Access to Information Orders

Informations sur la décision

Contenu de la décision

ORDONNANCE PO-1670

 

Appel PA‑980183‑1

 

Ministère des Services sociaux et communautaires


 

CONTEXTE

 

Le ministère des Services sociaux et communautaires (le «ministère») régit le système ontarien d’adoptions privées et internationales en vertu de la Loi sur les services à lenfance et à la famille. Lorsqu’une adoption internationale est prévue, une travailleuse sociale ou un travailleur social approuvé par le ministère fait une étude du milieu familial où vivent les auteurs de la demande. La travailleuse sociale ou le travailleur social fait ensuite une recommandation au ministère indiquant si, à son avis, l’auteur de la demande est apte à adopter un enfant. Le ministère examine ensuite le rapport d’étude du milieu familial et, compte tenu de la recommandation, décide d’approuver ou non la demande. Lorsqu’il approuve l’adoption, le ministère délivre une lettre de recommandation à cet effet.

 

Les parents adoptifs éventuels ont plusieurs options. Ils peuvent présenter une demande au Bureau national d’adoption, un organisme du gouvernement fédéral, essayer par leurs propres moyens de trouver un enfant dans un autre pays ou demander de l’aide de particuliers ou d’organismes approuvés par le ministère. Ils peuvent également retenir les services d’un facilitateur indépendant, lorsque l’adoption n’est pas conclue en Ontario. Les services des facilitateurs indépendants spécialisés en adoption internationale ne sont pas réglementés par le ministère.

 

L’appelante voulait adopter un enfant dans un pays étranger. Une travailleuse sociale approuvée par le ministère a mené une étude du milieu familial de l’appelante et présenté son rapport au ministère, recommandant que la demande soit approuvée. Le ministère a accepté la recommandation de la travailleuse sociale et délivré une lettre de recommandation. Par la suite, la travailleuse sociale a procédé à une seconde étude du milieu familial et présenté un second rapport au ministère. Malgré certains problèmes de santé mentionnés dans le second rapport, la travailleuse sociale a de nouveau recommandé que le ministère approuve la demande, ce qu’a fait le ministère, qui a délivré une seconde lettre de recommandation.

 

Peu après que le ministère a délivré la seconde lettre de recommandation, l’appelante a retenu les services d’une firme de facilitateurs indépendants exploitée par deux particuliers (les «principaux intéressés») pour trouver un enfant qui conviendrait et représenter l’appelante auprès des autorités canadiennes ou étrangères pendant le processus d’adoption.

 

Quelques mois après avoir été engagés par l’appelante, les principaux intéressés ont envoyé un message électronique à deux autres personnes représentant deux organismes (les troisième et quatrième personnes touchées). Dans ce message, les principaux intéressés faisaient état de plaintes et de préoccupations concernant l’appelante. Ils donnaient des précisions sur la situation personnelle de celle-ci et la demande d’adoption, et parlaient de discussions qu’ils avaient eues avec elle. La même journée, les principaux intéressés ont envoyé au ministère une copie papier de leur message électronique, accompagnée d’une lettre explicative qui exposait également les communications qu’ils avaient eues avec l’appelante, mais de façon plus sommaire.

 

NATURE DE LAPPEL

 

L’appelante a présenté une demande d’accès aux deux documents présentés au ministère, à savoir le message électronique et la lettre d’accompagnement, en vertu de la Loi sur laccès à linformation et la protection de la vie privée (la «Loi»).

 

Le ministère a refusé l’accès aux deux documents, invoquant les exceptions prévues à l’article 20 (menace à la santé ou à la sécurité) ainsi qu’à l’article 21 et à l’alinéa 49 b) (vie privée) de la Loi. Il a notamment cité les critères touchant la protection de la vie privée énumérés aux alinéas 21 (2) f) (renseignements d’une nature très délicate) et h) (renseignements communiqués à titre confidentiel) ainsi que la présomption de l’alinéa 21 (3) g) (recommandations ou évaluations personnelles). Le ministère a également cité l’alinéa 21 (1) b) (situation d’urgence touchant la santé et la sécurité), mais a ultérieurement retiré son recours à cette disposition.

 

L’appelante a interjeté appel de la décision du ministère. Dans sa lettre d’appel, elle fait des observations détaillées sur l’application des exceptions précitées. Au besoin, j’y reviendrai ultérieurement dans le cadre de mon analyse des enjeux.

 

J’ai envoyé un avis d’appel, énumérant les questions, au ministère, à l’appelante, aux principaux intéressés, aux troisième et quatrième personnes touchées et à la travailleuse sociale (la cinquième personne touchée). J’ai reçu des observations de toutes les parties.

 

Les troisième et quatrième personnes touchées ont toutes deux indiqué qu’à leur avis, la divulgation des documents ne nuirait pas à leurs intérêts. Quant à la cinquième personne touchée, elle s’opposait à la divulgation de renseignements personnels la concernant uniquement dans la mesure où ces renseignements pourraient comporter une évaluation personnelle de la façon dont elle s’était acquitté de ses fonctions de praticienne en adoption privée.

 

ANALYSE

 

RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

 

Il faut d’abord décider si les documents en question contiennent des renseignements personnels et, dans l’affirmative, qui ils concernent. Le paragraphe 2 (1) de la Loi définit ainsi les renseignements personnels :

 

«Renseignements consignés ayant trait à un particulier qui peut être identifié. S’entend  notamment :

 

[...]

 

e)                  de ses opinions ou de ses points de vue personnels, sauf s'ils se rapportent à un autre particulier,

 

[...]

 

g)                  des opinions et des points de vue d'une autre personne au sujet de ce particulier,

 

h)                  du nom du particulier, s'il figure parmi d'autres renseignements personnels qui le concernent, ou si sa divulgation risque de révéler d'autres renseignements personnels au sujet du particulier.»

 

Les deux documents contiennent des renseignements personnels concernant l’appelante et les principaux intéressés. Ils contiennent les opinions ou les points de vue des principaux intéressés au sujet de l’appelante [alinéa g)], les opinions ou les points de vue des principaux intéressés sur des questions autres que l’appelante [alinéa e)] et des renseignements détaillés concernant les interactions entre les principaux intéressés et l’appelante [alinéa (h)].

 

Ces documents contiennent également les noms des troisième, quatrième et cinquième personnes touchées. Je conclus que la divulgation de ces noms dans les documents révélerait d’autres renseignements personnels au sujet des personnes concernées, au sens de l’alinéa h) de la définition de «renseignements personnels», notamment des renseignements sur leurs interactions avec les principaux intéressés. Par conséquent, les documents contiennent aussi des renseignements personnels concernant la troisième, la quatrième et la cinquième personnes touchées.

 

L’appelante soutient que les renseignements associés aux principaux intéressés ne concernent pas ces personnes puisqu’ils ont trait à une entité commerciale. À mon avis, bien que les principaux intéressés exploitent leur entreprise sous un nom commercial, les renseignements contenus dans ces documents, même s’ils sont associés à leur organisme, les concernent au premier chef à titre de personnes physiques [ordonnance 113]. Ce raisonnement s’applique également aux renseignements concernant les troisième, quatrième et cinquième personnes touchées et à leurs entreprises ou associations.

 

POUVOIR DE REFUSER L’ACCÈS AUX RENSEIGNEMENTS PERSONNELS CONCERNANT L’AUTEUR DE LA DEMANDE

 

Introduction

 

Le paragraphe 47 (1) de la Loi accorde aux particuliers un droit général d’accès aux renseignements personnels qui les concernent et dont une institution a la garde ou le contrôle. L’article 49 prévoit un certain nombre d’exceptions à ce droit. Ainsi, en vertu de l’alinéa 49 b), la personne responsable peut refuser de divulguer des renseignements personnels qui concernent l’auteur de la demande «si la divulgation constitue une atteinte injustifiée à la vie privée d'un autre particulier». En outre, aux termes de l’alinéa 49 a), la personne responsable peut refuser de divulguer des renseignements personnels qui concernent l’auteur de la demande lorsque l’exception prévue à l’article 20 (menace à la santé ou à la sécurité) s’applique à ces renseignements.

 

Le ministère a refusé d’accorder l’accès aux documents en vertu de l’alinéa 49 b) et de l’article 20. J’analyse chacune de ces deux questions ci-dessous.

 

Menace à la santé ou à la sécurité

 

L’article 20 est libellé comme suit :

 

«La personne responsable peut refuser de divulguer le document dont la divulgation aurait pour effet probable de compromettre gravement la santé ou la sécurité d'un particulier.»

 

Le ministère a soutenu qu’en l’espèce, il y a eu des allégations selon lesquelles des menaces auraient été proférées et que, dans les circonstances, les documents ne devaient pas être divulgués.

 

Les principaux intéressés ont déclaré que les documents ont été créés et présentés au ministère à la suite de harcèlement, sous forme d’appels de menace répétés, de la part de l’appelante. Ils ont allégué que l’appelante avait menacé de les poursuivre en justice et de les «discréditer», ce qui leur aurait causé des torts de nature financière. En outre, ils ont soutenu que l’appelante avait également proféré des menaces physiques à leur endroit, menaces qui ont été enregistrées par leur répondeur téléphonique.

 

Les principaux intéressés ont présenté au Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée une bande qui contient les menaces alléguées. Cette bande contient deux messages. Après les avoir attentivement étudiés, je conclus que l’appelante a effectivement menacé d’entamer des poursuites judiciaires contre les principaux intéressés, mais qu’elle n’a pas proféré de menaces physiques.

 

L’appelante soutient qu’il n’y a pas de «lien» entre les documents et la «menace alléguée à la sécurité». Elle dit également : «Si j’avais menacé les principaux intéressés ou si je leur avais donné un motif de craindre pour leur sécurité personnelle, il aurait été logique qu’ils prennent des mesures pour résoudre le problème. Des accusations criminelles ou, à tout le moins, une injonction, auraient été appropriées. Or, ils n’ont pas pris de telles mesures.»

 

À mon avis, il est improbable que la divulgation des documents compromette gravement la santé ou la sécurité des principaux intéressés. Comme l’appelante, je crois que si les principaux intéressés avaient pris les menaces physiques au sérieux, ils auraient probablement pris des mesures judiciaires pour se protéger et auraient notamment communiqué avec la police ou demandé une injonction. En outre, puisque la bande du répondeur téléphonique ne révèle aucune menace physique, je ne suis pas convaincu que l’appelante en a proférées.

 

Vie privée

 

Introduction

 

L’article 21 énonce les critères à suivre pour déterminer si la divulgation de documents constitue une atteinte injustifiée à la vie privée au sens de l’alinéa 49 b).

 

La divulgation du genre de renseignements énoncés au paragraphe 21 (3) est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée. La Cour divisionnaire a déclaré que si l’une des présomptions s’applique, les renseignements personnels peuvent être divulgués uniquement s’ils tombent sous le coup du paragraphe 21 (4) ou si, conformément à l’article 23, «la nécessité manifeste de divulguer le document dans l'intérêt public l'emporte» [John Doe v. Ontario (Information and Privacy Commissioner) (1993), 13 O.R. (3d) 767].

 

Si aucune des présomptions énoncées au paragraphe 21 (3) ne s’applique, je dois, aux termes du paragraphe 21 (2), tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, notamment de facteurs autres que ceux précisés à l’article 21, pour déterminer si la divulgation constitue une atteinte injustifiée à la vie privée.

Les observations qu’a présentées le ministère à l’appui des exceptions de l’alinéa 49 b) et de l’article 21 ne touchent que la vie privée des principaux intéressés. Même si les documents contiennent des renseignements personnels qui concernent les troisième, quatrième et cinquième personnes touchées, je conclus que l’alinéa 49 b) et l’article 21 ne peuvent pas s’appliquer aux renseignements, compte tenu des observations faites par ces particuliers et de mon examen des documents. Mon analyse de la question de la vie privée se limitera donc aux intérêts des principaux intéressés.

 

Paragraphe 21 (3)

 

Le ministère fait fond sur différentes dispositions des paragraphes 21 (2) et (3) pour étayer sa décision. En ce qui concerne le paragraphe 21 (3), il soutient que la présomption énoncée à l’alinéa g) s’applique à des parties du document. L’alinéa 21 (3) g) est libellé comme suit :

 

«Est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée, la divulgation de renseignements personnels qui, selon le cas :

 

[...]

 

g)         comportent des recommandations ou des évaluations personnelles, des renseignements ayant trait à la moralité ou à des évaluations de personnel;»

 

Le ministère soutient que les renseignements contenus dans les documents sont de nature évaluative, en ce qu’ils constituent des opinions exprimées sur l’appelante.

 

Pour être qualifiés  de «recommandations», d’«évaluations personnelles», de «renseignements ayant trait à la moralité» ou d’«évaluations de personnel», les renseignements personnels contenus dans les documents doivent concerner l’appelante, en vertu de l’alinéa g) de la définition de «renseignements personnels» au paragraphe 2 (1) de la Loi. Par conséquent, on ne peut présumer que la divulgation du document constitue une atteinte injustifiée à la vie privée de particuliers autres que l’appelante, au sens des alinéas 49 b) et 21 (3) g). La présomption énoncée à l’alinéa 21 (3) g) ne s’applique donc pas. Aucune autre présomption ne peut s’appliquer dans les circonstances et, partant, le paragraphe 21 (3) ne s’applique pas aux documents.

 

Paragraphe 21 (2)

 

Le ministère invoque également les facteurs énumérés aux alinéas 21 (2) f) et h), soutenant que ces facteurs indiquent que la divulgation constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée des principaux intéressés. Ces dispositions sont libellées comme suit :

 

«Aux fins de déterminer si la divulgation de renseignements personnels constitue une atteinte injustifiée à la vie privée, la personne responsable tient compte des circonstances pertinentes et examine notamment si :

 

[...]

 

f)         les renseignements personnels sont d'une nature très délicate;

 

[...]

 

h)         le particulier visé par les renseignements personnels les a communiqués à l'institution à titre confidentiel;»

 

Le ministère soutient que :

 

[TRADUCTION]

[...] les documents ont été communiqués au ministère «à titre confidentiel» par les principaux intéressés et, partant, leur divulgation constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée des principaux intéressés... Les renseignements personnels sont également d’une «nature très délicate» en regard de la gravité des allégations et des opinions négatives que les principaux intéressés expriment au sujet de l’appelante.

 

Paragraphe 21 (2) f)

 

Pour que des renseignements personnels soient considérés comme des renseignements de «nature très délicate» au sens de l’alinéa 21 (2) f), il faut établir que leur divulgation risque de causer une détresse personnelle excessive aux particuliers mentionnés dans les documents [ordonnance P-434]. La plupart des renseignements contenus dans les documents sont des renseignements que connaissait déjà l’appelante par ses interactions avec les principaux intéressés et d’autres personnes. Par exemple, dans certains cas, les principaux intéressés parlent de déclarations faites par l’appelante. D’autres renseignements personnels contenus dans les documents, comme les opinions ou les points de vue exprimés par les principaux intéressés au sujet de l’appelante, pourraient être qualifiés de renseignements de «nature délicate». Or, dans les circonstances, je suis convaincu que l’appelante était déjà au fait de la nature de ces opinions ou points de vue, étant donné les antécédents de leurs relations. Je ne suis pas convaincu que la divulgation des opinions ou des points de vue spécifiques  soit susceptible de causer chez les principaux intéressés une détresse personnelle excessive. Je conclus donc que l’alinéa 21 (2) f) n’est pas un facteur pertinent.

 

Cette conclusion comporte toutefois certaines exceptions. Certains renseignements contenus dans les documents sont de nature très délicate en l’espèce. Il s’agit des renseignements qui ont trait aux questions personnelles qui sont vaguement associées aux affaires entre les principaux intéressés et l’appelante. Par conséquent, je conclus que l’alinéa 21 (2) f) s’applique à ces renseignements et en empêche la divulgation.

 

Alinéa 21 (2) h)

 

L’alinéa 21 (2) h) s’applique si «le particulier visé par les renseignements personnels les a communiqués à l'institution à titre confidentiel». Je remarque que le message électronique contient une déclaration selon laquelle les renseignements qu’il contient sont strictement personnels et confidentiels («this information is strictly private and confidential»), tandis que la lettre d’accompagnement n’en contient pas. Cependant, la présence ou l’absence d’une note de confidentialité n’est pas déterminante dans ce cas. À mon avis, l’alinéa 21 (2) h) s’applique si le particulier qui communique les renseignements et le destinataire s’attendent tous deux à ce que les renseignements soient traités comme des renseignements confidentiels et que cette attente soit raisonnable dans les circonstances. Ainsi, l’alinéa 21 (2) h) exige que l’on évalue de manière objective si la confidentialité attendue est raisonnable.

 

À mon avis, les attentes des principaux intéressés lorsqu’ils ont communiqué les documents au ministère n’étaient pas raisonnables dans les circonstances. Premièrement, la majeure partie des renseignements importants sont contenus dans le message électronique et non dans la lettre. Les principaux intéressés ont envoyé le message électronique non seulement au ministère, mais également aux troisième et quatrième personnes touchées. Or, rien n’indique qu’il existait une relation de nature confidentielle entre les principaux intéressés et les troisième et quatrième personnes touchées. Ce fait est démontré par les déclarations des troisième et quatrième parties qui soutiennent que la divulgation des documents ne nuirait pas à leurs intérêts. En outre, le ministère n’a pas prouvé qu’il y avait entente de confidentialité des documents au moment de leur réception. Ce n’est pas surprenant, puisque ces documents ont été remis au ministère sans être sollicités. Ainsi, en divulguant le message électronique au ministère et à d’autres personnes, les principaux intéressés se sont conduits d’une manière qui va à l’encontre d’une relation de confidentialité entre eux-mêmes et le ministère. La lettre contient très peu de renseignements importants par comparaison au message électronique et ces renseignements sont très semblables à ceux contenus dans ce message. Par conséquent, je conclus que l’alinéa 21 (2) h) n’est pas un facteur pertinent dans les circonstances.

 

Dans l’ordonnance P-1436, l’arbitre Laurel Cropley a déclaré ce qui suit relativement aux références données par des particuliers dans le cadre d’une étude du milieu familial aux fins d’une adoption :

 

[TRADUCTION]

Je conclus que, pour protéger les intérêts des enfants qui seront éventuellement adoptés, l’étude du milieu familial doit comporter un certain degré de confidentialité pour les particuliers qui fournissent des références concernant les parents adoptifs éventuels.

 

À mon avis, l’affaire visée par l’ordonnance P-1436 diffère de la présente. Dans le premier cas, la confidentialité était garantie aux personnes donnant des références, qui ont indiqué qu’elles n’auraient pas donné ces renseignements si elles n’avaient pas reçu cette assurance. L’arbitre a conclu que la confidentialité doit être maintenue pour assurer que d’autres personnes donnent des références dans l’avenir sans craindre d’être identifiées et de voir leurs opinions communiquées aux parents adoptifs éventuels. Dans le présent cas, l’appelante connaît parfaitement l’identité des particuliers qui ont communiqué les renseignements (les principaux intéressés). En outre, les renseignements n’ont pas été communiqués au ministère à la demande de celui-ci et n’ont pas été fournis dans le cadre du processus d’adoption (le ministère a soutenu qu’il n’avait pas pour pratique de faire intervenir les facilitateurs dans le processus d’adoption ni de leur demander des évaluations). Par conséquent, à mon avis, l’effet «dévastateur» qu’aurait la divulgation sur le processus d’évaluation aux fins d’une adoption dont l’arbitre parle dans l’ordonnance P-1436 ne se produirait pas en l’espèce.

 

Alinéa 21 (2) e)

 

J’ai conclu plus haut que la divulgation ne risquait pas de menacer la santé ou la sécurité des principaux intéressés au sens de l’article 20. Le facteur dont il est question à l’alinéa 21 (2) e) concerne le fait que le particulier visé par les renseignements personnels risque d'être injustement lésé dans ses intérêts «pécuniaires ou autres», c’est-à-dire physiques, mentaux ou économiques. Pour les motifs exposés plus haut, sous l’article 20, je ne suis pas persuadé qu’à cause de la divulgation, les principaux intéressés auraient pu être lésés physiquement. Certes, ils pourraient connaître des difficultés économiques à cause de poursuites judiciaires éventuelles, mais on ne peut pas dire qu’ils seraient «injustement» lésés dans leurs intérêts économiques. Au demeurant, le lien entre les difficultés économiques possibles et la divulgation de ces documents est pour le moins ténu. Enfin, je ne suis pas convaincu, compte tenu des documents que j’ai devant moi, que les principaux intéressés seraient mentalement lésés à cause de la divulgation de ces documents. Je conclus donc que le facteur énoncé à l’alinéa 21 (2) e) n’est pas non plus pertinent à la présente affaire.

 

Facteurs favorisant la divulgation de renseignements personnels de «nature très délicate»

 

J’ai conclu plus haut que certains renseignements contenus dans les documents sont de nature très délicate et que ce facteur de l’alinéa 21 (2) f) empêche la divulgation. L’appelante n’a pas cité de facteurs particuliers qui favoriseraient la divulgation et l’emporteraient sur cette disposition. Dans les circonstances, je conclus qu’aucun facteur ne l’emporte sur le facteur important énoncé à l’alinéa 21 (2) f).

 

Conclusion

 

Comme j’ai constaté que le paragraphe 21 (3) ne s’applique pas à la présente affaire et qu’aucun des facteurs énoncés au paragraphe 21 (2) n’empêche la divulgation des documents, les exceptions prévues à l’article 21 et à l’alinéa 49 b) ne s’appliquent pas aux documents, sauf pour quelques renseignements que j’ai jugés de nature très délicate au sens de l’alinéa 21 (2) f).

 

ORDONNANCE

 

1.         J’ordonne au ministère de divulguer les documents à l’appelante, sauf les renseignements surlignés dans l’exemplaire des documents remis au ministère avec la présente ordonnance, au plus tard le 1er juin 1999 mais pas avant le 27 mai 1999.

 

2.         Afin de vérifier que le ministère s’est bien conformé à la présente ordonnance, je me réserve le droit de lui demander de me présenter un exemplaire des documents divulgués à l’appelante conformément à la clause précédente.

 

 

 

 

a signé l’original                                                                                  28 avril 1999                          

David Goodis

Arbitre principal

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.