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Abstract: Reasons for judgment

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Fédération Franco-Ténoise c. Procureure Générale du Canada, 2005 NWTSC 62
 Date : 20050715
 Dossier :  S-0001-CV-2001000345

 COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
Entre :

 Fédération Franco-Ténoise, Éditions Franco-Ténoises/L’Aquilon,
Fernand Denault, Suzanne Houde, Nadia Laquerre,
Pierre Ranger et Yvon Dominic Cousineau
 Demandeurs

 et

Procureure Générale du Canada, Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest,
Commissaire des Territoires du Nord-Ouest,
Président de l’Assemblée Législative des Territoires du Nord-Ouest
et Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest
 Défendeurs



La Commissaire aux langues officielles du Canada
et l'Association franco-yukonnaise.


 Intervenantes
 MOTIFS DU JUGEMENT


I.   INTRODUCTION

Les défendeurs territoriaux ont déposé un avis de motion en date du 15 juin 2005, soit moins de deux mois avant la date fixée par ordonnance pour le début du procès, en vue d’obtenir deux ordonnances : (i) pour déterminer clairement les questions en litige en les limitant aux manquements précis énoncés dans la déclaration modifiée; et (ii) pour radier de la déclaration modifiée toute allégation de manquement n’ayant pas fait préalablement l’objet d’une plainte auprès de la Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest.


Le 7 décembre 2004, les défendeurs territoriaux ont signifié une demande visant à obtenir des précisions à l'égard des allégations contenues dans la déclaration modifiée, plus de trois ans après la production de la déclaration par les demandeurs et un an après la production de la déclaration modifiée. Le 24 février 2005, les demandeurs ont fourni leur réponse.  Les demandeurs territoriaux ont par la suite signifié un avis de motion en date du 7 avril 2005 (sept jours avant la deuxième conférence préparatoire que j’ai présidée par suite de ma désignation comme juge du procès en mars 2005), afin d'obtenir une ordonnance visant à fournir de plus amples précisions.

À l'audience du 14 avril 2005, les défendeurs territoriaux ont convenu de suspendre leur requête en attendant de recevoir des demandeurs, comme il a été ordonné lors de cette même audience, la liste des documents que les demandeurs entendent présenter lors du procès et les allégations précises auxquelles ces documents se rapportent, ainsi que la liste des témoins des demandeurs et le résumé de leurs témoignages. J’ai accordé aux défendeurs territoriaux  jusqu’au 21 juin 2005 pour indiquer au tribunal s’ils croyaient que la liste des témoins des demandeurs et le résumé étaient satisfaisants ou si, dans le cas contraire, les défendeurs territoriaux désiraient renouveler la requête pour précisions. Dans un tel cas, l’ordonnance prévoyait que la demande soit entendue lors de la conférence préparatoire prévue pour le 11 juillet 2005.

Plutôt que de renouveler la requête pour précisions telle que prévue dans l’ordonnance du 14 avril 2005, les défendeurs territoriaux ont signifié la présente motion.

Les défendeurs territoriaux soutiennent que la liste de documents signifiée par les demandeurs le 16 mai 2005, et la liste de témoins ainsi que le résumé de leurs témoignages signifiés le 31 mai 2005 contiennent de nombreuses allégations d’ordre général concernant la mise en oeuvre des obligations globales des défendeurs territoriaux, lesquelles ne peuvent faire l’objet d’un procès.  Ils ajoutent que les résumés contiennent de nombreuses allégations plus ou moins précises (i) qui ne sont pas plaidées dans la déclaration modifiée; (ii) qui se rapportent à des individus qui ne font pas partie de la liste des demandeurs; (iii) qui n’ont pas fait l’objet d’interrogatoire au préalable; et (iv) pour lesquelles aucune documentation n’a été identifiée ni échangée entre les parties.

Les demandeurs territoriaux font aussi valoir que le principe d’épuisement des recours et la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest (la « LLO-TNO ») exigent que toute allégation de manquement aux obligations qui découlent de cette loi fasse l’objet d’une plainte devant la Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest avant de faire l’objet d’un recours devant les tribunaux judiciaires.


II.   DISCUSSION

A. La demande de clarification

(i)  Les arguments des défendeurs territoriaux


Les défendeurs territoriaux soutiennent que la liste de documents et les résumés des témoignages qui leur ont été signifiés par les demandeurs en mai 2005 par suite de mon ordonnance du 14 avril 2005 (i) contiennent de nombreuses allégations d'ordre général concernant la mise en oeuvre des obligations du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en matière linguistique, lesquelles ne peuvent faire l'objet d'un procès; et (ii) contiennent de nombreuses allégations plus ou moins précises qui ne sont aucunement identifiées ni plaidées dans la déclaration modifiée, qui se rapportent à des individus qui ne sont pas des demandeurs, qui n'ont pas été soumis à un interrogatoire au préalable, et pour lesquelles aucune documentation n'a été échangée entre les parties. Les défendeurs demandent une ordonnance visant la radiation des allégations de manquements généralisés, et interdisant que soient mises en preuve des allégations non plaidées dans la déclaration modifiée.

Les défendeurs territoriaux notent que la déclaration modifiée fait état de manquements et de violations précis. Celle-ci contient des allégations (i) des cinq demandeurs individuels concernant la prestation de services en français; (ii) de la Fédération Franco-ténoise, reprochant à la Commissaire aux langues d'avoir omis de produire son rapport annuel de 1999 en français; et (iii) du journal l'Aquilon concernant la publication de certaines annonces gouvernementales uniquement dans les journaux de langue anglaise. Les demandeurs prétendent que la déclaration modifiée contient également de nombreuses allégations générales, des conclusions juridiques et des allégations concernant la légalité de certaines modalités administratives et législatives relatives à la mise en oeuvre des obligations des défendeurs territoriaux en matière de droits linguistiques. Ils notent qu'au cours des interrogatoires au préalable de certains demandeurs qui se sont déroulés en 2003 (avant le dépôt de la déclaration modifiée), leur procureur avait invité le procureur des défendeurs territoriaux à poser des questions supplémentaires concernant d'autres allégations de manquement de la part du gouvernement territorial en matière de prestation de services en français.  Ce dernier a refusé, indiquant qu'il ne poserait que des questions relatives aux allégations exposées dans la déclaration, et que les demandeurs auraient à modifier leur déclaration afin d'ajouter les allégations s'ils avaient l'intention de les faire valoir.

Les défendeurs territoriaux soulignent qu'à la suite d'une motion contestée qui a été entendue le 17 décembre 2003, le juge Foisy a autorisé la modification de la déclaration pour y ajouter des allégations.  Dans ses motifs (prononcés à l'audience), le juge Foisy a indiqué que dans la mesure où certaines des allégations manquaient de précision, la reprise des interrogatoires au préalable permettrait aux défendeurs territoriaux de connaître leur nature précise. Il a refusé d'exiger que les défendeurs territoriaux assument les frais associés à la reprise des interrogatoires au motif qu'il n'avait pas été déraisonnable de s'abstenir antérieurement de poser des questions concernant des allégations non plaidées. Les demandeurs ont subi en 2004 des interrogatoires au préalable supplémentaires portant sur les nouvelles allégations.

Les défendeurs territoriaux maintiennent donc qu'il est maintenant trop tard pour ajouter des allégations concernant des individus qui ne sont pas désignés comme demandeurs. Ils font remarquer qu'un procès n'est pas l'équivalent d'une commission d'enquête pour faire valoir des allégations de manquement généralisé, citant l'arrêt Trang c. Alberta (Edmonton Remand Centre), 2005 ABCA 66, au par. 6.  Au contraire, une instance judiciaire doit, de par sa nature, trancher des questions de fait et de droit portant sur une ou plusieurs allégations précises de manquement ou de violation.


Les défendeurs territoriaux soulignent que les tribunaux ne sont qu'un créneau dans un régime démocratique oeuvrant vers l'épanouissement des droits et que la responsabilité de faire avancer la protection des droits linguistiques ne repose pas uniquement sur les tribunaux, mais aussi sur les gouvernements et d'autres intervenants, comme la Fédération Franco-ténoise.  Les défendeurs décrivent plusieurs initiatives gouvernementales et législatives prises depuis l'introduction des actions qui ont eu pour objet et d'après eux, comme effet, de protéger et de promouvoir les droits linguistiques dans les Territoires du Nord-Ouest.

Les plaidoiries doivent exposer clairement les faits qui donnent lieu à un droit ou une obligation : voir Harris c. Canada, [2004] A.C.F. No. 1304, à la page 4.  Les défendeurs territoriaux prétendent que la déclaration modifiée est « avare de faits substantiels ».  Il serait donc injuste d'ajouter un grand nombre d'allégations de manquements spécifiques à cette étape, à un moment aussi tardif dans les procédures.

Les défendeurs territoriaux prétendent qu'ils ont été pris par surprise par la liste des témoins et les résumés. Dans sa plaidoirie orale, leur procureur a fait savoir qu'il avait compris de sa lecture des allégations dites « générales » de la déclaration modifiée, qu'elles servaient seulement d'introduction aux allégations spécifiques aux par. 37 à 42 et 44 du même document. Il a ajouté que ce n'était que lors des conférences préparatoires tenues en septembre 2004 dans le but d'examiner la possibilité de conclure des ententes qu'il a commencé à comprendre que les demandeurs avaient l'intention de faire entendre d'autres témoins. C'est pour cette raison qu'il a déposé, en décembre 2004, sa demande visant à obtenir des précisions.  Les défendeurs territoriaux  prétendent qu'il leur sera impossible de vérifier les nouvelles allégations contenues dans les résumés et ils demandent que les questions en litige soit limitées pour les fins du procès aux manquements précis énoncés dans la déclaration modifiée.


(ii)  Les arguments du Procureur-général du Canada

Le Procureur-général du Canada s'appuie sur les arguments des défendeurs territoriaux  D'après lui, les résumés des dépositions des témoins auront un effet sur le redressement demandé, même si ces derniers ne sont pas désignés comme demandeurs. En effet, leurs témoignages quant à la bonne foi des défendeurs pourra avoir un impact sur la demande en dommages-intérêts punitifs ou exemplaires. Il serait contraire aux règles de la Cour et injuste de permettre aux demandeurs de soustraire les témoins qu'ils proposent de faire entendre, et au sujet desquels la déclaration modifiée contient des allégations précises de manquement ou de violation, du processus d'analyse et de vérification préalable au procès qui s'applique aux demandeurs.

(iii)  Les arguments des demandeurs


Les demandeurs soutiennent que les allégations dites « générales et globales » dans la déclaration modifiée font référence à un problème systémique illustré aux par. 37 à 44 de la déclaration modifiée. Ces allégations spécifiques servent aussi à fonder les demandes de redressement des demandeurs individuels. Les témoins vont déposer en ce qui concerne les manquements ou les violations à la LL0-TNO et à la Charte en matière d'accès aux services en français dans plusieurs institutions gouvernementales. Ils vont appuyer les allégations factuelles plaidées dans la déclaration modifiée, notamment que :

-  la mise en oeuvre des obligations linguistiques est « tout à fait inachevée aux T.N.-O » (par.26);

-  la « vaste majorité des bureaux gouvernementaux des T.N.-O. n'offre pas un service en français » et « le niveau de services disponibles en français est négligeable » parmi les agences et ministères identifiés (par. 35);

-  il n'y a pas accès équivalent en français « aux actes écrits du gouvernement des T.N.-O. et de ses agences qui s'adressent au public » (par. 45);

-  les « demandeurs, ainsi que la communauté francophone des T.N.-O. subissent une perte irréparable à cause de manque de communication et de services en français »  (par. 47); et

-  les « omissions ou la politique délibérée du gouvernement des T.N.-O [...] démontrent le manque de bonne foi de sa part » (par. 48).


Les demandeurs soulignent que ces mêmes allégations se trouvaient dans la déclaration déposée en 2001. Deux juges de gestion ont présidé les instances jusqu'à ce point et il n'y avait aucune raison d'attendre la veille du procès pour demander l'abrogation des allégations ainsi qu'une restriction à l'égard des éléments de preuve que les demandeurs entendent présenter lors du procès. Ils ajoutent que la preuve historique qu'ils entendent déposer sur l'état de la prestation des services dans les Territoires du Nord-Ouest servira de contexte pour leurs arguments concernant l'état actuel de la situation.

Les demandeurs citent la règle 106 des Règles de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest, R-010-96 :

106.  L’acte de procédure consiste en un exposé sommaire des faits importants sur lesquels repose l’acte de procédure de la partie relativement à sa demande ou à sa défense mais ne comprend pas la preuve permettant d’établir ces faits. Cet exposé est aussi bref que possible, compte tenu de la nature de l’affaire.
[leur soulignement]



Les demandeurs prétendent que la déclaration modifiée satisfait aux exigences de la règle 106. Les témoins et les documents feront la preuve des allégations des demandeurs, plaidées dans la déclaration modifiée, selon lesquelles le niveau de services en français offert par les défendeurs territoriaux est minime, partiel et n'est pas égal au niveau de services offert au public en anglais.  D'après eux, il est tout à fait normal que des individus autres que les parties en cause soient appelés à témoigner sans interrogatoire préalable ni échange de leurs propres documents à l'avance.

Les demandeurs soulignent que lors de l'audition de la requête pour inscrire l'action pour instruction devant la juge Veit le 14 mars 2005, les procureurs des défendeurs territoriaux ont indiqué qu'ils étaient prêts pour le procès à partir de septembre 2005, mais ils ont réservé le droit de déposer une requête pour précisions.  Ils n'ont toutefois pas réservé le droit de déposer une motion visant l'abrogation de plusieurs éléments de la déclaration modifiée.

D'après les demandeurs, les défendeurs territoriaux demandent effectivement une ordonnance en vertu de la règle 129 (qui permet au tribunal, à toute étape d'une instance, d'ordonner l'abrogation ou la modification d'un acte de procédure) sans faire référence à la règle dans leur avis de motion. Selon l'état de la jurisprudence portant sur ces types de requêtes, le requérant doit démontrer qu'il est clair que l'action en cause ne réussira pas : voir Daniels et al. c. Canada (Ministre des affaires indiennes et du Nord) (1re inst.), 2002 CFPI 295, aux par. 6 à 9 :

En général, le droit, en matière de radiation, a été énoncé suffisamment  souvent, de sorte que je me contenterai de soulever trois points, dont deux brièvement.

Premièrement, la charge qui incombe à la partie requérante est lourde : il doit être clair, évident et au-delà de tout doute que l'action n'a aucune chance de succès.  Je ne devrais donc priver qu'en dernier ressort une  partie de se faire entendre devant la Cour.

Deuxièmement, comme je l'ai déjà fait remarquer en mentionnant des arrêts faisant autorité, les questions d'interprétation de la Loi constitutionnelle et d'interprétation de points juridiques complexes ou les questions de qualité pour agir devraient habituellement être laissées à l'appréciation du juge qui préside l'instruction, celui-ci étant en  mesure de les examiner dans le contexte des faits dans leur ensemble.

Troisièmement, l'avocat des demandeurs invoque ici un argument intéressant, à savoir que je devrais tenir compte de l'essor rapide que connaît le droit autochtone. Je ne devrais donc pas facilement déclarer qu'une action est exclue simplement parce qu'elle ne correspond pas au modèle habituel.


Les demandeurs font valoir que les défendeurs avaient amplement le temps de présenter un avis de motion en vertu de la règle 129 et que l'on ne devrait pas leur permettre de le faire « par la porte arrière »  à cette étape des procédures, l'action ayant déjà été inscrite pour instruction.

(iv)  Les arguments de la Commissaire aux langues officielles du Canada

D'après la Commissaire aux langues officielles du Canada, le présent litige n'a pas pour but d'enquêter sur l'état général des droits linguistiques dans les Territoires du Nord-Ouest, mais plutôt d'établir la nature et la portée des obligations linguistiques des défendeurs à l'égard de la communauté franco-ténoise en vertu de la Charte et de la LLO-TNO. Il reviendra au tribunal de déterminer si les preuves présentées lors du procès seront suffisantes pour établir les responsabilités précises et propres à chaque ordre de gouvernement. Il serait prématuré de radier des éléments de la déclaration modifiée avant que les preuves ne soient présentées.

La Commissaire aux langues officielles du Canada soutient que les cours supérieures jouissent d'une compétence inhérente et générale et constituent le forum approprié pour examiner les problèmes systémiques en question dans le présent litige. Elle note que la Cour suprême du Canada a traité récemment du problème systémique des listes d'attente dans le système de santé québécois dans le contexte d'un recours : voir Chaouilli c. Québec, 2005 CSC 35. Par ailleurs, les juges de la majorité dans l'arrêt Little Sisters Book & Art Emporium c. Canada, [2000] 2 R.C.S. 1120 se sont penchés sur les problèmes systémiques signalés par le juge de première instance et relatifs à la façon dont le ministère des douanes traitait les importations potentiellement obscènes. Par souci d'économie de ressources et de temps, il n'est ni pratique ni nécessaire d'exiger que chaque allégation de manquement institutionnel en matière linguistique soumise en preuve soit inscrite dans un acte de procédure ou que la preuve soit déposée uniquement par un individu agissant à titre de demandeur. Une telle approche aurait également pour effet de décourager les recours concernant des questions de droits fondamentaux qui relèvent pleinement de la compétence des tribunaux.


(v)  Décision

La Cour suprême du Canada a statué dans l'arrêt McCay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, aux pages 361 à 362, que les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. De leur côté, les demandeurs réclament des réparations en se basant sur des allégations spécifiques relevant de l'expérience personnelle des demandeurs individuels et en plus, sur des allégations qui, selon eux, fournissent un contexte factuel pour juger du bien-fondé de leurs allégations concernant des manquements ou des violations systémiques. Je ne suis pas d'avis, à cette étape de l'instance, que la preuve présentée par les demandeurs doive se limiter aux allégations qui relèvent de l'expérience personnelle des demandeurs individuels, surtout en tenant compte de l'inclusion de la Fédération Franco-ténoise comme demanderesse. Comme il a été affirmé dans l'arrêt Sibbeston v. Canada (Attorney General), [1987] N.W.T.J. No. 128, au par. 15:


I conclude that the matters raised in this action, although in some respects, novel, are of sufficient importance and complexity that the petitioner should be given the opportunity to establish relevant and admissible factual underpinnings before the Court makes a ruling on the legal and constitutional issues involved, including the justiciability of the claim.
[Je souligne.]


Cependant, le procès n'est ni un renvoi ni une commission d'enquête. Il reviendra à la Cour de déterminer s'il existe des preuves suffisantes pour accorder aux demandeurs les réparations qu'ils réclament. Ce n'est qu'en considérant les questions de droit dans le contexte de l'ensemble de la preuve qu'un tribunal de première instance sera en mesure d'y répondre.


Je note également les commentaires du protonotaire Hargrave dans l'arrêt Daniels, au par. 9, que je considère pertinents à l'égard de la présente motion malgré le fait qu'ils relèvent d'une requête formelle en radiation d'une déclaration :

Je ne devrais donc pas facilement déclarer qu'une action est exclue simplement parce qu'elle ne correspond pas au modèle habituel. L'avocat mentionne ici la décision Bande indienne de Shubernacadie c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 202 F.T.R.30 (C.F.1re inst.). Aux paragraphes 5 et 6, le juge Hugessen fait remarquer la lourde charge qui existe lorsqu'une requête en radiation est présentée et qu'une branche du droit qui est en pleine évolution est en cause :

[...] la déclaration doit être interprétée d'une façon libérale et avec un esprit ouvert et ce n'est que dans les cas particulièrement clairs que la Cour devrait radier la déclaration. À mon avis, c'est d'autant plus le cas dans ce domaine, à savoir en matière de droit autochtone, cette branche du droit ayant depuis quelques années connu un essor rapide au Canada. Des causes d'action qui auraient pu être considérées comme bizarres ou outrageuses il y a quelques années seulement sont maintenant acceptées.

S'il existe dans un acte de procédure la moindre cause d'action, même si celle-ci est libellée en des termes vagues et d'une façon imparfaite, on devrait à mon avis laisser l'affaire se poursuivre.



Le juge Foisy a été désigné juge de gestion du dossier en octobre 2002. Les allégations dites « générales et globales » ne sont pas nouvelles. Il est difficile de comprendre comment les défendeurs peuvent qualifier ces allégations de paragraphes d’« introductives » aux allégations de manquements précis des par. 37 à 42 et 44. Par exemple, l'allégation selon laquelle la mise en oeuvre des obligations linguistiques du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est « tout à fait inachevée »  (ce qui est reproché par les défendeurs territoriaux aux par. 46 et 75 de leur mémoire) existait dans la déclaration originale déposée en 2001. On retrouve cette allégation dans la partie de la déclaration intitulée « La politique et les lignes directrices relatives à la Loi sur les langues officielles des T.N.-O. »  tandis que l'on retrouve les allégations aux par. 37 à 42 et 44 dans une partie distincte de la déclaration, intitulée « Le niveau actuel des services en français offert par le gouvernement des T.N.-O. »

Les défendeurs s'opposent aussi aux allégations « générales » relatives aux modalités administratives ou législatives utilisées par le gouvernement territorial. Ici encore, les allégations existaient dans la déclaration originale et on les retrouve sous un autre titre que celui qui précède les par. 37 à 42 et 44 de la déclaration modifiée. Les allégations au par. 43 existaient aussi dans la déclaration originale. Il est difficile de comprendre comment on pourrait conclure que ce paragraphe, qui se situe après les allégations spécifiques des par. 37 à 42, est « introductif » seulement. On retrouve également les allégations concernant des manquements attribuables à la Commissaire aux langues dans une partie distincte de la déclaration.

Le procureur des demandeurs a envoyé le projet de modification de la déclaration aux procureurs des défendeurs le 15 août 2003. Dans une lettre en date du 10 octobre 2003 adressée à Me Lepage, Me Tassé a noté que les paragraphes 39 et 40 du projet manquaient de détails et de précisions et il s'opposait à l'utilisation des expressions « par exemple » , et « [u]n autre exemple de manque de services en français [...] » . Il a demandé à Me Lepage de préparer de façon détaillée une déclaration contenant toutes les allégations que les demandeurs entendaient présenter.

Dans une lettre en date du 11 novembre 2003 adressée au juge Foisy, Me Tassé a indiqué que le projet de modification de la déclaration manquait toujours de précision. Malgré cela, le juge Foisy a permis la modification de la déclaration sans rayer les expressions qui n'étaient pas acceptables pour les défendeurs territoriaux.

Il n'y a aucune indication dans la preuve qui m'a été présentée que les demandeurs se sont engagés à limiter leurs allégations de manquements de la part des défendeurs à leurs propres expériences. Les défendeurs territoriaux ont attendu jusqu'à décembre 2004 (soit un an après le dépôt de la déclaration modifiée) avant de faire une demande visant à obtenir des détails plus amples et plus précis. Ils ont convenu d'une date pour le début du procès en septembre 2005 lors de la motion des demandeurs présentée en mars 2005 devant la juge Veit pour inscrire l'action pour instruction. Ils n'ont pas réservé, lors de l'audition de cette requête, le droit de déposer des requêtes autres qu'une requête pour précisions. Ils ont convenu de suspendre cette dernière en attendant de recevoir les listes de documents et de témoins des demandeurs et les résumés des témoignages. Ils ont attendu jusqu'au 7 avril 2005 avant de déposer une motion conformément à la règle 326 visant à obtenir une ordonnance portant que les parties signifient un résumé du témoignage de chaque témoin qu'elles entendent appeler au procès ainsi que leur identité, et que le délai imposé par la règle 326 soit réduit.

Dans le jugement Gulf Canada Ltd. c. The Mary Mackin (1984), 42 C.P.C. 146, la Cour fédérale du Canada a énuméré les fonctions des détails :


(a) limiter la généralité des plaidoiries;
(b) limiter et définir les points à instruire;
(c) informer l'autre partie de la nature des arguments auxquels elle devra faire face;
(d) empêcher que l'autre partie ne soit prise par surprise à l'instruction;
(e) permettre à l'autre partie de savoir quelle preuve devrait être prévue et de se préparer pour l'instruction; et
(f) empêcher l'examen de questions qui ne font pas partie des plaidoiries.

Je note également les commentaires suivants dans la décision Stevens c. Provincial Remand Centre, [1995] M. J. No. 303 (Q.B.), au par. 4 :

The claim seems to attack the system as a whole and does not identify specific acts or specific failures to act committed by specific crown officers or agents. The particulars do not remedy that situation...


Le juge Sopinka dans l'arrêt Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086, en se référant au jugement d'appel du juge Finlayson, a noté à la page 1093 :

Le juge Finlayson était particulièrement préoccupé de ce que [TRADUCTION] : « ...la cour puisse, à partir d'un dossier aussi sommaire, se sentir obligée de faire des déclarations trop générales qui se révéleraient plus tard ne pas être sages [...] »


Quoiqu'il était nécessaire pour les demandeurs de préciser les allégations qu'ils entendaient mettre en preuve à l'appui de leurs demandes pour obtenir des redressements spécifiques à leur égard, il est difficile d'établir une démarcation entre les faits essentiels et la preuve à cette étape des procédures. C'est particulièrement le cas lorsqu'il s'agit d'allégations de problèmes systémiques basés sur la preuve de problèmes ou de plaintes spécifiques. D'une part les témoins ne réclament pas un redressement et donc ne devront pas faire l'objet d'interrogatoires au préalable. Un témoin n'appartient à personne. D'autre part, si les résumés décrivent des incidents de manquements spécifiques, il faut qu'ils soient assez détaillés pour permettre aux défendeurs d'évaluer la véracité et d'apprécier le contexte des allégations. En relisant les résumés des témoins, il me paraît clair qu'un bon nombre d'allégations ne sont pas assez détaillées pour permettre aux défendeurs de les évaluer. Je remarque aussi que certains résumés portent sur des manquements en matière de services scolaires qui font l'objet d'un autre recours judiciaire. Il convient donc de rayer des résumés des témoignages toute référence aux manquements en matière de droits linguistiques scolaires.


Il incombe aux demandeurs de fournir des renseignements beaucoup plus détaillés dans leurs résumés pour assurer le bon déroulement du procès. Il reviendra à la Cour d'évaluer la qualité et le bien-fondé des preuves présentées, leur pertinence à l'égard des allégations contenues dans la déclaration modifiée et l'effet des règles concernant le fardeau de la preuve.

Je suis également d'avis qu'il sera nécessaire d'évaluer lors du procès, les rôles respectifs des gouvernements, de la Commissaire aux langues, du public et des intervenants comme la Fédération Franco-ténoise et les enjeux entre ces derniers en ce qui concerne les diverses formes de redressement réclamées par les demandeurs dans le contexte de l'ensemble de la preuve.


B. La requête en radiation d’allégations

(i) Les arguments des défendeurs territoriaux

Selon l’affidavit de Me Chantal Tourigny, avocate au sein du cabinet des procureurs des défendeurs territoriaux, seules deux des allégations figurant dans la déclaration modifiée ont fait l’objet de plaintes auprès de la Commissaire aux langues, soit les plaintes concernant la langue des annonces paraissant dans les journaux et la plainte du demandeur Yvon Dominic Cousineau concernant l’obtention de son permis de conduire du niveau Classe 1. Dans le premier cas, la décision de la Commissaire aux langues n’a pas fait l’objet de demande de contrôle judiciaire, et dans le deuxième cas, la Commissaire aux langues a fermé le dossier après enquête.  Les défendeurs territoriaux notent en particulier que de nombreuses allégations relatives à l’accès aux services gouvernementaux en français contenues dans les résumés des témoignages signifiés par les demandeurs n’ont pas fait l’objet de plainte auprès de la Commissaire aux langues et, pour cette raison, sont prématurées et ne peuvent pas faire l’objet d’un procès. Une déclaration à cet effet assurerait le respect du mécanisme interne de règlement prévu par la législature des Territoires du Nord-Ouest dans la LL0-TNO.

Les défendeurs territoriaux soutiennent que bien que l’article 32 de la LLO-TNO confère aux tribunaux la compétence d’octroyer une réparation juste et convenable à toute personne lésée dans l'exercice des droits garantis par la Loi, il ne devrait y avoir de recours devant un tribunal qu’après l’épuisement du mécanisme de premier ressort, soit la procédure des plaintes prévue par la LLO-TNO.  Ils citent un certain nombre d’arrêts, dont je note en particulier l’arrêt R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706, où au par. 38, la Cour suprême du Canada a souligné que la doctrine de l'épuisement des recours repose sur un ensemble de considérations, dont l'utilisation efficace des ressources judiciaires et la préservation de l'intégrité du processus administratif.

Enfin, en se référant aux détails des ces deux plaintes et aux mesures prises en réponse, les demandeurs territoriaux prétendent que la Commissaire aux langues a pleinement rempli ses obligations.



(ii)  Les arguments du défendeur, le Procureur-général du Canada

Le Procureur-général du Canada s’appuie sur les arguments des défendeurs territoriaux. Il précise que la Commissaire aux langues agit comme « ombudsman », en privilégiant la discussion et l’entente à l’amiable, une première étape indispensable dans le processus de règlement des plaintes relatives à la langue de prestation des services gouvernementaux.  Il soutient que la LLO-TNO contient un mécanisme efficace pour répondre aux allégations de mauvais exercice par la Commissaire aux langues de ses fonctions au par. 18(1), qui prévoit la nomination d’un Commissaire spécial à la demande de la Commissaire aux langues et, au par. 16(2), qui prévoit la destitution de la Commissaire aux langues sur recommandation de l’Assemblée législative. Ces mécanismes assurent la gestion efficace des plaintes sans devoir recourir aux tribunaux.

(iii)  Les arguments des demandeurs

Les demandeurs se réfèrent à la longue histoire procédurale du présent litige, qui a débuté devant la Cour fédérale en janvier 2000 et dans lequel les défendeurs territoriaux ont fait valoir que la Cour fédérale ne possédait pas de compétence d'attribution, un argument rejeté par le juge de première instance mais accueilli par la Cour d’appel fédérale.  Les demandeurs ont alors été obligés d'intenter à nouveau l’action devant la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest en 2001. Ils rappellent que les défendeurs territoriaux ont déposé leur défense le 26 février 2002, alléguant aux par. 25 à 27 que l’action était prématurée vu l’existence d’un système de recours interne. Cependant, les défendeurs territoriaux ont attendu jusqu’à la veille du procès avant de signifier l’avis de motion réclamant effectivement la radiation de la plupart des allégations figurant dans la déclaration, sans toutefois avoir procédé par la voie prévue à la règle 129 ni avoir réservé le droit de déposer cette motion lorsque la juge Veit, le 14 mars 2005, a fixé la date du procès. Les demandeurs soutiennent que la requête est tardive. De plus, ils notent que les défendeurs territoriaux invitent le tribunal à trancher au fond une question en litige avant d’entendre la preuve au procès.  Ils prétendent que : (a) les faits relatifs au rôle, aux actions ou à l’inaction de la Commissaire aux langues sont au coeur de leur recours; (b) la Commissaire aux langues n’est pas indépendante du gouvernement et il y a eu absence de bonne foi de sa part; et (c) la Commissaire est un des défendeurs contre lesquels les demandeurs allèguent des violations et  cherchent à obtenir un redressement.  Le litige met en question l’efficacité de la gestion des plaintes par la Commissaire aux langues.  Il est donc nécessaire de trancher la question de l’existence de recours internes dans le contexte d’un exposé complet des faits lors du procès.

(iv)  Les arguments de l’intervenant la Commissaire aux langues officielles du Canada


La Commissaire aux langues officielles du Canada propose à la Cour de ne pas remettre au procès le moyen de défense fondé sur l’existence de recours interne mais de le rejeter à cette étape du litige.  Elle remarque que nulle part dans le texte de la LL0-TNO, contrairement à la loi correspondante fédérale, n’est-il précisé que le mécanisme de plainte auprès de la Commissaire aux langues est nécessairement préalable au recours en justice. Elle note un exemple dans la preuve documentaire où son homologue territoriale a elle-même choisi de ne pas suivre le processus formel pour gérer les plaintes en invitant le plaignant à communiquer directement avec les ministères impliqués. D’ailleurs, la LLO-TNO n’empêche pas les recours fondés sur la Charte canadienne des droits et libertés.

Selon la Commissaire aux langues officielles du Canada, le principe invoqué par les défendeurs territoriaux tiré de l’arrêt Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, à la page 609 selon lequel l’absence d’une clause privative ne mène pas nécessairement à la conclusion que la retenue judiciaire n'est pas justifiée, ne s’applique pas en l'espèce.  Elle note que l’arrêt Mossop relève d’une demande de contrôle judiciaire et que le passage cité par les défendeurs territoriaux à l'appui de leur argument est tiré d’une opinion dissidente.


(v)  Décision

Tel que mentionné plus haut, le critère régissant l'application de règles concernant la radiation est de savoir s'il est « évident et manifeste » que la déclaration du demandeur ne révèle aucune demande raisonnable.  Ce n'est que si l'action est vouée à l'échec parce qu'elle contient un vice fondamental que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées. Donc, la seule question est de savoir si, en tenant pour avérés tous les faits allégués par le demandeur, celui-ci peut présenter une question « susceptible d'instruction » :  Fullowka v. Whitford (1996), 147 D.L.R. (4th) 531 (C.A. T.N.-0.), aux pages 537 à 545 (demande d’autorisation d’appel rejetée : [1997] S.C.C.A. No. 58). Les parties contestent le rôle, l’efficacité des actions, et la bonne foi de la Commissaire aux langues. Il n’est pas « évident et manifeste » à cette étape de la cause que ces allégations sont vouées à l'échec. Je suis d’avis qu’il est nécessaire d’évaluer les questions de droit relatives à l’existence de recours internes dans le contexte d’une présentation complète et approfondie de la preuve à cet égard, notamment les dépositions des témoins. Je réserve aux défendeurs territoriaux le droit de faire valoir au procès cet élément plaidé dans leur défense comme tout autre moyen de défense.


III.   CONCLUSION

Pour les motifs ci-dessus :


1.  La motion visant à obtenir une ordonnance limitant les allégations dans la déclaration modifiée aux allégations des demandeurs reproduits aux par. 37 à 42 et 44 est rejetée.


2.  En vertu du paragraphe 4 de la présente ordonnance, les délais prescrits aux par. 1(d) et 2(b) de l’ordonnance du 14 avril 2005 sont prolongés jusqu’au 18 juillet 2005.  Les délais prescrits aux par. 1(e) et  2 (c) de l’ordonnance du 14 avril 2005 sont prolongés jusqu’au 27 juillet 2005.

3.   Pour apporter plus de précision aux résumés des témoins déjà fournis par les demandeurs, les demandeurs signifieront aux défendeurs, au plus tard le 20 juillet 2005, dans le cas de chaque témoin qu’ils ont l’intention de faire entendre (autres que les demandeurs) les précisions suivantes selon qu’ils(elles) peuvent préciser :

(a) les dates de leurs contacts avec le(s) services gouvernemental(aux) en question;
(b) le ministère ou bureau précis avec lequel il(elle)s ont eu contact;
(c) l’identité des personnes qui les ont accompagnés;
(d) les documents qu’ils (elles) entendent présenter au procès (s’ils n’ont pas encore été divulgués).

4.  Pour permettre aux défendeurs de répondre aux précisions supplémentaires exigées au par. 3 de la présente ordonnance, les défendeurs signifieront au plus tard le 15 août 2005 : (a) leur liste supplémentaire de témoins, (b) un résumé du témoignage de chacun de ces témoins supplémentaires, et (c) une évaluation révisée de la durée approximative des interrogatoires ainsi que de la durée approximative des contre-interrogatoires des témoins des demandeurs.

5  Au plus tard, le 25 août 2005, les demandeurs signifieront leur évaluation révisée de la durée approximative de leur interrogatoire ainsi que de la durée approximative des contre-interrogatoires des témoins des défendeurs.

6.   La requête visant à obtenir une ordonnance radiant de la déclaration modifiée toute allégation de manquement n’ayant pas fait préalablement l’objet d’une plainte auprès de la Commissaire aux langues des Territoires du Nord-Ouest est rejetée, ce qui n’empêche pas les défendeurs de soulever ces arguments en tant que moyen de défense lors du procès.


IV. LES DÉPENS

Les demandeurs réclament les dépens entre avocat et client payables immédiatement.  Ils prétendent que : (a) les procédures sont abusives, la motion ayant été signifiée peu de temps avant le procès; et (b) leurs ressources financières et humaines sont limitées et sont mieux consacrées à la préparation du dossier pour le procès.


Je suis d’avis que les dépens entre avocat et client ne sont pas appropriés en l'espèce. J’accepte la représentation du procureur des défendeurs territoriaux lors de l’audience selon laquelle il se sentait obligé de déposer l’avis de motion compte tenu de la divulgation récente d’une liste d’un grand nombre de témoins que les demandeurs proposent de faire entendre à l'égard de diverses plaintes, dont aucune n'a fait l’objet d’évaluation antérieure ou de plainte formelle auprès de la Commissaire aux langues.  Je ne suis pas d’avis qu’il s'agit d'une question d'inconduite ou d'une situation exceptionnelle qui justifie l'octroi des dépens réclamés par les demandeurs.

Je suis d’avis que, relativement à la requête visant à limiter les allégations contenues dans la déclaration, le résultat est partagé. En effet, compte tenu des omissions dans les résumés déjà fournis, il est nécessaire  pour le bon déroulement du procès, d’ordonner aux demandeurs de fournir des renseignements supplémentaires précis à l'égard des éléments de preuve qu’ils entendent présenter.  Le procureur des défendeurs territoriaux a bien agi en décidant de ne pas attendre le début du procès avant de faire valoir ces arguments.

Je note aussi que la décision relative au bien-fondé du moyen de défense concernant l’utilisation de recours internes a été remise au procès.  Dans ce sens, le travail déjà accompli sur cet élément de la défense, qui ressort dans les mémoires et cahiers de jurisprudence déposés par les parties et intervenants, n’est ni perdu ni superflu.

Pour ces raisons, je ne rends aucune ordonnance relativement aux dépens.






M.T. Moreau
JCS


Audience le 11 juillet 2005 à Yellowknife
Daté le 15 juillet 2005 à Edmonton


Avocats :

Roger Tassé
Maxime Faille
Pour les défendeurs la Commisaire aux TN-O, Procureur-Général des TN-O, Commissaire aux langues officielles des TN-O et le Président de l’Assemblée législative de TN-O


Alain Préfontaine
Marie Crowley
Pour le défendeur le Procureur Général du Canada



Roger J.F. Lepage
Pour les demandeurs et l’intervenante l’Association franco-yukonnaise

François Boileau
Pour l’intervenante la Commissaire aux langues officielles du Canada


S-1-CV 2001000345


COUR SUPRÊME DES TERRITOIRES
DU NORD-OUEST



ENTRE:

FÉDÉRATION FRANCO-TÉNOISE, ÉDITIONS FRANCO-TÉNOISES/L’AQUILON, FERNAND DENAULT, SUZANNE HOUDE, NADIA LAQUERRE, PIERRE RANGER ET YVON DOMINIC COUSINEAU
 Demandeurs
 et

PROCUREURE GÉNÉRALE DU CANADA, PROCUREUR GÉNÉRAL DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST, COMMISSAIRE DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST, PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST ET COMMISSAIRE AUX LANGUES DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST
 Défendeurs
 et

LA COMMISSAIRE AUX LANGUES OFFICIELLES DU CANADA ET  L’ASSOCIATION FRANCO-YUKONNAISE
 Intervenantes




 MOTIFS DU JUGEMENT DE L’HONORABLE
 JUGE M.T. MOREAU






   
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