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Informations sur la décision

Résumé :

Note: This Order is only available in French.

Contenu de la décision

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE MO-2524

 

Appel MA08-409

 

Cité de Clarence-Rockland

 


NATURE DE L’APPEL

 

La Cité de Clarence-Rockland (la « Cité ») a reçu une demande d’accès à l’information en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée (la Loi). Cette demande était libellée comme suit:

 

1.      Une copie de l’avis juridique sollicité dans la résolution 2008-483, qui examine la possibilité d’un recours légal, à titre individuel d’un conseiller municipal, tout en utilisant les fonds publics;

 

2.      Copie de l’entente de mise à pied de [individu nommé];

 

3.      Copie du contrat de pavage, phase 1 [compagnie nommée] (réunion spéciale du 21 octobre 2008);

 

4.      Une copie de l’entente avec [organisation nommée] (réunion spéciale du 21 octobre 2008);

 

5.      L’entente avec la bibliothèque et le conseil scolaire (réunion spéciale du 21 octobre 2008).

 

La Cité a rendu la décision suivante:

 

               En ce qui concerne le premier point de la demande, la Cité a refusé l’accès à un document qu’elle jugeait pertinent en vertu de l’article 12 (secret professionnel de l’avocat) de la Loi.

 

               En ce qui concerne le deuxième point de la demande, la Cité a indiqué n’avoir conclu aucune entente de mise à pied avec [individu nommé].

 

               En ce qui a trait au troisième point de la demande, la Cité a affirmé qu’à la date de la demande, il n’y avait pas de contrat avec [compagnie nommée] pour le pavage de la phase 1.

 

               En ce qui concerne le quatrième point de la demande, la Cité a indiqué que la copie du règlement 2008-140 incluant l’entente en annexe peut être obtenue au service de l’Administration pour un montant de 6,60 $.

 

               Finalement, en ce qui a trait au cinquième point de la demande, la Cité a soutenu que l’accès à la copie de l’entente avec la bibliothèque et le conseil scolaire ne pouvait être accordé car ce document a été déposé lors de la réunion spéciale du 21 octobre 2008.

 

L’auteur de la demande (maintenant l’appelant) a interjeté appel de la décision de la Cité.

 

Durant la médiation, l’appelant a indiqué que le premier point de sa demande était le seul point en litige dans cet appel, et il a soutenu que le document visé par ce point devrait être divulgué dans l’intérêt public, soulevant ainsi l’application possible de l’exception fondée sur l’intérêt public énoncée à l’article 16 de la Loi.

 

La médiation n’ayant pas permis de régler le différend, l’appel est passé au stade de l’arbitrage, où un arbitre mène une enquête en vertu de la Loi.

 

Pour commencer, j’ai envoyé un avis d’enquête énonçant les faits et les enjeux de cet appel à la Cité, qui a fait des observations. Pour tenir compte des préoccupations de la Cité en matière de confidentialité, j’ai résumé ses observations dans l’avis d’enquête que j’ai envoyé à l’appelant. Ce dernier a fourni des observations en réponse à l’avis d’enquête.

 

DOCUMENTS

 

Le document qui demeure en litige consiste en une lettre de sept pages, que la Cité a refusé de divulguer.

 

SECRET PROFESSIONNEL DE L’AVOCAT

 

La Cité soutient que l’article 12 de la Loi s’applique au document en cause.

 

Cet article est libellé comme suit:

 

La personne responsable peut refuser de divulguer un document protégé par le secret professionnel de l’avocat. Il en est de même d’un document élaboré par l’avocat-conseil employé ou engagé par une institution, ou pour le compte de celui-ci, qui l’utilise soit dans la communication de conseils juridiques, soit à l’occasion ou en prévision d’une instance.

 

L’article 12 contient deux volets, décrits ci-dessous. Le premier volet découle de la common law et le second volet est un privilège prévu par la loi. La Cité doit établir qu’au moins un des deux volets s’applique.

 

Premier volet – Privilège du secret professionnel de l’avocat prévu en common law

 

Le premier volet de l’exception prévue à l’article 12 comprend deux types de privilège prévus en common law : (i) le privilège relatif aux communications entre l’avocat et le client; (ii) le privilège relatif au litige. Pour que le premier volet de l’article 12 s’applique, l’institution doit établir qu’un des deux types de privilège ou les deux s’appliquent aux documents en litige [ordonnance PO-2538-R; Blank c. Canada (Ministre de la Justice) (2006), 270 D.L.R. (4th) 457 (C.S.C.) (aussi répertorié dans [2006] A.C.S. n° 39)].

 

Privilège relatif aux communications entre l’avocat et le client

 

Ce privilège protège les communications directes de nature confidentielle entre un avocat et son client, ou leurs représentants ou employés, faites dans le but d’obtenir ou de donner des conseils juridiques professionnels [Descôteaux c. Mierzwinski (1982), 141 D.L.R. (3d) 590 (C.S.C.)].

 

Ce privilège a pour objet de faire en sorte qu’un client puisse se confier à son avocat sur une question juridique sans réserve [ordonnances PO-2441, MO-1925 et MO-2166].

 

Ce privilège s’applique à une « série d’échanges » entre l’avocat et son client:

 

            [Traduction]

 

. . . lorsque les renseignements sont communiqués de l’avocat à son client ou vice versa dans le cadre d’échanges visant à tenir les deux parties informées pour que des conseils puissent être demandés ou donnés selon les besoins, le privilège tient [Balabel v. Air India, [1988] 2 W.L.R. 1036, p. 1046 (Eng. C.A.)].

 

Le privilège peut également s’appliquer aux documents de travail d’un conseiller juridique qui ont trait directement à la recherche, à la formulation ou à la fourniture de conseils juridiques [Susan Hosiery Ltd. v. Minister of National Revenue, [1969] 2 Ex. C.R. 27].

 

La confidentialité est une composante essentielle de ce privilège. L’institution doit donc démontrer que les communications ont été faites à titre confidentiel, expressément ou implicitement [General Accident Assurance Co. v. Chrusz (1999), 45 O.R. (3d) 321 (C.A.)].

 

Privilège relatif aux communications entre l’avocat et le client prévu par la loi

 

Le second volet s’applique à un document « élaboré par l’avocat-conseil employé ou engagé par une institution, ou pour le compte de celui-ci, qui l’utilise [...] dans la communication de conseils juridiques ».

 

Observations

 

Les observations non confidentielles de la Cité étaient résumées comme suit dans l’avis d’enquête envoyé à l’appelant:

 

Le document en question a été préparé par un cabinet d’avocats dont l’avocat externe de la ville a retenu les services pour fournir des conseils juridiques sur un sujet particulier; ce document est donc protégé par le secret professionnel de l’avocat.

 

Le document fait également l’objet d’un privilège relatif à un litige car il a trait à un litige envisagé.

 

Il n’y a pas eu de renonciation au privilège. L’opinion juridique a été remise uniquement au directeur général et aux membres du conseil municipal de Clarence-Rockland, et le principe de l’intérêt commun s’applique. En outre, toutes les discussions sur ce dossier ont eu lieu à huis clos.

 

En l’espèce, l’intérêt public en jeu est moindre que les intérêts d’ordre privé et ne l’emporte pas sur l’objet de l’exception.

 

L’appelant soutient que dans un article paru dans un quotidien local, le directeur général de la Cité fait des observations sur l’avis juridique que la Cité refuse de divulguer. En outre, l’appelant affirme ce qui suit:

 

L’article 12 de la loi se s’applique pas pour cette opinion juridique puisqu’il ne s’agit pas d’un conseil juridique à l’occasion ou en prévision d’une instance. II s’agit d’un avis d’ordre général pour d’éventuelles (théoriques) poursuites judiciaires,

 

De plus, la municipalité ayant déjà commenté l’opinion juridique en questions dans un quotidien d’Ottawa, elle ne peut demander prétendre que le document est protégé par le « secret professionnel ».

 

Analyse et constatations

 

Dans l’article fourni par l’appelant, on cite le directeur général:

 

Le conseil municipal m’a mandaté d’obtenir un avis juridique pour vérifier si un membre du conseil a la possibilité d’intenter une poursuite à la suite de commentaires diffamatoires. Ils veulent connaître l’étendue de leurs droits.

 

Plus loin, l’article précise:

 

[Le directeur général] a révélé au Droit, hier, qu’il venait d’obtenir l’opinion juridique recherchée. Il devrait la remettre la semaine prochaine au conseil municipal. Il précise cependant que le document ne sera pas disponible au public puisqu’il s’agit d’une affaire légale. « Il reviendra au conseil municipal de décider s’il veut la dévoiler ».

 

J’ai examiné le document en cause, et je suis convaincu qu’il s’agit d’un avis juridique qui fait l’objet d’une exception en vertu du premier volet de l’article 12, car c’est une communication directe de nature confidentielle entre un avocat et son client faite dans le but de donner des conseils juridiques professionnels. Je suis également persuadé que dans le cas de cet avis juridique, on n’a pas renoncé à ce privilège. L’article de journal fourni par l’appelant divulgue non pas la teneur de l’avis, mais simplement le fait qu’un tel avis a été demandé. Ainsi, le directeur général aurait déclaré que « le document ne sera pas disponible au public puisqu’il s’agit d’une affaire légale » et qu’« il reviendra au conseil municipal de décider s’il veut la dévoiler ». La Cité a décidé de ne pas divulguer cette opinion.

 

NÉCESSITÉ MANIFESTE DE DIVULGUER LES RENSEIGNEMENTS DANS L’INTÉRÊT PUBLIC

 

Principes généraux

 

L’article 16 dispose que:

 

Les exceptions à la divulgation visées aux articles 7, 9, 10, 11, 13 et 14 ne s’appliquent pas si la nécessité manifeste de divulguer le document dans l’intérêt public l’emporte sans conteste sur les fins visées par les exceptions.

 

Dans la décision Criminal Lawyers’ Association v. Ontario (Ministry of Public Safety and Security), [2007] 86 O.R. (3d) 259 [autorisation de pourvoi accordée, 29 novembre 2007, dossier n° 32172 (C.S.C.)], la Cour d’appel de l’Ontario a soutenu qu’il faut comprendre que l’article 23 de la Loi provinciale, équivalent à l’article 16 de la Loi municipale, peut implicitement l’emporter sur les exceptions visées aux articles 14 et 19 de la Loi provinciale, équivalents aux articles 8 et 12 de la Loi municipale. Au nom de la majorité, le juge LaForme a déclaré en substance aux paragraphes 25 et 97 de la décision :

 

            [Traduction]

 

À mon avis, l’article 23 de la Loi contrevient à l’alinéa 2 b) de la Charte en n’appliquant pas la nécessité manifeste de divulguer les renseignements dans l’intérêt public aux exceptions touchant l’exécution de la loi et le secret professionnel de l’avocat. Je crois également que cette transgression ne peut se justifier en vertu de l’article 1 de la Charte [...] À mon avis, les mots « 14 et 19 » sont implicites dans l’article 23 de la Loi.

 

Pour que l’article 16 s’applique, deux conditions doivent être remplies. Premièrement, il faut qu’il y ait nécessité manifeste de divulguer les renseignements dans l’intérêt public. Deuxièmement, cette nécessité doit l’emporter sans conteste sur les fins visées par les exceptions.

 

La Loi ne précise pas à qui revient le fardeau de la preuve en ce qui concerne l’article 16. Ce fardeau ne peut être absolu dans le cas d’un appelant qui n’a pas eu la chance d’examiner les documents demandés avant de fournir des observations à l’appui de son affirmation selon laquelle l’article 16 s’applique. En effet, dans de pareilles circonstances, un appelant ne pourrait presque jamais prouver une telle affirmation. Par conséquent, le CIPVP examinera les documents dans le but de déterminer s’il y a nécessité manifeste de les divulguer dans l’intérêt public et si cette nécessité l’emporte sans conteste sur les fins visées par l’exception [ordonnance P-244].

 

Nécessité manifeste

 

Pour déterminer si la divulgation de documents est dans l’« intérêt public », il faut d’abord établir s’il y a un lien entre le document et l’objet principal de la Loi, qui est d’assurer la transparence des activités du gouvernement [ordonnances P-984 et PO-2607]. Dans d’autres ordonnances, on a fait valoir que pour déterminer s’il y a nécessité manifeste de divulguer un document dans l’intérêt public, il faut vérifier si les renseignements contenus dans le document doivent servir à informer les citoyens sur les activités de leur gouvernement, complétant les renseignements dont le public dispose et grâce auxquels il peut se former et exprimer une opinion ou faire des choix politiques de manière efficace [ordonnances P-984 et PO-2556].

 

La divulgation n’est pas dans l’intérêt public lorsque les intérêts invoqués sont essentiellement privés de nature [ordonnances P-12, P-347 et P-1439]. Lorsque la divulgation qui répond à un intérêt privé de nature soulève des questions plus globales, il se peut alors qu’elle soit dans l’intérêt public [ordonnance MO-1564].

 

La divulgation n’est pas nécessairement dans l’intérêt public parce que l’auteur de la demande est membre des médias [ordonnances M-773 et M-1074].

 

Selon d’autres ordonnances, la nécessité est « manifeste » lorsqu’elle soulève une attention ou un intérêt important [ordonnance P-984].

 

Il est possible également que la non-divulgation de renseignements soit dans l’intérêt public, et il faut en tenir compte [Ontario Hydro v. Mitchinson, [1996] O.J. No. 4636 (Div. Ct.)]. Si la non‑divulgation est effectivement dans l’intérêt public, il n’y a donc pas nécessité manifeste de divulguer le document [ordonnances PO-2072-F et PO-2098-R].

 

On a jugé qu’il y avait intérêt manifeste de divulguer un document dans l’intérêt public dans les cas suivants:

 

  • le document avait trait aux retombées économiques de la séparation du Québec [ordonnance P-1398, confirmée en révision judiciaire dans Ontario (Ministry of Finance) v. Ontario (Information and Privacy Commissioner), [1999] O.J. No. 484 (C.A.)];

 

  • l’intégrité du système de justice pénale était mise en doute [ordonnance P-1779];

 

  • des questions de sécurité publique touchant le fonctionnement de centrales nucléaires avaient été soulevées [ordonnance P-1190, confirmée en révision judiciaire dans Ontario Hydro v. Ontario (Information and Privacy Commissioner), [1996] O.J. No. 4636 (Div. Ct.), autorisation de pourvoi refusée [1997] O.J. No. 694 (C.A.) [ordonnance PO-1805];

 

  • la divulgation aurait permis de faire la lumière sur le fonctionnement d’installations pétrochimiques [ordonnance P-1175] ou sur la capacité de la province de se préparer à une urgence nucléaire [ordonnance P-901];

 

  • le document contenait des renseignements sur les contributions aux campagnes électorales municipales [Gombu v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner) (2002), 59 O.R. (3d) 773].

 

On a jugé qu’il n’existait pas de nécessité manifeste de divulguer un document dans l’intérêt public dans les cas suivants:

 

  • une autre tribune ou un autre processus avait été établi pour traiter les questions d’intérêt public [ordonnances P-123/124, P-391 et M-539];

 

  • les nombreux renseignements déjà divulgués étaient suffisants pour considérer qu’il avait été tenu compte de l’intérêt public [ordonnances P-532, P-568, PO‑2626, PO-2472 et PO-2614];

 

  • un processus judiciaire prévoyait un autre mécanisme de divulgation et le motif de la demande était d’obtenir les documents pour une instance civile ou criminelle [ordonnances M-249 et M-317];

 

  • la question avait fait déjà l’objet de beaucoup de débats et d’une couverture médiatique importante, et le document n’aurait pas apporté de renseignements supplémentaires sur la question [ordonnance P-613];

 

  • les motifs invoqués par l’appelant à l’appui la divulgation des documents dans l’intérêt public n’étaient pas pertinents [ordonnances MO-1994 et PO-2607].

 

Fins visées par l’exception

 

La nécessité manifeste de divulguer un document dans l’intérêt public à elle seule ne suffit pas pour amorcer la divulgation en vertu de l’article 16. Elle doit également l’emporter sur les fins visées par l’exception.

 

Un important facteur permettant de parvenir à un équilibre entre la nécessité manifeste de divulguer un document dans l’intérêt public et l’objet de l’exception réside dans la mesure dans laquelle le refus d’accorder l’accès à l’information est conforme à l’objet de l’exception [ordonnance P-1398, confirmée en révision judiciaire dans Ontario (Ministry of Finance) v. Ontario (Information and Privacy Commissioner), [1999] O.J. No. 488 (C.A.)].

 

 

 

 

 

Analyse et constatations

 

Dans l’arrêt Lavallee, Rackel & Heinz c. Canada (Procureur général), [2002] 3 R.C.S. 209, la Cour suprême du Canada a statué (au par. 36) que le secret professionnel de l’avocat « doit demeurer aussi absolu que possible pour conserver sa pertinence ». Selon moi, la Cour suprême reconnaît ainsi clairement l’importance fondamentale du secret professionnel de l’avocat, qui se reflète dans la prudence avec laquelle les autres tribunaux de l’Ontario et le CIPVP ont envisagé le recours à cette exception. À mon avis, le fait de refuser l’accès au document en cause dans cet appel est conforme à l’exception énoncée à l’article 12. Je conclus donc qu’en l’espèce, il n’y a pas de nécessité manifeste de divulguer les renseignements visés par l’exception dans l’intérêt public qui l’emporterait sur l’article 12.

 

Par conséquent, il n’y a pas de nécessité manifeste de divulguer le document en cause dans l’intérêt public, et l’article 16 ne s’applique pas en l’espèce.

 

ORDONNANCE

 

Je confirme la décision de la Cité et je rejette l’appel.

 

 

 

 

 

Original Signed by                                                                                  Le 26 mai 2010                  

Steven Faughnan

Arbitre

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