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ORDONNANCE MO-2402

 

Appel MA08-64

 

Commission des services policiers du Grand Sudbury


NATURE DE L’APPEL

 

Une demande à plusieurs volets a été présentée à la Commission des services policiers du Grand Sudbury (la « police ») en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée (la « Loi ») pour obtenir l’accès aux documents suivants :

 

1.         Une copie d’un rapport rédigé par un enquêteur de la police (ainsi que le nom de son collègue) concernant une plainte formulée par un particulier identifié;

 

2.         Une copie du rapport, avec le nom de l’enquêteur, sur une enquête menée concernant certaines circonstances impliquant le particulier identifié;

 

3.         Une copie complète de deux dossiers de plainte du bureau des normes professionnelles (BNP) de la police.

 

La police a envoyé une lettre de décision à l’auteur de la demande dans laquelle elle :

 

1.         a accordé un accès partiel à un constat de police d’une page en réponse à la première partie de la demande et divulgué le nom des agents de service. La police a invoqué les exceptions discrétionnaires énoncées à l’alinéa 38 a) (pouvoir de refuser de divulguer à l’auteur de la demande des renseignements qui le concernent) parallèlement à l’alinéa 8 (2) a) (rapport dressé au cours de l’exécution de la loi) et à l’alinéa 38 b) (vie privée), en mentionnant notamment la présomption énoncée à l’alinéa 14 (3) b) (enquête reliée à une contravention possible à la loi) pour refuser l’accès à une partie du document;

 

2.         a refusé de confirmer ou de nier l’existence de documents qui seraient visés par la deuxième partie de la demande;

 

3.         a soutenu que le paragraphe 52 (3) soustrait les dossiers de plainte demandés à l’application de la Loi.

 

L’auteur de la demande (désormais l’appelant) a interjeté appel de la décision.

 

La médiation n’ayant pas permis de régler le différend, l’appel est passé au stade de l’arbitrage.  Pour commencer, j’ai envoyé un avis d’enquête et un avis d’enquête supplémentaire énonçant les faits et les enjeux de cet appel à la police, qui a fait des observations. J’ai ensuite envoyé un avis d’enquête à l’appelant, avec les observations intégrales de la police. L’appelant a répondu en présentant ses propres observations.

 

DOCUMENTS

 

Les documents qui demeurent en litige dans cet appel sont les parties non divulguées d’un constat de police d’une page et le contenu de deux dossiers du BNP, y compris trois disques compacts. Le refus de la police de confirmer ou de nier l’existence de documents visés par la deuxième partie de la demande est également en cause.

 

DOCUMENTS RELATIFS AUX RELATIONS DE TRAVAIL OU À L’EMPLOI

 

La police soutient que les dispositions 1 et 3 du paragraphe 52 (3) de la Loi font en sorte que le contenu des deux dossiers du BNP (troisième partie de la demande) est soustrait à l’application de la Loi.

 

J’aborderai pour commencer l’application de la disposition 3 du paragraphe 52 (3) de la Loi, qui est libellé ainsi :

 

Sous réserve du paragraphe (4), la présente loi ne s’applique pas aux documents recueillis, préparés, maintenus ou utilisés par une institution ou pour son compte à l’égard de ce qui suit :

 

Les réunions, les consultations, les discussions ou les communications, en ce qui a trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi, dans lesquelles l’institution a un intérêt.

 

Le paragraphe 52 (4) prévoit des exceptions aux exclusions du paragraphe 52 (3), mais elles ne s’appliquent pas aux documents en cause.

 

Le paragraphe 52 (3) repose sur les documents et les faits en question. S’il s’applique aux documents en cause dans cet appel, ces documents sont soustraits à l’application de la Loi.

 

Disposition 3 du paragraphe 52 (3) : questions dans lesquelles l’institution a un intérêt

 

Introduction

 

Pour que la disposition 3 du paragraphe 52 (3) s’applique, la police doit démontrer que :

 

1.   les documents ont été recueillis, préparés, maintenus ou utilisés par elle ou pour son compte;

 

  1. les documents ont été recueillis, préparés, maintenus ou utilisés à l’égard de réunions, de consultations, de discussions ou de communications;

 

  1. les réunions, consultations, discussions ou communications avaient trait aux relations de travail ou à des questions en matière d’emploi, dans lesquelles l’institution a un intérêt.

 

Première partie : recueillis, préparés, maintenus ou utilisés

 

La police affirme avoir recueilli, préparé, maintenu ou utilisé le contenu des deux dossiers du BNP.

 

Je considère que le BNP a recueilli, maintenu ou utilisé le contenu des deux dossiers afin de mener une enquête sur la plainte formulée par l’appelant aux termes de la Loi sur les services policiers (LSP) au sujet de la conduite d’un policier identifié. Ces deux dossiers contiennent également des copies d’une correspondance de la Commission civile des services policiers de l’Ontario (CCSPO) adressée à la police concernant son examen de la décision du commandant du BNP de ne pas donner suite à la plainte de l’appelant.

 

Bref, je suis persuadé que le contenu des deux dossiers du BNP a été recueilli, préparé, maintenu ou utilisé par une institution. Par conséquent, la police a respecté la première partie du critère d’application de la disposition 3 du paragraphe 52 (3).

 

Deuxième partie : réunions, consultations, discussions ou communications

 

L’examen des deux dossiers et la nature des documents révèlent que des réunions, consultations, discussions ou communications diverses faisant intervenir la police ou la CCSPO ont eu lieu concernant les documents.

 

Par conséquent, je considère que la police a recueilli, préparé, maintenu et utilisé le contenu des deux dossiers pour des réunions, consultations, discussions ou communications.

 

Je juge donc que la deuxième partie du critère d’application de la disposition 2 du paragraphe 52 (3) a été respecté en ce qui a trait au contenu de ces dossiers.

 

Troisième partie : relations de travail ou questions en matière d’emploi dans lesquelles l’institution a un intérêt

 

Les réunions, consultations, discussions et communications en cause ont porté sur des questions de nature éventuellement disciplinaire impliquant un agent de police identifié. Or, le CIPVP a déjà établi que les questions disciplinaires impliquant des policiers constituent des « questions en matière d’emploi » [voir à cet égard les ordonnances M-835, PO-2499 et PO‑2426].

 

Dans l’ordonnance PO-2658, l’arbitre Colin Bhattacharjee a abordé l’incidence de la décision Ontario (Ministry of Correctional Services) v. Goodis [2008] O.J. No. 289 (Goodis) sur les dispositions 1 et 3 du paragraphe 65 (6) de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, les équivalents provinciaux des dispositions 1 et 3 du paragraphe 52 (3) de la Loi. Il a écrit :

 

            [Traduction]

[...] la Cour divisionnaire a statué que le paragraphe 65 (6) n’exclut pas tous les documents concernant les actes ou les omissions d’un employé uniquement parce que cette conduite pourrait donner lieu à un litige civil dans lequel la Couronne pourrait être reconnue responsable des torts causés par ses employés [Goodis]. En particulier, la Cour a déclaré ce qui suit concernant le sens des dispositions 1 et 3 du paragraphe 65 (6) :

 

La disposition 1 du par. 65 (6) traite de documents recueillis, préparés, maintenus ou utilisés par l’institution à l’égard d’instances ou d’instances prévues « en ce qui a trait aux relations de travail ou à l’emploi d’une personne par l’institution ». Les instances dont il semble être question dans cette disposition ont trait à l’emploi ou aux relations de travail, c’est-à-dire à des modalités d’emploi, par exemple, des mesures disciplinaires prises contre un employé ou des instances de grief. En d’autres mots, cette disposition exclut les documents concernant des questions dans lesquelles l’institution a un intérêt en tant qu’employeur.  Par contre, elle n’exclut pas les documents concernant des poursuites intentées par un tiers contre le ministère à la suite de mesures prises par des employés du gouvernement.

 

En outre, le libellé de la disposition 3 du par. 65 (6) indique clairement que les documents recueillis, préparés, maintenus ou utilisés par le ministère à l’égard de réunions, de consultations ou de communications sont exclus uniquement si ces réunions, consultations, discussions ou communications ont trait aux relations de travail ou à des « questions en matière d’emploi » dans lesquelles l’institution a un intérêt. Les questions en matière d’emploi sont distinctes des questions touchant les actes des employés.

 

On se demande donc si les documents ayant trait à des questions disciplinaires impliquant des policiers sont des « questions en matière d’emploi » au sens de la disposition 3 du paragraphe 65 (6) de la Loi, car ces documents ont été créés à la suite de plaintes déposées par un tiers concernant les actes de ces policiers. Dans sa décision, la Cour divisionnaire a donné des indications à ce sujet. Ainsi, elle a commenté la décision de la Cour d’appel dans Ontario (Solicitor General) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner) (2001), 55 O.R. (3d) 355, où l’un des documents en cause était une copie d’un dossier de plainte du public du Bureau du commissaire aux plaintes contre la police :

 

[...] il ne fait aucun doute en l’occurrence que le dossier documentant l’enquête sur la plainte était une question en matière d’emploi, ce qui n’est pas étonnant car cette plainte pouvait donner lieu à des mesures disciplinaires contre un policier.  Cependant, on ne peut prétendre que tous les documents concernant la conduite d’un employé sont soustraits à l’application de la Loi, même s’ils sont contenus dans un dossier concernant une instance civile ou une plainte déposée par un tiers. La question de savoir si un document en particulier est une « question en matière d’emploi » doit être établie au cas par cas. (Les italiques sont de moi.)

 

J’ai examiné attentivement les documents en cause dans et appel et qui portent sur l’enquête du BNP au sujet des plaintes déposées contre les deux agents de la Police provinciale de l’Ontario et sur l’examen mené par la CCSPO des deux décisions rendues par le commandant du BNP. À mon avis, ces documents sont des « questions en matière d’emploi » du fait que les deux policiers étaient exposés à des mesures disciplinaires. Je juge donc que les réunions, discussions, consultations et communications qui ont eu lieu étaient des « questions en matière d’emploi ».

 

Je suis d’accord avec l’analyse de l’arbitre Bhattacharjee et je la reprends aux fins du présent appel. Je considère qu’elle s’applique aussi bien à l’analyse de la troisième partie du critère d’application de la disposition 3 du paragraphe 52 (3). L’examen des copies des documents contenus dans les deux dossiers du BNP me porte à conclure que ces copies sont des questions en matière d’emploi, du fait que le policier identifié pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires à la suite de la plainte de l’appelant. Je considère donc que les réunions, discussions, consultations ou communications qui ont eu lieu étaient des « questions en matière d’emploi ».

 

Il reste à déterminer si ces réunions, discussions, consultations et communications étaient des questions en matière d’emploi « dans lesquelles l’institution a un intérêt ». Cet « intérêt » doit être plus qu’une simple curiosité ou préoccupation; ces questions font intervenir les employés de l’institution [Ontario (Solicitor General) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner), précitée].

 

À mon avis, la police a un intérêt dans les questions en matière d’emploi traitées dans les deux dossiers, et cet intérêt est plus qu’une simple curiosité ou préoccupation. En tant qu’employeur du policier identifié, la police, de toute évidence, n’a pas qu’un intérêt négligeable dans les décisions du commandant du BNP relativement à la plainte déposée contre le policier identifié et dans l’issue de l’examen subséquent mené par la CCSPO.

 

Je suis persuadé que la police a respecté la troisième partie du critère d’application de la disposition 3 du paragraphe 52 (3).

 

Étant donné que la police a respecté les trois parties du critère d’application de la disposition 3 du paragraphe 52 (3), je considère que les copies des documents contenues dans les deux dossiers du BNP sont soustraites à l’application de la Loi en vertu de cette disposition. Par conséquent, je n’ai pas à déterminer également s’ils sont soustraits à la Loi en vertu de la disposition 1 du même paragraphe.

 

RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

 

Pour déterminer quelles dispositions de la Loi peuvent s’appliquer, il faut établir si les documents contiennent des « renseignements personnels » au sens du paragraphe 2 (1) de la Loi et, le cas échéant, à qui ces renseignements ont trait.

 

Le paragraphe 2 (1) de la Loi définit notamment comme suit l’expression « renseignements personnels »:

 

« renseignements personnels » Renseignements consignés ayant trait à un particulier qui peut être identifié. S’entend notamment :

 

a)         des renseignements concernant la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial ou familial de celui-ci;

 

b)         des renseignements concernant l’éducation, les antécédents médicaux, psychiatriques, psychologiques, criminels ou professionnels de ce particulier ou des renseignements reliés à sa participation à une opération financière;

 

c)         d’un numéro d’identification, d’un symbole ou d’un autre signe individuel qui lui est attribué;

 

d)         de l’adresse, du numéro de téléphone, des empreintes digitales ou du groupe sanguin de ce particulier;

 

e)         de ses opinions ou de ses points de vue personnels, sauf s’ils se rapportent à un autre particulier;

 

g)         des opinions et des points de vue d’une autre personne au sujet de ce particulier;

 

h)         du nom du particulier, s’il figure parmi d’autres renseignements personnels qui le concernent, ou si sa divulgation risque de révéler d’autres renseignements personnels au sujet du particulier.

 

Pour que des renseignements soient considérés comme des renseignements personnels, il faut qu’on puisse raisonnablement s’attendre à ce que le particulier puisse être identifié si les renseignements sont divulgués [ordonnance PO-1880, confirmée en révision judiciaire dans Ontario (Attorney General) v. Pascoe, [2002] O.J. No. 4300 (C.A.)].

 

La liste d’exemples donnée au paragraphe 2 (1) n’est pas exhaustive. Par conséquent, les renseignements qui n’entrent pas dans les catégories mentionnées aux alinéas a) à h) peuvent tout de même être considérés comme des renseignements personnels [ordonnance 11].

 

Je considère que le constat de police d’une page contient des renseignements personnels sur l’appelant. Ces renseignements sont des renseignements personnels le concernant car il s’agit de renseignements consignés qui comprennent son nom et d’autres renseignements à son sujet [alinéa h)].

 

Ce constat de police d’une page contient également des renseignements personnels sur un autre particulier pouvant être identifié. Ces renseignements constituent des renseignements personnels sur ce particulier car il s’agit notamment de son adresse [alinéa d)] et de son nom accompagné d’autres renseignements personnels à son sujet [alinéa h)].

 

POUVOIR DE REFUSER DE DIVULGUER À L’AUTEUR DE LA DEMANDE DES RENSEIGNEMENTS QUI LE CONCERNENT

 

Le paragraphe 36 (1) de la Loi confère aux particuliers le droit général d’accéder aux renseignements personnels les concernant dont une institution a la garde. L’alinéa 38 a) prévoit un certain nombre d’exceptions à ce droit. Il est libellé comme suit :

 

La personne responsable peut refuser de divulguer au particulier concerné les renseignements personnels :    

 

dont la divulgation est régie par l’article 6, 7, 8, 8.1, 8.2, 9, 10, 11, 12, 13 ou 15. [Le caractère gras est de moi.]

 

EXÉCUTION DE LA LOI

La police a invoqué l’alinéa 38 a), de même que l’alinéa 8 (2) a) de la Loi, pour refuser l’accès aux renseignements qu’elle a extraits du constat de police d’une page. Dans sa lettre de décision, la police invoque également le paragraphe 8 (3) de la Loi pour refuser de confirmer ou de nier l’existence de documents visés par la deuxième partie de la demande.

 

Alinéa 8 (2) a)

 

L’alinéa 8 (2) a) est libellé comme suit :

 

La personne responsable peut refuser de divulguer un document :

qui constitue un rapport dressé au cours de l’exécution de la loi, de l’inspection ou de l’enquête menées par un organisme chargé d’assurer et de réglementer l’observation de la loi.

 

Le mot « rapport » s’entend d’un énoncé ou compte rendu officiel des résultats de la collecte et de l’étude de renseignements. En règle générale, ces résultats ne se limitent pas à des observations ou à des constatations de fait [ordonnances P-200, MO-1238 et MO-1337-I]. Le titre d’un document peut être pertinent mais il ne permet pas de déterminer s’il s’agit ou non d’un rapport [ordonnance MO-1337-I].

 

En règle générale, malgré le fait que le mot anglais « report » apparaît dans le terme « occurrence report » désignant un constat de police ainsi que dans le titre de documents semblables d’autres services de police, on a jugé que ces documents ne répondaient pas à la définition de « rapport » prévue dans la Loi, car ils représentent des énoncés de faits plutôt que des comptes rendus d’enquêtes officiels et évaluatifs; voir notamment les ordonnances PO-1796, P-1618, M-1120 et M-1141. Dans l’ordonnance M-1109, l’ancien commissaire adjoint Tom Mitchinson a fait les commentaires suivants concernant les constats de police :

 

[Traduction]

Un constat de police est une formule que les policiers remplissent couramment dans le cadre d’enquêtes criminelles. Le constat de police qui nous concerne comprend surtout des renseignements descriptifs fournis par l’appelant à un policier au sujet de l’agression alléguée, et ne représente pas un « rapport ».

 

Je suis d’accord avec cette approche et je l’adopte en l’espèce. Je suis convaincu que le constat de police ne correspond pas à la définition de « rapport » prévue dans la Loi du fait qu’il se compose d’observations et d’énoncés de faits plutôt que d’un compte rendu officiel et évaluatif. Le contenu de ce document est d’ordre descriptif et non évaluatif. Par conséquent, je considère que le constat de police n’est pas visé par l’alinéa 8 (2) a) de la Loi, et l’exception discrétionnaire prévue à l’alinéa 38 a) ne s’y applique pas.

 

Paragraphe 8 (3)

 

Dans sa lettre de décision, la police invoque les paragraphes 8 (3) et 14 (5) pour refuser de confirmer ou de nier l’existence des documents visés par la deuxième partie de la demande. Compte tenu de mes constatations ci-dessous concernant le paragraphe 14 (5), il n’est pas nécessaire de trancher l’application du paragraphe 8 (3) de la Loi.

 

VIE PRIVÉE

 

Si un document contient des renseignements personnels concernant l’appelant ainsi que des renseignements personnels concernant un autre particulier, l’alinéa 38 b) de la Loi s’applique, et la police peut refuser de le divulguer. La police est d’avis que les renseignements pertinents extraits du constat de police d’une page sont également visés par l’exception prévue à cet alinéa.

 

L’alinéa 38 b) est libellé comme suit :

 

La personne responsable peut refuser de divulguer au particulier concerné les renseignements personnels :

           

si la divulgation constitue une atteinte injustifiée à la vie privée d’un autre particulier.

 

En vertu de l’alinéa 38 b), si un document contient des renseignements personnels sur l’appelant et sur un autre particulier qui peut être identifié, et si la divulgation de ces renseignements représente une atteinte injustifiée à la vie privée de cet autre particulier, l’institution peut refuser de divulguer ces renseignements à l’appelant.

 

Cependant, même si les renseignements sont visés par l’alinéa 38 b), la police peut exercer son pouvoir discrétionnaire et divulguer les renseignements à l’appelant. Elle doit tenir compte à la fois du droit de l’appelant d’avoir accès aux renseignements personnels qui le concernent, ainsi que du droit à la protection de la vie privée dont jouit l’autre particulier.

 

Les paragraphes 14 (1) à (4) donnent des indications qui aident à déterminer si la divulgation serait une atteinte injustifiée à la vie privée aux termes de l’alinéa 38 b).

 

L’institution peut s’appuyer sur les critères du paragraphe 14 (2) pour ce faire; en outre, le paragraphe 14 (3) énumère les types de renseignements dont la divulgation est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée, et le paragraphe 14 (4) mentionne des types de renseignements dont la divulgation ne représente pas une telle atteinte.

 

La Cour divisionnaire a jugé que la présomption interdisant la divulgation, une fois établie en vertu du paragraphe 14 (3), ne peut être annulée par l’un ou l’autre des facteurs énoncés au paragraphe 14 (2) [John Doe v. Ontario (Information and Privacy Commissioner) (1993), 13 O.R. (3d) 767]. Par contre, il peut être justifié de divulguer des renseignements personnels visés par le paragraphe 14 (3) si ces renseignements sont également visés par le paragraphe 14 (4) ou s’il est établi, en vertu de l’article 16, que la nécessité de divulguer le document qui contient les renseignements personnels dans l’intérêt public l’emporte sans conteste sur les fins visées par l’exception (voir l’ordonnance PO-1764).

 

Alinéa 14 (3) b)

 

L’alinéa 14 (3) b) est libellé comme suit :

 

Est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée, la divulgation de renseignements personnels :

 

qui ont été recueillis et peuvent être identifiés comme partie du dossier d’une enquête reliée à une contravention possible à la loi, sauf dans la mesure où la divulgation est nécessaire aux fins d’instituer des poursuites judiciaires ou de continuer l’enquête.

 

La police soutient que les renseignements pertinents extraits du constat de police sont des renseignements personnels qui ont été recueillis et peuvent être identifiés comme partie du dossier d’une enquête reliée à une contravention possible à la loi, comme l’envisage la présomption de l’alinéa 14 (3) b). Par conséquent, elle est d’avis que leur divulgation représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée. L’appelant n’a pas fait d’observations directes sur l’application de l’alinéa 14 (3) b).

 

Je considère que l’alinéa 14 (3) b) s’applique en l’espèce. J’ai examiné le constat de police et je conclus que les renseignements personnels qui en ont été extraits ont été recueillis et peuvent être identifiés comme partie du dossier d’une enquête reliée à une contravention possible à la loi, en l’occurrence le Code criminel . Que des accusations soient portées ou non n’a pas d’incidence sur l’application de l’alinéa 14 (3) b) (ordonnance PO-1849). Comme cette présomption s’applique, conformément à la décision précitée rendue dans John Doe, je ne peux envisager l’application possible de l’un ou l’autre des facteurs ou circonstances énoncés au paragraphe 14 (2).

 

L’atteinte injustifiée à la vie privée présumée, au sens de l’alinéa 14 (3) b), s’applique donc à ces renseignements. Le paragraphe 14 (4), par contre, ne s’applique pas et l’appelant n’a pas soulevé l’application de l’article 16. Par conséquent, je considère que la divulgation de renseignements personnels contenus dans les parties extraites demeurant en litige dans le constat de police représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée. Ainsi, ces renseignements sont soustraits à l’obligation de divulgation en vertu de l’alinéa 38 b) de la Loi.

 

REFUS DE CONFIRMER OU DE NIER L’EXISTENCE D’UN DOCUMENT

 

La police invoque le paragraphe 14 (5) de la Loi pour justifier sa décision de refuser de confirmer ou de nier l’existence de documents qui seraient visés par la deuxième partie de la demande. Le paragraphe 14 (5) est libellé comme suit :

 

La personne responsable peut refuser de confirmer ou de nier l’existence d’un document dont la divulgation constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

Cette disposition donne à l’institution le pouvoir de refuser de confirmer ou de nier l’existence d’un document dans certaines circonstances.

 

L’auteur de demande qui s’est vu refuser l’accès en vertu du paragraphe 14 (5) se trouve dans une situation très différente des personnes à qui on signifie un refus en vertu d’autres dispositions de la Loi. En invoquant le paragraphe 14 (5), l’institution refuse à l’auteur de demande le droit de savoir si un document existe, même si, en l’occurrence, il n’existe pas.  Cette disposition confère aux institutions un pouvoir discrétionnaire important qui ne devrait être exercé que dans des cas exceptionnels [ordonnance P-339].

 

Avant que l’institution ne puisse exercer son pouvoir discrétionnaire d’invoquer ce paragraphe, elle doit démontrer que :

 

1.         la divulgation du document (s’il existe) représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée;

 

2.         la divulgation de l’existence ou de la non-existence du document communiquerait un renseignement à l’auteur de la demande, et que ce renseignement est d’une nature telle que sa divulgation représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé cette démarche d’interprétation du paragraphe 21 (5) de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, qui est identique au paragraphe 14 (5) de la Loi :

 

            [Traduction]

D’après l’interprétation que fait la commissaire du paragraphe 21 (5), le ministre, pour exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de confirmer ou de nier l’existence du rapport, doit démontrer que la divulgation de cette existence représenterait en soi une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

[Ordonnances PO-1809 et PO-1810, confirmées en révision judiciaire dans Ontario (Minister of Health and Long-Term Care) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner), [2004] O.J. No. 4813 (C.A.), autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée (19 mai 2005), C.S.C. 30802.]

 

Cette interprétation fait en sorte que l’institution ne peut pas invoquer le paragraphe 14 (5) lorsque la divulgation de la seule existence ou non-existence d’un document ne représenterait pas une atteinte à la vie privée.

 

Première partie : la divulgation du document (s’il existe) représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée

 

Définition de « renseignements personnels »

 

Selon la première partie du critère d’application du paragraphe 14 (5), l’institution doit démontrer que la divulgation du document (s’il existe) représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée.  Or, une atteinte injustifiée à la vie privée peut se produire uniquement à la suite de la divulgation de renseignements personnels. Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’expression « renseignements personnels », en vertu du paragraphe 2 (1) de la Loi, s’entend notamment de renseignements consignés au sujet d’une personne qui peut être identifiée. Des documents tels que ceux réclamés dans la deuxième partie de la demande, s’ils existent, révéleraient la tenue d’une enquête policière sur un incident impliquant un particulier identifié. Je juge que de tels renseignements, s’ils existent, seraient des renseignements personnels au sujet d’un particulier identifié.

 

Atteinte injustifiée à la vie privée

 

Les facteurs et les présomptions prévus aux paragraphes 14 (2), (3) et (4), abordés plus haut, aident à déterminer si la divulgation constitue ou non une atteinte injustifiée à la vie privée en vertu du paragraphe 14 (5).

 

La divulgation de renseignements personnels est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée si ces renseignements ont été recueillis et peuvent être identifiés comme partie du dossier d’une enquête reliée à une contravention possible à la loi [alinéa 14 (3) b)]. S’il existait des documents qui sont visés par cette disposition, l’accès serait refusé en raison de cette présomption. Je considère que la divulgation de tels documents, s’ils existent, représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée présumée car ces documents seraient visés par la présomption de l’alinéa 14 (3) b). Les documents de ce type ne comptent pas parmi ceux énumérés au paragraphe 14 (4). L’appelant n’a pas soulevé l’application possible de l’exemption fondée sur l’intérêt public figurant à l’article 16.

 

Par conséquent, je juge que la police a respecté la première partie du critère d’application du paragraphe 14 (5).

 

Deuxième partie : divulgation de l’existence (ou de la non-existence) du document

 

Selon la deuxième partie du critère d’application du paragraphe 14 (5), l’institution doit démontrer que la divulgation du fait qu’un document existe (ou n’existe pas) révélerait en soi des renseignements à l’appelant, et que la nature de ces renseignements est telle que leur divulgation représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

Dans ses observations, l’appelant se dit préoccupé au sujet d’un particulier identifié. La police soutient que la divulgation du fait que le document existe ou n’existe pas aurait des répercussions négatives sur le dépôt de plaintes.

 

À mon avis, la divulgation du fait qu’un document de la nature de celui qui est demandé existe ou n’existe pas révélerait des renseignements personnels au sujet d’un particulier identifié, c’est‑à-dire si ce particulier a été ou non en contact avec la police dans le contexte d’une enquête relative à l’exécution de la loi. À mon avis, ces renseignements pourraient être considérés comme très délicats, de sorte que l’alinéa 14 (2) f), qui favoriserait la protection de la vie privée, pourrait être pertinent. Je considère qu’en l’espèce, ce facteur l’emporte sur toutes les préoccupations soulevées par l’appelant dans ses observations. Je suis donc d’avis que la divulgation de l’existence ou de la non-existence de documents communiquerait un renseignement à l’auteur de la demande, et que ce renseignement est d’une nature telle que sa divulgation représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

En conséquence, je conclus que la police a respecté les deux parties du critère d’application du paragraphe 14 (5), sous réserve de mes constatations éventuelles à la section suivante sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

 

EXERCICE DU POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE

 

Dans certains cas, les institutions ont le pouvoir discrétionnaire, en vertu de la Loi, de divulguer des renseignements qui sont visés par une exception. Comme le paragraphe 14 (5) et l’alinéa 38 b) sont des exceptions discrétionnaires, je dois également examiner la façon dont la police a exercé son pouvoir discrétionnaire pour invoquer le paragraphe 14 (5) et refuser l’accès aux renseignements qu’ils n’ont pas divulgués.

 

Dans un appel, le CIPVP peut examiner la décision de l’institution en vue de déterminer si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire et, si c’est le cas, établir si elle l’a fait judicieusement ou non.

 

Je pourrais déterminer que la police a erré dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, par exemple, si elle :

 

  • a pris en considération des facteurs non pertinents;
  • n’a pas pris en considération les facteurs pertinents.

 

Dans un cas comme dans l’autre, je peux renvoyer l’affaire à la police pour qu’elle exerce son pouvoir discrétionnaire en fonction des facteurs appropriés [ordonnance MO-1573].

 

En l’espèce, et compte tenu des observations de la police, je suis persuadé que celle-ci a tenu compte de tous les facteurs pertinents, et je conclus qu’elle a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire.

 

ORDONNANCE

 

1.      Je confirme la décision de la police.

 

 

 

 

 

                                                                                                       Le 24 mars 2009              

Steven Faughnan

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