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Résumé :

L’appelant a présenté à l’université une demande d’accès aux rapports d’un enquêteur indépendant sur des allégations d’inconduite formulées contre l’équipe de hockey pour hommes de l’université en vertu de la Loi. L’université a localisé deux rapports et trois notes d’accompagnement pertinents, mais a refusé l’accès à ces documents, affirmant qu’ils étaient soustraits à l’application de la Loi en vertu de l’exclusion prévue au paragraphe 65 (6) s’appliquant à certains documents relatifs à l’emploi et aux relations de travail. L’université a invoqué également l’exception discrétionnaire énoncée à l’article 19 de la Loi pour les documents assujettis au secret professionnel de l’avocat. L’appelant a interjeté appel et soulevé l’application possible de l’exception fondée sur l’intérêt public de l’article 23 de la Loi. Dans la présente ordonnance, l’arbitre estime que le paragraphe 65 (6) soustrait à l’application de la Loi les deux rapports d’enquête. Elle considère que les trois notes d’accompagnement du cabinet d’avocats de l’université ne sont pas soustraites à l’application de la Loi en vertu de cette disposition, mais qu’elles sont assujetties au secret professionnel de l’avocat, de sorte qu’elles sont soustraites à la divulgation en vertu de l’article 19 de la Loi. Enfin, elle souligne que l’exception fondée sur l’intérêt public de l’article 23 ne s’applique pas aux documents visés par l’article 19.

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ORDONNANCE PO-3548

Appel PA14-329

Université d’Ottawa

Le 26 novembre 2015

Résumé : L’appelant a présenté à l’université une demande d’accès aux rapports d’un enquêteur indépendant sur des allégations d’inconduite formulées contre l’équipe de hockey pour hommes de l’université en vertu de la Loi. L’université a localisé deux rapports et trois notes d’accompagnement pertinents, mais a refusé l’accès à ces documents, affirmant qu’ils étaient soustraits à l’application de la Loi en vertu de l’exclusion prévue au paragraphe 65 (6) s’appliquant à certains documents relatifs à l’emploi et aux relations de travail. L’université a invoqué également l’exception discrétionnaire énoncée à l’article 19 de la Loi pour les documents assujettis au secret professionnel de l’avocat. L’appelant a interjeté appel et soulevé l’application possible de l’exception fondée sur l’intérêt public de l’article 23 de la Loi. Dans la présente ordonnance, l’arbitre estime que le paragraphe 65 (6) soustrait à l’application de la Loi les deux rapports d’enquête. Elle considère que les trois notes d’accompagnement du cabinet d’avocats de l’université ne sont pas soustraites à l’application de la Loi en vertu de cette disposition, mais qu’elles sont assujetties au secret professionnel de l’avocat, de sorte qu’elles sont soustraites à la divulgation en vertu de l’article 19 de la Loi. Enfin, elle souligne que l’exception fondée sur l’intérêt public de l’article 23 ne s’applique pas aux documents visés par l’article 19.

Dispositions législatives pertinentes : Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée , L.R.O. 1990, chap. F.31 , telle que modifiée, articles 19 et 23 et paragraphe 65 (6).

Ordonnances et rapports d’enquête pertinents : Ordonnances M-927, MO-2131, MO‑2504, MO-2537, MO-2556, MO-2589 et PO-2095.

Jurisprudence : Ministry of the Attorney General and Toronto Star and Information and Privacy Commissioner, 2010 ONSC 991 (Div. Ct.); Ontario (Ministry of Correctional Services) v. Goodis (2008), 89 O.R. (3d) 457, [2008] O.J. No. 289 (Div. Ct.); Ontario (Solicitor General) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner) (2001), 55 O.R. (3d) 355 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée [2001] A.C.S.C. n° 507; Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23.

INTRODUCTION

[1]  L’équipe de hockey pour hommes de l’Université d’Ottawa s’est rendue à Thunder Bay du 31 janvier au 2 février 2014 pour jouer contre l’équipe de l’Université Lakehead. Pendant ce séjour, il y a eu deux incidents impliquant l’équipe qui ont mené à des allégations d’inconduite sexuelle et de consommation excessive d’alcool à l’encontre de certains joueurs de cette équipe. Dans la présente ordonnance, ces deux incidents sont désignés par l’expression « l’affaire de l’équipe de hockey pour hommes » [1] .

[2]  L’Université d’Ottawa (l’« université ») a retenu les services d’un cabinet d’avocats, lequel a fait appel à un enquêteur indépendant qui a mené une enquête et rédigé deux rapports : le premier sur les activités sexuelles de l’équipe masculine de hockey (rapport sur les inconduites sexuelles) et le second sur la consommation excessive d’alcool des membres de cette équipe (rapport sur la consommation excessive d’alcool). L’université a également signalé les allégations d’inconduite sexuelle à la police de Thunder Bay, qui a mené sa propre enquête. En bout de ligne, des accusations criminelles ont été portées contre deux joueurs de cette équipe.

[3]  L’appelant, un journaliste, a demandé à l’université les renseignements suivants en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (la « Loi ») :

Je veux obtenir copie complète du rapport de l’enquêteur indépendant [nom de l’enquêteur] dans le dossier des Gee Gees.

[4]  L’université a établi que les deux rapports d’enquête susmentionnés étaient visés par la demande, de même que trois notes d’accompagnement que le cabinet d’avocats avait adressées à l’université. Elle a refusé l’accès à ces documents en affirmant que ceux-ci étaient soustraits à l’application de la Loi car ils étaient visés par l’exclusion concernant certains documents relatifs à l’emploi ou aux relations de travail énoncée au paragraphe 65 (6) de la Loi . L’université a aussi invoqué l’exception discrétionnaire de l’article 19 pour les documents assujettis au secret professionnel de l’avocat, ainsi que les exceptions discrétionnaires relatives aux conseils et recommandations (article 13) et à l’exécution de la loi (article 14) de même que l’exception obligatoire fondée sur la vie privée (article 21).

[5]  L’appelant a interjeté appel de la décision de l’université devant le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée (le « CIPVP »). Pendant la médiation, il a soulevé l’application possible de l’exception fondée sur l’intérêt public figurant à l’article 23 de la Loi . La médiation n’ayant pas permis de régler le différend, le dossier est passé au stade de l’arbitrage du processus d’appel, dans le cadre duquel un arbitre mène une enquête. J’ai invité l’université et l’appelant à me fournir des observations sur les questions en cause dans cet appel. L’université a déposé des observations, mais l’appelant n’en a pas déposées.

[6]  Dans cette ordonnance, j’estime que les rapports d’enquête sont soustraits à l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6). Je ne suis donc pas compétente pour me prononcer sur leur divulgation ou leur non-divulgation. Je considère que les trois notes d’accompagnement que le cabinet d’avocats a adressées à l’université ne sont pas soustraites à l’application de la Loi en vertu de cette disposition. Par contre, j’estime qu’elles sont assujetties au secret professionnel de l’avocat, et qu’elles sont soustraites à la divulgation en vertu de l’article 19 de la Loi .

DOCUMENTS

[7]  Les documents en cause sont le rapport sur les inconduites sexuelles (y compris une copie expurgée de ce rapport), le rapport sur la consommation excessive d’alcool et les trois notes d’accompagnement que le cabinet d’avocats de l’université a adressées à celle-ci.

[8]  Dans cette ordonnance, l’expression « les rapports d’enquête » désigne à la fois le rapport sur les inconduites sexuelles et le rapport sur la consommation excessive d’alcool.

QUESTIONS

  1. Les documents sont-ils exclus de l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6)?
  2. L’exception discrétionnaire prévue à l’alinéa 19 de la Loi  (secret professionnel de l’avocat) s’applique-t-elle aux documents?
  3. L’institution a-t-elle exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 19? Dans l’affirmative, le CIPVP devrait-il confirmer l’exercice de ce pouvoir?

ANALYSE

Question A :   Les documents sont-ils exclus de l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6)?

[9]  La première question à trancher dans cet appel consiste à savoir si la Loi  s’applique aux documents en cause. L’article 65 prévoit que la Loi  ne s’applique pas à certaines catégories de documents. Si je conclus que la Loi  ne s’applique pas aux documents en cause dans cet appel, l’affaire dont je suis saisie sera close. Soulignons qu’une institution peut quand même exercer son pouvoir discrétionnaire de divulguer des documents hors du mécanisme d’accès établi par la Loi  [2] . Cependant, le CIPVP n’a pas compétence pour rendre une ordonnance concernant la divulgation ou la non-divulgation de documents auxquels la Loi  ne s’applique pas.

[10]  L’article 65 exclut notamment les documents relatifs à certaines questions en matière d’emploi. Ainsi, le paragraphe 65 (6) dispose notamment :

Sous réserve du paragraphe (7), la présente loi ne s’applique pas aux documents recueillis, préparés, maintenus ou utilisés par une institution ou pour son compte à l’égard de ce qui suit :

1.  Les instances ou les instances prévues devant un tribunal judiciaire ou administratif ou une autre entité en ce qui a trait aux relations de travail ou à l’emploi d’une personne par l’institution. […]

3.  Les réunions, les consultations, les discussions ou les communications, en ce qui a trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi, dans lesquelles l’institution a un intérêt.

[11]  Si le paragraphe 65 (6) s’applique aux documents et qu’aucune des exceptions prévues au paragraphe 65 (7) ne s’applique, les documents sont soustraits à l’application de la Loi.

[12]  L’université fait valoir que les dispositions 1 et 3 du paragraphe 65 (6) s’appliquent aux rapports d’enquête. J’aborde pour commencer la disposition 3 de ce paragraphe, et compte tenu de la conclusion que j’ai tirée, il n’est pas nécessaire d’aborder la disposition 1.

[13]  Je commencerai par discuter des rapports d’enquête, puis je passerai aux notes d’accompagnement.

Observations

[14]  L’université soutient que son cabinet d’avocats a fait appel à un enquêteur indépendant pour examiner les faits entourant les allégations d’inconduite sexuelle et de consommation excessive d’alcool. Elle fait valoir que les rapports contiennent les consignes du cabinet d’avocats à l’enquêteur (son mandat), le protocole d’enquête, une liste de témoins, les preuves et les documents obtenus lors de l’enquête, ainsi que les conclusions de l’enquêteur et ses opinons (basées sur des faits et constatations) en lien avec l’affaire de l’équipe de hockey pour hommes.

[15]  L’université affirme qu’en raison des conclusions énoncées dans les deux rapports, elle a décidé de suspendre le programme universitaire de hockey pour hommes pour la durée de la saison 2014-2015. L’université a également congédié de façon sommaire l’entraîneur de l’équipe.

[16]  L’université soutient qu’un des buts principaux des rapports était d’évaluer si les agissements de l’entraîneur de hockey avaient été raisonnables compte tenu des circonstances entourant l’affaire de l’équipe de hockey pour hommes. Elle fait valoir que l’enquête était décrite dans le mandat d’enquête comme étant une « enquête en milieu de travail ». Elle précise qu’en raison des conclusions du rapport, l’entraîneur de hockey a été congédié sommairement.

[17]  Je tiens à souligner que l’université ne soutient pas que l’entraîneur a été directement impliqué dans l’affaire de l’équipe de hockey pour hommes. Je ne peux traiter avec précision des « agissements » de l’entraîneur qui sont mentionnés dans les observations de l’université sans révéler le contenu des documents, mais ces « agissements » n’impliquent pas l’entraîneur directement dans les allégations d’inconduite sexuelle ni de consommation excessive d’alcool.

[18]  Tel qu’indiqué plus haut, l’appelant n’a pas déposé d’observations.

Analyse et constatations

[19]  Pour que la disposition 3 du paragraphe 65 (6) s’applique, l’institution doit démontrer que :

  1. les documents ont été recueillis, préparés, maintenus ou utilisés par elle ou pour son compte;
  2. les documents ont été recueillis, préparés, maintenus ou utilisés à l’égard de réunions, de consultations, de discussions ou de communications;
  3. les réunions, consultations, discussions ou communications avaient trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi, dans lesquelles l’institution a un intérêt.

Première partie : Les documents ont été recueillis, préparés, maintenus ou utilisés par l’institution ou pour son compte

[20]  Le fait que les rapports d’enquête aient été préparés pour le compte de l’université, qui les avait commandés par l’entremise de son cabinet d’avocats, ne semble pas contesté. J’estime que l’université a également utilisé ces rapports pour prendre des décisions concernant le programme de hockey et l’entraîneur-chef. Après avoir pris connaissance des conclusions des rapports d’enquête, l’université a décidé de suspendre son programme de hockey pour hommes pour la saison 2014-2015 et de congédier l’entraîneur-chef. En plus des observations de l’université, des articles sur ces événements font état du fait que l’université s’est appuyée sur les résultats de l’enquête pour suspendre le programme et congédier l’entraîneur [3] .

Deuxième et troisième parties : Les réunions, les consultations, les discussions ou les communications ont trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi, dans lesquelles l’institution a un intérêt

[21]  J’estime également que les rapports d’enquête ont été préparés et utilisés « à l’égard de réunions, de consultations, de discussions ou de communications » sur un éventail de sujets. Je ne peux divulguer les particularités du mandat d’enquête car cela révélerait le contenu des documents, mais je considère que ce mandat prévoit clairement d’autres communications au sein de l’université. Tel qu’indiqué plus haut, l’université a pris au moins deux décisions après avoir reçu ces rapports : celle de suspendre le programme de hockey et celle de congédier l’entraîneur. J’estime que l’université n’aurait pas pris de décisions de ce genre sans consultations, discussions ou communications.

[22]  Il reste à déterminer si les documents ont été préparés et utilisés pour des réunions, consultations, discussions ou communications « en ce qui a trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi dans lesquelles l’institution a un intérêt ».

[23]  L’expression « à l’égard de » dans le contexte de l’article 65 a fait l’objet de certaines interprétations judiciaires. Dans Ministry of the Attorney General and Toronto Star and Information and Privacy Commissioner [4] , la Cour divisionnaire a examiné l’exclusion du paragraphe 65 (5.2), selon laquelle la Loi  ne s’applique pas à un document « se rapportant à » une poursuite si toutes les instances à l’égard de celle-ci n’ont pas pris fin. La cour a rejeté une interprétation selon laquelle il doit y avoir un « lien important » entre les documents et la poursuite; elle a jugé plutôt que l’expression « se rapportant à » du paragraphe 65 (5.2) exige uniquement qu’il y ait un « certain lien » entre un document et une poursuite.

[24]  Dans ses ordonnances, le CIPVP a appliqué ce raisonnement au contexte de l’exclusion du paragraphe 65 (6), estimant que pour que la collecte, la préparation, le maintien ou l’utilisation d’un document soit « à l’égard» des sujets mentionnés aux dispositions 1, 2 ou 3 du paragraphe 65 (6), il doit être raisonnable de conclure qu’il existe un « certain lien » entre eux [5] . Pour que la disposition 3 du paragraphe 65 (6) s’applique, il suffit donc qu’il y ait un « certain lien » entre un document et des réunions, consultations, discussions ou communications, en ce qui a trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi, dans lesquelles l’institution a un intérêt [6] .

[25]  Il a été établi que l’expression « questions en matière d’emploi » (par opposition aux questions relatives aux relations de travail) désigne les questions liées aux ressources humaines ou aux relations de travail découlant du rapport entre un employeur et un employé autres que celles régies par la négociation collective [7] . Il a été déterminé que l’expression « relations de travail ou [...] questions en matière d’emploi » s’applique notamment dans des contextes comme un concours d’emploi [8] , le congédiement d’un employé [9] et des instances disciplinaires en vertu de la Loi sur les services policiers [10] .

[26]  Cependant, la Cour divisionnaire a statué que l’exclusion prévue au paragraphe 65 (6) ne soustrait pas à la Loi  tous les documents concernant les actes ou les omissions d’un employé uniquement parce que la conduite de cet employé pourrait donner lieu à un litige civil dans lequel la Couronne pourrait être reconnue responsable des torts causés par ses employés [11] . Dans Ontario (Ministry of Correctional Services) v. Goodis [12] , on a demandé au ministère des Services correctionnels l’accès à « tous les documents concernant toute allégation d’inconduite ou de mauvais traitements de nature sexuelle, physique ou autre faite entre 1975 et 1995 contre [certains particuliers] à votre bureau de Cornwall (Ontario) ». À l’époque où cette demande a été présentée, la Couronne et certains de ses employés actuels et antérieurs avaient déjà fait ou faisaient l’objet de poursuites concernant ces allégations, ou on s’attendait à ce que de telles poursuites soient intentées. Dans chaque cas, il a été allégué que la Couronne pouvait être tenue responsable des torts commis par ses employés dans le contexte de leur emploi. Le ministère a soutenu que les documents demandés avaient trait à l’emploi et qu’ils étaient soustraits à l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6). L’auteur de la demande a interjeté appel au CIPVP, qui a rejeté l’interprétation du ministère et jugé que les documents n’étaient pas exclus en vertu du paragraphe 65 (6).

[27]  Le ministère a déposé une requête en révision judiciaire. Rejetant la requête du ministère sur ce point [13] , la juge Swinton, au nom de la Cour divisionnaire, a statué :

[Traduction]

À mon avis, le libellé du par. 65 (6) ne va pas aussi loin que le soutient le ministère. La disposition 1 du par. 65 (6) traite de documents recueillis, préparés, maintenus ou utilisés par l’institution à l’égard d’instances ou d’instances prévues « en ce qui a trait aux relations de travail ou à l’emploi d’une personne par l’institution ». Les instances dont il semble être question dans cette disposition ont trait à l’emploi ou aux relations de travail, c’est-à-dire à des modalités d’emploi, par exemple, des mesures disciplinaires prises contre un employé ou des instances de grief. En d’autres mots, cette disposition exclut les documents concernant des questions dans lesquelles l’institution a un intérêt en tant qu’employeur. Par contre, elle n’exclut pas les documents concernant des poursuites intentées par un tiers contre le ministère à la suite de mesures prises par des employés du gouvernement.

[28]  Le CIPVP a adopté ce raisonnement de la Cour divisionnaire et l’a appliqué à ses ordonnances subséquentes. Par conséquent, les documents que le paragraphe 65 (6) soustrait à l’application de la Loi ont trait à des questions où l’institution agit à titre d’employeur et qui concernent des modalités d’emploi ou des questions touchant les ressources humaines. Les questions en matière d’emploi sont distinctes des questions qui concernent les actes des employés dont leur employeur pourrait être tenu responsable [14] .

[29]  Dans certaines ordonnances antérieures, le CIPVP a également établi une distinction entre les documents créés à des fins liées à l’emploi et les documents qui sont créés à une autre fin mais qui peuvent être utilisés plus tard pour une fin liée à l’emploi. Par exemple, dans l’ordonnance MO-2556, l’arbitre principal Frank DeVries devait déterminer si les fiches et rapports d’incident de la police étaient exclus en vertu du paragraphe 52 (3) de la Loi  municipale (l’équivalent municipal du paragraphe 65 (6) de la Loi ). La police a fait valoir que l’exclusion prévue au paragraphe 52 (3) s’appliquait parce que l’appelant avait porté plainte contre un policier, et que les documents en cause avait été recueillis, préparés, maintenus et utilisés à l’égard d’instances découlant de la plainte.

[30]  Estimant que le paragraphe 52 (3) ne s’appliquait pas aux documents, l’arbitre principal DeVries a fait fond sur l’analyse contenue dans une ordonnance antérieure, l’ordonnance M-927, et a déclaré :

[Traduction]

Comme les documents en cause dans cet appel ont trait à l’enquête policière initiale sur les circonstances impliquant l’appelant, qui relevaient de la compétence de la police, ils ne sont pas visés par l’exclusion du paragraphe 52 (3). Il est possible que les plaintes subséquentes au sujet des agissements de l’agent enquêteur aient donné lieu à d’autres enquêtes ou à la création de dossiers supplémentaires (dont on m’a donné très peu de preuves de leur existence), mais les documents initiaux qui ont trait aux enquêtes initiales sur les agissements de l’appelant ne sont pas soustraits à l’application de la Loi simplement parce qu’ils ont été examinés ou pris en compte dans le cadre d’un examen de la conduite de l’agent en vertu d’une autre loi. Un tel examen ne modifie pas l’objet des documents initiaux, qui avaient été préparés aux fins des enquêtes menées par l’agent… Par conséquent, je considère que la fiche d’incident initiale et le rapport général d’incident qui constituent les documents en cause dans cet appel ne sont pas soustraits à l’application de la Loi uniquement parce qu’ils font l’objet d’autres enquêtes ou instances ou sont examinés dans leur contexte.

[31]  Comme l’a souligné l’arbitre principal John Higgins dans l’ordonnance M-927:

[Traduction]

Le fait de soustraire des documents en cause à l’application de la Loi parce qu’ils ont été examinés dans le cadre d’une enquête sur la conduite d’un employé serait un résultat manifestement absurde dépassant l’intention du législateur [15] .

[32]  Pour les motifs qui suivent, je considère que les rapports d’enquête en cause dans cet appel ont été préparés et utilisés à l’égard de réunions, de consultations, de discussions ou de communications concernant une question en matière d’emploi dans laquelle l’université a un intérêt, et qu’ils sont donc soustraits à l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6). Je traiterai pour commencer du rapport sur les inconduites sexuelles, puis de celui portant sur la consommation excessive d’alcool.

Le rapport sur les inconduites sexuelles

[33]  Mon examen indépendant du mandat de l’enquêteur, tel que communiqué par le cabinet d’avocats de l’université à l’enquêteur et reproduit dans le rapport sur les inconduites sexuelles, révèle clairement qu’une partie de ce mandat concernait l’emploi de l’entraîneur. Je ne peux être plus précise sans révéler le contenu du rapport, mais je m’appuie en particulier sur les parties suivantes :

  • Onglet 1, paragraphe portant le numéro (3)
  • Onglet 2, page 1, premier paragraphe et paragraphe portant le numéro (3)
  • Onglet 2, page 2, première section soulignée
  • Onglet 2, page 3
  • Onglet 17, en particulier le paragraphe 2

[34]  Selon son mandat, l’enquêteur devait examiner d’autres questions en plus de la question ayant trait à l’emploi, mais j’accepte le point de vue de l’université selon lequel l’un des principaux objets du rapport consistait à déterminer si l’entraîneur de hockey avait agi de façon raisonnable dans les circonstances entourant l’affaire de l’équipe de hockey pour hommes. En outre, j’estime que le fait de déterminer si sa conduite avait été raisonnable dans le contexte de l’allégation d’inconduite sexuelle était une fin liée à l’emploi, comme le montrent clairement, par exemple, le paragraphe portant le numéro (3) de l’onglet 1 et l’onglet 17.

[35]  Comme le mandat comprenait cette fin liée à l’emploi, il n’est pas étonnant que le rapport sur les inconduites sexuelles en traite également. J’ai examiné ce rapport et je conclus qu’il porte en bonne partie sur les agissements de l’entraîneur de hockey en rapport avec les allégations d’inconduite sexuelle. Les actes de l’entraîneur sont examinés tout au long du rapport. Je m’appuie également sur la section « Conclusions » (« Findings ») du rapport, qui illustre l’importance accordée à la conduite de l’entraîneur tout au long de l’enquête.

[36]  En outre, j’estime que la préparation et l’utilisation du rapport sur les inconduites sexuelles se distinguent des genres de situations mentionnées dans la décision Ontario (Ministry of Correctional Services) v. Goodis et dans l’ordonnance MO-2556 précitées. Ces deux décisions soulignent que pour que le paragraphe 65 (6) (ou l’équivalent municipal) s’applique, les documents doivent avoir trait à des questions dans lesquelles l’institution a un intérêt en tant qu’employeur.

[37]  En l’occurrence, l’université agissait de toute évidence en tant qu’employeur lorsqu’elle a fait appel, par l’entremise de son cabinet d’avocats, à l’enquêteur indépendant pour faire enquête et rédiger un rapport. Non seulement le mandat et le rapport lui-même mentionnent les agissements de l’entraîneur, mais ils le font également dans le contexte de l’emploi de l’entraîneur. Les onglets 15, 16 et 17 comptent parmi les nombreuses indications montrant que l’enquête et le rapport avaient trait à l’emploi. Il est notoire que l’entraîneur a été congédié à la suite des rapports d’enquête. Cette fin liée à l’emploi distingue le rapport sur les inconduites sexuelles des documents en cause dans Ontario (Ministry of Correctional Services) v. Goodis et l’ordonnance MO-2556.

[38]  Enfin, j’estime que l’université a un intérêt dans la question ayant trait à l’emploi dont traite le rapport sur les inconduites sexuelles. L’« intérêt » que l’institution a dans cette question doit être plus qu’une simple curiosité ou préoccupation. Cette question fait intervenir les employés de l’institution [16] . Le rapport a été commandé par l’université, par l’entremise de son cabinet d’avocats, et porte sur le personnel de l’université. L’université a donné suite à ce rapport en congédiant l’entraîneur.

[39]  Je considère donc que l’université a établi qu’il y a un certain lien entre le rapport sur les inconduites sexuelles et « les réunions, les consultations, les discussions ou les communications, en ce qui a trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi, dans lesquelles l’institution a un intérêt » [17] . Par conséquent, le rapport sur les inconduites sexuelles est soustrait à l’application de la Loi conformément au paragraphe 65 (6).

Le rapport sur la consommation excessive d’alcool

[40]  Pour des motifs semblables, je considère également que le rapport sur la consommation excessive d’alcool est soustrait à l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6). Tel que mentionné plus haut, une partie du mandat de l’enquête portait sur l’emploi de l’entraîneur, comme le révèlent les parties suivantes du rapport :

  • Onglet 1, paragraphe portant le numéro (3)
  • Onglet 2, page 1, premier paragraphe et paragraphe portant le numéro (3)
  • Onglet 2, page 2, première section soulignée
  • Onglet 15, en particulier le paragraphe 2

[41]  Encore une fois, selon son mandat, l’enquêteur devait examiner d’autres questions en plus de la question ayant trait à l’emploi, mais j’accepte le point de vue de l’université selon lequel l’un des principaux objets du rapport consistait à déterminer si l’entraîneur de hockey avait agi de façon raisonnable dans les circonstances entourant la consommation excessive d’alcool. En outre, j’estime que le fait de déterminer si sa conduite avait été raisonnable dans le contexte de l’allégation de consommation excessive d’alcool était une fin liée à l’emploi, comme le montre clairement, par exemple, le paragraphe numéroté (3) de l’onglet 1 et l’onglet 15 du rapport.

[42]  Conformément au mandat établi pour la préparation du rapport, et comme c’est le cas pour le rapport sur les inconduites sexuelles, une bonne partie du rapport sur la consommation excessive d’alcool traite des agissements de l’entraîneur de hockey en rapport avec les allégations de consommation excessive d’alcool. Les actes de l’entraîneur sont examinés tout au long du rapport. Je m’appuie également sur la section « Conclusions » (« Findings ») du rapport, qui illustre l’importance accordée à la conduite de l’entraîneur tout au long de l’enquête et le fait que l’université agissait à titre d’employeur lorsqu’elle a fait appel à l’enquêteur indépendant, par l’entremise de son cabinet d’avocats, pour faire enquête et rédiger le rapport. Non seulement le mandat et le rapport lui-même mentionnent les agissements de l’entraîneur, mais ils le font également dans le contexte de l’emploi de l’entraîneur. Les onglets 13, 14 et 15 comptent parmi les nombreuses indications montrant que l’enquête et le rapport sur la consommation excessive d’alcool avaient trait à l’emploi.

[43]  Enfin, j’estime que l’université a un intérêt dans la question ayant trait à l’emploi dont traite le document. Le rapport a été commandé par l’université, par l’entremise de son cabinet d’avocats, et porte sur le personnel de l’université.

[44]  Je considère donc que l’université a établi qu’il y a un certain lien entre le rapport sur la consommation excessive d’alcool et « les réunions, les consultations, les discussions ou les communications, en ce qui a trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi, dans lesquelles l’institution a un intérêt » [18] . Par conséquent, le rapport sur la consommation excessive d’alcool est soustrait à l’application de la Loi conformément au paragraphe 65 (6).

Notes d’accompagnement : observations, analyse et conclusions

[45]  Dans ses observations, l’université décrit en ces termes les notes d’accompagnement que son cabinet d’avocats lui a adressées :

  1. Une note de service du cabinet d’avocats à l’université, contenant des conseils juridiques et l’opinion du cabinet sur l’utilisation, la distribution ou la reproduction des quatre copies sécurisées des rapports et sur les risques auxquels l’université pourrait être exposé en raison de leur divulgation entière ou partielle;
  2. Deux notes de service du cabinet d’avocats à l’université, contenant des conseils juridiques et des opinions pour aider l’université à déterminer si une version expurgée du rapport sur les inconduites sexuelles devrait être divulguée. Ces notes contiennent également des conseils juridiques et opinions concernant l’utilisation, la distribution et la reproduction des rapports ainsi que les risques auxquels l’université pourrait être exposé en raison de leur divulgation entière ou partielle.

[46]  Si l’on suppose que les deux premiers volets du critère à trois volets énoncé au paragraphe 65 (6) sont respectés (c.-à-d. que les notes d’accompagnement ont été recueillies, préparées, maintenues ou utilisées par l’université ou pour son compte, et que les documents ont été recueillis, préparés, maintenus ou utilisés à l’égard de réunions, de consultations, de discussions ou de communications), je considère que le paragraphe 65 (6) ne s’applique pas à ces notes d’accompagnement parce que les réunions, consultations, discussions ou communications n’avaient pas trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi. Mon examen des notes d’accompagnement et des observations de l’université révèle clairement que ces notes avaient pour seul objet la distribution des rapports ou de versions expurgées de ces rapports. L’université n’a pas affirmé que ces notes avaient été préparées ou utilisées à des fins liées à l’emploi. Je considère donc que les notes d’accompagnement ne sont pas soustraites à l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6).

Conclusion

[47]  Je conclus que les rapports d’enquête sont soustraits à l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6). En outre, aucune des exceptions du paragraphe 65 (7) ne s’applique en l’espèce.

[48]  Tel que souligné plus haut, le fait que la Loi  ne s’applique pas aux rapports d’enquête n’empêche pas l’université d’exercer son pouvoir discrétionnaire de les divulguer en tout ou en partie, hors du mécanisme d’accès prévu par la Loi . Cependant, comme la Loi  ne s’applique pas à ces rapports, je ne suis pas compétente pour rendre une ordonnance concernant leur divulgation ou leur non-divulgation.

[49]  Le paragraphe 65 (6) ne s’applique pas aux notes d’accompagnement que le cabinet d’avocats a adressées à l’université. Ces notes sont donc assujetties à la Loi . Je vais maintenant déterminer si elles sont soustraites à la divulgation en vertu de l’article 19 (secret professionnel de l’avocat) de la Loi .

Question B :  L’exception discrétionnaire de l’article 19 de la Loi (secret professionnel de l’avocat) s’applique-t-elle aux notes d’accompagnement?

[50]  L’université fait valoir que les notes d’accompagnement sont soustraites à la divulgation en vertu de l’article 19 de la Loi , qui est libellé comme suit :

La personne responsable peut refuser de divulguer un document qui, selon le cas :

(a) est protégé par le secret professionnel de l’avocat;

(b) a été élaboré par l’avocat-conseil de la Couronne, ou pour le compte de celui-ci, qui l’utilise soit dans la communication de conseils juridiques, soit à l’occasion ou en prévision d’une instance;

(c) a été élaboré par l’avocat-conseil employé ou engagé par un établissement d’enseignement ou un hôpital, ou pour le compte de cet avocat-conseil, qui l’utilise soit dans la communication de conseils juridiques, soit à l’occasion ou en prévision d’une instance.

[51]  L’article 19 contient deux volets. Le premier volet (« protégé par le secret professionnel de l’avocat ») est prévu en common law. Le second volet (« élaboré par l’avocat-conseil de la Couronne ou pour le compte de celui-ci », ou « par l’avocat-conseil employé ou engagé par un établissement d’enseignement ou un hôpital ») est un privilège d’origine législative. L’institution doit établir qu’au moins un des deux volets s’applique.

Volet 1 – Privilège du secret professionnel de l’avocat prévu en common law

[52]  En common law, le secret professionnel de l’avocat comprend deux types de privilège : (i) le privilège relatif aux communications entre l’avocat et le client; (ii) le privilège relatif au litige.

Privilège relatif aux communications entre l’avocat et le client

[53]  Ce privilège protège les communications directes de nature confidentielle entre un avocat et son client, ou leurs représentants ou employés, faites dans le but d’obtenir ou de donner des conseils juridiques [19] . Il a pour objet de faire en sorte qu’un client puisse se confier à son avocat sur une question juridique [20] . Il s’applique non seulement à un document qui contient des conseils juridiques ou une demande de tels conseils, mais aussi aux renseignements que l’avocat et le client se communiquent afin de pouvoir demander et fournir de tels conseils [21] .

[54]  Le privilège peut également s’appliquer aux documents de travail d’un conseiller juridique qui ont trait directement à la recherche, à la formulation ou à la fourniture de conseils juridiques [22] .

[55]  La confidentialité est une composante essentielle de ce privilège. L’institution doit donc démontrer que les communications ont été faites à titre confidentiel, expressément ou implicitement [23] . Ce privilège ne s’applique pas aux communications entre un avocat et une partie adverse [24] .

Perte du privilège

Renonciation

[56]  En common law, il est possible de renoncer au secret professionnel de l’avocat. Il y a renonciation expresse au privilège lorsque la partie qui le détient connaît l’existence du privilège et manifeste volontairement son intention d’y renoncer [25] .

[57]  Il peut également y avoir renonciation tacite au privilège du secret professionnel de l’avocat par souci d’équité et lorsque la partie qui détient ce privilège pose une action volontaire qui permet de conclure à son intention tacite ou objective d’y renoncer [26] .

[58]  En général, la divulgation à des parties de l’extérieur de renseignements protégés par un privilège constitue une renonciation au privilège [27] . Cependant, il n’y a pas nécessairement renonciation lorsque le document est divulgué à une autre partie qui a un intérêt commun avec la partie qui divulgue le document [28] .

Analyse et constatations

[59]  Les observations de l’université ne traitent pas directement de la question de savoir si les notes d’accompagnement sont soustraites à la divulgation en vertu de l’article 19 de la Loi  [29] . Cependant, d’après mon examen de ces notes, il est évident qu’il s’agit de communications privilégiées entre un avocat et son client. Ces notes ont été rédigées par l’avocat du cabinet dont l’université a retenu les services, sont adressées à l’avocat général de l’université et contiennent des conseils juridiques. En outre, je constate que ces notes étaient confidentielles. Deux d’entre elles portent la mention « privilégié et confidentiel » mais pas la troisième; toutefois, ce facteur à lui seul n’est pas déterminant. Compte tenu du fait que ces notes sont adressées uniquement à l’avocat général de l’université et contiennent des conseils juridiques sur la distribution des rapports d’enquête (qui portent la mention « privilégié et confidentiel »), j’en déduis que ces notes étaient confidentielles.

[60]  Je conclus que les notes d’accompagnement contiennent des conseils juridiques confidentiels du cabinet d’avocats à l’université, et qu’elles sont par conséquent assujetties au secret professionnel de l’avocat. Elles font donc l’objet d’une exception en vertu du premier volet de l’article 19.

[61]  Par ailleurs, je n’ai été saisie d’aucune preuve montrant que l’université aurait renoncé à son privilège à l’égard de ces notes [30] . Je considère donc, sous réserve de mes conclusions sur l’exercice par l’université de son pouvoir discrétionnaire, que les notes sont soustraites à la divulgation en vertu de l’article 19 de la Loi .

[62]  Je constate également que l’appelant a soulevé l’exception fondée sur l’intérêt public énoncée à l’article 23 de la Loi . Cependant, l’article 19 ne compte pas parmi les exceptions à laquelle l’exception fondée sur l’intérêt public s’applique en vertu de l’article 23, qui est libellé comme suit :

Les exceptions à la divulgation visées aux articles 13, 15, 17, 18, 20, 21 et 21.1 ne s’appliquent pas si la nécessité manifeste de divulguer le document dans l’intérêt public l’emporte sans conteste sur les fins visées par les exceptions.

[63]  La Cour suprême du Canada a traité de la question de l’absence d’une exception fondée sur l’intérêt public dans le cas de documents visés par le secret professionnel de l’avocat dans l’arrêt Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association [31] . Confirmant la validité constitutionnelle de ce mécanisme législatif, la Cour suprême a souligné que l’intérêt public est déjà pris en compte du fait que l’exception est discrétionnaire.

[64]  Comme j’ai conclu que les notes d’accompagnement sont soustraites à la divulgation en vertu de l’article 19 de la Loi , je n’ai pas à me prononcer sur la question de savoir si l’une ou l’autre des exceptions que l’université a invoquées s’applique à ces notes.

Question C :  L’institution a-t-elle exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 19? Dans l’affirmative, le CIPVP devrait-il confirmer l’exercice de ce pouvoir?

Principes généraux

[65]  L’exception prévue à l’article 19 étant discrétionnaire, l’institution doit décider de divulguer ou non des renseignements. Dans le cadre d’un appel, le commissaire peut déterminer si l’institution a exercé son pouvoir discrétionnaire ou non.

[66]  Il peut également déterminer que l’institution a erré dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, par exemple, si l’institution :

  • a exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi ou à des fins illégitimes;
  • a pris en compte des facteurs qui ne sont pas pertinents;
  • a négligé de prendre en compte des facteurs pertinents.

[67]  Dans un cas comme dans l’autre, le CIPVP peut renvoyer l’affaire à l’institution pour qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire en fonction des facteurs appropriés [32] . Cependant, le CIPVP ne peut pas se substituer à l’institution et exercer le pouvoir discrétionnaire à sa place [33] .

Facteurs pertinents

[68]  Les facteurs pertinents à prendre en compte comprennent ceux qui sont énumérés ci-dessous. Cependant, tous ces facteurs ne sont pas nécessairement pertinents et d’autres qui ne sont pas mentionnés pourraient l’être [34]  :

  • les objets de la Loi , y compris les principes voulant que :
    • l’information doit être accessible au public;
    • les particuliers doivent avoir le droit d’accéder aux renseignements personnels les concernant;
    • les exceptions au droit d’accès doivent être limitées et précises;
    • la vie privée des particuliers doit être protégée;
  • le libellé de l’exception et les intérêts qu’elle vise à protéger;
  • la question de savoir si l’auteur de la demande veut obtenir les renseignements personnels qui le concernent;
  • la question de savoir si le particulier a un besoin impérieux d’obtenir les renseignements ou s’il en a besoin pour des raisons humanitaires;
  • la question de savoir si l’auteur de la demande est un particulier ou un organisme;
  • la relation entre l’auteur de la demande et des particuliers concernés;
  • la question de savoir si la divulgation augmentera la confiance du public dans le fonctionnement de l’institution;
  • la nature des renseignements et la mesure dans laquelle ils sont importants ou délicats pour l’institution, l’auteur de la demande et tout particulier concerné;
  • l’âge des renseignements;
  • la pratique traditionnelle de l’institution relativement à des renseignements semblables.

Observations, analyse et constatations

[69]  L’université a fait des observations sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Elle fait valoir qu’elle a tenu compte des facteurs suivants dans sa décision d’exercer ce pouvoir en ne divulguant pas les documents [35]  :

  1. l’absence de nécessité manifeste de divulgation justifiant que l’appelant reçoive les documents en question;
  2. le risque que la divulgation des communications protégées par le secret professionnel de l’avocat puisse être jugée par une cour comme constituant une renonciation, par l’université, aux privilèges à l’égard d’autres communications privilégiées;
  3. les pratiques antérieures de l’université, c’est-à-dire la non-divulgation de communications protégées par le secret professionnel de l’avocat.

[70]  L’université a également fait des observations sur l’intérêt public. Bien que, tel que mentionné plus haut, l’exception fondée sur l’intérêt public énoncée à l’article 23 ne s’applique pas aux documents soustraits à la divulgation en vertu de l’article 19, j’ai tenu compte des arguments de l’université concernant l’intérêt public dans mon examen de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. L’appelant n’a pas fourni d’observations, mais j’ai également tenu compte de son point de vue, qu’il a exprimé pendant la médiation, selon lequel la divulgation des documents est dans l’intérêt public.

[71]  L’université affirme s’être penchée sur la question de savoir si une version expurgée du rapport sur les inconduites sexuelles pouvait être divulguée au public et a même fait préparer une version expurgée du rapport sur les inconduites sexuelles. Elle fait valoir que cela démontre les efforts de l’université d’agir de bonne foi et de prendre en considération l’intérêt du public quant à l’accès à l’information. Toutefois, l’université a conclu qu’elle ne pouvait divulguer une version expurgée des rapports.

[72]  L’université soutient également qu’il existe une nécessité manifeste de ne pas divulguer les documents dans l’intérêt public. Elle affirme qu’il est dans l’intérêt du public d’assurer le maintien de la protection liée au secret professionnel de l’avocat, et que cet intérêt public serait compromis par la divulgation des documents.

[73]  Je ne vois aucun motif de remettre en question la façon dont l’université a exercé son pouvoir discrétionnaire. L’université a envisagé la possibilité de divulguer des parties des rapports d’enquête. Bien que cela ne concerne pas précisément les notes d’accompagnement, cela démontre que l’université était consciente du fait que l’exception de l’article 19 est discrétionnaire, et qu’elle a envisagé la possibilité de divulguer des parties des documents même si ces derniers étaient assujettis à l’article 19. En bout de ligne, elle a décidé de ne pas divulguer les documents. L’université a tenu compte des facteurs pertinents, et rien ne prouve qu’elle ait agi de mauvaise foi ou à une fin illégitime. Je confirme donc l’exercice par l’université de son pouvoir discrétionnaire.

ORDONNANCE

  1. Je maintiens la décision de l’université selon laquelle les rapports d’enquête sont soustraits à l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6).
  2. Les trois notes d’accompagnement ne sont pas soustraites à l’application de la Loi en vertu du paragraphe 65 (6). Je maintiens la décision de l’université selon laquelle ils sont soustraits à la divulgation en vertu de l’article 19 de la Loi .

Original Signed by:

 

Le 26 novembre 2015

Gillian Shaw

 

 

Arbitre

 

 

 



[1] L’université a utilisé cette expression dans ses observations. 

[2] Voir par exemple l’ordonnance PO-2639. 

[4] 2010 ONSC 991 (Div. Ct.).

[5] Ordonnance MO-2589.

[6] Voir les ordonnances MO-2537 et MO-2589.

[7] Ordonnance PO-2157.

[8] Ordonnances M-830 et PO-2123.

[9] Ordonnance MO-1654-I.

[10] Ordonnance MO-1433-F.

[11] Ontario (Ministry of Correctional Services) v. Goodis (2008), 89 O.R. (3d) 457, [2008] O.J. No. 289 (Div. Ct.).

[12] Ibid.

[13] La Cour divisionnaire a accueilli la requête du ministère en partie, relativement à d’autres questions.

[14] Ontario (Ministry of Correctional Services) v. Goodis, précité.

[15] Voir également les ordonnances MO-2131, MO-2504 et PO-2095.

[16] Ontario (Solicitor General) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner) (2001), 55 O.R. (3d) 355 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée [2001] A.C.S.C. n° 507.

[17] Voir les ordonnances MO-2537 et MO-2589.

[18] Voir les ordonnances MO-2537 et MO-2589.

[19] Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860.

[20] Ordonnances PO-2441, MO-2166 et MO-1925.

[21] Balabel v. Air India, [1988] 2 W.L.R. 1036 at 1046 (Eng. C.A.)

[22] Susan Hosiery Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 2 Ex. C.R. 27.

[23] General Accident Assurance Co. v. Chrusz (1999), 45 O.R. (3d) 321 (C.A.); ordonnance MO-2936.

[24] Kitchener (City) v. Ontario (Information and Privacy Commissioner), 2012 ONSC 3496 (Div. Ct.)

[25] S. & K. Processors Ltd. v. Campbell Avenue Herring Producers Ltd. (1983), 45 B.C.L.R. 218 (S.C).

[26] R. v. Youvarajah, 2011 ONCA 654 (CanLII) et ordonnance MO-2945-I.

[27] J. Sopinka et coll., The Law of Evidence in Canada, p. 669; ordonnance P-1342, confirmée en révision judiciaire dans Ontario (Attorney General) v. Big Canoe, [1997] O.J. No. 4495 (Div. Ct.).

[28] General Accident Assurance Co. v. Chrusz, précitée; ordonnances MO-1678 et PO-3167.

[29] L’université a fait des observations assez détaillées sur l’applicabilité de l’article 19 aux rapports d’enquête, mais je ne fais pas fond sur ses arguments car j’ai constaté plus haut que la Loi  ne s’applique pas aux rapports d’enquête. 

[30] Encore une fois, l’université a fait des observations sur la question de la renonciation en ce qui a trait aux rapports d’enquête, mais je n’en tiens pas compte car j’ai conclu que la Loi  ne s’applique pas à ces rapports.

[31] 2010 CSC 23.

[32] Ordonnance MO-1573.

[33] Voir le paragraphe 54 (2) de la Loi .

[34] Ordonnances P-344 et MO-1573.

[35] L’université énumère d’autres facteurs dont elle a tenu compte, notamment la protection de la vie privée de tiers. Cependant, ces facteurs s’appliquent uniquement aux rapports d’enquête, que je considère comme étant soustraits à l’application de la Loi. Comme je ne peux me prononcer sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’université à l’égard de documents qui ne sont pas assujettis à la Loi , je n’ai pas énuméré les facteurs qui s’appliquent seulement aux rapports d’enquête. 

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