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Abstract: Motifs de decision (requete pour modification d'ordonnance)

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Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest et al c. Procureur Général des Territoires du Nord Ouest, (No. 3), 2008 CSTNO 66
Date: 2008 08 21
Dossier: S-0001-CV-2008000133

 COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES
 DU NORD-OUEST

ENTRE:

COMMISSION SCOLAIRE FRANCOPHONE, TERRITOIRES DU NORD-OUEST, CATHERINE BOULANGER et CHRISTIAN GIRARD
 Demandeurs
 - et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST, et COMMISSAIRE DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
 Défendeurs


 MOTIFS DE DÉCISION
(REQUETE POUR MODIFICATION D’ORDONNANCE)


1. Dans cette requête, les Défendeurs demandent que soit modifiée une Ordonnance que j’ai rendue le 22 juillet dernier.  Les motifs de ma décision accordant cette Ordonnance  sont  rapportés à Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest  et al c. Procureur Général des Territoires du Nord Ouest, 2008 CSTNO 53.


2. Les Demandeurs ont cité de la jurisprudence portant sur l’admissibilité de nouvelles preuves dans le cadre d’une requête pour modifier une Ordonnance interlocutoire. Ils semblent remettre en question le droit des Défendeurs de présenter la  preuve qu’ils ont déposée au soutien de leur requête en modification.  Mais les Demandeurs  affirment eux aussi que l’Ordonnance devrait être modifiée.  Étant donné que les deux parties s’entendent pour dire que l’Ordonnance doit être modifiée, je ne vois pas l’utilité de m’engager dans une analyse des principes qui régissent une demande de modification d’Ordonnance.  De toute façon, la preuve fait état d’obstacles réels et sérieux à la mise en oeuvre de mon Ordonnance.  Il serait irresponsable de ma part de ne pas en tenir compte.

3. La partie de l’Ordonnance qui fait l’objet de la demande de modification est son Paragraphe 3, qui se lit comme suit:

J’ordonne que les Défendeurs mettent en place immédiatement un plan intérimaire pour assurer qu’à partir de la rentrée scolaire pour l’année scolaire 2008-2009, les éléments suivants soient en place:

(...)

3. L’utilisation par l’École Boréale de trois salles de classes dans une autre école de niveau secondaire à Hay River, avec les aménagements  nécessaires pour créer un lieu physique distinct pour les élèves qui les utiliseront.


4. J’ai rendu cette Ordonnance parce que j’ai conclu que les Demandeurs avaient établi l’existence d’une question sérieuse à juger quant au manque d’espace à l’École Boréale à Hay River, et parce que j’ai également conclu que les autres critères pour l’obtention d’une injonction interlocutoire étaient rencontrés.

5. Lors de l’audition de la requête en injonction, les Demandeurs avaient fait état de différentes options qui pourraient être envisagées si le tribunal concluait que de l’espace additionnel devrait être mis à la disposition de l’École Boréale.  L’option que les Demandeurs privilégiaient était que le tribunal ordonne aux Défendeurs de louer un espace dans un édifice avoisinant de l’école pour que des salles de classe puissent y être aménagées.  Une autre possibilité, spécifiquement énoncée dans l’avis de motion d’ailleurs, était que le tribunal ordonne aux Défendeurs d’acquérir des salles de classes portatives.  La troisième possibilité était que de l’espace dans d’autres écoles de Hay River soit mis à la disposition de l’École Boréale.

6. Les Défendeurs avaient présenté une preuve suggérant que les deux premières options n’étaient pas réalisables à temps pour la rentrée scolaire, et seraient coûteuses. Dans un de ces affidavits, Edward McLeod, qui travaille pour le Ministère des Travaux publics, (ce ministère a la responsabilité des infrastrusctures gouvernementales dans les Territoires du Nord-Ouest, incluant les écoles) expliquait les échéanciers probables si le tribunal choisissait d’ordonner la mise en oeuvre de la première ou la deuxième des options proposées  par les Demandeurs.

7. Dans un affidavit déposé le 20 juin 2008, Don Morrison, un employé du Ministère de l’Éducation, faisait état des coûts anticipés pour la mise en oeuvre des deux premières options.  Il concluait que les deux seules options qui pourraient assurer un espace supplémentaire pour l’École Boréale à temps pour la rentrée scolaire seraient soit que les enfants de non ayant-droit reçoivent leur instruction ailleurs qu’à cette école, ou soit que l’espace disponible dans d’autres écoles à Hay River soit utilisé.  Dans un affidavit déposé subséquemment, Mr. Morrison réitérait que bien que son ministère ne considérait pas qu’il existait vraiment un manque d’espace à l’École Boréale, il demeurait possible, en cas de besoin, de mettre à la disposition de l’École Boréale de l’espace non utilisé dans d’autres écoles de Hay River.

8. À première vue, les affirmations de Mr. Morrison quant à l’autorité de son ministère semblent contredire le Paragraphe 3 de l’avis de motion déposé par les Défendeurs pour présenter cette requête.  Ce Paragraphe  se lit comme suit:

Suite à l’Ordonnance, Le Ministère de l’éducation a contacté le Hay River District Education Authority (DEA), responsable du fonctionnement de toutes les écoles à Hay River, à l’exception de l’École Boréale.  Le Ministère n’a aucun pourvoir [sic] en ce qui a trait à l’allocation de salles de classe, des horaires des professeurs, ou d’autres décisions administratives. Ainsi, le DEA doit être consulté avant de pouvoir mettre en oeuvre toute Ordonnance de la Cour.

9. Lors de l’audition de la requête, quand j’ai soulevé cette question, le procureur des Défendeurs a confirmé que le ministère de l’Éducation a bel et bien le pouvoir d’ordonner au Hay River District Education Authority (HRDEA) de libérer certains espaces dans les écoles qui sont de son ressort.  Sur un plan pratique, bien sûr, il est évident que le ministère aurait à discuter des modalités avec le HRDEA.

10. Dans mes motifs écrits du 22 juillet 2008, en traitant de la question des mesures de redressement possibles, j’ai fait état des diverses options et expliqué pourquoi il me semblait préférable d’ordonner l’utilisation d’infrastructures existantes:


Je conclus donc que la balance des inconvénients exige que certaines mesures de redressement soient accordées, mais que ces mesures doivent tenir compte de ce qui est logistiquement réalisable d’ici la rentrée, ainsi que des conséquences financières qu’elles entraîneront.  Le budget du gouvernement n’est pas illimité et  nous sommes au stade interlocutoire.  Il semble douteux que des classes portatives pourraient être livrées et adéquatement installées à temps pour la rentrée.  Il me semble également douteux que les rénovations qui devraient être faites dans l’édifice avoisinant pourraient être terminées à temps.  De plus, cette solution exigerait que le gouvernement s’engage a louer l’espace pour une période de temps supérieure à un an.  Si les Demandeurs n’ont pas gain de cause, le bail pourraient possiblement être annulé, mais il y aurait très certainement des coûts et pénalités considérables, surtout si l’espace a été rénové spécifiquement pour accueillir une école.

Pour donner aux élèves du niveau secondaire un accès adéquat aux laboratoires de sciences, ils devront de toute façon utiliser le laboratoire d’une autre école de niveau secondaire.  Il semble y avoir des salles de classe disponibles dans d’autres écoles à Hay River.  Si une infrastructure existe déjà, il est approprié de l’utiliser en guise de mesure temporaire.  Sur une base intérimaire, et principalement à cause que les options sont très limitées vu le manque de temps d’ici la rentrée scolaire, l’utilisation d’espaces dans une autre institution d’enseignement de la communauté est la solution la plus réaliste.  Je reconnais que c’est loin d’être la solution idéale, et qu’elle engendrera des coûts puisqu’il sera nécessaire d’assurer un espace distinct pour les élèves de l’École Boréale à l’intérieur de cette autre école.  Mais dans les circonstances, je pense que c’est la solution la plus raisonnable compte tenu des contraintes de temps.

Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest  et al c. Procureur Général des Territoires du Nord Ouest, supra, aux paragraphes 78-79.

11. Suite à mon Ordonnance, les Défendeurs ont retenu les services d’un consultant en éducation, Mr. Kindt, au sujet de l’impact de sa mise en oeuvre et de la viabilité de certaines autres options qui pourraient être examinées pour fournir trois salles de classe supplémentaires à l’École Boréale.  Son rapport sur ces questions est en preuve.  Mr. Kindt est également l’auteur d’un rapport détaillé au sujet de l’École Boréale, qui avait été mis en preuve lors de l’audition de la requête pour injonction interlocutoire.

12. Les Défendeurs ont également mis en preuve des documents qui démontrent que ma décision du 22 juillet a causé beaucoup d’émoi au HRDEA.

13. La preuve démontre que la mise en oeuvre de mon Ordonnance aurait un impact sérieux sur les programmes livrés à l’école Diamond Jenness.  C’est dans cette école, la seule autre école secondaire à Hay River, que les trois salles de classes devront être libérées si mon Ordonnance n’est pas modifiée.  La preuve présentée par les Défendeurs est à l’effet qu’il n’est pas possible de libérer trois salles de classes dans cette école sans perturber de façon significative son programme d’enseignement, et déplacer une partie de sa population étudiante.  Évidemment, cette preuve n’était pas devant le tribunal lors de l’audience en juillet.


14. Les Défendeurs affirment qu’ils ont été pris par surprise par mon  Ordonnance, et qu’ils n’avaient pas anticipé que j’ordonne des modalités aussi précises quant aux infrastructures qui devraient être mises à la disposition de l’École Boréale.  Ils soulignent que l’avis de motion des Demandeurs ne réclamait pas spécifiquement de l’espace à l’école Diamond Jenness.  C’est exact.

15. Par contre, un des documents mis en preuve par les Demandeurs, une lettre envoyée au sous-ministre de l’Éducation le 8 avril 2008 par André Légaré, démontrait que la possibilité d’utiliser de l’espace dans cet établissement avait été discutée avec des représentants du ministère.

16. De plus, durant ses représentations lors de l’audition le 9 juillet, le procureur des Demandeurs a fait des représentations où il demandait au tribunal de privilégier une des deux premières options auxquelles j’ai déjà fait référence.  Il a ensuite fait des représentations au sujet de ce que ses clients considéreraient comme acceptable si la décision du tribunal était que l’utilisation d’infrastructures existantes était préférable.  Il a fait référence à la lettre de M. Légaré et réitéré la position de ses clients à l’effet que si des infrastructures existantes devaient être utilisées par l’École Boréale, cet espace  devrait être à l’école Diamond Jenness.  On avait donc clairement évoqué cette possibilité.   Si elle était inacceptable ou impossible à mettre en oeuvre du point de vue des Défendeurs, il aurait évidemment été utile au tribunal d’en être avisé le 9 juillet.

17. Ceci étant dit, la preuve étant ce qu’elle est, je suis convaincue que mon Ordonnance doit être modifiée.  Il n’est ni juste ni avisé d’éviter un préjudice irréparable à une partie en causant un tort du même ordre à une autre partie, même si cette partie n’est pas une des parties au litige dont le tribunal est saisi.  La question très difficile qui se pose, c’est quelle mesure de redressement devrait maintenant être ordonnée , à la lumière de l’ensemble de la preuve.


18. Le procureur des Défendeurs a fait allusion à la possibilité que je tienne une conférence où toutes les parties concernées  pourraient être représentées et expliquer leur point de vue au sujet des impacts de différentes options.  Dans d’autres circonstances, et à un autre stade des procédures, ce pourrait être une excellente idée.  Il est parfois très approprié et utile pour les tribunaux de participer à des conférences en vue de règlement.  Mais au stade interlocutoire d’une affaire aussi litigieuse que celle-ci, je ne pense pas que ce soit la meilleure approche.  De toute façon, à mon avis, pour qu’un tel processus ait une chance de succès, il faudrait que les parties au litige soient d’accord pour s’y engager, et à ce stade-ci, ce n’est pas le cas.

19. Outre cette suggestion, les Défendeurs m’invitent à utiliser la même approche que celle que j’ai privilégiée dans ma décision du 22 juillet, soit l’utilisation d’infrastructures existantes.  Il affirment qu’il n’est pas possible de libérer trois salles de classe dans une même école à Hay River.  Les options qui seraient possibles, selon eux, sont les suivantes:

1.  Que l’Ordonnance soit modifiée pour contraindre les Défendeurs à mettre à la disposition de l’École Boréale trois salles de classe, et laisser aux Défendeurs le soin de déterminer dans quelles écoles cet espace sera libéré.

2.  Que l’Ordonnance soit modifiée pour contraindre les Défendeurs à mettre à la disposition de l’École Boréale  une salle de classe à l’école Diamond Jenness et deux salles de classe à l’école Princess Alexandra.

3.  Que l’Ordonnance soit modifiée pour contraindre les Défendeurs à mettre à la disposition de l’École Boréale une salle de classe à l’école Diamond Jenness, une salle de classe à l’école Princess Alexandra, et une salle de classe à l’école Harry Camsell.

20. Les Demandeurs affirment qu’ils ne considèrent plus que l’utilisation d’infrastructures existantes est une option viable.  Ils affirment que le niveau de tension entre les deux commissions scolaires et tel que cette option n’est  pas désirable.  Ils s’opposent aussi à se voir allouer des salles de classe dans deux ou trois écoles différentes, parce qu’ils estiment qu’il n’est raisonnable de forcer l’École Boréale à fonctionner sur trois ou quatre campus différents.  Ils demandent donc que je reconsidère une des options qu’ils avaient avancées en juillet, soit celle de contraindre les Défendeurs à louer de l’espace dans un édifice avoisinant de l’École Boréale pour y aménager les trois salles de classe.  Les Défendeurs affirment que ce que les Demandeurs préconisent équivaut à revenir sur ma décision du 22 juillet, où j’avais écarté cette option.


21. Il est évident que je me dois dans une certaine mesure de ré-examiner certaines questions que j’ai examinées  précédemment.  Comme je l’ai dit durant l’audition de la requête, je ne considère pas approprié de revenir sur la décision  au sujet de la quantité d’espace qui doit être mis à la disposition de l’École Boréale.  Mais je dois ré-examiner les différentes méthodes de mise en oeuvre, puisque celle que j’avais choisie n’est pas viable.

22. Ce ré-examen doit se faire à la lumière de la nouvelle preuve.  Je ne peux pas considérer cette preuve uniquement pour les fins recherchées par la partie qui l’a présentée.  La preuve établit, clairement à mon avis, qu’il ne serait pas avisé de maintenir l’Ordonnance forçant les Défendeurs à fournir trois salles de classe à l’école Diamond Jenness.  Mais la preuve établit d’autres faits pertinents que je ne peux ignorer.

23. Premièrement, il ne semble pas possible de libérer trois salles de classes dans une même école.  Ceci voudrait dire que des aménagements temporaires devraient être faits dans au moins deux, et possiblement trois écoles pour créér un espace distinct pour les élèves de l’École Boréale.

24. Deuxièmement, la preuve établit que la création de ces espaces distincts au sein d’établissements existants pourrait être très problématique.  Paul Devitt, qui travaille au ministère de l’Éducation, affirme au Paragraphe 13 de son affidavit daté du 13 août 2008:

Mr. Kindt was not able to comment on any school’s ability to create a distinct physical environment for the students i.e. segregation, which was another condition of the Order.  The Department has only been able to do a cursory assessment thus far and has already identified significant problems.  For example, the washrooms at DJSS [Diamond Jenness Secondary School] are centrally located and cannot be isolated to a particular wing of the school or restricted for the use by a select group of students.  There are also concerns about the entrance and egress from the classrooms and concerns that physically isolating a particular region of the school by construction of interior walls would violate fire and building codes.  These are not problems that can be solved in short order.

25. Les problèmes dont fait état Mr. Devitt semblent assez considérables.

26. Troisièmement, certains aspects de la preuve déposée par les Défendeurs mettent en évidence un niveau de tension que je ne peux ignorer en examinant quelle mesure de redressement devrait être accordée.  La preuve déposée, et les représentations faites lors de la première requête y avaient fait allusion dans une certaine mesure, mais certains documents maintenant en preuve en témoignent encore plus clairement.


27. Dans son rapport préparé suite à son évaluation de la situation à l’École Boréale, Mr. Kindt avait fait allusion au fait qu’il ressortait de ses discussions avec des représentants de la HRDEA que cet organisme voyait la politique d’admission de la Commission scolaire comme un obstacle à créér des partenariats.  Mr. Kindt écrit à la page 46 de son rapport:

In speaking to the Chair and Vice-Chair of the Hay River DEA, it was indicated that the DEA is quite open to partnerships once the issue on student entry (i.e. policy on student eligibility) at Ecole Boreale is clarified as per recent discussions with the Director of the Commission scolaire.  The current policy is viewed as competitive in nature, while a change to that policy would be perceived as opening the doors to closer dialogue and partnering.

28. La politique d’admission de la Commission scolaire est controversée parce qu’elle permet à des enfants de non ayant-droit qui répondent à certains critères d’être acceptés à l’École Boréale.  Lors de l’audition de la première requête, cette politique a fait l’objet de représentations des deux parties.  Depuis, le Ministre de l’Éducation a adopté une directive qui oblige la Commission scolaire à  n’ admettre  que les enfants d’ayant-droit dans ses écoles.  La validité constitutionnelle de cette directive est contestée par les Demandeurs.  Dans des motifs rendus aujourd’hui et rapportés à Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest et al c. Procureur Général des Territoires du Nord Ouest, (No.2), 2008 CSTNO 65, j’ai rejeté la requête des Demandeurs de faire suspendre l’application de cette directive, mais je leur ai accordé la permission de modifier leur Décaration pour ajouter la contestation de la directive à leur recours.

29. Les Demandeurs considèrent que leur politique d’admission répond aux objectifs réparateurs de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.  Ils estiment que leur politique d’admission vise un objectif légitime, celui de réparer les torts du passé en renversant certains effets de l’assimilation.  Selon les  représentations que j’ai entendues lors de l’audition de la requête portant sur la suspension de la directive ministérielle, la Commission voit sa politique d’admission comme un aspect fondamental de son droit de gestion.  Si le HRDEA voit un changement de cette politique comme une condition nécessaire à la création de partenariat, les chances qu’un tel partenariat puisse exister semblent minces, du moins jusqu’à ce que certaines des questions juridiques mises en cause dans cette affaire soient définitivement tranchées.

30. S’ajoute à celà la preuve déposée au soutien de la présente requête.  Une des annexes à l’affidavit de M. Devitt en date du 13 août 2008 est une lettre du président de la HRDEA au ministre de l’Éducation.  L’auteur de la lettre fait état des effets négatifs que la politique d’admission de la Commission scolaire a eu sur les écoles relevant de son organisme.  Il écrit:

It is apparent that the needs of Ecole Boreale Students must be met, but at what expense?  You are aware of how much our Public System has suffered over recent years due to the aggressive expansion and recruitment of Non-right-holders.

31. Plus loin, parlant des impacts sérieux de l’Ordonnance, rendue si près de la date de la rentrée, il ajoute:

The level of disruption will have a hugely negative impact on Staff morale, which has already sustained damage over the rate of expansion at the Ecole Boreale.


32. À mon avis, cette preuve remet très sérieusement en question la sagesse de rendre une Ordonnance selon laquelle des espaces au sein des écoles gérées par la HRDEA seraient utilisés comme salles de classe par l’École Boréale.  Le climat actuel ne semble pas propice au niveau de collaboration et de compromis qui seraient nécessaires pour partager des salles de classe dans deux ou trois écoles jusqu’à ce qu’une décision finale soit prise sur le fond, ce qui pourrait prendre  plusieurs  années.

33. Ma conclusion que l’utilisation d’infrastructures existantes était la meilleure solution dans les circonstances était fondée sur plusieurs facteurs; les coûts que pourraient représenter les autres options, considérant que ces mesures sont ordonnées sur une base interlocutoire; l’impossibilité pratique de mettre en oeuvre d’autres options à temps pour la rentrée; et finalement, l’existence d’une réelle alternative, soit la création d’un espace distinct pour l’École Boréale au sein d’une autre école. Cette possibilité, pour les raisons que je viens d’énumérer, ne me semble plus viable.


34. Ayant conclu que l’utilisation d’infrastructures existantes n’est pas une solution appropriée, la seule solution est que soit aménagés ailleurs, et dans les plus brefs délais, de nouveaux espaces  pour l’École Boréale.  J’arrive à cette conclusion avec une grande réticence.  Malheureusement, la preuve me convainc maintenant qu’il n’y a pas d’autre solution.  Dans Association des parents ayants droits de Yellowknife c. Territoires du Nord-Ouest (Procureur Général) 2005 CSTNO 58, cette Cour a ordonné, sur une base interlocutoire, l’acquisition de salles de classes portatives, une solution très coûteuse.

35. Les Demandeurs me demandent d’ordonner aux Défendeurs de s’engager contractuellement avec une partie spécifique pour la location d’un lieu spécifique.  Je ne pense pas que ce soit approprié.  Les Défendeurs sont peut-être en mesure d’obtenir l’accès à des espaces adéquats, plus rapidement, ou à coûts moindre.  À mon avis ils doivent avoir une certaine flexibilité quant à la mise en oeuvre de cette Ordonnance.  Mais ils seront tenus de se conformer à certains paramètres.  Ils doivent entreprendre immédiatement des démarches pour louer ou rendre disponible un espace pour aménager ces salles de classe, que ce soit dans l’édifice proposé  par les Demandeurs ou dans un autre endroit; cet endroit devra être aménagé de façon à créér un lieu physique distinct pour les élèves de l’École Boréale; et les Défendeurs devront traiter la mise en oeuvre sur une base urgente et se prévaloir de toutes les options légalement disponibles pour abréger les délais des  procédures d’appels d’offres, ou autres procédures nécessaires à la mise en oeuvre de l’Ordonnance.

36. Évidemment, je suis convaincue qu’il ne sera pas possible d’avoir ces trois salles de classe en place pour le 2 septembre.  Je n’ai d’autre choix que d’établir les lignes directrices de ce que devra être la situation lors de la rentrée le 2 septembre.   Cet état de choses se doit d’être temporaire.

37. Des représentations ont été faites quant à la disponibilité d’espace  dans l’édifice avoisinnant de l’École Boréale, connu sous le nom du “high rise”.  Les Défendeurs pourront peut-être identifier un autre espace qui pourrait être disponible plus rapidement, ou à moindre coûts.  Mon Ordonnance leur laissera cette flexibilité. Si les Défendeurs sont incapables de trouver un autre espace, et si pour toute autre raison l’édifice du “high rise” n’est pas disponible ou approprié, la seule solution qui resterait serait l’acquisition de classes portatives.  On ne peut que souhaiter qu’il ne sera pas nécessaire d’en arriver là.


38. Il est evident que cette Ordonnance, et ces mesures de redressement en deux étapes, vont perturber la rentrée 2008-2009 pour les élèves, les  professeurs, et le personnel administratif de toutes les écoles concernées.  C’est  très malheureux.  Mais le tribunal ne peut que statuer sur les demandes qui lui sont présentées, quand elles lui sont présentées, et sur la base de l’information qui lui est fournie.  Tout le monde s’entendra pour dire qu’il aurait été préférable que  ces questions puissent être décidées bien avant la rentrée.  Les parties ont des points de vue différents au sujet de qui devrait porter la responsabilité de la situation dans laquelle tous se retrouvent aujourd’hui.   Mais ce  n’est  pas une  question que j’ai à trancher pour disposer de la présente requête.

39. Pour ces  motifs, l’Ordonnance que j’ai émise le 22 juillet 2008 est modifiée.  Le Paragraphe 3 de l’Ordonnance est remplacé  par ce qui suit:

3. A)  Les Défendeurs prendront des mesures immédiates pour  faire aménager trois salles de classes qui seront mises à la disposition de l’École Boréale, selon les paramètres suivants:


i)  l’espace sera aménagé de façon à créér un lieu physique distinct pour les élèves qui les utiliseront;

ii) les Défendeurs prendront toutes les mesures légalement disponibles pour accélérer tout processus d’appel d’offres ou de signatures de contrats requis pour mettre en oeuvre cette Ordonnance;

iii)  les salles de classes ne seront  pas aménagées au sein d’une autre école, à moins que les Demandeurs n’y consentent expressément par écrit par l’entremise de leur procureur;

iv) les Défendeurs fourniront aux Demandeurs, au plus tard le 12 septembre 2008, un rapport écrit sur les progrès fait dans la mise en oeuvre cette Ordonnance, et continueront de fournir de tels rapports aux Demandeurs à toutes les trois semaines jusqu’à ce que les classes soient prêtes.


B)  D’ici à ce que les espaces décrits au Paragraphe 3 soient aménagés, les Défendeurs rendront disponibles pour l’utilisation par l’École Boréale:

(i)  une salle de classe à l’école Diamond  Jenness et deux salles de classes à l’école Princess Alexandra, ou

(ii)  sur consentement des Demandeurs, de l’espace dans un autre lieu.

40. Les parties désirent faire des représentations au sujet des dépens, et désirent le faire par écrit.  À cette fin:

1.  Le mémoire des Demandeurs devra être déposé au greffe et signifié aux Défendeurs au plus tard le 5 septembre 2008.

2.  Le mémoire des Défendeurs devra être déposé au greffe et signifié aux Demandeurs au plus tard le 19 septembre





L.A. Charbonneau
        J.C.S.
Fait à Yellowknife, TN-O, ce
21e jour du mois d’août 2008

Procureur des demandeurs:  Me Roger Lepage
Procureur des défendeurs:  Me Maxime Faille


S-0001-CV-2008000133



COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES
DU NORD-OUEST



ENTRE:

COMMISSION SCOLAIRE FRANCOPHONE, TERRITOIRES DU NORD-OUEST, CATHERINE BOULANGER et CHRISTIAN GIRARD

 Demandeurs
 - et -


PROCUREUR GÉNÉRAL DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST, et COMMISSAIRE DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST

 Défendeurs





 MOTIFS DE DÉCISION DE L’HONORABLE
 JUGE L.A. CHARBONNEAU





   
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