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ORDONNANCE MO-1955

 

Appel MA-040248-1

 

Conseil des écoles catholiques de langue française

du Centre-Est


NATURE DE L’APPEL

 

Une mère de famille a présenté une demande au Conseil des écoles catholiques de langue française du Centre-Est (le « Conseil ») en vertu de la Loi sur l’accès à l’information municipale et la protection de la vie privée (la « Loi ») pour obtenir l’accès à des renseignements concernant son fils en exerçant le droit d’accès que la Loi confère à ce dernier.  Ces renseignements avaient trait aux incidents survenus a une école.

 

Plus précisément, les documents visés par la demande étaient les suivants:

 

1.         Rapport de police daté du 14 mai 2004, par [directrice d’école];

 

2.         Toutes les notes personnelles de [nom du fils], de son dossier et toutes les notes prises à l’école par la directrice, professeurs, le brigadier et le travailleur social pour les deux dernières années (2002-2003, 2003-2004).

 

Par la suite, le conjoint de l’auteure de la demande a interjeté appel à titre de représentant de celle-ci.

 

Dans sa lettre de décision, le Conseil a indiqué, en ce qui concerne la première partie de la demande : « [E]n ce qui a trait au rapport de police du 14 mai 2004, nous ne pouvons donner suite à votre demande d’accès puisque ce document n’existe pas au sein du [Conseil] ».  Le Conseil a localisé des documents qui étaient visés par la seconde partie de la demande et y a accordé un accès partiel, invoquant le paragraphe 14 (1) de la Loi (vie privée) pour en extraire certains renseignements. 

 

L’auteure de la demande, maintenant l’appelante, a interjeté appel de la décision.

 

Au stade de la médiation, l’appelante a indiqué que certaines parties des documents divulgués étaient illisibles. Elle a également soutenu qu’en plus du rapport de police susmentionné, le Conseil n’a pas divulgué les rapports des travailleurs sociaux et psychiatres concernant son fils ni une lettre que, selon l’appelante, la directrice d’école aurait remise au Service de police d’Ottawa (la « police »).  L’appelante a soutenu que ces autres documents sont visés par la seconde partie de la demande.

 

Le Conseil a accepté de mener d’autres recherches pour localiser des documents pertinents. Après avoir trouvé des notes de travailleurs sociaux et des rapports d’un psychologue et d’autres professionnels, le Conseil a délivré une lettre de décision supplémentaire accordant l’accès à ces documents, mais a à nouveau invoqué le paragraphe 14 (1) de la Loi pour en extraire le nom des parents et d’autres élèves.  Cette lettre était accompagnée de copies plus lisibles des documents que le Conseil avait déjà divulgués, et elle précisait que ses recherches « n’ont pas permis de localiser un quelconque document produit par [la directrice d’école] qui aurait été, selon vos dires, remis aux services policiers de la ville d’Ottawa ».

 

Également pendant la médiation, le médiateur a appris qu’en plus du sens d’un mot et de l’identité d’un particulier qui n’est désigné que par une initiale dans le document, le seul renseignement personnel que l’appelante veut obtenir est le nom d’un élève qui a été extrait du document.  Tous ces renseignements figurent à la troisième page des notes manuscrites datées du 10 juin 2004. Par conséquent, les autres renseignements extraits des divers documents que le Conseil a divulgués ne sont pas en cause dans cet appel.

 

La médiation n’a pas permis de régler toutes ces questions, et l’appel est passé au stade de l’enquête.  En plus des questions relatives à la troisième page des notes manuscrites, qui sont énoncées dans le rapport modifié du médiateur, l’appelante croit qu’il existe d’autres documents pertinents, qui seraient la lettre que, selon elle, la directrice d’école aurait envoyée à la police, mentionnée plus haut, ainsi qu’un rapport de police daté du 14 mai 2004.

 

J’ai envoyé un avis d’enquête au Conseil, qui a par la suite fourni des observations comprenant un affidavit de la directrice d’école.  J’ai envoyé cet avis, avec une copie des observations du Conseil, à l’appelante, qui a fourni des observations à son tour.

 

DOCUMENT

 

Le document en cause est une partie de la troisième page de notes manuscrites datées du 10 juin 2004.

 

QUESTION PRÉLIMINAIRE

 

L’alinéa 54 c) de la Loi permet l’exercice des droits conférés par la Loi au nom d’une personne mineure :

 

Les droits et pouvoirs conférés à un particulier par la présente loi peuvent être exercés par :

 

la personne qui a la garde légitime du particulier, si celui-ci est âgé de moins de seize ans.

 

Il ne fait aucun doute que le fils de l’appelante est âgé de moins de 16 ans, et d’après les renseignements dont je dispose, je suis convaincu qu’elle a la garde légale de son fils.  Compte tenu de la demande, je considère que l’appelante a le droit d’invoquer l’alinéa 54 c) de la Loi et d’exercer le droit conféré à son fils d’accéder aux documents.  Tel qu’indiqué plus haut, je considère également que le père représente l’appelante.

 

ASPECTS PRÉLIMINAIRES

 

Au paragraphe 10 de son affidavit, la directrice d’école atteste qu’elle est l’auteure des notes manuscrites datées du 10 juin 2004 qui font l’objet de la demande de l’appelante.  Celle-ci veut obtenir des éclaircissements sur un mot de la troisième page de ces notes qui, selon elle, serait « tué ».  L’appelante allègue que ce mot, dans le contexte de l’incident, représentait une menace contre son fils. La directrice d’école explique dans son affidavit que le mot en question n’est pas « tué » mais bien « tiré ».

L’appelante a également demandé l’identité d’un particulier désigné par l’initiale « M », également à la troisième page des notes manuscrites datées du 10 juin 2004.

 

Le Conseil a refusé d’identifier le particulier et a observé ce qui suit :

 

Le conseil a donné accès au document en question. Ce document fait état de la lettre « M » : rien n’a été caché ou omis du texte. L’appelante ne cherche pas accès à un document, mais pose plutôt une question au sujet du document. Elle veut que [la directrice d’école] identifie la personne représentée par la lettre « M ».

 

Le Conseil juge qu’il a respecté l’obligation que la Loi lui impose en divulguant les notes manuscrites, et que la définition de « document » figurant au paragraphe 2 (1) de la Loi « fait référence aux renseignements... et non aux explications découlant desdits renseignements ».

 

Le Conseil est d’avis que l’appelante a le loisir de demander à la directrice d’école l’identité de la personne désignée par l’initiale « M », mais il affirme, s’appuyant sur la décision de l’ancien commissaire Wright dans son ordonnance M-33, que la Loi ne l’oblige pas à fournir lui-même ce renseignement à l’appelante.

 

Je suis d’accord avec cette interprétation.  En l’espèce, l’appelante peut tenter d’obtenir ce renseignement par d’autres moyens, mais le Conseil n’est pas tenu, en vertu de la Loi, de le lui fournir dans le contexte de cette demande d’accès.  Je considère que dans les circonstances, le Conseil a respecté toutes ses obligations en vertu de la Loi en ce qui concerne le mot en question de la troisième page des notes manuscrites de la directrice d’école datées du 10 juin 2004, et l’initiale « M » qui apparaît sur cette même page.

 

L’appelante a également soulevé des doutes quant au bien-fondé des actes de certaines personnes identifiées et à la façon dont on a réagi à l’incident qui a impliqué son fils.  Bon nombre de ces questions échappent à la portée de mon examen en vertu de la Loi, qui consiste à déterminer si le Conseil a fait des recherches raisonnables et si les exceptions qu’il invoque s’appliquent en l’espèce.  Les questions qui n’ont pas trait directement à ces deux aspects ne sont pas abordées dans la présente ordonnance.

 

EXPOSÉ

 

CARACTÈRE RAISONNABLE DES RECHERCHES

 

Lorsque l’auteur de la demande soutient qu’il existe des documents autres que ceux que l’institution a identifiés, il faut déterminer si l’institution a mené des recherches raisonnables pour localiser les documents aux termes de l’article 17 de la Loi [ordonnances P-85, P-221 et PO-1954-I].  Si je considère que les recherches étaient raisonnables dans les circonstances, je confirmerai la décision de l’institution. Sinon, je pourrai ordonner d’autres recherches.

 

La Loi n’oblige pas l’institution à prouver hors de tout doute qu’il n’existe pas d’autres documents.  Cependant, l’institution doit fournir une preuve suffisante démontrant qu’elle a pris des mesures raisonnables pour identifier et localiser les documents visés par la demande [ordonnance P-624].

 

L’appelante soutient que la directrice d’école a remis une lettre à la police, et que par la suite, celle-ci a rédigé un rapport sur un incident qui a impliqué son fils.  L’appelante invoque pour étayer ses dires un numéro de rapport obtenu d’un agent de police d’Ottawa.

 

Avec ses observations, le Conseil a fourni un affidavit fait sous serment par la directrice d’école, dans lequel celle-ci atteste : « suite à l’incident, j’ai noté le témoignage de ... et j’ai préparé une liste des noms ... et des témoins avec leurs coordonnées.  Ces documents ont été remis au policier lorsqu’il est venu à l’École ».  Elle poursuit : « J’ai également commencé la préparation d’un rapport de comportement relatif à l’incident ... à la demande de la surintendante.  Ce document a été acheminé uniquement au bureau de la surintendante … et non au policier ».

 

La directrice d’école affirme également qu’elle ne se souvient pas d’avoir préparé ou livré une lettre à la police.  Elle a soutenu que si elle l’avait fait, elle s’en rappellerait.  Elle soutient aussi qu’avec l’aide de la secrétaire de l’école, elle a mené des recherches approfondies en vue de localiser des documents pertinents et n’a pas trouvé une telle lettre.

 

Enfin, la directrice d’école soutient qu’elle ne sait pas s’il existe ou non un rapport de police sur l’incident, et que l’école n’a jamais reçu un rapport de police.

 

Dans les circonstances, compte tenu des observations des parties, je suis convaincu que le Conseil a mené des recherches raisonnables pour localiser les documents dont il a la garde et le contrôle, y compris toute lettre de la directrice d’école à la police ou tout rapport de police éventuel. Je rejette donc cette partie de l’appel. 

 

RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

 

Pour déterminer quelles dispositions de la Loi peuvent s’appliquer, il faut établir si les documents contiennent des « renseignements personnels » et, le cas échéant, à qui ces renseignements ont trait.  Au paragraphe 2 (1), les « renseignements personnels » sont définis comme étant des renseignements consignés au sujet d’un particulier qui peut être identifié, et s’entendent notamment des renseignements concernant l’éducation et les antécédents médicaux du particulier [alinéa b)] ou du nom du particulier, s’il figure parmi d’autres renseignements personnels qui le concernent [alinéa h)].

 

Dans ses observations, le Conseil explique que le renseignement extrait à la troisième page des notes manuscrites de la directrice d’école est le nom de l’élève impliqué dans l’incident avec le fils de l’appelante.

 

Je considère que le document en cause contient des renseignements personnels qui concernent le fils de l’appelant et cet autre élève, au sens de l’alinéa 2 (1) h) de la Loi.

 

ATTEINTE À LA VIE PRIVÉE

 

Le paragraphe 36 (1) de la Loi confère aux particuliers le droit d’accéder aux renseignements personnels les concernant dont une institution a la garde.  L’article 38 prévoit un certain nombre d’exceptions à ce droit général d’accès.

 

Aux termes de l’alinéa 38 b) de la Loi, si un document contient des renseignements personnels concernant l’auteur de la demande et d’autres particuliers, et si l’institution détermine que la divulgation de ces renseignements constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée d’un autre particulier, l’institution peut, à sa discrétion, refuser l’accès à ces renseignements.

 

Cependant, même si les renseignements sont visés par l’alinéa 38 b), le Conseil peut exercer son pouvoir discrétionnaire et divulguer les renseignements à l’appelante.  Il doit mettre en balance le droit du fils de l’appelante d’avoir accès aux renseignements personnels qui le concernent, ainsi que le droit à la vie privée dont jouit l’autre particulier.

 

Les paragraphes 14 (2), (3) et (4) de la Loi donnent des critères permettant de déterminer si la divulgation entraînerait une atteinte injustifiée à la vie privée de la personne visée par les renseignements.  Le paragraphe 14 (2) donne des critères que le Conseil doit envisager dans ce but.  Le paragraphe 14 (3) énumère les types de renseignements dont la divulgation est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée.  Le paragraphe 14 (4) énonce les types de renseignements dont la divulgation, au contraire, ne représente pas une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

La Cour divisionnaire a jugé que la présomption interdisant la divulgation, une fois établie en vertu du paragraphe 14 (3), ne peut être annulée par l’un ou l’autre des facteurs énoncés au paragraphe 14 (2) [John Doe v. Ontario (Information and Privacy Commissioner) (1993), 13 O.R. (3d) 767].  Par contre, il peut être justifié de divulguer les renseignements s’ils sont visés par le paragraphe 14 (4) ou s’il est établi, en vertu de l’article 16, que la nécessité de divulguer le document qui contient ces renseignements dans l’intérêt public l’emporte sans conteste sur les fins visées par l’exception.

 

Observations des parties

 

Le Conseil a invoqué les alinéas 14 (2) e),  f),  h) et i) ainsi que la présomption énoncée à l’alinéa 14 (3) d) comme critères pertinents dans cet appel.  L’appelante a affirmé qu’elle voulait obtenir les renseignements extraits parce qu’elle se demandait si le Conseil avait bien réagi à l’incident qui avait impliqué son fils, surtout compte tenu du fait que le Conseil avait extrait le nom de l’élève qui, selon elle, aurait menacé son fils.  Le critère énoncé à l’alinéa 14 (2) a) est ainsi soulevé indirectement.

 

Ces dispositions sont libellées comme suit :

 

14 (2) Aux fins de déterminer si la divulgation de renseignements personnels constitue une atteinte injustifiée à la vie privée, la personne responsable tient compte des circonstances pertinentes et examine notamment si :

 

a)         la divulgation est souhaitable parce qu’elle permet au public de surveiller de près les activités de l’institution;

 

e)         le particulier visé par les renseignements personnels risque d’être injustement lésé dans ses intérêts pécuniaires ou autres;

 

f)         les renseignements personnels sont d’une nature très délicate;

 

h)         le particulier visé par les renseignements personnels les a communiqués à l’institution à titre confidentiel;

 

i)          la divulgation est susceptible de porter injustement atteinte à la réputation d’une personne dont il est fait mention dans le document.

 

14 (3)   Est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée, la divulgation de renseignements personnels :

 

d) qui ont trait aux antécédents professionnels ou académiques.

 

Conclusions

 

Je considère que le critère énoncé à l’alinéa 14 (2) f) est très pertinent et penche en faveur de la non-divulgation des documents qui demeurent en cause.  À mon avis, compte tenu de la nature du document dont le nom a été extrait et du fait que l’incident a impliqué des enfants, les renseignements sont considérés comme étant de nature très délicate au sens de l’alinéa 14 (2) f) car leur divulgation risque, dans une mesure raisonnable, de causer une détresse personnelle excessive à la personne dont le nom a été extrait (voir les ordonnances M-1053, PO‑1736 et PO-2339).

 

Je suis convaincu que l’appelante est sincèrement préoccupée au sujet de l’incident et de la façon dont son fils a été traité, ce qui soulève indirectement l’application de l’alinéa 14 (2) a). Cependant, ce dernier ne l’emporte pas sur le droit à la vie privée de l’élève non nommé.  Je considère que dans l’ensemble, le critère qui penche en faveur de la protection de la vie privée à l’alinéa 14 (2) f) l’emporte sur tout critère qui favoriserait la divulgation en l’espèce, et que la divulgation du nom de l’élève représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée de ce dernier. Je juge donc que l’exception prévue à l’alinéa 38 b) s’applique au document en cause. 

 

À la lumière de cette constatation, je n’ai pas à envisager l’application des autres critères qui favorisent la protection de la vie privée, aux alinéas 14 (2) e), h) et (i), ni de la présomption de l’alinéa 14 (3) d) de la Loi.

 

Aucune observation n’a été formulée sur l’application de l’article 16 de la Loi, qui prévoit la non-application des exceptions dans l’intérêt public.  Cependant, même si l’on suppose que l’appelante invoque l’article 16 dans ses observations, je ne suis pas convaincu en l’espèce, compte tenu des éléments matériels dont je dispose, qu’il existe une nécessité manifeste, dans l’intérêt public, de divulguer le nom de l’élève qui l’emporte sans conteste sur les fins visées par l’exception prévue à l’alinéa 38 b).

 

Enfin, le Conseil précise dans ses observations les critères dont il a tenu compte pour exercer son pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer le nom de l’élève.  Je suis convaincu, compte tenu des observations du Conseil et des circonstances de cet appel, que le Conseil a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en refusant de divulguer le nom de l’élève.

 

Par conséquent, je confirme la décision du Conseil.

 

 

 

ORDONNANCE

 

Je confirme la décision du Conseil.

 

 

 

 

                                                                                                       Le 24 août 2005              

Steven Faughnan

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