Access to Information Orders

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE DÉFINITIVE PO-2369-F

Appel PA-010080-2

Ministère de la Santé et des Soins de longue durée


NATURE DE L’APPEL

La présente porte sur un appel d’une décision du ministère de la Santé et des Soins de longue durée (le « ministère ») prise en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée  (la « Loi  »). Il découle de la demande d’un organisme (l’appelant) qui voulait obtenir l’accès à des documents concernant quatre entreprises et deux organismes du gouvernement fédéral. Cette demande était libellée comme suit :

 

[Traduction]

 

« …tous les documents dont le ministère a la garde et qui portent sur les entreprises suivantes :

 

[entreprise A]

[entreprise B]

Corporation de développement du Canada

Société de développement de l’Ontario

Direction de la protection de la santé ou Bureau des produits biologiques de Santé Canada

 

Plus précisément, j’aimerais obtenir :

 

Tous les documents, y compris, mais sans s’y limiter, les demandes et propositions de financement, les plans d’entreprise, les demandes spéciales et les procès-verbaux de réunions mentionnant des activités, réunions et projets conjoints de [entreprise A] et [entreprise B];

 

Tous les documents, y compris, mais sans s’y limiter, les demandes et propositions de financement, les plans d’entreprise, les demandes spéciales et les procès-verbaux de réunions mentionnant des activités, réunions et projets conjoints de [entreprise A] et de la Corporation de développement du Canada;

 

Tous les documents, y compris, mais sans s’y limiter, les demandes et propositions de financement, les plans d’entreprise, les demandes spéciales et les procès-verbaux de réunions mentionnant des activités, réunions et projets conjoints de [entreprise A] et de la Société de développement de l’Ontario;

 

Tous les documents, y compris, mais sans s’y limiter, les demandes et propositions de financement, les plans d’entreprise, les demandes spéciales et les procès-verbaux de réunions mentionnant des activités, réunions et projets conjoints de [entreprise A] et de la Direction de la protection de la santé ou du Bureau des produits biologiques de Santé Canada;

 

Tous les documents, y compris, mais sans s’y limiter, les demandes et propositions de financement, les plans d’entreprise, les demandes spéciales et les procès-verbaux de réunions mentionnant des activités, réunions et projets conjoints de [entreprise B] et de la Corporation de développement du Canada;

 

Tous les documents, y compris, mais sans s’y limiter, les demandes et propositions de financement, les plans d’entreprise, les demandes spéciales et les procès-verbaux de réunions mentionnant des activités, réunions et projets conjoints de [entreprise B] et de la Société de développement de l’Ontario;

 

Tous les documents, y compris, mais sans s’y limiter, les demandes et propositions de financement, les plans d’entreprise, les demandes spéciales et les procès-verbaux de réunions mentionnant des activités, réunions et projets conjoints de [entreprise B] et de la Direction de la protection de la santé ou du Bureau des produits biologiques de Santé Canada.

 

J’aimerais obtenir les documents produits du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1986 inclusivement. »

 

L’objet général de la demande est le système canadien de collecte et de distribution du sang dans les années 1980 et les liens entre les entreprises désignées, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux dans ce système.

 

Après avoir localisé les documents, le ministère a rendu une décision dans laquelle il refusait l’accès à la totalité d’entre eux en invoquant un certain nombre d’exceptions prévues dans la Loi , y compris celle du paragraphe 14 (1)  (exécution de la loi). L’appelant a interjeté appel de ce refus et d’autres aspects de la décision. Dans l’ordonnance provisoire PO-2069-I, j’ai conclu que le paragraphe 14 (1)  ne pouvait être invoqué pour soustraire les documents à la divulgation. J’ai également établi que le ministère avait fait des recherches raisonnables pour localiser les documents.

 

Il restait en litige l’application des autres exceptions que le ministère a invoquées pour refuser l’accès et figurant aux articles 12 (documents du Conseil exécutif), 13 (conseils au gouvernement), 15 (rapports avec d’autres autorités gouvernementales), 17 (renseignements d’ordre commercial concernant un tiers), 18 (intérêts économiques et autres de l’Ontario), 19 (secret professionnel de l’avocat) et 21 (vie privée) ainsi qu’à l’alinéa 22 a) (documents accessibles au public). Une ou plusieurs de ces exceptions ont été invoquées pour chacun des documents en cause. En outre, le ministère a soutenu que certains des documents n’étaient pas visés par la demande.

 

Après l’ordonnance provisoire, j’ai fait parvenir un avis d’enquête supplémentaire au ministère et à un certain nombre de parties concernées les invitant à faire des observations sur les questions et faits soulevés dans le cadre de l’appel. Ces parties concernées comprennent les ministres de la Santé de toutes les provinces et des territoires ainsi que le ministre de la Santé du Canada. Ces gouvernements ont été invités à faire des observations sur l’application de l’article 15 aux documents. Figuraient également parmi les parties touchées les sociétés remplaçantes de trois entités commerciales (entreprise A et deux autres) et de deux organismes (la Société canadienne de la Croix-Rouge et la Société canadienne du sang) du fait que la divulgation des documents en cause pourrait porter atteinte à leurs intérêts. Ces parties ont été invitées à formuler des observations sur l’application du paragraphe 17 (1) aux documents.

 

J’ai reçu des observations de sept provinces et territoires qui s’opposaient à la divulgation des renseignements contenus dans les documents. Quatre provinces et territoires n’ont pas répondu à l’avis d’enquête. Le ministre fédéral consent à la divulgation des renseignements. Une partie commerciale ne consent pas à la divulgation des renseignements la concernant, mais a décidé de ne soumettre aucune observation concernant l’application du paragraphe 17 (1). Il en va de même d’une autre partie commerciale. La troisième partie commerciale n’a pas pris position sur les questions en cause et n’a pas fait d’observations. La Société canadienne de la Croix-Rouge (la « Croix-Rouge ») consent à la divulgation des renseignements, et la Société canadienne du sang ne s’est pas prononcée.

 

Le ministère n’a pas soumis d’observations en réponse à l’avis d’enquête. Cependant, pendant l’appel, il a rendu plusieurs décisions révisées (en octobre, novembre et décembre 2003) en vertu desquelles il a divulgué un certain nombre de documents à l’appelant. En outre, le ministère a déclaré qu’il n’invoque plus les exceptions discrétionnaires qu’il avait soulevées, sauf celle de l’article 15.

 

J’ai envoyé l’avis d’enquête supplémentaire à l’appelant en tenant compte de la nouvelle position adoptée par le ministère, et je l’ai invité à faire des observations. J’ai inclus les observations du ministère de la Santé et du Bien-être d’Alberta en excluant certaines parties, ainsi que celles de Terre-Neuve-et-Labrador. Bien que l’Alberta ait demandé que ses observations ne soient pas communiquées à l’appelant, j’ai établi qu’à part certaines parties, ces observations ne répondaient pas aux critères nécessaires pour que le CIPVP en refuse la divulgation.

 

L’appelant a refusé de faire des observations.

 

Après avoir examiné les observations, j’ai invité les provinces et le territoire qui s’opposaient à la divulgation à formuler d’autres observations sur certaines questions, et j’ai reçu des réponses de l’Alberta, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Saskatchewan.

 

Les questions dont je suis saisie consistent à déterminer si la divulgation des documents peut être refusée en vertu des exceptions prévues à l’article 12, aux alinéas 15 a) et 15 b) et aux paragraphes 17 (1) et 21 (1), si certains documents sont visés par la demande et si les parties concernées peuvent invoquer certaines exceptions discrétionnaires que n’a pas invoquées le ministère.

DOCUMENTS

Au début de l’enquête, 1 257 documents étaient en cause. Le ministère ayant divulgué des documents supplémentaires, le nombre de documents qui demeurent en litige a considérablement baissé. Ceux dont je suis saisie sont décrits dans l’index fourni à l’appelant en août 2001, moins ceux qui ont été divulgués à l’appelant en octobre, novembre et décembre 2003. L’index indique les exceptions que le ministère a invoquées pour refuser l’accès à chacun des documents indiqués.

 

Les documents comprennent de la correspondance, des notes de service, des notes d’information et autres, des rapports, des procès-verbaux et ordres du jour de réunions, des exposés de principes, des comptes rendus de conférences et d’autres documents qui ont trait au système canadien d’approvisionnement en sang dans les années 1980, au rôle de l’Ontario et d’autres gouvernements du Canada dans la gestion de ce système et aux liens entre ces gouvernements et des entreprises ou organismes qui en faisaient partie.

CONTEXTE DE L’APPEL

Le rôle du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux dans le système canadien d’approvisionnement en sang a été décrit dans Rapport final. Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1997 (le rapport Krever). Une bonne partie des renseignements de base suivants proviennent de ce rapport. Cette commission d’enquête a été constituée en octobre 1993 pour « faire enquête et rapport sur le mandat, l’organisation, la gestion, les opérations, le financement et la réglementation de toutes les activités du système canadien d’approvisionnement en sang, y compris les événements entourant la contamination de réserves de sang au début des années 1980 » (rapport Krever, Introduction, p. 5).

La commission d’enquête a tenu 274 jours d’audiences publiques de 1993 à 1996, et a recueilli environ 175 000 documents, dont environ 19 750 ont été déposés en preuve. La plupart des documents ont été rassemblés en 436 recueils de preuves qui ont été distribués « aux personnes et organismes qui avaient qualité pour agir », et qui étaient au nombre d’environ 30 (rapport Krever, Introduction, p. 7). En outre, les documents déposés en preuve ont été mis à la disposition des médias dans une salle de presse pendant l’enquête (rapport Krever, annexe C, Règles de pratique et de procédure de la Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada, art. 14).

La Commission a reçu de nombreux témoignages du Comité canadien du sang (CCS), établi en 1981. Ce comité intergouvernemental comptait des représentants de tous les gouvernements provinciaux et territoriaux et du gouvernement fédéral. Il avait pour rôle de superviser le système canadien d’approvisionnement en sang en adoptant des politiques et en prenant des décisions quant au financement. Ce comité était issu des recommandations de comités spéciaux qui avaient conclu que le Canada était dépourvu de politique nationale sur le sang et d’une compétence claire sur le système d’approvisionnement en sang tel que celui qu’exerce la Food and Drug Administration aux États-Unis (rapport Krever, chapitre 5).

 

Le rapport énumère 14 personnes qui ont témoigné au nom du CCS ou de ses sous-comités. Il décrit la structure du CCS, son mandat, sa composition et ses pouvoirs, et relate ses travaux dans les années 1980 jusqu’à son remplacement en 1991 par la Société canadienne du sang. Il renvoie à des délibérations tenues à certaines réunions du CCS ou de ses sous-comités en se fondant sur les procès-verbaux de ces réunions, d’autres documents déposés en preuve et des témoignages de vive voix. Le rapport décrit également la correspondance ou les discussions entre le CCS et d’autres organismes, y compris la Croix-Rouge.

 

Le rapport explique les liens entre le CCS, le Comité fédéral-provincial d’examen du budget et des programmes (CFPEBP), la Croix-Rouge et des entreprises privées se livrant au fractionnement du sang donné en produits sanguins (deux des parties concernées se livraient au fractionnement à l’époque). Le rapport décrit, par exemple, certaines négociations tenues à l’époque sur des contrats de fractionnement du sang et les mesures prises en vue de parvenir à l’autosuffisance nationale en matière de fractionnement. Il décrit également les dispositions en vertu desquelles les provinces payaient pour des produits sanguins fractionnés distribués par la Croix-Rouge sur leur territoire. L’une des responsabilités du CCS était d’approuver le budget de la Croix-Rouge, et le rapport décrit l’examen des budgets de cet organisme par le CCS dans les années 1980. Certains aspects des discussions budgétaires mentionnés dans le rapport portaient sur la décision de la Croix-Rouge d’entreprendre le dépistage du VIH dans les dons de sang et de plasma, les mesures prises par la Croix-Rouge pour élargir l’utilisation de la plasmaphérèse (c.-à-d. la collecte de plasma seulement) et l’abandon des concentrés non chauffés, utilisés dans le traitement de l’hémophilie, au profit des concentrés chauffés.

 

Dans les conclusions de son rapport, la Commission a déploré l’incidence des politiques provinciales sur l’industrie nationale du fractionnement implantées par l’entremise du CCS. Elle a recommandé, entre autres choses, l’établissement d’un système national d’approvisionnement en sang où les frontières provinciales ne représenteraient pas des obstacles à la distribution nationale de composants du sang.

 

Dans la présente ordonnance, le CCS, ses sous-comités, le CFPEBP et les autres comités intergouvernementaux au sujet desquels les documents contiennent des renseignements sont désignés par leurs acronymes ou par l’expression collective « les comités ».

EXPOSÉ

PERTINENCE DES DOCUMENTS

 

Tel qu’indiqué plus haut, la demande porte sur des documents produits pendant une période précise, du 1er janvier 1980 au 31 décembre 1986. Certains des documents que le ministère a localisés n’ont pas été produits pendant cette période. Bien que certains soient sans date, j’ai déduit leur date de création à partir de leur contenu et de leur lien apparent avec d’autres documents. Comme la demande est précise quant à la période visée, je considère que les documents créés avant ou après cette période ne sont pas visés par la demande. Les documents 68 à 79, 774, 777, 778, 779 et 1214 sont donc exclus de cet appel.

 

Le ministère a également identifié certains autres documents comme n’étant pas visés par la demande, mais n’a présenté aucune observation pour étayer son point de vue. Étant donné le grand nombre de documents qui, selon le ministère, étaient visés par la demande, et en l’absence d’observations, je considère qu’il n’existe aucune différence significative entre ces documents et le reste des documents en cause. Je juge donc qu’ils sont visés par la demande et qu’ils demeurent en cause dans cet appel.

 

Dans ses observations, l’une des provinces a déclaré que certains des documents ne sont pas visés par la demande. Elle soutient que ces documents énoncent son point de vue sur le fractionnement du sang et ne peuvent être associés aux entreprises désignées dans la demande.

 

Dans des ordonnances antérieures, le CIPVP a déclaré que l’institution doit faire une interprétation libérale de la demande pour se conformer à l’objet et à l’esprit de la Loi  [ordonnances P-134 et P-880]. Pour que les documents soient considérés comme étant visés par la demande, ils doivent être « raisonnablement reliés » à la demande [ordonnance P-880]. Il semble que le ministère ait fait une interprétation libérale de la portée de la demande en l’espèce. Bien que certains documents en cause dans cet appel ne nomment pas l’une ou l’autre des entreprises ou organisations mentionnées dans la demande, le ministère a décidé qu’ils sont « raisonnablement reliés » à la demande, et je n’ai aucune objection à cet égard. Je suis convaincue qu’à part les documents qui n’ont pas été créés pendant la période visée dans la demande, les documents dont je suis saisie sont visés par la demande.

 

RAPPORTS AVEC D’AUTRES AUTORITÉS GOUVERNEMENTALES

 

Les renseignements de base énoncés ci-dessus permettent de déterminer si les documents en cause dans cet appel font l’objet d’une exception en vertu de l’article 15, qui est libellé comme suit :

 

La personne responsable peut refuser de divulguer un document s’il est raisonnable de s’attendre à ce que la divulgation ait pour effet, selon le cas :

 

a)           de nuire à la poursuite des rapports intergouvernementaux entretenus par le gouvernement de l’Ontario ou par une institution;

 

b)          de révéler des renseignements confidentiels confiés à une institution par un autre gouvernement ou par l’un de ses organismes;

 

c)           de révéler des renseignements confidentiels confiés à une institution par une organisation internationale d’États ou l’une de leurs entités.

 

La personne responsable ne doit pas divulguer ce document sans l’autorisation préalable du Conseil exécutif.

 

L’article 15 reconnaît que le gouvernement crée et reçoit des documents dans la poursuite de ses rapports avec d’autres gouvernements. L’alinéa 15 a) reconnaît l’importance des rapports intergouvernementaux et vise à les protéger. De même, les alinéas 15 b) et c) ont pour objet de permettre au gouvernement de l’Ontario de recevoir des renseignements confidentiels et de créer ainsi le climat de confiance nécessaire pour traiter de questions d’intérêt commun [ordonnance PO-1927-I; voir également l’ordonnance P-1398, confirmée en révision judiciaire dans Ontario (Minister of Finance) v. Ontario (Information and Privacy Commissioner) (1999), 118 O.A.C. 108 (C.A.)].

 

Pour que cette exception s’applique, l’institution doit démontrer qu’il « est raisonnable de s’attendre » à ce que la divulgation du document ait l’effet en question. Pour ce faire, elle doit fournir des preuves détaillées et convaincantes démontrant que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation cause un préjudice. Il ne suffit pas de démontrer la possibilité d’un préjudice [Ontario (Workers’ Compensation Board) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner) (1998), 41 O.R. (3d) 464 (C.A.)].

 

Si la divulgation d’un document permet de déterminer indirectement des renseignements reçus d’un autre gouvernement, on peut en conclure qu’elle « révèle » ces renseignements [ordonnance P-1552].

 

Question préliminaire

 

En l’occurrence, le ministère a appliqué l’alinéa 15 a) à la plupart des documents en cause et l’alinéa 15 b) aux documents 256, 356, 814, 816, 1201 et 1247. En outre, le ministère a invoqué le paragraphe 15 (1) pour refuser l’accès aux documents 1090, 1096, 1115, 1116 et 1117. J’ai donc déterminé si ces documents font l’objet des exceptions prévues aux alinéas 15 a) et b).

 

Les provinces qui ont soumis des observations appuient l’application par le ministère de l’alinéa 15 a) aux documents. Certaines soutiennent également que l’alinéa 15 b) s’applique à tous les documents en cause. Par conséquent, une question préliminaire est soulevée concernant l’article 15, qui consiste à savoir si les provinces peuvent invoquer l’alinéa 15 b) en ce qui a trait à des documents autres que ceux qu’a identifiés le ministère.

 

D’entrée de jeu, il y a lieu de souligner que l’exception prévue à l’article 15 comporte deux caractéristiques particulières. Premièrement, il s’agit d’une exception discrétionnaire, c’est-à-dire que l’institution a le loisir de l’invoquer ou non et de divulguer les renseignements même si les alinéas 15 a), b) ou c) s’appliquent.

 

En outre, bien que l’institution soit tenue de donner un avis à certaines parties en vertu du paragraphe 28 (1) avant de permettre l’accès à des documents, cette obligation ne s’applique pas aux gouvernements ou à leurs organismes qui ont un intérêt dans ces renseignements en vertu de l’article 15.

 

Ces deux caractéristiques sont conformes à l’exposé sur cette exception qui figure dans Public Government for Private People: The Report of the Commission on Freedom of Information and Individual Privacy/1980, vol. 2 et 3, Toronto, Imprimeur de la Reine, 1980 (rapport de la Commission Williams), p. 306 et 307 :

 

            [Traduction]

Le gouvernement de l’Ontario peut recevoir des documents ou obtenir des renseignements de gouvernements d’autres territoires dans des circonstances où on peut s’attendre à ce que ces documents ou renseignements soient considérés comme confidentiels. Devrait-il y avoir une exception s’appliquant aux renseignements confidentiels reçus d’autres gouvernements?

[…] Dans certains cas, un autre gouvernement fournit des renseignements à la condition que les représentants du gouvernement de l’Ontario ne les divulguent pas au public. À notre avis, une loi ontarienne sur l’accès à l’information devrait soustraire aux modalités d’accès les documents ou les renseignements obtenus à ce titre de la part d’un autre gouvernement, faute de quoi les autres gouvernements pourraient décider de ne plus fournir de renseignements qui seraient utiles au gouvernement de l’Ontario dans la conduite des affaires publiques. Prenons un exemple où une étude environnementale menée par une province voisine intéresse le gouvernement de l’Ontario. Si le gouvernement de cette province décidait, pour une raison quelconque, de ne pas publier les résultats de cette étude, il pourrait être réticent à en faire part au gouvernement de l’Ontario à moins d’être persuadé que personne ne pourrait obtenir l’accès à ces renseignements en vertu des dispositions de la loi ontarienne sur l’accès à l’information. Une étude de ce genre ne serait protégée par aucune des autres exceptions que nous avons proposées (sauf si elle contenait des conseils et des recommandations) et, par conséquent, elle devrait faire l’objet d’une exception permettant au gouvernement de l’Ontario de respecter cette entente de confidentialité.

Comme il est indiqué dans le rapport de la Commission Williams, il est important de prévoir une exception qui permet à une institution provinciale de ne pas divulguer des renseignements reçus d’autres gouvernements, car cette exception permet à l’Ontario de recevoir des renseignements utiles qui, autrement, pourraient être hors de sa portée. À moins de pouvoir offrir une assurance de confidentialité à d’autres territoires, l’Ontario aurait de la difficulté à obtenir des renseignements de leur part.

 

Ces considérations donnent à penser qu’à l’évidence, l’esprit de la Loi  ne permet pas à une tierce partie de réclamer l’application d’une exception prévue à l’article 15 . Cette constatation est conforme à la démarche du CIPVP en ce qui concerne les exceptions discrétionnaires en général. Dans l’ordonnance P-435, par exemple, le commissaire adjoint Tom Mitchinson a décidé qu’une partie concernée n’avait pas le droit d’invoquer elle-même l’alinéa 15 b), en soulevant son argument présenté dans l’ordonnance P‑257 :

[Traduction]

Dans l’ordonnance P-257, je me suis penché sur la situation d’une personne concernée qui tente de soulever l’application d’une exception discrétionnaire que l’institution n’a pas invoquée. À la page 5 de cette ordonnance, j’ai déclaré :

En règle générale, en ce qui concerne toutes les exceptions sauf celles des paragraphes 17 (1) et 21 (1), il revient à la personne responsable de déterminer les exceptions qui devraient s’appliquer à un document demandé, le cas échéant. Si la personne responsable juge qu’une exception ne devrait pas s’appliquer, ce n’est que dans des circonstances très inusitées que la question serait portée à l’attention du CIPVP, étant donné que le document devrait être divulgué. Si, pendant un appel, la personne responsable changeait d’avis et acceptait la divulgation de renseignements qui ne sont pas visés par le paragraphe 17 (1) ou 21 (1), cette décision serait acceptable dans presque tous les cas car elle serait conforme aux objets de la Loi . À mon avis, cependant, le commissaire à l’information et à la protection de la vie privée a l’obligation d’assurer l’intégrité du mécanisme d’accès à l’information et de protection de la vie privée de l’Ontario. Dans l’exercice de ses fonctions, il peut arriver, mais rarement, que le commissaire juge nécessaire d’envisager l’application d’une disposition particulière de la Loi  qu’une institution ne soulève pas pendant un appel, notamment lorsqu’il est évident que la divulgation d’un document porterait atteinte aux droits d’un particulier ou que les actes de l’institution iraient clairement à l’encontre de l’application d’une exception obligatoire prévue dans la Loi . Il est possible qu’une personne concernée porte de telles préoccupations à l’attention du commissaire pendant un appel et, dans ce cas, le commissaire aurait l’obligation de les prendre en considération. Cependant, à mon avis, ce n’est que dans ce contexte restreint qu’une personne concernée peut soulever l’application d’une exception que la personne responsable n’a pas invoquée; cette personne n’a pas le droit d’invoquer elle-même l’exception et le commissaire n’a pas l’obligation d’en envisager l’application.

À mon avis, cet appel ne met pas en cause des situations du genre de celles qui sont décrites dans l’ordonnance P-257; comme le ministère n’a pas invoqué l’alinéa 15  b) de la Loi  pour assujettir à une exception le document en cause dans cet appel, je considère que cette disposition ne s’applique pas.

Je suis d’accord avec cette analyse et je considère qu’elle s’applique aux circonstances dont je suis saisie. Quoi qu’il en soit, il est évident dans cet appel que les provinces qui ont soulevé l’alinéa 15 b) sont préoccupées par la protection de renseignements confidentiels échangés dans le cadre des rapports intergouvernementaux. Les documents qui, à leur avis, devraient être visés par l’exception de l’alinéa 15 b) sont les mêmes que ceux dont la divulgation, selon elles, nuiraient à la poursuite de rapports intergouvernementaux en vertu de l’alinéa 15 a). Essentiellement, en invoquant les alinéas 15 a) et b), elles cherchent à protéger les mêmes intérêts.

 

Par conséquent, je juge devoir déterminer uniquement si l’alinéa 15 b) s’applique aux documents auxquels le ministère a appliqué cette exception. Cependant, j’aimerais discuter de l’application de l’alinéa 15 a) dans cet appel.

 

Alinéa 15 a)

 

Observations

 

Comme je l’ai indiqué, le ministère a décidé de ne pas présenter d’observations. Sept des 11 provinces et territoires informés de l’appel s’opposent à la divulgation des documents en invoquant les préjudices énoncés à l’alinéa 15 a). Quatre provinces et territoires n’ont pas exprimé de point de vue à ce sujet et n’ont pas soumis d’observations. Le gouvernement fédéral ne s’oppose pas à la divulgation de la totalité des documents.

 

La plupart des observations des provinces et territoires étaient assez brèves, et il est inutile de les décrire ici. L’Alberta a fourni des observations détaillées reprenant les préoccupations soulevées par les autres gouvernements. Cette province a soutenu que les documents en question contiennent des renseignements créés ou reçus par le CCS ou divers sous-comités. Le CCS comptait un membre de l’Alberta, de même que des représentants de chaque province et un représentant du gouvernement fédéral. L’Alberta s’attendait à ce que sa participation au CCS soit à titre confidentiel, compte tenu de ce qu’elle appelle la tradition de longue date de ne pas divulguer les documents soumis à des comités intergouvernementaux ou préparés à leur intention à moins d’avis contraire.

 

De l’avis de l’Alberta, les documents contiennent des renseignements confidentiels détaillés sur des politiques et des questions financières. Le CCS était une tribune où les provinces échangeaient des renseignements sur diverses questions intergouvernementales concernant le système national d’approvisionnement en sang. Ces documents étaient nécessaires aux travaux du CCS et pour permettre aux gouvernements membres de discuter de diverses questions et d’échanger des renseignements. Certains renseignements communiqués au CCS et à ses membres ont peut-être servi à conseiller les décideurs des ministères responsables de chaque gouvernement sur des possibilités d’action. Les discussions sur les décisions du CCS portaient souvent sur des questions importantes en matière de politiques gouvernementales, comme en témoignent certains procès-verbaux du CCS et les documents qui y sont annexés.

 

L’Alberta est d’avis que la divulgation de ces documents révélerait les renseignements que l’Alberta ou ses représentants ont fournis, portant atteinte ainsi aux rapports intergouvernementaux entre l’Ontario et l’Alberta. Elle soutient que cette divulgation entraverait sa capacité de partager des renseignements et de tenir des pourparlers francs et ouverts avec les représentants de l’Ontario et d’autres territoires; si le caractère confidentiel des renseignements intergouvernementaux n’est pas respecté, il sera plus difficile de collaborer et de délibérer au sein de comités futurs. De l’avis de l’Alberta, une telle divulgation créerait un précédent qui mettrait en péril le fonctionnement de tous les comités et groupes d’étude fédéraux-provinciaux-territoriaux.

 

Après avoir reçu les observations, j’ai décidé de demander d’autres observations aux gouvernements qui s’opposent à la divulgation des documents, tel qu’indiqué plus haut. Dans ma lettre, j’ai précisé notamment :

Il n’est pas de mon ressort de déterminer si tous les documents visés par l’appel ont été déposés comme pièces à la Commission Krever. Cependant, un bref examen a révélé que bon nombre d’entre eux l’ont été. D’après certaines parties du rapport final, il semble y avoir de bonnes raisons de croire que les documents concernant les travaux de comités intergouvernementaux visés par cet appel ont été déposés auprès de la Commission.

J’aimerais donc savoir si vous êtes d’accord avec mon évaluation préliminaire, selon laquelle les documents en cause ont été déposés comme pièces devant la Commission, et donc rendus publics.

Même s’il n’est pas possible de confirmer si ce fut le cas ou non pour chaque document, j’aimerais savoir si, à votre avis, les travaux de la Commission Krever devraient influer sur l’issue de cet appel. Si, comme ce semble être le cas, la Commission a enquêté de façon approfondie sur les travaux du CSC et d’autres comités connexes, quel préjudice pourrait causer, le cas échéant, la divulgation à l’appelant de documents concernant ces comités?

J’ai reçu des observations supplémentaires de trois provinces en réponse à ma lettre. La Saskatchewan a déclaré qu’il serait difficile de refuser l’accès à des documents déposés devant la Commission Krever et qui font maintenant partie de dossiers publics, mais qu’il faudrait en décider au cas par cas.

L’Île-du-Prince-Édouard n’appuie pas mon évaluation préliminaire selon laquelle les documents en cause ont été probablement déposés en preuve devant la Commission Krever et, par conséquent, ont été rendus publics. Le rapport Krever ne contient pas les documents déposés en preuve, et il est difficile de déterminer si les documents en cause sont les mêmes que ceux qui ont été déposés. L’Île-du-Prince-Édouard a réitéré son objection à la divulgation en se fondant sur les torts qui seraient causés aux rapports intergouvernementaux.

 

En réponse à ma lettre, l’Alberta a soumis deux séries d’observations. Dans la première, elle réfute mon évaluation préliminaire en renvoyant à la mention du rapport selon laquelle la « plupart » des documents reçus ont été reliés et distribués comme documents déposés en preuve. Elle cite également les règles de procédure de la Commission selon lesquelles les documents reçus devaient demeurer confidentiels jusqu’à leur divulgation comme documents déposés en preuve. L’Alberta soutient également que certains documents n’ont pas été divulgués à la Commission parce qu’ils étaient confidentiels. Elle a déclaré que des documents déposés en preuve avaient été distribués à des personnes et à des organismes ayant qualité pour agir, mais qu’à sa connaissance, la Commission ne les a pas rendus publics. Il n’existe pas de bibliothèque où le public peut inspecter ces documents, et à moins de preuve du contraire, les documents déposés en preuve ne devraient pas être considérés comme étant du domaine public.

 

L’Alberta s’oppose à la divulgation de documents dont je ne peux déterminer si le contenu a été divulgué ou non dans le rapport Krever. La province soutient qu’elle a été tenue de fournir ses documents à la Commission Krever en vertu de la Loi sur les enquêtes sachant qu’ils demeureraient confidentiels, sauf pour leur divulgation (de façon restreinte) comme documents déposés en preuve. Dans ces circonstances, la production des documents ne représente pas une renonciation à leur confidentialité ou à celle de leur contenu dans d’autres contextes.

 

L’Alberta a également soumis une seconde lettre contenant des observations supplémentaires qu’elle a décrites comme étant « confidentielles ». Comme il n’était pas nécessaire de demander à l’appelant de répondre à ces observations, il était inutile de déterminer si elles répondaient aux critères du CIPVP (énoncés dans la directive de pratique n° 7) justifiant leur non-divulgation. À l’examen aux fins de la présente décision, j’ai remarqué que certaines observations répondaient à ces critères du fait qu’elles révèlent la teneur des documents que l’on juge visés par l’exception, mais que la plupart sont générales et ne seraient pas admissibles à la non-divulgation. Ma description des observations de l’Alberta dans la présente décision est conforme à cette évaluation.

 

L’Alberta a soutenu que même si le rapport Krever aborde plusieurs questions relatives aux documents, elle continue de s’opposer à la divulgation de ces documents parce qu’ils contiennent des détails qui ne figurent pas dans le rapport. Par exemple, la province souligne que le rapport examine en profondeur de nombreuses questions concernant la participation de divers gouvernements provinciaux aux comités. Cependant, les documents contiennent des renseignements détaillés sur les opinions, positions, politiques et préoccupations des représentants de divers gouvernements provinciaux (y compris l’Alberta) relativement à ces questions. Par exemple, certains procès-verbaux de réunions font état de pourparlers concernant des questions opérationnelles, stratégiques et budgétaires, et contiennent des détails sur la distribution de produits, des estimations de coûts et des propositions relatives à des contrats. D’autres procès-verbaux relatent des discussions, possibilités et décisions concernant les négociations contractuelles de tierces parties.

 

D’après l’Alberta, le rapport n’aborde pas en détail le fonctionnement quotidien des divers comités, mais les documents contiennent des renseignements détaillés à ce sujet. Par exemple, les procès-verbaux de réunions fournissent des informations détaillées sur des discussions, possibilités et recommandations concernant un certain nombre de questions relatives aux politiques, y compris la raison d’être et les priorités des programmes, l’expansion de programmes, les négociations contractuelles, les budgets et les entrées et sorties de fonds. D’autres procès-verbaux de réunions contiennent des renseignements précis sur les quantités de produits, des fournitures, du matériel, des coûts et des questions contractuelles et budgétaires.

 

En plus de ses inquiétudes concernant les effets préjudiciables sur les rapports intergouvernementaux, l’Alberta a soutenu que ces questions ont suscité beaucoup de litiges, et que la divulgation de ces renseignements pourrait remettre en cause la position de l’Alberta ou de tiers dans des instances judiciaires en cours ou futures.

 

Le rapport mentionne également l’octroi de contrats à différents tiers du secteur privé. À nouveau, l’Alberta a observé que les documents contiennent des renseignements plus nombreux et plus précis à ce sujet que ce que le rapport révèle. Par exemple, le rapport aborde les problèmes associés aux contrats conclus par la Croix-Rouge concernant le traitement des produits sanguins, l’entente finale que l’Ontario a conclue pour assumer les coûts supplémentaires associés à la renégociation de certains contrats et les négociations tenues en vue de signer d’autres contrats. Dans ses observations, l’Alberta identifie des documents qui donnent des renseignements plus approfondis sur cette question, notamment une lettre dans laquelle une province discute de son interprétation des modalités et des montants relatifs à l’engagement de l’Ontario, et une lettre dans laquelle Santé Canada propose des modifications précises au libellé d’un projet de contrat avec un tiers du secteur privé.

 

L’Alberta soutient que la divulgation de renseignements concernant les négociations et les modalités de contrats nuit à sa capacité de se livrer aux affaires gouvernementales de façon compétitive. Pour que les comités puissent remplir leurs tâches correctement, il leur a fallu obtenir des renseignements confidentiels et exclusifs de la part de tiers du secteur privé. Si ces organismes ne peuvent protéger des renseignements commerciaux confidentiels, ces tiers seront très réticents à en fournir à l’avenir.

 

Analyse

 

Dans un certain nombre de décisions, le CIPVP a confirmé l’application de l’alinéa 15 a) aux documents de comités intergouvernementaux, reconnaissant l’importance des rapports intergouvernementaux et la nécessité d’assurer la confidentialité de leurs travaux. Par exemple, dans l’ordonnance PO-2249, j’ai confirmé en ces termes une décision de refuser l’accès aux ordres du jour et aux procès-verbaux de réunions provinciales et territoriales de directeurs médicaux :

Selon les observations qui m’ont été fournies, je suis persuadée que les documents ont trait à des rapports intergouvernementaux. Les réunions des directeurs médicaux provinciaux et territoriaux dont traitent ces documents résultent de rapports entre leurs gouvernements visant à discuter de questions d’intérêt commun concernant le paiement des services médicaux.

Je suis également persuadée qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que la divulgation nuise à la poursuite de rapports intergouvernementaux. Les réunions ont pour objet général d’échanger des renseignements sur le paiement de services médicaux dans le cadre des différents régimes provinciaux et territoriaux d’assurance-maladie. J’accepte les observations du ministère et d’autres provinces et territoires selon lesquelles pendant ces discussions, des représentants des gouvernements fournissent des renseignements sur des négociations et sur des questions de financement et de gestion concernant leur régime. Bien que la plupart des renseignements fournis soient de nature factuelle, dans le sens où ils rendent compte de la façon dont sont traités certains services médicaux dans le cadre des divers régimes d’assurance-maladie, les participants peuvent également fournir des renseignements qui s’écartent de la position officielle de la province qu’ils représentent, ou qui rendent compte de négociations en cours ou de réflexions ou projets en matière de politiques.

Je reconnais également que les participants à ces réunions s’attendent à ce que leurs pourparlers se fassent à huis clos, ce qui leur permet d’échanger des points de vue et des renseignements en toute franchise sur les sujets abordés. Les procès-verbaux rendent compte de façon plutôt détaillée des observations des représentants provinciaux et territoriaux sur les sujets discutés. Je considère qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que la divulgation de renseignements contenus dans les documents se répercute sur la franchise des participants, réduise les échanges de renseignements et rende les participants plus réticents à poursuivre ces pourparlers informels.

D’après les observations des provinces et territoires, ces réunions représentent un moyen valable d’échanger des renseignements et de mettre à profit des rapports informels aux fins de l’élaboration de politiques sur le paiement des services médicaux. Il est raisonnable de s’attendre à ce que la divulgation des délibérations tenues lors de ces réunions nuise à ces échanges et, par conséquent, à la poursuite des rapports intergouvernementaux.

Je juge donc que l’alinéa 15 a) s’applique et permet la non-divulgation des ordres du jour, procès-verbaux et renseignements pertinents se trouvant dans les documents.

En dépit de cette analyse, je considère que la situation qui nous intéresse dans le présent appel s’écarte sous des aspects importants de celle dont traitent l’ordonnance PO-2249 de même que d’autres ordonnances dans lesquelles l’alinéa a) a été appliqué. Premièrement, comme le reconnaissent toutes les parties, la Commission Krever a mené un examen approfondi du système canadien d’approvisionnement en sang. Pour remplir son mandat, elle a dû examiner les travaux des comités mentionnés dans les documents. Parmi les sujets que la Commission a examinés, mentionnons « l’organisation et l’efficacité des systèmes actuels et antérieurs d’approvisionnement en sang et en produits du sang au Canada » (rapport, Introduction, p. 5).

Je partage le point de vue de l’Alberta, qui soutient que les documents contiennent des renseignements plus détaillés sur les discussions et les travaux des comités que ceux qui sont dévoilés dans le rapport. Cela n’a rien d’étonnant. En revanche, la Commission a révélé des faits sur les activités des comités intergouvernementaux qui, autrement, n’auraient pas été accessibles au public. Dans l’exercice de son mandat, la Commission a donc dû aller à l’encontre des attentes normales en matière de confidentialité concernant les travaux de ces comités.

 

En outre, en donnant des détails sur les activités des comités intergouvernementaux faisant partie du système d’approvisionnement en sang, la Commission a traité en profondeur de certaines questions que ces comités étaient chargés d’étudier. Ainsi, le rapport décrit certaines prises de position des représentants gouvernementaux sur des questions particulières. Par exemple, au chapitre 5, le rapport cite un procès-verbal de réunion relatant des discussions au sein du CCS sur les demandes de financement formulées par la Croix-Rouge en 1984 et 1985 (voir p. 118). Il mentionne les prises de position des représentants provinciaux sur la sélection d’un fournisseur de produits de fractionnement (chapitre 4, p. 83 à 88). En ce qui concerne l’éventualité de soumettre les dons de sang à des tests de dépistage du VIH, le rapport décrit les prises de position de certains représentants provinciaux au sein du CCS (chapitre 12, p. 356 à 362).

 

Le fait que la Commission ait examiné publiquement les pourparlers et le processus décisionnel du CCS et d’autres comités connexes témoigne des circonstances exceptionnelles dans lesquelles la Commission a été constituée et de la portée du mandat qui lui a été confié en conséquence.

 

Dans ce contexte, je conclus qu’on ne pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des documents en cause, qui ont trait à la gestion de l’approvisionnement en sang du Canada par l’entremise du CCS et d’autres comités de 1980 à 1986, nuise à la poursuite par l’Ontario de rapports intergouvernementaux au sens de l’alinéa 15 a).

 

À mon avis, en ce qui a trait aux travaux de comités intergouvernementaux, on peut soutenir que l’alinéa 15 a) protège contre deux préjudices distincts. Premièrement, la divulgation pourrait nuire aux travaux en cours d’un comité ou organisme gouvernemental existant. Deuxièmement, même si les travaux d’un comité ou d’un organisme ne sont pas en cause, leur divulgation pourrait nuire à la poursuite de rapports intergouvernementaux en général du fait que les gouvernements pourraient être plus réticents à partager des renseignements dans d’autres contextes.

 

Dans cet appel, il faut souligner que les comités dont les travaux sont décrits dans les documents n’existent plus, et que ces documents ont été créés il y a 18 à 24 ans environ. Le processus décisionnel abordé dans les documents a été conclu il y a bien longtemps. Il n’est donc pas possible que la divulgation nuise aux travaux actuels des comités identifiés dans les documents.

 

Il demeure possible que la divulgation des documents se répercute sur la volonté des gouvernements provinciaux et territoriaux de poursuivre des rapports intergouvernementaux dans l’intérêt public. C’est ce préjudice général que soulèvent les observations des provinces et du territoire qui s’opposent à la divulgation. Par exemple, l’Alberta souligne que la divulgation établirait un précédent qui mettrait en péril le fonctionnement de tous les comités et groupes d’études fédéraux-provinciaux-territoriaux.

 

Je considère que compte tenu des circonstances particulières visées dans cet appel, on ne peut raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des documents ait un tel résultat. Il se peut que les délibérations de nombreux comités intergouvernementaux soient considérées comme généralement confidentielles, mais les travaux des comités en cause dans cet appel ont fait l’objet d’un examen public approfondi de sorte que cette attente de confidentialité n’existe plus dans leur cas. Pour cette raison, je juge qu’il est peu probable que la divulgation de ces documents nuise aux rapports intergouvernementaux dans d’autres contextes. Si l’on tient compte également du fait que ces documents ont été créés il y a longtemps, les circonstances en cause m’apparaissent si exceptionnelles que je ne crois pas que la divulgation des documents créerait un précédent qui nuirait à la poursuite générale des rapports intergouvernementaux.

 

Je remarque également que les divers gouvernements qui ont siégé à ces comités sont loin d’être unanimes en ce qui concerne la divulgation des documents. Comme je l’ai indiqué, le gouvernement fédéral ne s’y oppose pas. Le ministère a refusé l’accès en invoquant l’alinéa 15 a) mais n’a fourni aucune observation (malgré le fait que le fardeau de la preuve repose sur lui en vertu de l’article 53). Quatre autres provinces et un territoire n’ont pas soumis d’observations et n’ont pas pris position sur cette question.

 

Fait intéressant, bien que cela ne concerne pas directement le présent appel, certains territoires ont prescrit des délais pour l’application d’exceptions fondées sur les rapports intergouvernementaux [voir la loi albertaine, Freedom of Information and Protection of Privacy Act, R.S.A. 2000, c. F-25, par. 21 (4) (15 ans), et celle de l’Î.-P.-É., Freedom of Information and Protection of Privacy Act, R.S.P.E.I. 1988, c. F‑15.01, par.19 (4) (20 ans)], ce qui donne à penser que l’on considère que le préjudice diminue avec le temps.

 

Dans mes conclusions, j’ai étudié attentivement les observations de l’Alberta et des autres gouvernements qui s’opposent à la divulgation pour ce qui est des questions soulevées en vertu de l’alinéa 15 a). Je juge que je n’ai pas à confirmer en l’espèce si tous les documents ont été déposés en preuve auprès de la Commission, et donc rendus publics. D’après le rapport et la liste des témoins (dont 14 ont fait un témoignage de vive voix sur le CCS et ses sous-comités), il semble que la Commission ait reçu de nombreux éléments de preuve sur ces comités. Que la totalité des documents aient été rendus publics ou non, je suis persuadée que les travaux des comités, tels que relatés dans les documents, ont fait l’objet de débats publics considérables.

 

Dans ses observations, l’Alberta mentionne la possibilité que certains documents n’aient pas été divulgués à la Commission parce qu’ils étaient privilégiés, sans fournir d’autres indications pour étayer son assertion. Je ne crois pas que ce soit le cas des documents en cause. Il n’y a pas de dispositions s’appliquant à un privilège général dans la loi. Certains privilèges précis sont reconnus (p. ex., le secret professionnel de l’avocat). Cependant, faute de précisions sur le privilège en question et son application, je ne peux accepter une assertion générale à ce sujet.

 

Je ne crois pas que les règles de procédure de la Commission concernant la confidentialité des documents reçus pendant l’enquête ont une incidence sur les questions dont je suis saisie. Ces règles s’appliquaient à la Commission et non aux questions visées par la Loi . Aucune autre conclusion ne me semble valable sur le plan légal.

 

L’Alberta mentionne également l’effet éventuel de la divulgation sur des instances judiciaires actuelles et futures. Cependant, cette province ne m’a fourni aucun renseignement sur des instances précises ni d’autre élément de preuve pour étayer cette préoccupation.

 

L’Alberta dit aussi redouter que s’ils étaient divulgués, les documents révéleraient des renseignements au sujet de tiers du secteur privé, et que si les organismes intergouvernementaux ne peuvent protéger les renseignements commerciaux confidentiels, ces tiers seront très réticents à en fournir à l’avenir. À mon avis, cette inquiétude concerne non pas l’alinéa 15 a), mais plutôt le paragraphe 17 (1) (renseignements de tiers). Comme je l’ai indiqué plus haut, pendant cette enquête, j’ai informé trois parties commerciales de cet appel et je les ai invitées à présenter des observations sur l’application du paragraphe 17 (1), dont je traite plus loin.

 

Pour conclure, je ne crois pas qu’il serait raisonnable de s’attendre à ce que les documents en cause nuisent à la poursuite de rapports intergouvernementaux par le gouvernement de l’Ontario ou ses établissements, au sens de l’alinéa 15 a).

 

Alinéa 15 b)

 

Comme je l’ai mentionné plus haut, le ministère a invoqué l’alinéa 15 b) pour refuser l’accès aux documents 256, 356, 814, 816, 1090, 1096, 1115, 1116, 1117, 1201 et 1247.

 

Le ministère n’a pas fourni d’observations sur l’application de l’alinéa 15 b). Les provinces et le territoire qui s’opposent à la divulgation soutiennent que dans le cadre des travaux des comités, des renseignements ont été créés ou échangés entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral en vertu d’attentes mutuelles de confidentialité. La teneur de ces observations est expliquée plus haut.

 

J’ai conclu que les autres gouvernements ne peuvent réclamer l’application de l’alinéa 15 b) aux documents que le ministère n’a pas soustrait à la divulgation en vertu de cette disposition, mais leurs observations demeurent pertinentes pour établir si le fait de refuser l’accès aux documents 256, 356, 814, 816, 1090, 1096, 1115, 1116, 1117, 1201 et 1247 est justifié en vertu de l’alinéa 15 b).

 

Je juge que la divulgation du document 256 ne révélerait pas de renseignements confidentiels confiés par un autre gouvernement ou par l’un de ses organismes. Ce document établit des prises de position adoptées par un comité intergouvernemental dans son ensemble, et ne révèle pas de renseignements provenant d’un gouvernement en particulier.

 

Le document 356 contient de la correspondance décrivant la position d’une province sur certaines questions. Même si je reconnaissais qu’il s’agit là de renseignements confiés par cette province, cette position a été abordée dans le rapport Krever. Pour cette raison, je considère que le document 356 ne révélerait pas de renseignements confidentiels confiés par cette province, ces renseignements étant déjà publics.

 

Pour les mêmes raisons, je ne suis pas persuadée non plus que la divulgation des documents 814, 816, 1115, 1116 et 1117 révélerait des renseignements confidentiels confiés par un autre gouvernement, car ces documents portent sur des sujets dont traite le rapport Krever.

 

À une exception près, je juge aussi que la divulgation des documents 1201 et 1247 (qui sont des doubles du même document) ne révélerait pas de renseignements confidentiels confiés par un autre gouvernement. Ces documents se composent d’un énoncé de principes rédigé par des employés d’un comité intergouvernemental sur la question des subventions accordées à l’industrie du fractionnement. L’exception à laquelle je fais allusion est une partie du rapport se composant d’un tableau décrivant les coûts réels que les provinces ont assumés pour acheter des produits du sang sur une période de deux ans. Il est raisonnable dans les circonstances, compte tenu des observations des parties, de conclure que les provinces ont révélé ces renseignements sous réserve d’attentes raisonnables en matière de confidentialité. En outre, il me semble que ces renseignements n’ont pas été rendus publics pendant l’enquête de la Commission Krever. Je juge donc que ce tableau (« annexe A ») est admissible à l’exception prévue à l’alinéa 15 b).

 

L’alinéa 15 b) est une exception discrétionnaire, c’est-à-dire que l’institution peut accepter ou refuser de divulguer les renseignements. Cependant, elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire. Dans le cadre d’un appel, le CIPVP peut déterminer si l’institution a exercé ce pouvoir ou non.

 

En outre, le CIPVP peut conclure que l’institution a erré en exerçant son pouvoir discrétionnaire, par exemple, si l’institution :

  • a agi de mauvaise foi ou à des fins erronées;

  • a pris en compte des facteurs qui ne sont pas pertinents;

  • a négligé de prendre en compte des facteurs pertinents.

Facteurs pertinents

 

Les facteurs pertinents à prendre en compte comprennent ceux qui sont énumérés ci-dessous. Cependant, tous ne seront pas nécessairement pertinents et, par ailleurs, des facteurs qui ne figurent pas dans la liste pourraient être pertinents [ordonnances P-344 et MO-1573] :

  • l’objet de la Loi , y compris les principes selon lesquels :
    • l’information doit être accessible au public,

    • les particuliers doivent avoir le droit d’accéder aux renseignements personnels qui les concernent,

    • les exceptions au droit d’accès doivent être limitées et précises,

    • la vie privée des particuliers doit être protégée;

  • le libellé de l’exception et les intérêts que celle-ci vise à protéger;
  • la question de savoir si l’auteur de la demande réclame l’accès aux renseignements personnels qui le concernent;
  • la question de savoir si l’auteur de la demande a besoin d’accéder aux renseignements pour des motifs impérieux ou humanitaires;
  • la question de savoir si l’auteur de la demande est un particulier ou un organisme;
  • la relation entre l’auteur de la demande et d’autres personnes concernées;
  • la question de savoir si, grâce à la divulgation, le public aura davantage confiance dans le fonctionnement de l’institution;
  • la nature des renseignements et la mesure dans laquelle ils sont importants ou délicats pour l’institution, l’auteur de la demande ou toute autre personne concernée;
  • l’âge des renseignements;
  • la pratique traditionnelle de l’institution relativement à des renseignements semblables.

En l’espèce, je juge que le ministère a négligé d’exercer son pouvoir discrétionnaire aux fins de l’application de l’alinéa 15 b), du fait que je n’ai pas reçu de renseignements sur les facteurs dont il a tenu compte pour appliquer cette disposition.

 

Dans une situation normale, je renverrais cette affaire au ministère pour qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur des critères valables [ordonnance MO-1573], du fait que le CIPVP ne peut exercer ce pouvoir de la part du ministère [paragraphe 54 (2)].

 

En l’occurrence, cependant, j’ai décidé de donner à l’appelant la possibilité de déterminer si, compte tenu des nombreux documents qui seront divulgués à la suite de ma décision, il souhaite toujours demander l’accès à l’annexe A des documents 1201 et 1247. Je m’en remets donc à l’appelant à ce sujet.

 

Je passerai maintenant à l’application du paragraphe 17 (1).

 

RENSEIGNEMENTS DE TIERS

 

Le paragraphe 17 (1) est libellé comme suit :

La personne responsable refuse de divulguer un document qui révèle un secret industriel ou des renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou qui ont trait aux relations de travail, dont le caractère confidentiel est implicite ou explicite, s’il est raisonnable de s’attendre à ce que la divulgation ait pour effet, selon le cas :

a)           de nuire gravement à la situation concurrentielle ou d’entraver gravement les négociations contractuelles ou autres d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une organisation;

b)          d’interrompre la communication de renseignements semblables à l’institution, alors qu’il serait dans l’intérêt public que cette communication se poursuive;

c)           de causer des pertes ou des profits indus à une personne, un groupe de personnes, un comité, une institution ou un organisme financiers;

d)          de divulguer des renseignements fournis à un conciliateur, un médiateur, un agent des relations de travail ou une autre personne nommée pour régler un conflit de relations de travail, ou de divulguer le rapport de l’une de ces personnes.

Le paragraphe 17 (1) est conçu pour protéger les « fonds de renseignements » confidentiels des entreprises ou d’autres organismes qui fournissent des renseignements aux institutions gouvernementales. Bien qu’un des principaux objets de la Loi  consiste à mettre en lumière les activités du gouvernement, le paragraphe 17 (1)  limite la divulgation à des tiers de renseignements confidentiels qui pourraient être exploités par un concurrent sur le marché [ordonnances PO-1805, PO-2018, PO‑2184, MO-1706].

 

Pour qu’un document puisse être visé par les exceptions prévues au paragraphe 17 (1), chacun des trois éléments du critère suivant doit être rempli :

1.                 Le document doit révéler un secret industriel ou des renseignements d’ordre scientifique, technique, commercial, financier ou qui ont trait aux relations de travail;

2.                 Les renseignements doivent avoir un caractère confidentiel implicite ou explicite;

3.                 La divulgation du document aurait pour effet probable de causer l’un des préjudices énoncés aux alinéas 17 (1) a), b), c) ou d).

En l’occurrence, le ministère s’est appuyé sur le paragraphe 17 (1) pour refuser l’accès à environ 170 documents qui demeurent en litige. Compte tenu de cette décision et de mon examen de la documentation aux fins de cet appel, j’ai informé trois parties commerciales, la Croix-Rouge et la Société canadienne du sang et je les ai invitées à me présenter des observations sur l’application du paragraphe 17 (1).

 

L’une des parties commerciales n’a pas soumis d’observations ni de position. La deuxième a déclaré qu’elle ne consent pas à la divulgation des documents dans lesquels, selon le ministère, elle a des intérêts, mais qu’elle n’avait pas l’intention de présenter d’observations. La troisième partie commerciale a souligné qu’elle s’oppose à la divulgation de documents dans lesquels elle a des intérêts, et qu’elle ne ferait pas non plus d’observations sur le paragraphe 17 (1).

 

Comme je l’ai indiqué, la Société canadienne du sang n’a pas pris position sur la divulgation des documents, et la Croix-Rouge y consent.

 

Dans ses observations, l’Alberta fait valoir notamment qu’elle est une partie concernée aux fins de l’application du paragraphe 17 (1).

 

En raison de la conclusion que j’ai tirée quant au troisième élément du critère à remplir pour que l’exception prévue au paragraphe 17 (1) s’applique, je dois aborder les deux premiers éléments de ce critère.

 

Troisième élément du critère : préjudices

 

En vertu de l’article 53  de la Loi , lorsqu’une institution refuse l’accès à la totalité ou à une partie d’un document, c’est à elle qu’il revient de prouver que ce dernier est visé par l’une des exceptions prévues dans la Loi . Les parties concernées qui invoquent l’exception prévue à l’article 17  pour s’opposer à la divulgation de renseignements partagent avec l’institution le fardeau de prouver que cette exception s’applique au document ou à une partie de ce document.

 

Pour répondre au troisième élément du critère d’application de l’exception prévue au paragraphe 17 (1), l’institution doit fournir des preuves détaillées et convaincantes démontrant que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation cause un préjudice. Il ne suffit pas de démontrer la possibilité d’un préjudice [Ontario (Workers’ Compensation Board) v. Ontario (Assistant Information and Privacy Commissioner) (1998), 41 O.R. (3d) 464 (C.A.)].

 

Dans cet appel, seule l’Alberta a fourni des observations sur la question de savoir si l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des renseignements contenus dans les documents cause les préjudices énumérés au paragraphe 17 (1). Elle soutient que les documents contiennent des renseignements confidentiels d’ordre commercial sur l’achat et la vente de produits du sang. Un certain nombre de documents contiennent des renseignements sur des contrats et la négociation de contrats, ainsi que des renseignements financiers connexes. D’après l’Alberta, la divulgation de ces documents nuirait gravement à sa position concurrentielle et à celle de tiers, au sens de l’alinéa 17 (1) a).

 

Invoquant l’alinéa 17 (1) b), l’Alberta soutient également que la divulgation entraînerait l’interruption de la communication de renseignements semblables, alors qu’il serait dans l’intérêt public que cette communication se poursuive.

 

En outre, l’Alberta affirme que l’alinéa 17 (1) c) s’applique du fait que la divulgation pourrait remettre en cause sa position et celle de tiers dans des instances judiciaires en cours et futures.

 

Parties commerciales concernées

 

Même si une partie qui s’oppose à la divulgation ne fournit pas une preuve détaillée et convaincante pour justifier l’application d’une exception, celle-ci peut quand même s’appliquer dans la mesure où d’autres indications témoignent d’un préjudice éventuel. Cependant, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’une telle décision pourrait être motivée par des facteurs autres que les documents en cause et les éléments de preuve fournis par une partie sur qui repose le fardeau de la preuve [ordonnance PO-2020].

 

Dans cet appel, les observations de l’Alberta sur la possibilité qu’il soit porté atteinte aux intérêts des parties commerciales sont très générales et ne tiennent pas compte du contexte précis qui nous intéresse. À mon avis, elles ne donnent pas de preuve détaillée et convaincante. Cela n’est pas étonnant du fait que ce sont ces tiers qui seraient les mieux placés pour démontrer qu’il pourrait être porté atteinte à leurs intérêts commerciaux. Or, ils ont décidé de ne pas le faire dans cet appel.

 

Par ailleurs, les préjudices décrits au paragraphe 17 (1) ne peuvent être établis à l’examen des documents eux-mêmes. Si l’on tient compte du fait que les renseignements qu’ils contiennent ont été créés il y a 18 à 24 ans et que nombre des questions qu’ils soulèvent ont fait l’objet d’un examen public approfondi par l’entremise de la Commission Krever, je ne crois pas que l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des documents entraîne les préjudices décrits au paragraphe 17(1).

 

Je juge donc qu’il n’existe pas de preuves détaillées et convaincantes selon lesquelles on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des documents entraîne l’un des préjudices décrits au paragraphe 17 (1) pour les parties commerciales concernées.

 

L’Alberta en tant que tiers au sens du paragraphe 17 (1)

 

Je ne crois pas que le paragraphe 17 (1) s’applique aux intérêts d’un gouvernement provincial étant donné l’exception prévue à l’article 15. Cependant, je n’ai pas à déterminer si l’Alberta peut l’invoquer car je juge que cette province ne remplit pas le troisième élément du critère à respecter pour que cette exception s’applique.

 

Compte tenu de l’âge des documents et des changements profonds qui ont été apportés au système d’approvisionnement en sang du Canada depuis leur création, je crois que l’on ne pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des renseignements que contiennent les documents nuise à la position concurrentielle de l’Alberta au sens de l’alinéa 17 (1) a). Pour les mêmes raisons, je ne crois pas non plus que l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation entraîne les préjudices indiqués aux alinéas 17 (1) b) et c).

 

Les observations de l’Alberta relativement à la possibilité que la divulgation lui nuise dans le cadre d’instances judiciaires sont d’ordre général et ne font état d’aucun cas précis. Il n’y a donc pas de preuves détaillées et convaincantes étayant l’assertion selon laquelle la divulgation des documents entraînerait des pertes ou des profits indus pour l’Alberta en raison de son incidence sur des instances judiciaires.

 

Pour conclure, il n’a pas été démontré que l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des documents expose les intérêts des parties commerciales concernées ou de l’Alberta à l’un des préjudices décrits au paragraphe 17 (1). Comme les trois éléments du critère d’application de l’exception prévue au paragraphe 17 (1) doivent être remplis, je considère que cette exception ne s’applique pas.

 

Avis relativement aux documents supplémentaires

 

Comme l’exception prévue au paragraphe 17 (1) est obligatoire, j’ai également déterminé si elle pourrait s’appliquer à l’un ou l’autre des documents toujours en litige pour lesquels le ministère ne l’a pas invoquée, et dont les parties concernées n’auraient donc pas eu l’occasion d’examiner l’application. J’ai également passé en revue les documents pour déterminer si d’autres parties concernées devraient être informées de cet appel.

 

Pendant mon examen, j’ai trouvé un document qui pourrait contenir des renseignements commerciaux concernant des parties supplémentaires qui n’ont pas encore été avisées (document 499), c’est-à-dire des prix fixés. Comme ce renseignement peut être séparé des autres renseignements contenus dans le document et que ceux-ci ne sont pas visés par l’exception, j’ordonne la divulgation partielle de ce document.

 

J’ai également identifié un document dont la divulgation pourrait vraisemblablement porter atteinte aux intérêts d’une des parties commerciales concernées et que cette partie n’a peut-être pas eu l’occasion d’examiner (document 611). Il semble s’agir d’un rapport au conseil d’administration de la partie commerciale analysant les possibilités de pénétration du marché du dosage immunologique.

 

Le document 756 pourrait vraisemblablement avoir trait aux intérêts d’autres parties à part celles qui ont déjà été informées. Son rapport avec la demande semble plus ténu que les autres documents en cause car il a trait au prix des vaccins.

 

Le document 1086 contient le procès-verbal d’une réunion tenue pour discuter de la renégociation d’un contrat avec l’une des parties commerciales touchées. Bien que d’autres documents concernant ce processus de renégociation aient été envoyés à cette partie pour examen, il n’est pas certain que ce document en particulier lui ait été fourni. Cependant, je crois qu’une partie du document (la première page, qui est une note d’accompagnement) ne fait pas l’objet d’une exception, et j’ordonnerai sa divulgation.

 

Pour conclure, je considère que le paragraphe 17 (1) ne peut être invoqué pour justifier la non-divulgation des documents en cause, à l’exception des documents mentionnés plus haut qui nécessitent des avis supplémentaires. En ce qui concerne ces documents, comme je l’ai fait pour ce qui a trait à l’alinéa 15 b), je m’en remets d’abord à l’appelant que j’invite à préciser s’il souhaite toujours y accéder.

 

Je traiterai maintenant de l’application du paragraphe 12 (1), l’exception concernant les documents du Conseil exécutif.

 

DOCUMENTS DU CONSEIL EXÉCUTIF

 

Le paragraphe 12 (1) est libellé comme suit :

La personne responsable refuse de divulguer un document qui aurait pour effet de révéler l’objet des délibérations du Conseil exécutif ou de ses comités, notamment :

a)           l’ordre du jour, le procès-verbal ou un autre relevé des délibérations ou des décisions du Conseil exécutif ou de ses comités;

b)          le document qui relate un choix de politiques ou des recommandations qui ont été ou qui seront présentées au Conseil exécutif ou à ses comités;

c)           le document qui ne relate pas le choix de politiques ou les recommandations visées à l’alinéa b) mais qui contient les données de base ou les études menées sur certaines questions qui ont été ou qui seront présentées au Conseil exécutif ou à ses comités comme guides dans l’élaboration de leurs décisions avant que ces décisions ne soient prises ou mises à effet;

d)          le document consulté ou qui est le fruit d’une consultation entre ministres de la Couronne sur des questions reliées à l’élaboration de décisions gouvernementales ou à la formulation de politiques gouvernementales;

e)           le document destiné à un ministre de la Couronne et qui concerne des questions qui ont été ou qui seront présentées au Conseil exécutif ou à ses comités ou qui font l’objet d’une consultation entre les ministres relativement aux décisions gouvernementales ou à la formulation des politiques gouvernementales;

f)           les projets de loi ou de règlement.

Le paragraphe 12 (2) prévoit des exceptions au paragraphe 12 (1) :

Malgré le paragraphe (1), la personne responsable ne doit pas refuser de divulguer un document en vertu de ce paragraphe si, selon le cas :

a)           le document date de plus de vingt ans;

b)          le Conseil exécutif concerné donne son consentement à la divulgation.

L’emploi du terme « notamment » au début du paragraphe 12 (1) signifie que tout document qui révélerait l’objet des délibérations du Conseil exécutif ou de ses comités (non seulement les types de documents énumérés dans cette disposition) fait l’objet d’une exception en vertu de cette disposition [ordonnances P-11, P-22 et P-331].

 

Un document qui n’a jamais été fourni au Conseil exécutif ou à ses comités pourrait faire l’objet d’une exception en vertu de la disposition liminaire du paragraphe 12 (1), si la divulgation de ce document avait pour effet de révéler l’objet des délibérations du Conseil exécutif ou de ses comités, ou de déduire avec exactitude la teneur de ces délibérations [ordonnances P-226, P-293, P-331, P-361 et P‑506].

 

Dans cet appel, le ministère a invoqué le paragraphe 12 (1) pour refuser l’accès à environ 70 des documents qui demeurent en litige. Le ministère n’a pas fait d’observations étayant l’application du paragraphe 12 (1), et j’ai examiné les documents pour déterminer si leur contenu pourrait m’aider à vérifier si cette exception obligatoire s’applique. D’après cet examen, je considère que bon nombre des documents auxquels le ministère a appliqué le paragraphe 12 (1) remontent à plus de 20 ans. Certains d’entre eux sont sans date, mais j’ai pu en déduire la date de création à partir de leur contenu et de leur lien apparent à d’autres documents.

 

Les documents suivants remontent à plus de 20 ans : 135 à 139, 268, 270, 357, 467, 484, 485, 486, 535, 536, 577, 578, 579, 740, 741, 794, 796, 798, 799, 801, 802, 861, 999, 1022, 1079, 1088, 1165, 1167, 1173, 1174, 1178, 1180, 1181, 1185, 1186, 1187, 1188, 1198, 1220, 1236, 1238, 1239, 1241 et 1256. Ces documents sont visés par l’exception prévue à l’alinéa 12 (2) a) et ne peuvent donc pas être visés par l’exception prévue au paragraphe 12 (1). Comme aucune autre exception ne s’applique à ces documents, j’ordonnerai leur divulgation.

 

Compte tenu du contenu des autres documents que j’ai examinés, je considère que la divulgation des documents suivants révélerait l’objet des délibérations du Conseil exécutif ou de ses comités, au sens du paragraphe 12 (1) : 555 à 559, 621, 763, 770, 1164, 1167, 1199, 1231, 1232, 1235, 1240, 1242, 1246, et 1248 à 1250. En vertu de cette disposition, ces documents ne doivent donc pas être divulgués.

 

Les cinq premières pages du document 1169 sont les mêmes que le document 1167, et je juge que ces pages ne doivent pas être divulguées pour les mêmes motifs. Cependant, le document 1169 contient des annexes supplémentaires qui, apparemment, n’ont pas trait aux délibérations du Conseil exécutif et dont la divulgation, selon moi, n’en révélerait pas l’objet. Je considère que ces annexes ne sont pas visées par l’exception prévue au paragraphe 12 (1). En l’absence d’autre exception applicable, j’ordonnerai la divulgation de trois annexes du document 1169.

 

RENSEIGNEMENTS PERSONNELS – ATTEINTE INJUSTIFIÉE À LA VIE PRIVÉE

 

Le ministère a invoqué le paragraphe 21 (1), l’exception fondée sur la vie privée, pour refuser l’accès aux documents 180, 310, 315, 398, 897, 942, 1197 et 1215.

 

Cette exception s’applique uniquement si les documents contiennent des « renseignements personnels » au sens de la Loi . Au paragraphe 2 (1) , cette expression est définie comme étant des renseignements consignés ayant trait à un particulier qui peut être identifié, et notamment le nom du particulier s’il figure parmi d’autres renseignements qui le concernent ou si sa divulgation risque de divulguer d’autres renseignements personnels au sujet du particulier.

 

Pour être considérés comme étant des renseignements personnels, les renseignements doivent concerner le particulier à titre personnel. En règle générale, les renseignements associés à un particulier dans un contexte professionnel, officiel ou commercial ne sont pas considérés comme étant des renseignements « ayant trait » à un particulier [ordonnances P-257, P-427, P-1412, P-1621, R-980015, MO-1550-F et PO-2225]. Dans l’ordonnance PO-2225, Tom Mitchinson, commissaire adjoint, a analysé la question en ces termes :

D’après les principes exprimés dans ces ordonnances, la première question qu’il faut se poser dans un cas tel que celui-ci est la suivante : « Dans quel contexte le nom des particuliers figure-il? ». Ce contexte est-il fondamentalement personnel, ou est-il commercial, personnel ou officiel et s’écarte-t-il de la sphère personnelle?

....

Pour poursuivre l’analyse, je dois également me demander : « Les renseignements en cause sont-ils de nature telle que s’ils étaient divulgués, ils révéleraient des données personnelles sur le particulier? » Même si les renseignements semblent se trouver dans un contexte commercial, leur divulgation révélerait-elle quelque chose de fondamentalement personnel?

D’après mon examen, je juge que les documents 180, 310, 398, 942, 1197 et 1215 contiennent des renseignements personnels ayant trait à des particuliers qui peuvent être identifiés. En plus de ceux qu’a relevés le ministère, je considère également que les documents 258, 452, 453, 583 et 584 contiennent de tels renseignements. Dans tous ces documents, je juge que les renseignements en question figurent dans un contexte personnel, et non commercial ou professionnel, ou s’ils figurent dans un contexte commercial ou professionnel, ils révèlent des données personnelles sur le particulier.

 

Le document 897 ne contient pas de renseignements personnels. Il se compose de correspondance dont tous les identificateurs personnels ont été enlevés. Le document 315 ne contient pas de renseignements personnels lui non plus, car son auteur et le destinataire agissaient à titre commercial ou professionnel et rien dans le document ne révèle quoi que ce soit de personnel sur ces particuliers. Comme les documents 897 et 315 ne contiennent pas de renseignements personnels, ils ne sont pas visés par l’exception prévue au paragraphe 21 (1).

 

En ce qui concerne les documents qui contiennent des renseignements personnels, lorsque l’auteur de la demande veut obtenir des renseignements personnels sur un autre particulier, le paragraphe 21 (1) en interdit la divulgation à moins que ne s’applique l’une des exceptions prévues aux alinéas 21 (1) a) à f). En vertu de l’alinéa 21 (1) f), la divulgation est interdite à moins qu’elle ne constitue pas une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

Les paragraphes 21 (2)  et (3)  de la Loi  donnent des critères permettant de déterminer si la divulgation entraînerait une atteinte injustifiée à la vie privée. Le paragraphe 21 (2)  donne des critères que la personne responsable doit envisager dans ce but. Le paragraphe 21 (3)  énumère les types de renseignements dont la divulgation est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée.

 

Je n’ai reçu aucune observation sur la question de savoir si la divulgation des renseignements personnels contenus dans les documents représenterait une atteinte injustifiée à la vie privée. Pour que l’exception ne s’applique pas à ces renseignements dans cet appel, je dois, comme je l’ai souligné, être convaincue que la divulgation ne représenterait pas une telle atteinte. En l’absence d’observations ou de preuves à ce sujet, je ne suis pas tenue de déterminer si les renseignements pourraient être visés par l’une des présomptions du paragraphe 21 (3) ou si l’un des critères favorisant la protection de la vie privée du paragraphe 21 (2) s’applique. Je ne peux pas affirmer que la divulgation ne représenterait pas une atteinte injustifiée à la vie privée. Par conséquent, je considère que l’alinéa 21 (1) f) s’applique pour empêcher que les renseignements personnels se trouvant dans les documents ne soient divulgués.

 

Cependant, je juge que les renseignements personnels contenus dans les documents 310, 398, 452, 453, 583 et 584 peuvent en être facilement extraits. Comme aucune autre exception ne s’applique au reste des renseignements, j’ordonnerai leur divulgation.

 

En résumé, les documents 315 et 897 ne font pas l’objet d’une exception aux termes du paragraphe 21 (1) ou de toute autre disposition. Le paragraphe 21 (1) s’applique dans le cas de parties des documents 310, 398, 452, 453, 583 et 584 et de la totalité des documents 180, 258, 942, 1197 et 1215.

 

AUTRES QUESTIONS

 

Article 22

 

L’alinéa 22 a) est libellé comme suit :

La personne responsable peut refuser de divulguer un document si, selon le cas :

a)           le document ou les renseignements qu’il comporte ont déjà été publiés ou sont accessibles au public;

Pour que cette disposition s’applique, l’institution doit pouvoir démontrer que le document est accessible au grand public au moyen d’un mécanisme régularisé, comme une bibliothèque publique ou un centre de publications gouvernementales [ordonnances P-327 et P-1387].

 

Comme je l’ai indiqué plus haut, l’une des parties commerciales concernées soutient que des documents n’ont pas à être divulgués en raison de l’exception prévue à l’alinéa 22 a), du fait que de nombreux documents ont déjà été « publiés » en étant déposés en preuve devant la Commission Krever.

 

Le ministère avait soutenu au départ que l’alinéa 22 a) s’appliquait, mais il a retiré cette assertion. Comme l’article 15, l’alinéa 22 a) est une exception discrétionnaire. Pour les mêmes raisons que j’ai exposées plus haut concernant l’alinéa 15 b), je considère qu’une partie concernée ne peut invoquer l’alinéa 22 a) si l’institution a refusé de le faire elle-même.

 

Effet des lois d’autres provinces

 

Dans leurs observations, certaines provinces ont soutenu que l’accès à ces documents serait refusé en vertu de la disposition équivalant à l’article 15 de leurs lois sur l’accès à l’information. Certaines ont joint les dispositions applicables sur leur territoire.

 

J’ai passé en revue les dispositions en question, qui prévoient toutes une exception permettant la non-divulgation pour protéger les rapports intergouvernementaux. Elles ressemblent à l’article 15 car elles confèrent le pouvoir discrétionnaire de refuser l’accès en raison d’une atteinte possible aux rapports intergouvernementaux, bien que certaines d’entre elles prévoient que la divulgation de certains types de renseignements reçus d’un autre gouvernement nécessite le consentement de ce dernier. Comme je l’ai déjà souligné, il est intéressant de constater que dans certaines provinces, l’exception fondée sur les rapports intergouvernementaux ne s’applique pas à des renseignements contenus dans un document créé il y a plus d’un certain nombre d’années.

 

Les observations des provinces sur cette question ne vont pas jusqu’à laisser entendre que je doive appliquer les dispositions qui s’appliquent sur leur territoire et, de toute évidence, je dois envisager en l’espèce l’application de dispositions précises de la Loi  ontarienne à des documents dont le ministère a la garde. L’une des provinces considère que par « courtoisie », l’Ontario devrait traiter comme elle le ferait les renseignements issus de rapports intergouvernementaux.

 

Globalement, ce serait un objectif louable d’assurer l’application uniforme d’exceptions semblables formulées dans les différentes lois sur l’accès à l’information en vigueur au Canada. On pourrait soutenir que ce serait particulièrement souhaitable dans le cas d’une exception qui reconnaît et favorise la coopération provinciale et fédérale, comme dans le cas de l’article 15 et de ses équivalents. Cependant, il faut également reconnaître que chaque législature a établi une formulation particulière de l’exception protégeant les rapports intergouvernementaux, qui se reflète dans son application aux documents visés. Par exemple, dans certaines provinces, l’équivalent de l’alinéa 15 b) est une exception obligatoire, alors que dans d’autres, y compris en Ontario, elle est discrétionnaire.

 

En outre, soulignons que l’équivalent de l’alinéa 15 a) est discrétionnaire partout au Canada. Il est donc possible que différents gouvernements arrivent à des résultats différents au moment d’appliquer cette exception discrétionnaire à des documents semblables, selon les circonstances.

 

Je n’ai donc pas à déterminer si les documents en cause feraient l’objet d’une exception en vertu des lois d’autres provinces. Je dois me prononcer sur l’application de la Loi à des documents en Ontario, et le traitement hypothétique de documents semblables dans un autre territoire de compétence n’a aucun effet sur ma décision. Je conclus donc que les dispositions législatives que j’ai mentionnées me sont utiles à titre d’information mais n’ont pas d’effet sur mes conclusions en ce qui concerne l’application de l’article 15 dans cet appel.

 

Effet de la Loi sur les archives du Québec

 

Dans ses observations, le Québec soutient que certains documents (c’est-à-dire de la correspondance provenant du ministre de la Santé du Québec en poste à l’époque) ont été déposés aux Archives nationales du Québec et que l’accès à ces documents est restreint jusqu’en 2008 en vertu de la Loi sur les archives du Québec.

 

Aucune autre observation n’a été fournie à ce sujet. J’ai passé en revue la Loi sur les archives annexée aux observations du Québec, dont un article avait été mis en évidence à mon intention. Cette loi porte généralement sur la conservation de documents dans des archives publiques et privées dans la province de Québec. L’article mis en évidence énumère les circonstances dans lesquelles certains documents dont la non-divulgation est prévue aux termes des lois québécoises sur l’accès à l’information peuvent quand même être divulgués. Je n’ai rien trouvé dans cette disposition ou ailleurs dans la Loi sur les archives qui empêche la divulgation des documents dont je suis saisie en vertu des dispositions de la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée  de l’Ontario , et rien dans les observations du Québec n’étaye pareille conclusion. Je juge donc que c’est la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée  et non la Loi sur les archives du Québec qui est déterminante dans cet appel.

ORDONNANCE

1.            J’ordonne la divulgation intégrale de tous les documents, sauf les documents 180, 258, 310, 398, 452, 453, 499, 555 à 559, 583, 584, 611, 621, 763, 756, 770, 942, 1086, 1164, 1167, 1169, 1197, 1199, 1201, 1215, 1231, 1232, 1235, 1240, 1242, 1246, 1247 et 1248 à 1250. Les documents 68 à 79, 774, 777, 778, 779 et 1214 ne sont pas visés par la demande ni par la présente ordonnance.

2.            J’ordonne la divulgation des documents 1201 et 1247, sauf l’annexe A.

3.            J’ordonne la divulgation du document 1169, sauf sept pages.

4.            J’ordonne la divulgation des documents 310, 398, 452, 453, 583 et 584, sauf les renseignements personnels qu’ils contiennent.

5.            J’ordonne la divulgation du document 499, à l’exception de l’information sur les prix figurant aux deux premières pages.

6.            J’ordonne la divulgation de la première page du document 1086.

7.            Pour éviter toute confusion, j’ai surligné les parties à extraire des documents 310, 398, 452, 453, 499, 583, 584, 1086 et 1169 sur les copies envoyées au ministère avec la présente ordonnance.

8.            Les copies des documents à divulguer doivent être envoyées à l’appelant d’ici le 29 mars 2005, mais pas avant le 18 mars 2005.

9.            Pour vérifier la conformité à la présente ordonnance, je me réserve le droit d’obliger le ministère à me remettre une copie de tous les documents divulgués à l’appelant aux termes des dispositions précédentes.

10.        En ce qui concerne les parties des documents 499, 1086, 1201 et 1247 et la totalité des documents 611 et 756, au sujet desquels il y a lieu de fournir un autre avis aux parties concernées, je m’en remets à l’appelant. Si ce dernier veut toujours obtenir l’accès à ces documents, je lui demande de m’en informer par écrit au plus tard le 12 avril 2005.

 

 

 

 

 

Original signé par _______     _                                              ______ Le 22 février 2005______
Sherry Liang
Arbitre


 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.