Court of Appeal

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Abstract: Motifs du Jugement Pronouncés Oralement

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Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest

Citation: Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest c. Association des Parents ayant droit de Yellowknife, 2013 CATN-O 03

	Date: 2013 07 03
	Docket: AIAP 2012-000011
AIAP 2012-000012
	Registry: Yellowknife, N.W.T.

Docket: AIAP 2012-000011
ENTRE:

Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest et
Commissaire des Territoires du Nord-Ouest
	Appelants (Défendeurs)
	- et -

Association des Parents ayant droit de Yellowknife,
Le Garderie Plein Soleil, Yvonne Careen, Claude St. Pierre et Fedération Franco-Ténoise
	Intimés (Demandeurs)

Docket: AIAP 2012-000012
ENTRE:

Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest et
Commissaire des Territoires du Nord-Ouest
	Appelants (Défendeurs)
	- et -

Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest,
Catherine Boulanger et Christian Girard
	Intimés (Demandeurs)



jugement corrigé: Un Corrigendum a été publié le 6 septembre 2013; la correction a été apportée à ce document, et le texte du corrigendum est rapporté à la fin du jugement.

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	Motifs du Jugement Prononcés Oralement par
	l’honorable madame la juge Constance Hunt
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	Requête en sursis d’exécution

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Motifs du Jugement Prononcés Oralement par
	l’honorable madame la juge Constance Hunt
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A.	Introduction

[1]	Le 1er juin 2012, la juge du procès (juge) a conclu que le Procureur Général des Territoires du Nord Ouest et le Commissaire des Territoires de Nord Ouest (le gouvernement) ont violé l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte):Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord Ouest et al c Procureur Général des Territoires du Nord Ouest, 2012 CSTN-O 44.cor.1 (Hay River); Association des Parents ayants droit de Yellowknife et al c Procureur Général des Territoires du Nord Ouest et al, 2012 CSTN-O 43.cor.1 (Yellowknife). Elle a ordonné la construction de nouvelles installations à Hay River et Yellowknife avant le mois de septembre 2015 et elle a octroyé les dépens sur la base procureur client.  Dans Hay River, la juge a invalidé la directive ministérielle de juin 2008 (la directive), permettant ainsi à la Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord Ouest (CSFTN O) un pouvoir discrétionnaire quant à la détermination des critères d’admission aux écoles francophones.

[2]	Le gouvernement demande un sursis d’exécution partiel de ces ordonnances.

[3]	La requête est partiellement accueillie.

B.	Analyse

1.	Principes relatifs à la demande d’un sursis d’exécution

[4]	Les principes relatifs à une demande de sursis sont bien connus et ont étés établis dans RJR Macdonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, [1994] SCJ No 17 (RJR Macdonald). Le requérant doit établir:

(1)	l’existence d’une question sérieuse à juger;

(2) 	un préjudice irréparable en cas du refus de redressement; et

(3) 	si la prépondérance des inconvénients favorise le requérant.

[5]	Même si les principes de l’arrêt RJR Macdonald ne sont pas controversés, l’application de ces derniers l’est.

(1) 	Y a t il une question sérieuse en litige?

[6]	Le seuil à rencontrer pour le critère de la question sérieuse à juger n’est pas difficile à atteindre. Comme le dit la Cour suprême dans RJR Macdonald au para 49:

[l]es exigences minimales ne sont pas élevées. Le juge saisi de la requête doit faire un examen préliminaire du fond de l’affaire. La décision sur le fond que rend le juge de première instance relativement à la Charte est une indication pertinente, mais pas nécessairement concluante que les questions soulevées en appel constituent des questions sérieuses (...). Une fois convaincu qu’une réclamation n’est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères (...).

[7]	Le gouvernement prétend que les appels portent sur trois questions constitutionnelles sérieuses et que toutes touchent à chaque élément des ordonnances en question:

(1)	La population cible d’une école de la minorité: en établissant la population cible d’une école de la minorité, doit on y inclure des enfants de non ayants droit?

(2)	Le groupe comparateur et l’application du “critère valable”: en évaluant si les installations d’une école minoritaire sont adéquates en fonction du “critère valable”, doit on les comparer avec les installations dont jouirait une école majoritaire ayant un nombre d’élèves inscrits comparable ou avec les écoles de la majorité dans la même ville, sans égard au nombre d’élèves inscrits?

(3)	La gestion des admissions: un gouvernement territorial a t il la compétence de limiter son financement de l’éducation en langue minoritaire en vertu de l’article 23 aux personnes prévues par cette même disposition? Ou bien, inversement, l’article 23 confère t il la compétence à une commission scolaire d’admettre quiconque selon les critères qu’elle juge appropriés sans droit de regard du gouvernement?

[8]	Cette troisième question s’applique seulement à Hay River. Par contre, il n’est pas nécessaire de faire de distinction entre les deux appels sur ce point car, mis à part cela, ils soulèvent pratiquement les mêmes questions. Cependant, je reconnais que les faits des deux affaires ne sont pas identiques.

[9]	Les intimés allèguent que les trois questions du gouvernement ne soulèvent aucune question sérieuse car la jurisprudence de la Cour suprême du Canada est claire sur ces points et est suivie par la juge.

[10]	Pour les raisons qui suivent, je suis convaincue que les appels posent des questions sérieuses.


[11]	Je débute mon analyse par une réponse à la troisième question du gouvernement. La juge a reconnu qu’il y avait “une question fondamentale, et nouvelle, au sujet de la portée du droit de gestion: celle à savoir qui, du gouvernement ou de la CSFTN O, a le pouvoir de décider des critères d’admission au programme d’enseignement en français (...) [; c]ette question est indissociable de celle qui concerne la suffisance des espaces”: Hay River au para 613. De plus, la juge a souligné que les deux recours soulèvent “certaines questions qui sont novatrices, notamment concernant (...) la portée du droit de gestion, notamment en ce qui concerne le pouvoir de gérer les inscriptions au programme d’enseignement en langue minoritaire”: Hay River au para 835. Également, lors d’une décision de 2008 sur une requête en injonction interlocutoire demandée par les intimés, la juge a conclu que “la question soulevée par cette requête est une question sérieuse à juger”: Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord Ouest et al c Procureur Général des Territoires du Nord Ouest, (No 2), 2008 CSTNO 65 au para 20, [2008] NWTJ No 63 (CSFTN O 2008)).  Ainsi, il est clair que la gestion des admissions pose une question sérieuse à juger.

[12]	Selon moi, la troisième question du gouvernement est fondamentalement liée à la première pour Hay River, car c’est la politique d’admission de la CSFTN O qui donne la possibilité aux non ayants droit d’inscrire leurs enfants à cette école. Et en ce qui concerne Yellowknife, la juge a utilisé la politique de la CSFTN O pour calculer le nombre d’élèves projeté. Aussi, il n’existe pas d’arrêt de la Cour suprême du Canada qui traite de ce sujet spécifique.

[13]	Quant à la deuxième question, la juge a conclu que le point de comparaison “est fondamenta[l], car de bien des façons, le reste de l’analyse en dépend”: Hay River au para 693; voir aussi Yellowknife au para 810. Cette dernière a aussi noté que “[l]a question de ce qui devait servir de point de comparaison (...), n’avait jamais été examinée dans le contexte de cette juridiction”: Yellowknife au para 812.

[14]	D’autant plus, ni Arsenault Cameron c Île du Prince Édouard, [2000] 1 RCS 3, [2000] SCJ No 1, ni Marchand v Simcoe County Board of Education et al (1986), 55 OR (2d) 638, [1986] OJ No 714 (Ont HC) (Simcoe) tranche ce point précis même si ces décisions traitent des principes de base qui sont applicables à l’égalité réelle. Alors, à mon avis la deuxième question du gouvernement est aussi une question sérieuse.

[15]	Pour conclure ce point, la première condition du test est remplie car il y a des questions sérieuses à juger.

(2) 	Le gouvernement subira t il un préjudice irréparable?

[16]	À cette étape du test, le requérant doit prouver qu’il subit un préjudice irréparable si la requête lui est refusée. Tel que stipulé dans RJR Macdonald au para 57, il est approprié d’examiner le préjudice que les intimés risquent de subir si le redressement demandé est accordé ainsi que les considérations d’intérêt public à la troisième étape du test.

[17]	La définition du terme “irréparable” relève de la nature même du préjudice plutôt qu’à son ampleur. Il est plus difficile de faire l’appréciation du préjudice irréparable dans le cas de droits garantis par la Charte que dans une affaire de droit privé. En effet, dans un litige fondé sur la Charte, il est habituellement difficile pour une partie d’être dédommagée monétairement par l’autre.


[18]	La question fondamentale est de déterminer si le refus de redressement sera tellement défavorable pour le requérant que le préjudice ne peut être atténué par une réparation dans la situation où il y a une différence entre la décision de première instance et l’appel. Dans l’éventualité où le sursis n’est pas accepté par cette Cour, l’appel du gouvernement deviendrait caduc ou simplement académique.

(a) 	L’agrandissement des deux écoles

[19]	Les principaux arguments du gouvernement sont que:

 	les frais de construction issus des ordonnances sont de l’ordre d’environ $28M;

 	d’autres projets d’infrastructure devront être annulés, ou les impôts devront être haussés pour trouver ces sommes importantes, ce qui nuirait à l’intérêt public; et

 	si les constructions sont entamées, elles devront être complétées peu importe le résultat des appels. Si le gouvernement a gain de cause, les appels seront caducs ou académiques.

[20]	Les principaux arguments des intimés sont que:

-	il n’y a pas eu de sursis accordé dans Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel v Ontario (Ministre de l’éducation et de la formation) (1996), 30 OR (3d) 686, 92 OAC 315 (Peel);

-	même si le gouvernement a gain de cause, il demeure propriétaire des installations et peut décider de son utilisation comme il l’entend. Dans une communauté nordique, un gymnase est toujours indispensable;

-	la juge a considéré et a rejeté les arguments financiers du gouvernement; et

-	le gouvernement surestime le montant des frais de construction.

[21]	Dans Peel, la situation est différente de la présente car le gouvernement a admis que le surnombre d’étudiants francophones justifiait la construction d’une école et que les installations disponibles n’était pas adéquates par rapport à leurs besoins. D’ailleurs, le juge a affirmé au para 5 que: “the undisputed facts and admissions of the Minister may go a long way to justify the conclusion of [the trial judge] that there is a violation of s. 23 of the Charter. To some extent, the Minister has laid down the basis to support a violation”.  En l’espèce, le gouvernement conteste pratiquement tous les arguments.

[22]	Selon moi, l’argument selon lequel le gouvernement sera propriétaire des installations, nonobstant le résultat des appels, n’est pas un argument persuasif. Le point important est que sans un sursis d’exécution, le gouvernement construira des installations qui, possiblement, ne seront ni nécessaires, ni prioritaires dans son allocation budgétaire. La preuve établit qu’il n’y aura pas d’autre façon d’utiliser ces installations.

[23]	Il est vrai que la juge a examiné et a rejeté les arguments du gouvernement basés sur les finances publiques, mais cela était dans le contexte de décisions fondées sur la violation de l’article 23 de la Charte et non pas lors de l’analyse du préjudice irréparable. Selon moi, les conclusions de la juge sur ce point en particulier ne sont pas pertinentes pour mon analyse du préjudice irréparable.

[24]	Les gouvernements doivent disposer des pouvoirs discrétionnaires les plus vastes possibles dans le choix des moyens à prendre pour remplir leurs obligations (Mahe c Alberta, [1990] 1 RCS 342 au para 96 [1990] SCJ No 19). Cette affirmation est d’autant plus convaincante dans le contexte d’une requête en sursis d’exécution où, sans l’octroi de ce dernier, l’appel peut devenir caduc.

[25]	Même si le gouvernement surestime les frais de construction, il est bien évident que le coût total des projets d’agrandissement sera élevé.

[26]	Ainsi, j’accepte les arguments du gouvernement; ce dernier a établi l’existence d’un préjudice irréparable quant à l’agrandissement de ces deux écoles.

(b)	 La déclaration d’inconstitutionnalité de la directive

[27]	Le gouvernement prétend que si je n’octroie pas un sursis d’exécution concernant la directive, le CSFNT O sera entièrement libre d’accepter des élèves non ayants droit dans ses écoles, ce qui aura pour effet d’augmenter le nombre d’élèves fréquentant les écoles qu’elle dessert. L’augmentation du nombre d’élèves a des répercussions financières importantes sur le gouvernement. En pratique, dans la situation où cette Cour donne gain de cause au gouvernement, il sera impossible de refuser l’accès aux non ayants droit qui fréquentent déjà l’école minoritaire.

[28]	En revanche, les intimés font valoir que dans La Commission Scolaire Francophone du Yukon No 23 c Procureure Générale du Territoire du Yukon, 2011 YKCA 10 au para 3,  [2011] YJ No 146 (Yukon), le juge Groberman n’a pas été convaincu que l’appelant a réussi à établir l’existence d’un préjudice irréparable quant aux ordonnances sur l’admission des non ayants droit. Contrairement à la situation en l’espèce, le gouvernement dans Yukon n’a pas essayé d’appliquer les règlements qui établissaient les critères pour l’admission des élèves dans une école francophone et le juge du procès a reconnu aux intimés un pouvoir discrétionnaire qu’ils exerçaient déjà depuis longtemps. Comme l’a affirmé le juge Groberman: “[j]e ne suis pas convaincu que ce soit le temps, d’ici l’audience, de changer les politiques”: Yukon au para 31.  La présente situation est l’inverse de l’affaire Yukon. Dans Hay River, la juge a refusé d’ordonner une injonction interlocutoire (CSFTN O 2008) et la directive est restée en vigueur entre 2008 et 2012. Par conséquent, sa décision a changé le statu quo.


[29]	J’accepte les arguments du gouvernement concernant l’existence d’un préjudice irréparable dans l’éventualité où le sursis d’exécution de la directive ne serait pas accordé. En effet, l’admission d’élèves non ayant droit jusqu’aux jugements d’appels peut occasionner d’importantes conséquences financières pour le gouvernement. La juge a reconnu dans Hay River la corrélation entre le niveau d’admission d’élèves et les ressources financières que le gouvernement devait débourser aux paras 618 619:

Les tableaux préparés par Mme Call démontrent bien que la croissance de la population de l’École Boréale, depuis son ouverture en 2005, n’est pas principalement due à une augmentation du nombre d’enfants d’ayants droit qui la fréquentent; ce nombre est demeuré stable.  La population étudiante a augmenté suite à l’inscription à l’école de plusieurs élèves dont les parents ne sont pas des personnes visées par l’article 23.

Il est évident que les critères d’accès à un programme d’enseignement en langue minoritaire ont un impact sur les ressources du gouvernement. Si les critères d’admission sont plus généreux, le gouvernement risque de devoir consacrer plus de ressources au programme.  Si les critères sont plus stricts, le gouvernement risque de devoir y consacrer moins de ressources.

Le gouvernement a démontré un préjudice irréparable sur ce point.

(c) 	L’ordonnance de dépens sur la base procureur client

[30]	Le gouvernement soutient qu’il subira un préjudice irréparable s’il doit payer les dépens (environ $1.3 M) car il lui sera impossible d’obtenir un redressement s’il a gain de cause en appel. Puisque la CSFTN O est financée entièrement par des fonds publics, il sera difficile pour le gouvernement de se faire rembourser par les intimés car ces derniers vont d’abord payer leurs avocats avec les dépens alloués.

[31]	Les intimés admettent que la CSFTN O dépend entièrement du gouvernement pour assurer son financement et affirment qu’ils ne seront pas en mesure de rembourser le gouvernement si l’ordonnance des dépens est renversée en appel. Cependant, durant l’audition, ils ont suggéré que le gouvernement pourrait se faire rembourser avec les argents alloué pour le budget annuel de la CSFTN O. Je ne suis pas convaincue que cette prétention soit entièrement réaliste.

[32]	Selon moi, la preuve présentée par le gouvernement a établi l’existence d’un préjudice irréparable quant à la question des dépens.

3. 	Laquelle de deux parties subira le plus important préjudice (la prépondérance des inconvénients)?

[33]	Suivant les critères généraux de l’arrêt RJR Macdonald, la troisième étape consiste à faire l’appréciation de la prépondérance des inconvénients pour les deux parties. Cette étape permet de trancher les demandes relatives aux droits garantis par la Charte.


[34]	L’intérêt public doit être apprécié à la lumière des inconvénients possibles pour chacune des parties. La question de l’intérêt public sera analysée à la deuxième étape en tant qu’aspect du préjudice irréparable causé au gouvernement, ainsi qu’à la troisième étape lorsque le préjudice du gouvernement sera examiné par rapport à celui des intimés.

(a) 	L’agrandissement des deux écoles

[35]	Le gouvernement soutient qu’il serait possible de continuer l’application des mesures intérimaires ordonnées par la juge dans le but d’assurer aux ayant droits des installations adéquates. Dépendamment du temps requis pour le processus d’appel, le gouvernement prétend qu’il est tout de même possible que les installations soient entièrement construites pour le mois de septembre 2015, et ce, même dans l’éventualité où un sursis d’exécution est ordonné par cette Cour. Dans tous les cas, la planification des constructions se poursuivra en dépit d’un sursis d’exécution.

[36]	Pendant l’audience, le conseiller juridique du gouvernement m’a expliqué qu’il y avait une procédure législative spéciale lorsque l’on désire mobiliser des capitaux pour s’assujettir à une ordonnance judicaire. Il m’a certifié que s’il n’avait pas gain de cause en appel, les argents seront disponibles pour effectuer les projets de construction en question. De plus, son client ne tentera pas d’obtenir un autre délai en plaidant, par exemple, qu’il faudrait attendre le prochain cycle budgétaire pour trouver les argents. Par contre, j’accepte qu’il puisse y avoir d’autres raisons qui pourraient occasionner de futurs délais relevant, notamment, de la construction même des installations.

[37]	Les intimés répliquent à cet argument qu’un sursis d’exécution va prolonger la violation de leurs droits constitutionnels. Si le sursis d’exécution est accordé, il est possible que la période d’attente perdure très longtemps, surtout dans l’éventualité qu’il y ait appel à la Cour suprême du Canada. Les élèves qui ne bénéficieront pas d’installations éducatives adéquates pendant le sursis d’exécution ne pourront revendiquer ce droit par la suite. Une génération entière d’élèves n’aura pas eu accès à des installations adéquates en raison de ces délais. Ils ajoutent que le gouvernement n’a pas établi en preuve son manque de fonds et que ce dernier peut obtenir une contribution monétaire du gouvernement fédéral.

[38]	Quant aux mesures intérimaires de partage des installations, ces dernières s’opèrent avec certaines difficultés de logistique interne. De plus, les intimés allèguent que le gouvernement n’a pas pris de mesures actives pour mettre à leur disposition des installations alternatives avant la construction des nouvelles installations ordonnées par la juge. Les intimés affirment que le gouvernement ne prend pas au sérieux leur situation actuelle.


[39]	Chaque partie déclare que les considérations d’intérêt public favorisent leurs arguments. D’un côté, le gouvernement prétend qu’il représente l’intérêt public du groupe majoritaire, qu’il ne sera pas dédommagé s’il a gain de cause en appel et soutient avoir déjà dépensé de l’argent sur les projets de construction. De l’autre côté, les intimés répliquent que le gouvernement ne représente pas seulement l’intérêt public du groupe majoritaire, mais doit aussi représenter les intérêts du groupe minoritaire et que leurs droits protégés par l’article 23 de la Charte sont présentement violés. Également, l’article 23 de la Charte n’est pas en vigueur seulement pour protéger le groupe minoritaire mais l’est aussi pour le bénéfice de l’ensemble de la société canadienne.

[40]	Les intimés soulignent que le gouvernement n’a pas les mains propres pour demander un sursis d’exécution car il néglige d’exécuter les ordonnances de la juge. Selon ces derniers, puisqu’un sursis d’exécution est un remède discrétionnaire, le gouvernement n’a pas droit à un traitement prioritaire par la Cour d’appel. De plus, ils insistent sur le fait que le gouvernement a attendu plusieurs mois avant de déposer les requêtes de sursis d’exécution. Entre temps, le gouvernement n’a pratiquement pas posé de geste pour accommoder le partage des installations entre les écoles minoritaires et majoritaires.

[41]	La juge a noté qu’en pratique, la gestion du partage des installations avec les écoles de la majorité ou le Multiplex n’était pas idéale car les élèves se retrouvent dans des environnements autres que francophones, ce qui nuit à leur éducation en français. D’ailleurs, on retrouve plusieurs autres inconvénients en lien avec l’utilisation de ces installations, notamment, le fait que l’école doit mettre à la disposition des étudiants un système de transport entre l’école et les installations ainsi que la perte de temps occasionnée par ce transport.

[42]	J’accepte que la situation actuelle de partage des installations soit loin d’être parfaite. Par contre, en analysant les circonstances des affaires, je ne peux pas accepter l’argument que le gouvernement n’est pas en mesure de bénéficier d’un remède discrétionnaire. Je suis convaincue que le gouvernement a pris certaines mesures pour débuter les projets de construction et faciliter le partage des installations. Par exemple, le gouvernement a embauché un architecte pour produire les plans de l’école de Yellowknife. Aussi, il est sur le point d’annoncer un contrat de même nature pour l’école de Hay River. La preuve du gouvernement établit qu’il y aura des ententes de partage des installations entre les écoles pour l’année scolaire 2013 14.

[43]	Malgré le fait que des effets néfastes possiblement éprouvés par les élèves des écoles où les installations ne seront pas construites pour septembre 2015, la prépondérance des inconvénients favorise tout de même le gouvernement. Je prends en considération l’aspect permanent des futures constructions. Même si la situation financière du gouvernement s’est récemment améliorée, une fois que les installations seront construites, les argents investis ne seront pas récupérables. En ce moment, il n’existe pas d’entente avec le gouvernement fédéral concernant le partage des coûts.


[44]	Il y a aussi quelques éléments liés aux constructions dans les conclusions de la juge qui me semblent importants à souligner pour les fins de ces requêtes. La juge affirme que “[c]e genre d’arrangement [le partage] peut fonctionner temporairement (...)”. Elle a aussi souligné qu’il y avait une “nette amélioration” quant aux accommodations du partage du gymnase à l’automne 2010 (Yellowknife aux paras 699 et 716; Hay River au para 771). Malgré les plaintes des intimés concernant les difficultés d’accès aux installations, il relève de la preuve (et ce même de la preuve déposée par les intimés), que depuis l’arrivée en poste de la nouvelle sous ministre Gabriela Eggenbojer, la situation s’est améliorée. Si les problèmes en lien avec l’inexécution des ordonnances de la juge persistent, les intimés auront la possibilité de se plaindre au gouvernement (voir par exemple Hay River au para 894 point 7). Une autre alternative dont ils disposent est de déposer une motion en outrage au tribunal pour forcer l’exécution des jugements de première instance.

[45]	Il est également impossible de prévoir quand seront rendues les décisions d’appel ou même s’il y aura des appels devant la Cour suprême du Canada.  Dans l’éventualité où ces causes seraient portées devant la Cour suprême du Canada, il y aura à ce moment la possibilité de demander d’autres sursis d’exécution.

[46]	En me basant sur les conclusions de la juge quant à l’excellence académique de ces écoles, je rejette l’argument que le niveau d’éducation sera compromis si j’octroie un sursis d’exécution concernant les constructions. Elle a aussi noté que la disponibilité des installations n’ était pas le seul facteur lors du choix d’une école par les parents.

[47]	Pour ces motifs, je conclus que la prépondérance des inconvénients penche en faveur du gouvernement.

(b) 	La directive

[48]	La plupart des arguments du gouvernement sur ce point ont été discutés préalablement dans cette décision. Ce dernier souligne que la directive prévoit un processus d’appel et qu’en principe, celle-ci donne toujours la possibilité pour les parents non ayants droit d’envoyer leurs enfants dans ces écoles sous permission. Toutefois, la juge a critiqué l’application gouvernementale de cette disposition de permission d’inscription par le ministre comme étant déroutante et imprévue (Hay River aux paras 859, 861, 866 et 867).

[49]	Le gouvernement met l’accent sur le refus de la juge d’octroyer une injonction interlocutoire sur la directive en 2008 (CSFTN O 2008). La juge a défini l’argument des intimés selon lequel les appels peuvent possiblement perdurer cinq ans comme étant “spéculatif”: CSFTN O 2008 au para 23. Également, la juge a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve que les parents de non ayants droit ne choisiront plus jamais d’envoyer leurs enfants à l’école de Hay River si cette option redevient possible: CSFTN O 2008 au para 24. La juge a conclu qu’il n’y avait aucune preuve  qu’un préjudice irréparable sera subi si la directive reste en vigueur avant et pendant le procès: CSFTN O 2008 au para 31. Par contre, la juge a conclu que l’admission d’élèves non ayants droit dans des écoles minoritaires  était un élément positif à la revitalisation de la communauté minoritaire: Hay River au para 635.

[50]	Quant aux intimés, ils prétendent:

 	qu’il n’y a aucune preuve d’abus par la CSFTN O dans l’application de la politique d’admission des non ayants droit. Au contraire, ils ont suivi un processus rigoureux pour déterminer les permissions d’admission des non ayants droit;

-	il est vrai que le coût de chaque étudiant est plus élevé à Hay River. Par contre, ces coûts sont plus élevés en raison du petit nombre d’élèves et non pas en raison de la langue d’enseignement (Hay River au para 479; Yellowknife au para 751);

-	la juge a reconnu que la création d’ayants droit  était compatible avec l’aspect réparateur de l’article 23 de la Charte surtout dans une communauté comme Hay River qui avait taux d’assimilation de près de 70% (Hay River au para 747; Yellowknife au para 752); et

-	il n’y a pas eu d’augmentation marquée du nombre de permissions depuis la déclaration d’inconstitutionnalité en juin 2012. De plus, les intimés ne prévoient pas une grande augmentation en 2013 14. Par contre, il y a eu une réduction importante du nombre d’inscriptions entre 2008 et 2012.

[51]	L’arrêt Procureure générale du Québec c Solski, [2001] JQ no 138, est un cas différent de celui en l’espèce: ce jugement a une portée provinciale. Ici, l’effet est limité exclusivement aux deux écoles et affecte un groupe beaucoup plus restreint.

[52]	Malgré les arguments convaincants des intimés sur la question, je suis persuadée que la prépondérance des inconvénients dans ce cas penche pour le gouvernement.

[53]	La juge a reconnu que “[l]a population étudiante a augmenté suite à l’inscription à l’école de plusieurs élèves dont les parents ne sont pas des personnes visées par l’article 23”: Hay River au para 618. Sans cette politique, le nombre d’élèves demeure stable. Aussi, celle ci souligne que  “les critères d’accès à un programme d’enseignement en langue minoritaire ont un impact sur les ressources du gouvernement” et que “le gouvernement a un intérêt légitime dans l’utilisation de ses ressources”: Hay River aux paras 619 620. Le nombre d’élèves utilisant les infrastructures actuelles à Hay River est présentement proche de leur capacité maximale. Selon moi, la situation actuelle est en faveur du maintien du statu quo en attendant le résultat des appels.

[54]	La juge a souligné que les relations entre l’école à Hay River et le District Education Authority (la commission scolaire anglophone) se sont améliorées lorsque la directive est entrée en vigueur. En effet, la compétition entre ceux ci concernant le nombre de nouvelles inscriptions entre des deux écoles a alors cessée. J’ai déjà octroyé un sursis d’exécution relativement à l’agrandissement des écoles. Par conséquent, les mesures de partage se doivent de continuer jusqu’à ce que les appels soient entendus. Entre temps, le fait que la directive soit valide rendra probablement plus agréable les relations entre les deux écoles.

(c)  	Les dépens


[55]	Le gouvernement déclare qu’il n’est pas certain que les intimés aient la capacité de rembourser les dépens dans l’éventualité où il aurait gain de cause en appel. Il est vrai que les intimés ont reçu une contribution de $70,000 par le “Programme d’appui aux droits linguistiques” pour les appels. Par contre, ce montant est minime par rapport aux montants exigés pour un litige si complexe.

[56]	J’accepte l’argument que le remboursement des dépens pourrait être ardu pour les intimés si le gouvernement a gain de cause en appel. Par contre, je suis convaincue que la prépondérance des inconvénients favorise les intimés car:

-	“le fait qu’une partie soit impécunieuse n’entraîne pas automatiquement l’acceptation de la requête de l’autre partie”: RJR Macdonald au para 59.

 	La partie qui a eu gain de cause au procès a droit aux fruits du litige sauf si ce n’est pas dans l’intérêt de la justice. Le montant en question n’est pas très élevé si on le compare au budget total du gouvernement.

-	Une décision quant aux dépens est discrétionnaire et la norme de révision d’une cour d’appel est très élevée. Par conséquent, il est difficile de changer l’ordonnance d’adjudication des dépens.

 	La juge a bien motivé sa décision sur ce point, en particulier, dans son analyse.

 	Sur une période de plusieurs année, les intimés ont fait de grands efforts pour régler l’affaire à l’amiable, sans succès réel.

 	Le gouvernement est celui qui a interjeté l’appel. Les intimés ont le droit d’avoir accès aux ressources financières disponibles pour se défendre en appel. Ils affirment avoir besoin d’argent pour ces procédures.

Pour ces motifs, je rejette la requête du gouvernement concernant les dépens.

C.	Conclusion

[57]	La requête est partiellement accueillie. Je reconnais que les appels doivent être entendus dès que possible. Par conséquent, je recommande à la juge en chef des Territoires du Nord Ouest de mettre à l’horaire ces appels dès que tous les documents pertinents seront déposés et traduits. Les dépens seront adjugés dans les jugements d’appels. La présente décision n’a aucun effet sur les non ayants droit qui sont actuellement déjà inscrits pour l’année scolaire 2013 2014.

Requêtes entendues le 6 et 7 juin 2013

Motifs deposés à Yellowknife, N.W.T.
le   “3"     de juillet 2013


           “Constance Hunt”
	
	L’honorable madame la juge Hunt


M. Faille
G. Régimbald
Procureurs des Appelants

R. J.P. Lepage
F. Poulin
Procureurs des Intimés




	

	Corrigendum

	De

	L’honorable juge Constance Hunt

	

1.	La correction suivante a été faite à ce jugement:

[1]	... ont violé l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte):Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord Ouest et al c Procureur Général des Territoires du Nord Ouest, 2012 NWTSC 31411 (Hay River); Association des Parents ayants droit de Yellowknife et al c Procureur Général des Territoires du Nord Ouest et al, 2012 NWTSC 31380 (Yellowknife)....

Devrait se lire

[1]	... ont violé l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte):Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord Ouest et al c Procureur Général des Territoires du Nord Ouest, 2012 CSTN-O 44.cor.1 (Hay River); Association des Parents ayants droit de Yellowknife et al c Procureur Général des Territoires du Nord Ouest et al, 2012 CSTN-O 43.cor.1 (Yellowknife)....

2.	La citation a été modifiée pour lire:

Citation:  Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest v. Association des Parents ayant droit de Yellowknife, 2013 CSTN-O 03.cor1


	

	Deuxiéme Corrigendum

	De

	L’honorable juge Constance Hunt
	

1.	La citation a été modifiée pour lire:

Citation:  Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest v. Association des Parents ayant droit de Yellowknife, 2013 CSTN-O 03.cor1

Devrait se lire:

Citation:  Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest c. Association des Parents ayant droit de Yellowknife, 2013 CSTN-O 03.cor2

2.	Sur la premiere page:

Requéte en sursis d’exécution

Devrait se lire:

Requête en sursis d’exécution

3.	La correction suivante a été faite au paragraphe 14, deuxieme ligne:

[14]	... ni Marchand v Simcoe County Board of Education et al, 55 OR (2d) 638, [1986] OJ No 714 (Simcoe) tranche ...

Devrait se lire:

[14]	ni Marchand v Simcoe County Board of Education et al (1986), 55 OR (2d) 638, [1986] OJ No 714 (Ont HC) (Simcoe) tranche ...






4.	La correction suivante a été faite au paragraphe 20, troisiéme ligne:

[20]	... Dufferin et Peel v Ontario (Ministre de l’éducation et de la formation), 30 OR (3d) ...

Devrait se lire:

[20]	... Dufferin et Peel v Ontario (Ministre de l’éducation et de la formation) (1996), 30 OR (3d) ...

5.	La correction suivante a été faite au paragraphe 39, deuxieme ligne:

[39]	... qu’il sera dédommagé ...

Devrait se lire:

[39]	... qu’il ne sera pas dédommagé ...













A 1 AP 2012000011 / A 1 AP 2012000012



Cour d’appel des Territoires du Nord-Ouest



ENTRE:
	Docket: AIAP 2012-000011

	Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest et
	Commissaire des Territoires du Nord-Ouest
	Appelants (Défendeurs)
	- et -

	Association des Parents ayant droit de Yellowknife,
	Le Garderie Plein Soleil, Yvonne Careen, Claude St. Pierre et Fedération Franco-Ténoise
	Intimés (Demandeurs)

Docket: AIAP 2012-000012
ENTRE:

Procureur Général des Territoires du Nord-Ouest et
Commissaire des Territoires du Nord-Ouest
	Appelants (Défendeurs)
	- et -

Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest,
Catherine Boulanger et Christian Girard
	Intimés (Demandeurs)



jugement corrigé: Un Corrigendum a été publié le 6 septembre, 2013; la correction a été apportée à ce document, et le texte du corrigendum est rapporté à la fin du jugement.




Motifs du Jugement Prononcés Oralement par
l’honorable madame la juge Constance Hunt


   
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