Courts Martial
Decision Information
Date of commencement of trial: 3 February 2021
Location: The Henri-Julien Armoury, 3721 Henri-Julien Avenue, Montréal, QC
Language of the trial: French
Charges:
Charge 1 (alternate to charges 2, 3): – S 114 NDA, stealing, when entrusted by reason of his employment, with the custody, control or distribution of the thing stolen.
Charge 2 (alternate to charges 1, 3): – S. 115 NDA , received property obtained by the commission of a service offence, knowing the property to have been so obtained.
Charge 3 (alternate to charges 1, 3): – S. 129 NDA an act to the prejudice of good order and discipline.
Charge 4: – S. 124 NDA, negligently performed a military duty imposed on him.
Results:
FINDINGS: Charge 1: Guilty. Charges 2, 4: Withdrawn. Charge 3: A stay of proceedings.
SENTENCE: A reprimand and a fine in the amount of $300.
Decision Content
COUR MARTIALE
Citation: R. c. Pépin, 2021 CM 3002
Date: 20210225
Dossier: 202030
Cour martiale générale
Manège militaire des Fusiliers Mont-Royal
Montréal (Québec), Canada
Entre :
Sa Majesté la Reine
- et -
Sergent C. Pépin, contrevenant
En présence du : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.C.I.
MOTIFS DE LA SENTENCE
(Oralement)
Introduction
[1] Le sergent Pépin a été reconnu coupable par le comité de cette cour martiale le 18 février 2021 du vol d’une boîte de cinquante munitions de calibre 9 mm, contrairement à l’article 114 de la Loi sur la défense nationale (LDN).
[2] Cette infraction se lit comme suit :
« A COMMIS UN VOL
Détails : En ce que, entre les mois de juin et d’octobre 2019, à ou près du camp Taji, Irak, il a volé une boîte de cinquante munitions de neuf millimètres. »
[3] Maintenant il m’incombe, à titre de juge militaire présidant cette cour martiale de déterminer la peine à être infligée au sergent Pépin.
[4] Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces armées canadiennes (FAC). Ce système a pour but de prévenir toute inconduite ou d’une façon plus positive, de veiller à promouvoir la bonne conduite. C’est au moyen de la discipline que les FAC s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès en toute confiance et fiabilité. Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l’ordre public et s’assure que les personnes assujetties au code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.
[5] En l’espèce, la procureure de la poursuite a proposé à la Cour d’infliger une sentence de rétrogradation au sergent Pépin. Dans le cas où la Cour ne retenait pas cette suggestion, elle allègue que la peine minimale qui devrait être infligée par la Cour est un blâme et une amende. De son côté, l’avocat du contrevenant a plutôt suggéré à la Cour de considérer une amende au montant de 300 dollars.
[6] Les objectifs essentiels de la détermination de la sentence par une cour martiale sont de favoriser l’efficacité opérationnelle des FAC en contribuant au maintien de la discipline, de la bonne organisation et du moral, ainsi que de contribuer au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre.
[7] Comme l’ont toujours fait les juges militaires présidant une cour martiale et tel qu’enseigné par la Cour d’appel de la cour martiale dans l’arrêt R. c. Tupper, 2009 CACM 5, ils ont toujours pris en compte les objectifs et principes fondamentaux de la détermination de la peine tels qu’ils figuraient aux articles 718 et suivants du Code criminel.
[8] Cependant, depuis le 1er septembre 2018, la LDN a été modifiée afin d’y mentionner les objectifs et principes fondamentaux de la détermination de la peine applicable par les tribunaux militaires, incluant la cour martiale. Ainsi, le juge militaire doit prendre en compte les objectifs et principes fondamentaux énoncés aux articles 203.1 et suivants de la LDN.
[9] Ainsi, l’infliction d’une peine par le juge militaire doit prendre en compte au moins un des objectifs suivants :
a) renforcer le devoir d’obéissance aux ordres légitimes;
b) maintenir la confiance du public dans les Forces canadiennes en tant que force armée disciplinée;
c) dénoncer les comportements illégaux;
d) dissuader les contrevenants et autres personnes de commettre des infractions;
e) favoriser la réinsertion sociale des contrevenants;
f) favoriser la réinsertion des contrevenants dans la vie militaire;
g) isoler, au besoin, les contrevenants des autres officiers et militaires du rang ou de la société en général;
h) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
i) susciter le sens des responsabilités chez les contrevenants, notamment par la reconnaissance des dommages causés à la victime et à la collectivité.
[10] Le juge militaire doit aussi prendre en compte les principes suivants :
a) l’adaptation de la peine aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant;
b) l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;
c) l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté par l’emprisonnement ou la détention, d’examiner la possibilité de peines moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient.
d) l’infliction de la peine la moins sévère possible qui permet de maintenir la discipline, l’efficacité et le moral des Forces canadiennes;
e) la prise en compte des conséquences indirectes du verdict de culpabilité ou de la sentence
[11] La Cour suprême du Canada a indiqué que le principe de la proportionnalité, au chapitre de la détermination de la peine, est un principe fondamental (voir R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, au paragraphe 37, et R. c. Nur, 2015 CSC 15, aux paragraphes 42 et 43), de sorte que la détermination de la sentence par un juge, y compris un juge militaire, est un processus extrêmement personnalisé.
[12] Comme le juge LeBel l’a dit au paragraphe 37 de l’arrêt Ipeelee :
La proportionnalité représente la condition sine qua non d’une sanction juste. Premièrement, la reconnaissance de ce principe garantit que la peine reflète la gravité de l’infraction et crée ainsi un lien étroit avec l’objectif de dénonciation. La proportionnalité favorise ainsi la justice envers les victimes et assure la confiance du public dans le système de justice.
[...]
Deuxièmement, le principe de proportionnalité garantit que la peine n’excède pas ce qui est approprié compte tenu de la culpabilité morale du délinquant. En ce sens, il joue un rôle restrictif et assure la justice de la peine envers le délinquant. En droit pénal canadien, une sanction juste prend en compte les deux optiques de la proportionnalité et n’en privilégie aucune par rapport à l’autre.
[13] De plus, le principe de la proportionnalité vise à réconcilier ces différents objectifs et à rendre la sentence infligée au contrevenant proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant, comme il est indiqué à l’article 203.2 de la LDN.
[14] Dans le cadre de ce procès, j’estime que la sentence à être imposée par la cour martiale doit surtout viser les objectifs de maintien de la confiance du public dans les FAC, de dénonciation et de dissuasion générale. Il est important de préciser que la dissuasion générale vise à ce que la sentence infligée dissuade non seulement le contrevenant de récidiver, mais aussi toute autre personne se trouvant dans une situation semblable de se livrer aux mêmes actes illicites.
[15] La poursuite a soumis les points pertinents des états de service du contrevenant, le sommaire des dossiers personnels des militaires et l’état de solde concernant le sergent Pépin. Elle a aussi cité deux témoins, soient l’adjudant-chef Proulx, sergent-major régimentaire des Fusiliers Mont-Royal, et le major Côté.
[16] De son côté, le sergent Pépin a témoigné et il a cité le sergent Pilon-Bouchard.
[17] Rappelons les faits présentés à la Cour dans le cadre de sa décision sur le verdict. L’Escadron 438 a reçu la tâche en 2018 de fournir un détachement tactique d’hélicoptères durant toute l’année 2019 pour assurer le déplacement sécuritaire du personnel dans le cadre d’une mission de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en Irak. La mission a été divisée en deux rotations de six mois.
[18] Le sergent Pépin, un membre d’une unité d’infanterie de la réserve, soit les Fusiliers Mont-Royal, s’est porté volontaire pour cette mission puisqu’il avait été formé et entraîné depuis 2016 avec l’Escadron 438 pour performer la fonction de mitrailleur de porte à bord d’un hélicoptère.
[19] Il a été sélectionné avec trois autres individus de la force de réserve, soit le caporal Tanguay, le sergent Villeneuve et le sergent Thompson afin d’agir comme mitrailleur de porte à bord des hélicoptères déployés par l’Escadron 438 dans le cadre de cette mission.
[20] Ces quatre individus ont fait plus ample connaissance dans le cadre d’exercices de pré-déploiement à Valcartier et en Californie et ils ont tissé certains liens. Dans le cadre de ce dernier exercice, le sergent Pépin a dû suivre un entraînement correctif parce qu’il n’avait pas répondu aux normes requises pour pouvoir agir à titre de mitrailleur de porte. Après avoir réussi cet entraînement, il a été confirmé dans sa fonction et il a pu participer au déploiement comme prévu avec l’unité.
[21] Dans le cadre de son déploiement en théâtre d’opérations pour cette mission en Irak, le sergent Pépin est arrivé au camp Taji en Irak le 10 juin 2019. Le sergent Pépin s’est vu assigner une chambre sur le camp pour la durée de la mission avec le caporal Tanguay qui appartient au même régiment que lui. Ce dernier était arrivé sur le camp en Irak quelque temps avant le sergent Pépin et il a dû d’abord dormir dans une chambre temporaire avant d’aller le rejoindre quelques jours après son arrivée.
[22] Un différend est né entre le sergent Pépin et le caporal Tanguay sur l’aménagement de la chambre et l’occupation des lits refroidissant considérablement la relation entre, d’une part, le sergent Pépin, et d’autre part le caporal Tanguay, le sergent Villeneuve et le sergent Thompson pour le reste de la mission. Ceci dit, le sergent Pépin et le caporal Tanguay se sont entendus pour répartir, de manière égale l’achat de certains équipements au bénéfice des deux occupants. C’est ainsi que le sergent Pépin a acheté un purificateur d’air et des filtres de rechange, et le caporal Tanguay a acheté un mini-réfrigérateur.
[23] Les membres d’équipage du détachement tactique aérien d’hélicoptères étaient équipés d’un pistolet et de quatre chargeurs de dix balles de calibre 9 mm, d’un fusil C7 ou C8 et de dix chargeurs de trente balles de calibre 5.56 mm. Sur le camp Taji, les membres du détachement devaient porter en tout temps leur arme personnelle, soit le pistolet, et ils ne pouvaient s’en séparer que pour aller prendre leur douche ou lorsqu’ils allaient au gymnase, tout en laissant leurs armes et leurs munitions sous la supervision d’un autre membre ou en les verrouillant dans leur chambre de manière sécuritaire.
[24] Le 8 juillet 2019, l’ensemble des membres du détachement a participé à un champ de tir organisé pour procéder à la vérification du fonctionnement de leurs armes personnelles et au zérotage de celles-ci.
[25] Le sergent Joannette était l’officier de sécurité du champ de tir et voyait à son organisation. L’officier logistique, le lieutenant Forest, s’est assuré de fournir la quantité de munitions requise pour ce champ de tir, car les participants n’utilisaient pas les munitions qu’ils s’étaient vu attribuées avec leurs armes qu’ils utilisaient dans le cadre de la mission.
[26] Le sergent Pépin a participé à cet exercice sur le champ de tir comme tireur et aussi comme moniteur de tir sous la supervision du sergent Joannette. Il était possible pour les moniteurs de tir d’avoir des munitions sur eux durant l’exercice sur le champ de tir afin de parer aux problèmes découlant de possibles enrayages des armes. Les moniteurs ont aussi participé à la distribution des munitions aux tireurs, en plus de tirer eux-mêmes au début de l’exercice.
[27] Lors de cet exercice sur le champ de tir, les 285 dernières balles de calibre 9 mm du lot 7 en possession du détachement tactique d’hélicoptère ont été tirées. Ce constat se base sur le rapport que le sergent Joannette a fait au lieutenant Forest après la tenue du champ de tir. Ce dernier a donc rempli les formulaires nécessaires pour refléter ce fait et il a pu ainsi conclure que toutes les balles de calibre 9 mm du lot 7 qu’il avait acquis du dépôt de munition sur le camp Taji avaient toutes été utilisées.
[28] Les membres d’équipage de tous les hélicoptères entreposaient leur équipement, leurs armes et munitions et certains équipements personnels nécessaires au vol dans une salle d’équipage, qui était un conteneur maritime avec une porte verrouillée. À l’intérieur, il y avait un endroit pour suspendre les vestes de vol et les sacs de survie de chacun des membres des équipages de vol, ce qui inclut les mitrailleurs de porte. Il y avait aussi un cabinet sécurisé mesurant environ trois mètres par deux mètres par deux mètres, dans lequel était entreposée une certaine quantité de munitions de calibre 9 mm, 5.56 mm et 7.62 mm.
[29] Après avoir remisé son équipement personnel dans la salle d’équipage parce qu’il avait participé à un vol d’hélicoptère quelques jours après le champ de tir, le sergent Pépin s’est dirigé vers le véhicule utilisé pour le transporter à sa chambre située environ 2 km plus loin. C’est seulement qu’une fois rendu au véhicule qu’il a réalisé qu’il n’avait pas sa veste de protection avec lui. Il a demandé aux autres occupants du véhicule de l’attendre et il est retourné à la salle d’équipage la chercher. En entrant dans la salle d’équipage, il a alors aperçu une boîte de balles qui se trouvait sur le dessus du cabinet sécurisé et cela lui ait apparu anormal. Il a donc décidé de la soustraire aux regards des personnes qui entreraient après lui dans la salle d’équipage en déposant la boîte dans son sac de vol qui y était accroché, et il est retourné rejoindre le véhicule et ses occupants qui l’attendaient.
[30] Quelques jours plus tard, il a rapporté son sac de vol à sa chambre pour le réorganiser et c’est là qu’il a revu la boîte de munitions dont il avait oublié l’existence, et il a décidé de la soustraire de nouveau au regard de toute personne en la plaçant dans un tiroir de sa table de chevet.
[31] Le sergent Pépin a quitté le camp Taji en Irak le 10 septembre 2019 pour profiter de son congé spécial de mission pour une durée de deux semaines. Cependant, à son retour au camp de transition au Koweït, il a été décidé qu’il demeurerait à cet endroit en attendant la conclusion d’une enquête concernant une plainte qu’il avait formulée à propos d’une altercation qu’il avait eue au camp Taji, avant son départ pour son congé spécial, avec un autre mitrailleur de porte, le sergent Thompson.
[32] Le 24 octobre 2019, en soirée, le caporal Tanguay a réalisé qu’un voyant lumineux était activé sur le purificateur d’air dans sa chambre. En raison de l’absence du sergent Pépin qui était toujours au camp de transition au Koweït, il a décidé de demander conseil au sergent Villeneuve qui occupait la chambre voisine et qui avait aussi un purificateur d’air. Le caporal Tanguay a appris de ce dernier qu’il devait changer le filtre parce qu’il était sale et que le sergent Pépin en avait sûrement un dans sa chambre.
[33] Le caporal Tanguay et le sergent Villeneuve se sont donc rendus du côté de la chambre occupée par le sergent Pépin, et ils ont commencé à scruter la chambre du regard pour voir s’ils pouvaient trouver ce qu’ils cherchaient sans déplacer quoi que ce soit. N’apercevant pas de filtre de rechange pour le purificateur d’air, ils ont donc commencé à ouvrir les portes de l’armoire et des tiroirs sans toutefois rien déplacer.
[34] C’est en ouvrant un tiroir d’une table de chevet située du côté de la chambre occupée par le sergent Pépin que le sergent Villeneuve a aperçu une boîte de munitions de calibre 9 mm. Il l’a ouverte et il a vu qu’elle était pleine. Il l’a montrée au caporal Tanguay et il l’a remise dans le tiroir.
[35] Le lendemain, soit le 25 octobre 2019, le caporal Tanguay et le sergent Villeneuve ont décidé de rapporter leur découverte au sergent Joannette. Selon le caporal Tanguay, il a fourni le numéro de lot de la boîte de munition alors que selon le sergent Joannette, il s’est rendu dans la chambre du sergent Pépin pour l’obtenir. Les munitions de calibre 9 mm provenaient du lot 7.
[36] Il a été confirmé avec le lieutenant Forest que toutes les munitions de calibre 9 mm du lot 7, telles que celles qui ont été trouvées et identifiées dans la chambre du sergent Pépin, avaient été rapportées comme ayant été tirées lors de l’exercice du champ de tir du 8 juillet 2019 et qu’il ne restait plus aucune munition sous son contrôle provenant de ce lot depuis ce moment-là.
[37] Le lieutenant Forest a précisé que le lot 7 était constitué de plusieurs plus petits lots formés de plusieurs boîtes de cinquante balles de calibre 9 mm et qu’il n’était pas possible d’identifier le parcours spécifique d’une boîte de cinquante balles de calibre 9 mm provenant de ce lot, incluant celle qui avaient été trouvée dans la chambre du sergent Pépin.
[38] La situation a été rapportée au capitaine Côté qui était le commandant de l’escadrille de vol et le superviseur immédiat des mitrailleurs de porte. Ce dernier a contacté un enquêteur de la police militaire pour qu’il s’occupe de la situation.
[39] Le 26 octobre 2019, cet enquêteur, l’adjudant Francuz, a mené plusieurs entrevues avec des membres du détachement concernant cette découverte.
[40] Le sergent Pépin est finalement revenu au camp Taji en Irak le 10 novembre 2019. À son arrivée, il a été rencontré par le capitaine Côté qui l’a informé qu’il devait changer de chambre, qu’il occuperait des fonctions différentes au sein du détachement et qu’il devait prendre une mesure de mise en garde et surveillance à son égard et à l’égard du sergent Thompson en raison de l’altercation qu’ils avaient eue et pour laquelle il avait porté plainte. De plus, le capitaine Côté a annoncé au sergent Pépin qu’il se voyait retirer sa catégorie de vol pour le restant de la mission, soit pour environ deux semaines.
[41] Le même jour, l’adjudant Francuz a aperçu le sergent Pépin et il l’a approché pour prendre contact avec lui. Le policier militaire lui a alors expliqué qu’une boîte de munitions de cinquante balles de calibre 9 mm, qui avait été prétendument utilisée dans le cadre d’un exercice de champ de tir de son unité, avait été retrouvée dans un tiroir d’une table de chevet dans sa chambre et qu’il enquêtait pour comprendre comment cela avait pu se produire et qui en était responsable.
[42] L’adjudant Francuz lui a alors indiqué qu’il désirait le rencontrer dans le cadre de cette enquête. Il a été convenu entre les deux individus qu’ils allaient se reparler quelques jours plus tard, le sergent Pépin ayant plusieurs choses à faire suite à son arrivée sur le camp, incluant son déménagement de chambre.
[43] N’ayant reçu aucune nouvelle du sergent Pépin depuis quelques jours déjà, le policier militaire a donc contacté le capitaine Côté pour lui indiquer qu’il désirait rencontrer le sergent Pépin dans l’après-midi du 14 novembre 2019. Le sergent Pépin est allé rencontrer le policier militaire en début d’après-midi du 14 novembre 2019. Pour les fins de cette entrevue, le sergent Dumont, aussi policier militaire, était présent afin d’agir à titre d’interprète, lorsque nécessaire, entre l’enquêteur et le sergent Pépin. L’entrevue a duré environ deux heures et elle a été enregistrée par moyens vidéo et audio.
[44] Le sergent Pépin a déclaré à l’enquêteur qu’il n’avait aucune idée comment la boîte de munitions, qui a été retrouvée dans son tiroir, a pu atterrir à cet endroit. Considérant l’état de la relation avec les trois autres mitrailleurs de porte, et suite à une suggestion faite par l’enquêteur, il n’a pas exclu la possibilité qu’une de ces trois personnes ou les trois ait voulu lui faire porter la responsabilité concernant la possession de la boîte de munitions.
[45] Dans le cadre d’une entrevue subséquente du sergent Pépin par l’adjudant Francuz, le 16 novembre 2019, le sergent Pépin a affirmé avoir pris la boîte de munitions de calibre 9 mm dans les circonstances relatées au début de ce résumé.
[46] Le sergent Pépin est revenu au Canada lors de la fin de la mission comme prévu au mois de décembre 2019.
[47] Le sergent Pépin avait débuté une consultation avec un psychologue lors de son retour de son congé spécial de mission à la fin septembre 2019 au Koweït pour l’aider à traverser certaines épreuves. Il a poursuivi celle-ci lors de son retour au Canada.
[48] L’Escadron 438 n’a pas renouvelé sa relation avec le sergent Pépin dans le cadre de sa fonction de mitrailleur de porte en raison de la perte de confiance résultant de l’ensemble des événements reliés à la préparation et au déploiement en Irak impliquant le sergent Pépin.
[49] L’unité des Fusiliers Mont-Royal a décidé d’employer le sergent Pépin dans une tâche comportant peu de responsabilités et de supervision pour ce dernier jusqu’à ce que la cour martiale ait eu lieu et que le résultat en soit connu.
[50] Le sergent Pépin est employé à temps plein à titre d’agent d’application de la loi par la Société de transport de Montréal (STM) dans le métro depuis neuf ans. Il est aussi employé en classe A quelques jours par mois par la brigade à titre d’instructeur sur un cours de chauffeur et aussi une fin de semaine sur deux sur un cours de formation pour le grade de sergent. Il gère son emploi du temps qu’il partage entre son emploi civil et sa fonction de militaire de la force de réserve et peut cumuler jusqu’à soixante-dix heures de travail certaines semaines.
[51] Le sergent Pépin espère pouvoir être employé comme policier et il a fait plusieurs démarches de formation en ce sens.
[52] Dans le cadre de la détermination de la peine à être infligée au contrevenant, j’ai retenu les circonstances aggravantes suivantes :
a) En ce qui a trait à la gravité objective des infractions, la Cour retient que l’infraction de vol prévu à l’article 114 de la LDN comporte une peine d’emprisonnement maximale de sept ans;
b) Concernant la gravité subjective de cette infraction, la Cour retient d’abord l’abus de confiance qui a découlé de la situation qui s’est produite en théâtre d’opérations. Le major Côté a bien exprimé le souci des gens sur place quant à la confiance qu’ils pouvaient avoir en vous. Vous leur avez caché quelque chose et cela a remis en doute, aux yeux de vos pairs et de vos supérieurs, le respect et l’intégrité que vous aviez démontrés, au point qu’ils ont préféré vous voir employé dans un rôle au sol pour le reste de la mission et à ne pas renouveler votre association avec l’unité par la suite;
c) Finalement, il est difficile de passer sous silence les perturbations importantes que cet incident a pu causer au sein du détachement tactique aérien et de son personnel. Le maintien d’une force opérationnelle efficace en théâtre opérationnel, quel que soit le degré de dangerosité, dépend essentiellement de la cohésion et du moral au sein de cette dernière et de toute évidence, son efficacité a été perturbée au point où le commandant a dû prendre la décision de vous garder au sol et vous séparer de certains autres membres de l’unité pour éviter une détérioration de la situation.
[53] Quant aux circonstances atténuantes, la Cour retient les éléments suivants :
a) Les regrets que vous avez exprimés devant la Cour concernant le tort causé à vos pairs, au commandant, et pour avoir eu à subir la perte de confiance de bien des militaires autour de vous;
b) L’absence d’annotation à votre fiche de conduite relativement à la commission d’infractions de même nature. Il n’y a aucune indication que vous ayez commis par le passé une infraction militaire ou une infraction criminelle quelconque de nature semblable à celle qui est devant la Cour, en fait, vous n’avez eu aucune condamnation dans le passé;
c) La déclaration de culpabilité de cette cour aura pour conséquence l’attribution d’un casier judiciaire à votre égard. Cela aura fort possiblement une incidence sur votre vie professionnelle et personnelle;
d) La confiance exprimée par un de vos supérieurs en raison de vos états de service depuis votre retour de mission;
e) L’absence de conséquences tangibles et réelles liées à la possession découlant du vol de la boîte de munitions de 9 mm pour lequel la Cour vous a trouvé coupable. La privation de cet objet que vous avez pris sans droit et qui ne vous appartenait pas n’a pas eu de conséquence fâcheuse. En fait, ce sont les spéculations qui n’avaient aucun fondement et qui n’en ont encore aucun aujourd’hui, et pour lesquelles vous n’avez aucune responsabilité, qui sont les plus dommageables. Malheureusement, la Cour n’a aucun contrôle sur cette situation, sinon d’inviter tout un chacun à savoir exactement de quoi il en retourne avant même d’émettre un commentaire ou une opinion sur cette affaire.
[54] Sur le plan de l’harmonisation des peines, je note que la jurisprudence a généralement reconnu une sentence comportant un blâme, une réprimande ou une amende ou encore une combinaison de ces peines, était habituellement considérée comme appropriée.
[55] Dans R c Fitzpatrick, [1995] C.M.A.J. no. 9, le juge Goodfellow, de la Cour d’appel de la cour martiale, a décrit la nature de la peine de rétrogradation, au paragraphe 31 :
La sentence de rétrogradation est une sentence sévère. Elle entraîne des conséquences sur le plan de la carrière et des pertes financières considérables, en plus d’une atteinte au statut social et professionnel au sein des Forces armées. C’est un truisme d’affirmer que le grade confère des privilèges, et le fait de rétrograder quelqu’un au plus bas grade constitue un pas de géant en arrière, qui sans doute ne sert pas uniquement à exercer un effet de dissuasion sur l’individu concerné, mais exerce aussi un effet de dissuasion évident et marqué à l’égard des autres. Il y a des occasions où une sentence prononcée en contexte militaire se distingue à bon droit des peines imposées en général par les tribunaux civils, et la rétrogradation est certes une sentence purement militaire.
[56] Madame la juge Bennett a également exposé clairement le sens de cette peine lorsqu’elle a formulé les commentaires suivants au paragraphe 39 de la décision qu’a rendue la Cour d’appel de la cour martiale dans
La rétrogradation est un instrument important faisant partie de la trousse utilisée par le juge militaire dans la détermination de la peine. La rétrogradation sanctionne de manière plus efficace la perte de confiance des forces militaires envers le membre contrevenant que toute amende ou tout blâme pouvant être imposé. Cette perte de confiance s’exprime en l’instance par une rétrogradation à un poste où les contrevenantes ont perdu leur fonction de supervision.
[57] La rétrogradation est donc une peine purement militaire qui traduit la perte de confiance à l’endroit du membre contrevenant qui peut avoir un effet de dissuasion générale.
[58] Quant au blâme et à la réprimande, il permet à la Cour d’exprimer, tout en modulant le degré de sévérité, qu’il existe des raisons de douter de l’engagement de la personne concernée au moment de la commission de l’infraction et tient compte de la possible gravité de celle-ci, mais il signifie également qu’il est permis d’espérer une possible réinsertion.
[59] Le sergent Pépin est un jeune sergent qui a besoin d’apprendre à faire confiance à ses supérieurs, à ses pairs et à ses subalternes et qui a aussi tendance à faire à sa tête quand les choses ne semblent pas se passer comme il l’entend. Ce genre d’attitude ne cadre pas nécessairement bien avec les valeurs des FAC qui s’attendent à ce que tout militaire sache faire passer la mission et les autres membres avant soi-même lorsque cela est requis. Quand les gens lui font confiance, il peut performer pleinement et sans souci. La confiance et l’intégrité se méritent et vous aurez à convaincre bien des gens que vous avez compris que votre intégrité est toujours présente et qu’ils peuvent vous faire confiance à nouveau. Il m’a été démontré qu’il est permis d’espérer que vous saurez réintégrer votre unité avec l’attitude requise, considérant ce que vous avez appris de toute cette expérience.
[60] Vous avez clairement compris la portée problématique de votre geste lorsque vous avez confirmé avoir pris la boîte de munitions et depuis ce temps, vous avez subi plusieurs conséquences qui y sont reliées. Je souhaite que vous ayez retenu quelque chose de tout cela et que vous sachiez en faire profiter les autres, si on vous en donne le privilège. Être sergent comporte une dimension importante de leadership et vous avez la responsabilité de satisfaire cette attente.
[61] Une peine juste et équitable doit tenir compte de la gravité de l’infraction et de la responsabilité du contrevenant dans le contexte précis de l’espèce. Étant donné la nature de l’infraction, les principes de détermination de la sentence applicables, comme le maintien de la confiance du public dans les FAC, la dénonciation et la dissuasion générale, et considérant aussi les facteurs aggravants et atténuants énumérés précédemment, je suis arrivé à la conclusion qu’une réprimande et une amende de 300 dollars constituent la sentence minimale pouvant être infligée pour cette infraction.
POUR TOUS CES MOTIFS, LA COUR :
[62] CONDAMNE le sergent Pépin à une réprimande et à une amende au montant de 300 dollars payable immédiatement.
Avocats :
Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le Major É. Baby-Cormier
Lieutenant de vaisseau J.-M. Tremblay, Service d’avocats de la défense, avocat du sergent C. Pépin