Courts Martial

Decision Information

Summary:

Date of commencement of trial: 3 February 2021

Location: The Henri-Julien Armoury, 3721 Henri-Julien Avenue, Montréal, QC

Language of the trial: French

Charges:

Charge 1 (alternate to charges 2, 3): – S 114 NDA, stealing, when entrusted by reason of his employment, with the custody, control or distribution of the thing stolen.
Charge 2 (alternate to charges 1, 3): – S. 115 NDA , received property obtained by the commission of a service offence, knowing the property to have been so obtained.
Charge 3 (alternate to charges 1, 3): – S. 129 NDA an act to the prejudice of good order and discipline.
Charge 4: – S. 124 NDA, negligently performed a military duty imposed on him.

Results:

FINDINGS: Charge 1: Guilty. Charges 2, 4: Withdrawn. Charge 3: A stay of proceedings.
SENTENCE: A reprimand and a fine in the amount of $300.

Decision Content

Warning : this document is available in French only.

 

COUR MARTIALE

 

Citation: R. c. Pépin, 2021 CM 3004

Date: 20210210

Dossier: 202030

 

Cour martiale générale

 

Manège militaire des Fusiliers Mont-Royal

Montréal (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sergent C. Pépin, requérant

 

- et –

 

Sa Majesté la Reine, intimée

 

 

 

En présence du : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.C.I.


MOTIFS DE LA DÉCISION CONCERNANT UNE DEMANDE D’ACQUITTEMENT POUR ABSENCE DE PREUVE PRIMA FACIE

(Oralement)

[1]              Le sergent Pépin est accusé du vol d’une boîte de cinquante munitions de calibre 9 mm alors qu’il en était chargé de la garde et de la distribution et d’en avoir la responsabilité à titre d’officier de champs de tir contrairement à l’article 114 de la Loi sur la défense nationale (LDN), de recel d’un bien obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire, sachant qu’il a été ainsi obtenu, contrairement à l’article 115 de la LDN, d’un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline pour avoir eu la possession irrégulière d’une boîte de cinquante munitions de calibre 9 mm contrairement à l’article 129 de la LDN, et d’avoir exécuté, avec négligence, une tâche militaire pour avoir entreposé de façon négligente cette même boîte de munitions dans sa chambre contrairement à l’article 124 de la LDN.

[2]              Ces infractions alléguées se seraient produites entre les mois de juin et octobre 2019, à ou près du camp Taji en Irak.

[3]              Comme il est énoncé dans les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), lorsque la poursuite a terminé la présentation de sa preuve, un accusé peut présenter à la cour martiale une demande d’acquittement au motif que le procureur de la poursuite n’a pas présenté de preuve prima facie, c’est-à-dire, une preuve à l’égard de tous les éléments essentiels d’un chef d’accusation, qui, s’ils sont crus par le juge des faits et demeurent incontestés, justifient une déclaration de culpabilité.

[4]              Le 9 février 2021, après que la poursuite eut terminé la présentation de sa preuve, le sergent Pépin, par le biais de son avocat, a présenté une demande d’acquittement pour absence de preuve prima facie à l’égard des quatre accusations apparaissant à l’acte d’accusation, le tout conformément au paragraphe 112.05(13) des ORFC. L’accusé a suggéré que la poursuite n’a pas présenté devant cette cour martiale générale des éléments de preuve concernant certains éléments essentiels des infractions énoncées aux articles 114, 115, 124 et 129 de la LDN.

[5]              La preuve présentée par la poursuite devant la cour martiale se compose essentiellement des éléments suivants :

a)                  Les témoignages entendus, dans l’ordre de leur comparution devant la cour, du caporal Tanguay, du sergent Villeneuve, du sergent Joannette, du lieutenant Forest, du major Côté et de l’adjudant Francuz, enquêteur au dossier;

b)                  La pièce 5, un formulaire DND 638 – Prêt de matériel à un particulier – concernant les armes et munitions allouées au sergent Pépin à titre de membre du détachement tactique aérien de l’Escadron 438 au camp Taji en Irak dans le cadre de l’Opération IMPACT;

c)                  La pièce 6, un formulaire DND 2287 – Document d’approvisionnement – Munitions – concernant les munitions consommées dans le cadre d’opérations, d’activités d’entraînement ou d’activités de maintenance du détachement tactique aérien de l’Escadron 438 au camp Taji en Irak dans le cadre de l’Opération IMPACT et daté du 10 juillet 2019;

d)                  La pièce 7, trois feuilles de calcul Excel, l’une préparé par la personne précédant le lieutenant Forest dans son poste d’officier logistique du détachement tactique aérien de l’Escadron 438 au camp Taji en Irak, datée du 23 mai 2019, et deux autres feuilles dont il est l’auteur est qui portent respectivement la date du 28 juin et 10 juillet 2019;

e)                  La pièce 8, une transcription de l’entrevue enregistrée du sergent Pépin avec l’adjudant Francuz en date du 14 novembre 2019;

f)                   La pièce 9, un DVD de l’enregistrement vidéo et audio de l’entrevue du sergent Pépin avec l’adjudant Francuz en date du 14 novembre 2019;

g)                  La pièce 10, une transcription de l’entrevue enregistrée du sergent Pépin avec l’adjudant Francuz en date du 16 novembre 2019;

h)                  La pièce 11, un DVD de l’enregistrement vidéo et audio de l’entrevue du sergent Pépin avec l’adjudant Francuz en date du 16 novembre 2019;

i)                   La connaissance judiciaire prise par la Cour des éléments contenus et énumérés à l’article 15 des Règles militaires de la preuve.

[6]              Ce type de requête, lorsque la poursuite a complété la présentation de sa preuve, est différent d’une requête d’acquittement fondée sur l’existence d’un doute raisonnable. Ce dernier argument est à l’effet qu’il se peut qu’il y ait de la preuve qui permettrait à un comité ayant reçu des directives appropriées de déclarer l’accusé coupable, mais que cette preuve soit insuffisante pour établir la culpabilité hors de tout doute raisonnable. Étant donné que le concept du doute raisonnable ne peut entrer en jeu que lorsque toute la preuve a été présentée, il ne peut être invoqué que si l’accusé a choisi de ne pas présenter de preuve ou a terminé la présentation de sa preuve.

[7]              Le critère applicable aux fins d’un verdict imposé a été défini par le juge Ritchie dans États-Unis d’Amérique c. Shephard, [1977] 2 R.C.S. 1067. Certains arrêts ultérieurs, comme R. c. Charemski, [1998] 1 R.C.S. 679 et R. c. Fontaine, 2004 CSC 27 ont apporté des éclaircissements sur ce critère.

[8]              La Cour ne peut pas tenir compte de la qualité de la preuve pour décider si la poursuite a présenté, à l’égard des éléments essentiels de chaque chef d’accusation, une preuve qui fait en sorte qu’un comité ayant reçu des directives appropriées pourrait raisonnablement trancher la question; pas qu’il « trancherait » ou qu’il « devrait », mais simplement qu’il « puisse ».

[9]              En fin de compte, le critère à appliquer a été énoncé par le juge Fish, qui a rendu l’arrêt au nom de la Cour dans Fontaine au paragraphe 53 :

Par conséquent, comme l’a expliqué la juge McLachlin dans l’arrêt Charemski, précité, la preuve contre l’accusé ne peut être soumise au jury que si le dossier renferme des éléments de preuve permettant à un jury ayant reçu des directives appropriées de conclure rationnellement que l’accusé est coupable hors de tout doute raisonnable.

[Soulignement dans l’original.]

[10]          Il incombe à l’accusé d’établir le fardeau de la preuve, selon une prépondérance de probabilités, que le critère est rempli.

[11]          Le critère est le même que la preuve soit directe ou circonstancielle. L’application de ce critère varie selon le type de preuve présentée par la poursuite. Lorsque la preuve de la poursuite se compose entièrement de preuve directe, l’application du critère est simple. Si le juge conclut que la poursuite a présenté une preuve directe à l’égard de tous les éléments de chaque infraction, la requête doit être rejetée. La seule question qui restera à trancher est de savoir si la preuve est véridique et cela est réservé au juge des faits.

[12]          Lorsque la preuve d’un élément essentiel dépend d’une preuve circonstancielle, la seule question que le juge du droit doit alors se poser est de savoir si la preuve, si elle est acceptée comme véridique, est la conclusion correcte comme le propose la poursuite. Le juge doit examiner la preuve et se demander si celle-ci peut raisonnablement appuyer les conclusions proposées par la poursuite. Le juge ne se demande pas s’il tirerait les mêmes conclusions et ne juge pas de la crédibilité de cette preuve. La question se limite à savoir si la preuve, dans la mesure où on lui prête foi, peut raisonnablement appuyer une conclusion de culpabilité.

[13]          L’énoncé du premier chef d’accusation référant à l’article 114 de la LDN et ses détails sont libellés en ces termes :

« A COMMIS UN VOL, ÉTANT PAR SON EMPLOI, CHARGÉ DE LA GARDE OU DE LA DISTRIBUTION DES OBJETS VOLÉS, OU D’EN AVOIR LA RESPONSABILITÉ

Détails : En ce que, entre les mois de juin et d’octobre 2019, à ou près du camp Taji, Irak, alors qu’il était employé comme officier de sécurité du champ de tir, et était chargé de la garde et de la distribution des munitions et d’en avoir la responsabilité, il a volé une boîte de cinquante munitions de neuf millimètres. »

[14]          L’article 114 de la LDN se lit comme suit :

114 (1) Le vol constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement de quatorze ans, si l’auteur, au moment de sa perpétration, est de par son grade, ses fonctions ou son emploi, ou par suite de tout ordre légitime, chargé de la garde ou de la distribution de l’objet volé, ou en a la responsabilité, et d’un emprisonnement de sept ans, dans le cas contraire.

 

Définition

(2) Pour l’application du présent article :

a) le vol est le fait soit de prendre soit de détourner à l’usage d’une personne, frauduleusement et sans apparence de droit, une chose susceptible d’être volée, dans l’une ou l’autre des intentions suivantes :

(i) priver, momentanément ou définitivement, le propriétaire, ou quiconque ayant un droit spécial de propriété ou autre sur la chose, de celle-ci ou de celui-ci,

(ii) la mettre en gage ou la déposer en garantie,

(iii) s’en dessaisir à une condition touchant son retour que l’on peut ne pas être en mesure de remplir,

(iv) s’en servir de telle manière qu’il soit impossible de la remettre dans l’état où elle était au moment où elle a été prise ou détournée;

b) le vol est commis dès que son auteur déplace la chose, fait en sorte qu’elle se déplace, la fait déplacer, ou commence à la rendre déplaçable, dans l’intention de la voler;

c) la prise ou le détournement peut être frauduleux, même si l’opération se fait ouvertement et sans effort de dissimulation;

d) il est indifférent que la chose appropriée ait été prise aux fins de détournement ou qu’elle ait été, au moment du détournement, en la possession légitime de celui qui se l’approprie.

Choses susceptibles de vol

(3) Sont considérés comme susceptibles de vol les biens matériels ayant un propriétaire et qui peuvent être déplacés, ou rendus déplaçables.

[15]          Outre l’identité en tant qu’auteur de l’infraction, la date et l’endroit, les éléments essentiels de l’infraction sont les suivants :

a)                  l’accusé a pris une chose qui appartenait à quelqu’un d’autre;

b)                  l’accusé a pris le bien de manière frauduleuse et sans apparence de droit;

c)                  lorsque l’accusé a pris le bien ou l’a détourné pour son propre usage, il avait l’intention, au moins temporairement, d’en priver le propriétaire ;

d)                  l’accusé était, de par son grade, ses fonctions ou son emploi, ou par suite de tout ordre légitime, chargé de la garde ou de la distribution de l’objet volé, ou en avait la responsabilité.

[16]          Le sergent Pépin affirme que la poursuite a circonscrit l’infraction de vol dans les détails de l’accusation au moment précis où un champ de tir aurait eu lieu, soit entre les mois de juin et d’octobre 2019, alors qu’il y aurait exercé la fonction d’officier de champ de tir.

[17]          La preuve qui a été présentée démontre, selon lui, qu’il y a eu trois champs de tir durant cette période tels que l’a affirmé le sergent Joannette, soit le 7 juin, le 8 juillet et le 18 octobre 2019. Il soumet que la preuve soumise par la poursuite démontre que le sergent Pépin est arrivé au camp Taji en Irak le 10 juin 2019, soit après le champ de tir du 7 juin, qu’il était présent à celui du 8 juillet 2019, et qu’il était absent du camp Taji en Irak entre le 10 septembre et le 10 novembre 2019, rendant impossible sa participation à ces deux champs de tir, soit ceux du 7 juin et du 18 octobre 2019.

[18]          L’accusé suggère que la lecture des détails de l’accusation, combinée à la preuve de la poursuite, a donc eu pour effet de circonscrire spécifiquement le vol allégué au champ de tir du 8 juillet 2019.

[19]          Le sergent Pépin affirme que c’est contre cette accusation qu’il se défend et qu’aucune preuve n’a été présentée par le procureur de la poursuite concernant les éléments essentiels de l’infraction de vol lors du champ de tir du 8 juillet 2019.

[20]          La poursuite admet qu’elle n’a présenté aucune preuve quant au fait que le sergent Pépin a agi comme officier de sécurité du champ de tir, et qu’il était chargé de la garde et de la distribution des munitions et d’en avoir eu la responsabilité durant la période allant de juin à octobre 2019. Elle est par contre d’accord avec l’accusé qu’une preuve a été présentée quant à sa participation au champ de tir du 8 juillet 2019.

[21]          Le procureur de la poursuite suggère par contre qu’une preuve a été présentée sur tous les autres éléments essentiels de l’accusation, incluant le fait de prendre une chose qui appartenait à quelqu’un d’autre, de l’avoir pris de manière frauduleuse et sans apparence de droit, avec l’intention, au moins temporairement, d’en priver le propriétaire.

[22]          À son avis, les détails de l’accusation spécifient certaines circonstances liées à la perpétration de l’infraction de vol durant la période allant du mois de juin au mois d’octobre 2019 et n’ont pas pour effet nécessairement de circonscrire l’accusation à un moment précis dans le temps.

[23]          La poursuite soutient que l’aveu du sergent Pépin d’avoir pris la boîte de munitions qui étaient sur le cabinet sécurisé dans la salle d’équipage quelque temps après la tenue du champ de tir du 8 juillet 2019, et de l’avoir ultimement placé dans un tiroir de sa table de chevet dans sa chambre, confirmée par sa découverte par le sergent Villeneuve et le caporal Tanguay un peu plus tard, constitue cette preuve.

[24]          De plus, elle affirme qu’il a été démontré que la munition était contrôlée sur le camp et que chaque membre de l’unité s’était vu attitrer un certain nombre de munitions. D’ailleurs, elle souligne qu’il a été mis en preuve qu’une munition différente de celle qu’avait chacun des membres du détachement a été utilisée sur les champs de tir, et en conséquence personne ne pouvait avoir de munitions de surplus sans d’abord y avoir été autorisé, considérant le contrôle serré qui était exercé.

[25]          En conclusion, la poursuite affirme qu’il existe une preuve sur tous les éléments essentiels de l’infraction de vol, à l’exception de la question de la responsabilité exercée au champ de tir, et que même si ces faits diffèrent substantiellement de ceux allégués dans les détails du chef d’accusation, cela ne constitue pas un argument valable en droit pour accueillir la requête. À son avis, cette situation pourra être considérée par la Cour dans le cadre d’une directive spécifique par le juge militaire au comité portant sur la prononciation d’un verdict annoté, car cette différence factuelle n’aura pas porté préjudice à l’accusé dans sa défense.

[26]          Après avoir considéré la preuve et le droit portant sur la question, je conclus que la position soutenue devant la Cour par la poursuite est valide dans les circonstances. Je suis d’accord qu’elle a présenté une preuve sur tous les éléments essentiels de l’infraction de vol dont est accusé le sergent Pépin, à l’exception de l’élément essentiel concernant le fait que l’accusé était, de par son grade, ses fonctions ou son emploi, ou par suite de tout ordre légitime, chargé de la garde ou de la distribution de l’objet volé, ou en avait la responsabilité. Le défaut d’absence de preuve sur cet élément essentiel n’entraîne pas de conséquence fatale pour ce chef d’accusation, car en son absence, l’accusé peut quand même être trouvé coupable de l’infraction de vol. Cet élément essentiel de l’accusation est relié à la gravité de celle-ci et non au fondement même de la commission de cette infraction.

[27]          Je suis d’accord avec le procureur de la poursuite que le libellé des détails du premier chef d’accusation n’a pas pour effet de circonscrire l’accusation à un moment précis dans le temps comme suggéré par le sergent Pépin.

[28]          En effet, les détails de l’accusation spécifient certaines circonstances liées à la perpétration de l’infraction de vol durant la période allant du mois de juin au mois d’octobre 2019, et cela n’a pas eu l’effet proposé par le sergent Pépin. L’accusation allègue certaines circonstances spécifiques quant à la commission de l’infraction durant une période donnée, mais le fait qu’il n’y a pas eu de preuve quant à celle-ci n’empêche pas le tribunal de considérer les autres circonstances qui ont été démontrées dans le cadre de la possibilité de prononcer un verdict annoté. De plus, il appert que l’accusé connaissait ces autres circonstances et qu’il n’a pu être pris par surprise, car il savait ce que la poursuite allait présenter comme preuve. Il était donc en mesure de se défendre sans aucun préjudice.

[29]          En conséquence, à la question de savoir si les faits prouvés diffèrent substantiellement de ceux qui sont allégués dans l’exposé de l’infraction peut constituer un problème, je conclus que cette situation pourra faire l’objet d’une directive particulière portant sur la prononciation d’un verdict annoté, car cette différence factuelle ne portera pas préjudice à l’accusé dans sa défense.

[30]          Je conclus que la poursuite à présenter une preuve à l’égard de tous les éléments essentiels du premier chef d’accusation, dans la mesure où ils demeurent incontestés à cette étape-ci du procès, permettant à un comité ayant reçu des directives appropriées de conclure rationnellement que le sergent Pépin est coupable hors de tout doute raisonnable de l’infraction de vol, mais sans aucun égard à la responsabilité qu’il aurait assumée quant à l’objet du vol.

[31]          En conséquence, la demande du requérant à l’effet de prononcer un verdict d’acquittement parce que le procureur de la poursuite n’a présenté aucune preuve sur chacun des éléments essentiels de l’infraction de vol concernant le premier chef d’accusation est donc rejetée.

[32]          Par contre, toute référence apparaissant à l’énoncé et dans les détails du premier chef d’accusation quant au fait qu’il était employé comme officier de sécurité du champ de tir et quant à la responsabilité que l’accusé aurait assumée quant à l’objet du vol doit être retirée.

[33]          L’énoncé du deuxième chef d’accusation référant à l’article 115 de la LDN et ses détails sont libellés en ces termes :

« A RECÉLÉ UN BIEN OBTENU PAR LA PERPÉTRATION D’UNE INFRACTION D’ORDRE MILITAIRE, SACHANT QU’IL A ÉTÉ AINSI OBTENU

Détails : En ce que, entre les mois de juin et d’octobre 2019, à ou près du camp Taji, Irak, il a recelé une boîte de cinquante munitions de neuf millimètres sachant qu’elle ne pouvait avoir été obtenue que par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire. »

[34]          L’article 115 de la LDN se lit comme suit :

Le recel ou la détention d’un bien dont on sait qu’il a été obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, d’un emprisonnement de sept ans.

[35]          Outre l’identité en tant qu’auteur de l’infraction, la date et l’endroit, les éléments essentiels de l’infraction sont les suivants :

a)                  l’accusé a obtenu un bien;

b)                  le bien acquis par l’accusé a d’abord été obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire à laquelle il n’a pas participé;

c)                  l’accusé savait que le bien qu’il a acquis a d’abord été obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire à laquelle il n’a pas participé.

[36]          Le sergent Pépin suggère que le procureur de la poursuite n’a présenté aucune preuve concernant l’élément essentiel portant sur le fait que le bien acquis par l’accusé a d’abord été obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire à laquelle il n’a pas participé.

[37]          Selon la poursuite, c’est plutôt le contraire. À son avis, la boîte de munitions de 9 mm qui a été vu par le sergent Pépin sur le cabinet sécurisé dans la salle d’équipage quelque temps après la tenue du champ de tir du 8 juillet 2019 et qu’il a pris par la suite, se trouvait à cet endroit en raison de la commission d’une infraction d’ordre militaire, et constitue donc une preuve présentée à la Cour qui vise précisément cet élément essentiel.

[38]          La preuve soumise par le procureur de la poursuite indique que cette boîte de munitions de 9 mm aurait été aperçue par l’accusé alors qu’il est retourné dans la salle d’équipage, qui est un endroit sécurisé et auquel seules certaines personnes ont accès. Certains témoins ont expliqué qu’ils n’ont jamais rencontré une telle situation et que s’ils en avaient été témoins, ils auraient considéré cette situation inhabituelle et qu’ils auraient pris certaines actions pour y remédier,

[39]          La poursuite a donc soumis à la cour martiale une preuve voulant que la boîte de munition se trouvait à un endroit qui n’était pas conforme à la règle établie, à l’usage habituel. En soit, je suis d’avis que cela ne constitue pas une preuve quelconque de la commission d’une infraction d’ordre militaire, car il n’y a pas de preuve concernant la personne et la manière qui a fait en sorte que la boîte de munition s’est retrouvée à cet endroit.

[40]          Selon la poursuite, en raison de l’endroit où s’est retrouvée la boîte de munitions, la Cour peut faire l’inférence qu’elle ne pouvait être qu’à cet endroit qu’en raison de la commission d’une infraction d’ordre militaire. Quant à moi, le seul fait que la boîte de munition se retrouvait à un endroit où elle n’aurait pas dû, n’appuie pas raisonnablement la conclusion proposée par la poursuite qu’une infraction d’ordre militaire aurait été commise sur la base de la preuve qui a été présentée. Toutes sortes de raisons pourraient expliquer pourquoi une telle situation de fait s’est produite et la preuve ne permet pas de s’appuyer raisonnablement sur quoi que ce soit pour faire une inférence quelconque de celle de la nature que propose le poursuivant.

[41]          Il est clair pour moi que le procureur de la poursuite n’a pas présenté de preuve concernant l’élément essentiel concernant cette accusation et portant sur le fait que le bien acquis par le sergent Pépin, a d’abord été obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire à laquelle il n’a pas participé.

[42]          Après avoir étudié l’ensemble de la preuve, je conclus donc que la poursuite n’a pas présenté une preuve quelconque à l’égard de tous les éléments essentiels du deuxième chef d’accusation, dans la mesure où ils demeurent incontestés à cette étape-ci du procès, permettant à un comité ayant reçu des directives appropriées de conclure rationnellement que l’accusé est coupable hors de tout doute raisonnable de l’infraction de recel.

[43]          En conséquence, la demande du requérant à l’effet de prononcer un verdict d’acquittement parce que la poursuite n’a présenté aucune preuve sur chacun des éléments essentiels de l’infraction concernant le deuxième chef d’accusation est donc accueillie.

[44]           L’énoncé du troisième chef d’accusation référant à l’article 129 de la LDN et ses détails sont libellés en ces termes :

« ACTE PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE

Détails : En ce que, entre les mois de juin et d’octobre 2019, à ou près du camp Taji, Irak, il a eu la possession irrégulière d’une boîte de cinquante munitions de neuf millimètres. »

[45]          L’article 129 de la LDN se lit en partie comme suit :

129 (1) Tout acte, comportement ou négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

Comportements préjudiciables au bon ordre et à la discipline

(2) Est préjudiciable au bon ordre et à la discipline tout acte ou omission constituant une des infractions prévues à l’article 72, ou le fait de contrevenir à :

a) une disposition de la présente loi;

b) des règlements, ordres ou directives publiés pour la gouverne générale de tout ou partie des Forces canadiennes;

c) des ordres généraux, de garnison, d’unité, de station, permanents, locaux ou autres.

[46]          Outre l’identité en tant qu’auteur de l’infraction, la date et l’endroit, les éléments essentiels de l’infraction sont les suivants :

a)                  l’acte allégué s’est réellement produit;

b)                  le préjudice au bon ordre et à la discipline;

c)                  l’état d’esprit blâmable.

[47]          Le sergent Pépin affirme que le procureur de la poursuite n’a présenté aucune preuve concernant l’élément essentiel portant sur le fait que l’acte allégué s’est produit, soit que le sergent Pépin a eu la possession irrégulière d’un objet. Selon lui, le mot « irrégulière » ne réfère à aucune notion juridique tangible et ne permet donc pas qu’une analyse logique puisse être faite par la Cour pour apprécier si une preuve quelconque a été présentée. Au surplus, il suggère qu’aucune preuve n’a été présentée par la poursuite de nature directe ou circonstancielle concernant cette situation permettant à la cour martiale de conclure raisonnablement, s’il est considéré qu’une preuve a été présentée sur tous les autres éléments essentiels de cette accusation, à une déclaration de culpabilité. Plus particulièrement, concernant la preuve circonstancielle, si elle est acceptée comme véridique, aucune conclusion correcte ne pourrait être faite comme le propose le poursuivant.

[48]          La poursuite argumente que ce n’est pas le cas, car l’expression « possession irrégulière » a déjà été utilisée validement dans le passé, comme il appert de certaines décisions judiciaires qui lui ont reconnu un sens juridique précis et valide. Au surplus, comme indiqué à l’article 1.04 des ORFC, en donnant son sens usuel indiqué dans Le Petit Robert au mot « irrégulière » tel qu’employé dans les détails de l’accusation, cela permet amplement de comprendre sur le plan juridique l’actus reus qui doit être prouvé par la poursuite à titre d’élément essentiel de cette accusation.

[49]          Je suis d’accord avec l’argument avancé par le procureur de la poursuite concernant le sens usuel à donner au mot « irrégulier » comme utilisé dans les détails du troisième chef d’accusation.

[50]          En d’autres mots, le sergent Pépin est accusé d’avoir eu en sa possession d’une manière qui « n’est pas conforme à la règle établie, à l’usage commun » l’objet qui est décrit dans les détails de l’accusation. Sur ce point, la poursuite a présenté une preuve que la munition était contrôlée sur le camp et que chaque membre de l’unité s’était vu attitrer un nombre spécifique de munitions. De plus, il a été mis en preuve qu’une munition différente de celle qu’avait chacun des membres du détachement a été utilisée sur les champs de tir, et qu’en conséquence, aucune personne du détachement ne pouvait avoir des munitions de surplus sans d’abord y avoir été autorisée, considérant le contrôle serré qui était exercé sur celles-ci.

[51]          Après avoir étudié l’ensemble de la preuve, je conclus donc que le procureur de la poursuite a présenté une preuve à l’égard de tous les éléments essentiels du troisième chef d’accusation, dans la mesure où ils demeurent incontestés à cette étape-ci du procès, permettant à un comité ayant reçu des directives appropriées de conclure rationnellement que l’accusé est coupable hors de tout doute raisonnable de l’infraction d’acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

[52]          En conséquence, la demande du requérant à l’effet de prononcer un verdict d’acquittement parce que la poursuite n’a présenté aucune preuve sur chacun des éléments essentiels de l’infraction d’acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline concernant le troisième chef d’accusation est donc rejetée.

[53]          L’énoncé du quatrième chef d’accusation référant à l’article 124 de la LDN et ses détails sont libellés en ces termes :

« A EXÉCUTÉ AVEC NÉGLIGENCE UNE TÂCHE MILITAIRE

Détails : En ce que, entre les mois de juin et d’octobre 2019, à ou près du camp Taji, Irak, il a entreposé de façon négligente une boîte de cinquante munitions de neuf millimètres dans sa chambre. »

[54]          L’article 124 de la LDN se lit comme suit :

L’exécution négligente d’une tâche ou mission militaire constitue une infraction passible au maximum, sur déclaration de culpabilité, de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

[55]          Outre l’identité en tant qu’auteur de l’infraction, la date et l’endroit, les éléments essentiels de l’infraction sont les suivants :

a)                  une tâche ou une mission militaire a été imposée à l’accusé;

b)                  l’accusé a exécuté de manière négligente la tâche ou la mission qui lui a été imposée.

[56]          Le sergent Pépin affirme que le procureur de la poursuite n’a présenté aucune preuve concernant l’élément essentiel portant sur la tâche ou la mission militaire qui lui a été imposée

[57]          La poursuite admet que c’est effectivement le cas et m’a suggéré d’acquiescer à la demande de l’accusé sur ce chef d’accusation.

[58]          Je suis tout à fait d’accord avec les parties que la poursuite n’a présenté aucune preuve quelconque concernant la tâche ou la mission qui aurait été imposée au sergent Pépin dans les circonstances alléguées dans les détails de ce chef d’accusation.

[59]          Après avoir étudié l’ensemble de la preuve, je conclus donc que le procureur de la poursuite n’a pas présenté une preuve quelconque à l’égard de tous les éléments essentiels du quatrième chef d’accusation, dans la mesure où ils demeurent incontestés à cette étape-ci du procès, permettant à un comité ayant reçu des directives appropriées de conclure rationnellement que l’accusé est coupable hors de tout doute raisonnable de l’infraction d’avoir exécuté avec négligence une tâche militaire.

[60]          En conséquence, la demande du requérant à l’effet de prononcer un verdict d’acquittement parce que la poursuite n’a présenté aucune preuve sur chacun des éléments essentiels de l’infraction concernant le quatrième chef d’accusation est donc accueillie.

POUR TOUTES CES RAISONS, LA COUR :

[61]          ACCUEILLE la requête du requérant concernant le deuxième et le quatrième chef d’accusation apparaissant à l’acte d’accusation.

[62]          DÉCLARE qu’aucune preuve prima facie n’a été établie par le procureur de la poursuite à l’égard du deuxième et du quatrième chef d’accusation.

[63]          DÉCLARE le sergent Pépin non-coupable du deuxième chef d’accusation pour avoir recelé un bien obtenu par la perpétration d’une infraction d’ordre militaire, sachant qu’il a été ainsi obtenu, contrairement à l’article 115 de la LDN, et non coupable du quatrième chef d’accusation pour avoir exécuté avec négligence une tâche militaire contrairement à l’article 124 de la LDN.

[64]          REJETTE la requête du requérant concernant le premier et le troisième chef d’accusation apparaissant à l’acte d’accusation.

[65]          DÉCLARE qu’une preuve prima facie a été établie par le procureur de la poursuite à l’égard du premier et du troisième chef d’accusation.

[66]          ORDONNE que toute référence apparaissant à l’énoncé et dans les détails du premier chef d’accusation au fait que le sergent Pépin était employé comme officier de sécurité du champ de tir et quant à la responsabilité qu’il aurait assumée quant à l’objet du vol soit retirée.

[67]          ORDONNE que le procès se poursuive sous le premier chef d’accusation comme modifié.

[68]          ORDONNE que le procès se poursuive sous le troisième chef d’accusation comme libellé.

[68]

Avocats :

 

Lieutenant de vaisseau J.-M. Tremblay, Service d’avocats de la défense, avocat du sergent C. Pépin, le requérant

Le directeur des poursuites militaires tel que représenté par major É. Baby-Cormier, major L. Langlois et capitaine B. Richard, avocats de l’intimée

 You are being directed to the most recent version of the statute which may not be the version considered at the time of the judgment.