d’égout  pendant l’hiver si les bâtiments avaient été disponibles en décembre ou en janvier.  Il n’existe aucune preuve démontrant que cette façon de procéder aurait été approuvée par la municipalité.  Il ne suffit pas pour les Demandeurs d’évoquer qu’il ait pu y avoir d’autres options que celles examinées par les Défendeurs: il leur faut présenter une preuve qui démontre que ces options existaient réellement.

51.	Je conclus donc que même si les bâtiments modulaires avaient été commandés dès octobre, quand les Demandeurs ont reçu l’approbation nécessaire du conseil exécutif, et même si les bâtiments avaient été livrés au début de 2009, les classes n’auraient pas pu être utilisées tout de suite parce que les travaux pour installer le système d’égout auraient dû attendre au dégel.  Ainsi, la décision de confier le contrat à des entrepreneurs locaux n’a pas occasionné la plus grande partie des délais.

52.	  À mon avis, il  n’y a rien d’autre dans la preuve qui permette de conclure que les  Défendeurs  ont indûment  retardé le processus.  Il est d’ailleurs logique de penser qu’il aurait été à leur avantage que les bâtiments modulaires soient prêts plus rapidement, pour leur éviter les frais supplémentaires découlant de la location des salles au Ptarmigan Inn pour une plus longue période.


53.	Même si j’ai tort dans mon interprétation de la preuve, et que certains délais auraient pu être évités ou raccourcis, le fait demeure que l’échéancier  actuel prévoit que le projet sera complété à temps pour la rentrée 2009 et ne peut absolument pas l’être avant la fin de la présente année scolaire.  Les Demandeurs eux-mêmes le reconnaissent, puisque contrairement à ce qu’ils réclamaient dans leur avis de motion, ils ne demandent plus au tribunal d’ordonner que les travaux soient complétés d’ici le 30 juin.  Ils demandent  plutôt au tribunal d’ordonner que l’échéancier  actuel soit respecté et que les classe soient rendues disponibles pour le 3 août.      La modification de l’Ordonnance ne serait donc nécessaire que dans la mesure où il y aurait lieu de croire que les Défendeurs n’entendent pas respecter l’échéancier actuel.


54.	Le second fondement de la motion est que les Demandeurs prétendent que les Défendeurs ont négligé de leur fournir suffisamment de détails sur l’avancement du projet de construction de bâtiments modulaires.   Ils demandent au tribunal de contraindre les Défendeurs à leur fournir, ainsi qu’au tribunal, des rapports détaillés à ce sujet d’ici à ce que les classes soient prêtes.



55.	Les Défendeurs ont fait parvenir de la correspondance aux Demandeurs aux trois semaines à partir du 12 septembre.  Il est vrai que certaines des lettres ne transmettaient pas beaucoup  d’information.  Les Défendeurs font valoir que ces lettres doivent être mises en contexte, et qu’il y eu plusieurs communications verbales, et de nombreuses réunions, où l’information disponible a été transmise.  Ils affirment que toute l’information qui pouvait être transmise aux Demandeurs l’a été.


56.	Les Demandeurs reconnaissent que suite au dépôt de la motion en mars, ils ont reçu de l’information détaillée quant au projet de construction des bâtiments modulaires, incluant un échéancier expliquant les diverses étapes de la construction et les dates auxquelles ces étapes doivent être complétées.   Ils reconnaissent avoir maintenant en main l’information détaillée quant à ce projet.   Le niveau de détails fournis dans les mois qui ont précédé le dépôt de la requête est peut-être pertinent à la question de savoir si les Demandeurs avaient ou non des raisons de la déposer.  Mais ces faits ont une pertinence limitée sur la question à savoir si l’Ordonnance doit maintenant être modifiée pour contraindre les Defendeurs à transmettre de l’information aux Demandeurs et à faire des rapports au tribunal.


57.	En résumé, à ce stade-ci, les Demandeurs veulent que le tribunal modifie l’Ordonnance pour contraindre les Défendeurs à faire ce qu’ils ont déjà fait (fournir de l’information détaillée sur le projet de construction de bâtiments modulaires) et ce qu’ils prévoient faire (rendre les nouvelles classes disponibles pour le 3 août).


58.	Un certain  nombre de choses sont sans équivoque: les Défendeurs ont décidé de faire construire trois classes supplémentaires pour l’École Boréale; le contrat pour ce projet est signé et le projet est bien engagé; les Demandeurs ont de l’information détaillée sur le projet, y compris un échéancier  précis des travaux; les parents et autres personnes intéressées ont été invitées à faire une tournée du chantier au cours de l’été pour constater les progrès des travaux; et selon l’échéancier  actuel, et malgré certain retards mineurs, il est prévu que les classes seront prêtes à temps pour la rentrée scolaire 2009-2010.


59.	Si la preuve permettait de conclure que les Défendeurs ont ignoré l’Ordonnance, ou délibérément retardé ou cherché à court-circuiter sa mise en oeuvre, ou fait preuve de mauvaise foi, les mesures de redressement  recherchées par les Demandeurs pourraient être justifiées, même dans la situation actuelle.   Mais la preuve ne démontre aucune de ces choses.  En répondant aux questions qui lui ont été posées quand il a été contre-interrogé sur son affidavit, Mr. Brûlot a d’ailleurs dit que de son point de vue, les représentants des Défendeurs avaient fait tout ce qu’ils pouvaient pour faire avancer le projet.


60.	 Dans les circonstances, et à la lumière de l’ensemble de la preuve, il m’apparaît que d’un côté comme de l’autre, les gens sur le terrain ont fait de leur mieux pour faire avancer les choses le plus efficacement  possible.    Il  n’est pas difficile de comprendre pourquoi  parents, élèves, et autres personnes intéressées ont pu être très inquiets des délais, et déçus que le séjour des élèves au Ptarmigan Inn se soit prolongé beaucoup plus longtemps que ce qu’on avait prévu au début de l’année scolaire.  Mais celà ne veut pas nécessairement dire que l’intervention du tribunal, à ce stade-ci, est justifiée.


61.	Il y a lieu de rappeler que l’octroi d’une injonction interlocutoire mandatoire comme celle accordée le  22 juillet et modifiée le 21 août, est une mesure exceptionnelle.   Par ailleurs, comme j’en ai dejà fait état, le pouvoir de modifier une ordonnance existante est un pouvoir qui doit être exercé de façon restrictive.


62.	De plus, il faut comprendre que les modifications demandées en l’espèce transformeraient l’ordonnance en injonction  structurelle, une mesure qui est en soit  très exceptionnelle.   En accordant ces  modifications, le tribunal se donnerait un rôle de supervision de la branche exécutive du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions.  Notre droit  reconnait la nécessité de  ce genre de mesures dans certains cas.   Mais à mon avis, les tribunaux doivent faire preuve de retenue en exerçant ce pouvoir, et n’y avoir recours que lorsque la preuve démontre clairement que c’est absolument  nécessaire.


63.	Une des situations où il y a lieu de modifier une ordonnance interlocutoire est lorsque la preuve établit un changement dans les circonstances depuis que l’ordonnance a été rendue.   En l’espèce, il y a effectivement eu des changements de circonstances depuis que l’Ordonnance du 21 août 2008 a été rendue.  Presque toute une année scolaire a été complétée, et un projet de construction majeur a été entrepris par les Défendeurs pour agrandir l’École Boréale.  Mais ces changements ne justifient pas une modification de l’Ordonnance.  Malgré les inquiétudes causées par les délais, les malentendus, et les frustrations qui ont pu survenir au fil des derniers mois, les représentants des Demandeurs sont satisfaits du projet en cours.  D’ailleurs, le fait que les Demandeurs privilégient maintenant l’option de l’ajournement sine die de leur motion tend a démontrer qu’eux-même reconnaissent que la situation ne requiert plus, à ce stade-ci du moins,  l’intervention du tribunal.


64.	Pour ces motifs, la requête est rejetée.


65.	Les mémoires des parties incluent certaines représentations quant aux dépens.  Si les parties désirent ajouter à ces représentations, elle pourront le faire en déposant des représentations écrites au greffe du tribunal au plus tard le 26 juin.




L.A. Charbonneau
        J.C.S.

Fait à Yellowknife, TN-O, ce
11e jour de juin 2009

Procureur des demandeurs: 	Me Roger Lepage
Procureur des défendeurs: 	Me Maxime Faille	


S-0001-CV-2008000133



COUR SUPRÊME DES TERRITORIES
DU NORD-OUEST



ENTRE:

COMMISSION SCOLAIRE FRANCOPHONE, TERRITOIRES DU NORD-OUEST, CATHERINE BOULANGER et CHRISTIAN GIRARD

	Demandeurs
	- and -


PROCUREUR GÉNÉRAL DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST, et COMMISSAIRE DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

	Défendeurs





	MOTIFS DE DÉCISION DE L’HONORABLE
	JUGE L.A. CHARBONNEAU





   
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