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ORDONNANCE PO-1641

 

Appel PA-980187-1

 

Ministère de lÉducation et de la Formation


 

NATURE DE LAPPEL :

 

Le ministère de l’Éducation et de la Formation (le Ministère) a reçu une demande en vertu de la Loi sur laccès à linformation et la protection de la vie privée (la Loi). Le demandeur voulait avoir accès aux exemplaires de toutes les lettres envoyées au Ministère par un particulier nommé (la personne affectée) entre septembre 1997 et la date de la demande. La personne affectée était l’ancienne présidente du Conseil des gouverneurs du Collège des Grands Lacs (le Collège). Le Ministère a trouvé quatre documents en réponse à la demande. Après avoir avisé le particulier nommé aux termes de l’article 28 de la Loi, le Ministère a refusé l’accès aux documents, invoquant l’exception sur la vie privée énoncée au paragraphe 21 (1) de la Loi.

 

Le demandeur, maintenant l’appelant, a interjeté appel de la décision du Ministère.

 

Un Avis d’enquête a été fourni à l’appelant, au Ministère et à la personne affectée. Des observations ont été reçues de la part de la personne affectée et de l’appelant.

 

Les documents visés par le présent appel consistent en quatre lettres datées du 15 octobre et du 15 décembre 1997 et des 15 et 28 avril 1998, auxquelles sont annexées diverses pièces jointes. Les lettres concernent l’opinion de la personne affectée, en sa qualité d’ancienne présidente du Collège, au sujet de l’exploitation du Collège et de ses finances.

 

DISCUSSION :

 

RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

 

Aux termes du paragraphe 2 (1) de la Loi, les renseignements personnels sont définis, en partie, comme étant des renseignements consignés ayant trait à un particulier qui peut être identifié. L’alinéa 2 (1) f) mentionne précisément «la correspondance ayant explicitement ou implicitement un caractère personnel et confidentiel, adressée par le particulier à une institution» dans la définition de «renseignements personnels». Je constate que chacune des quatre lettres qui constituent les dossiers en question sont clairement marquées «Confidentiel». À mon avis, les dossiers représentent de la correspondance envoyée par la personne affectée au Ministère, dont le contenu est expressément confidentiel et ils renferment des renseignements personnels la concernant au sens du paragraphe 2 (1).

 

Les documents portent sur certaines allégations d’irrégularités financières et de malfaisance commises par un nombre de particuliers identifiés. Les documents renferment l’opinion de la personne affectée au sujet de certains de ces particuliers, qui sont associés d’une façon ou d’une autre avec le Collège. À mon avis, ces références constituent des renseignements personnels au sujet de ces particuliers aux termes de l’alinéa 2 (1) g) puisqu’ils représentent l’opinion de la personne affectée au sujet des particuliers identifiés. Dans ses observations, l’appelant a précisé qu’il agit en tant que conseil pour le Collège et les particuliers mentionnés dans les documents.

 

Étant donné que les documents renferment des renseignements personnels au sujet des clients de l’appelant, je  dois déterminer s’ils constituent une exception en vertu de l’exception discrétionnaire du paragraphe 49 (b), plutôt que de l’exception obligatoire du paragraphe 21 1). Par suite des conclusions que j’énonce ci-après, il n’est pas nécessaire que je sollicite les observations des parties quant à l’application du paragraphe 49 (b) en plus de celles reçues concernant le paragraphe 21 1).

 

ATTEINTE À LA VIE PRIVÉE

 

Le paragraphe 47 1) de la Loi confère aux particuliers le droit d’avoir accès aux renseignements personnels les concernant qui sont en possession d’un organisme gouvernemental. L’article 49 énonce un nombre d’exceptions à ce droit général d’accès.

 

En vertu du paragraphe 49 (b) de la Loi, lorsqu’un document renferme des renseignements personnels concernant l’appelant et d’autres particuliers, et que le Ministère détermine que la divulgation des renseignements constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée d’un autre particulier, il a le droit de refuser de divulguer l’information au demandeur.

 

Les paragraphes 21 2) et 3) de la Loi aident à déterminer si la divulgation de renseignements personnels constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée de la personne concernée par ces renseignements. Le paragraphe 21 2) fournit des critères que la personne responsable doit considérer pour déterminer si tel est le cas. Le paragraphe 21 3) énumère le type de renseignements dont la divulgation est présumée constituer une atteinte injustifiée à la vie privée. Une fois qu’une présomption contre la divulgation a été établie, elle ne peut être réfutée à l’aide d’un ou plusieurs des facteurs énumérés dans le paragraphe 21 2).

 

L’appelant indique qu’aucune des présomptions du paragraphe 21 3) ne s’applique aux circonstances de cet appel. Je conviens qu’aucun renseignement contenu dans les documents n’est visé par les présomptions du paragraphe 21 3). Par conséquent, je considérerai la pertinence des facteurs énumérés dans le paragraphe 21 2), ainsi que les considérations non énumérées soulevées par les parties, afin de déterminer si la divulgation des renseignements contenus dans les documents constituerait une atteinte injustifiée à la vie privée de la personne affectée.

 

L’appelant prétend que la divulgation des renseignements contenus dans les documents est nécessaire pour qu’il puisse répondre aux allégations contre le Collège et ses clients qui sont mentionnées dans les documents. Il mentionne, notamment, l’ordonnance P-634 dans laquelle l’ancien commissaire adjoint, Irwin Glasberg, adopte les critères établis par le commissaire adjoint Tom Mitchinson dans l’ordonnance P-312, lesquels doivent être respectés pour que l’alinéa 21 (2) d) s’applique. Dans ces  décisions, on a soutenu que :

 

Pour que l’alinéa 21 (2) d) s’applique aux faits du cas présent, l’appelant doit établir que :

 

(1)        le droit en question est un droit légal découlant des concepts de la Common Law ou du droit statutaire, par opposition à un droit non légal basé uniquement sur des principes moraux ou éthiques; et

 

(2)        le droit est lié à un processus qui est soit existant ou prévu, et non à un processus qui a déjà été complété; et

 

(3)        les renseignements personnels auxquels le demandeur veut avoir accès ont une incidence sur la détermination du droit en question; et

 

(4)        les renseignements personnels sont nécessaires pour préparer la procédure ou assurer l’impartialité de l’audience.

 

L’appelant indique que ses clients considèrent la possibilité d’intenter une action en justice contre la personne affectée pour ce qu’ils estiment être des allégations diffamatoires qui, selon eux, pourraient être mentionnées dans les documents. Ce droit légal est tiré de la Common Law. L’appelant suggère que l’accès au contenu des documents aidera ses clients à déterminer s’ils poursuivront ou non une action en justice. À mon avis, toutes les exigences énoncées dans l’ordonnance P-634 relativement à l’alinéa 21 (2) d) ont été respectées. Ce facteur revêt beaucoup d’importance et il appuie la divulgation des renseignements mentionnés.

 

L’appelant se demande également à qui la personne affectée a distribué les documents, outre le Ministère. Selon l’appelant, étant donné que la personne affectée a pu distribuer les documents en dehors du Ministère, et même les avoir fournis aux médias, il pourrait y avoir atteinte à ses attentes en matière de confidentialité et de protection de la vie privée. Enfin, l’appelant mentionne qu’étant donné la grande diffusion des documents, la divulgation de ces derniers ne nuirait pas indûment à la réputation de la personne affectée, au sens de l’alinéa 21 (2) i).

 

Cependant, on ne m’a pas fourni suffisamment de preuves à l’appui de l’allégation de l’appelant, à savoir que le contenu des documents a été distribué par la personne affectée en dehors du Ministère et aux médias. Par conséquent, je ne crois pas que les attentes de l’appelant en matière de confidentialité puissent être minées par suite de la grande diffusion des allégations contenues dans les documents.

 

La personne affectée s’oppose catégoriquement à la divulgation des renseignements contenus dans les documents. Elle indique que chaque lettre a été envoyée au Ministère accompagnée d’une note mentionnant qu’elle était communiquée à titre confidentiel, comme le prévoit l’alinéa 21 (2) h). Ce facteur important milite en faveur de la non-divulgation des renseignements contenus dans les documents.

 

Les observations de la personne affectée mentionnent également la nature délicate des allégations contenues dans les documents, soulevant l’application de l’alinéa 21 (2) f) qui porte sur la «nature très délicate» des renseignements. Ce facteur milite en faveur de la protection de la vie privée.

 

La personne affectée mentionne également qu’elle a reçu des lettres de la part de l’appelant, indiquant qu’il entend poursuivre divers recours judiciaires au nom du Collège et des personnes mentionnées dans les documents. Sans toutefois me baser sur l’élément visé par l’alinéa 21 (2) e), je crois que la personne affectée s’inquiète du fait qu’elle pourrait être lésée dans ses intérêts pécuniaires ou autres par suite de la divulgation des documents. Je ne suis pas convaincu, cependant, que la personne affectée risque d’être «injustement» lésée dans ses intérêts pécuniaires ou autres par suite de la divulgation des documents. Bien que l’appelant ait averti la personne affectée de son intention d’intenter des actions en justice contre elle, on ne peut affirmer qu’une décision défavorable et des dommages éventuels auxquelles elle pourrait être assujettie dans le cadre de ces procédures seraient «injustes». La personne affectée pourrait soulever plusieurs défenses et il ne m’incombe pas d’évaluer les chances de succès des clients de l’appelant. Par conséquent, je ne peux accorder beaucoup d’importance à cette considération.

 

La personne affectée mentionne également qu’elle était responsable, en tant que fonctionnaire, d’attirer l’attention du Ministère – qui assure le financement du Collège – sur ce qu’elle considère comme étant de sérieuses irrégularités financières. Elle affirme que pour pouvoir assumer cette fonction, on doit être assuré de la confidentialité de ses propos. La personne affectée indique qu’elle a soulevé ces questions auprès du Ministère de bonne foi et par souci du bien-fondé des irrégularités documentées dans les documents. La personne affectée mentionne qu’elle espérait que le Ministère mènerait une enquête interne sur les allégations qu’elle avait soulevées.

 

Les fonctionnaires qui désirent dénoncer ce qu’ils considèrent comme étant des méfaits financiers en ce qui concerne l’usage des fonds publics devraient pouvoir s’attendre à un certain degré de protection en matière de vie privée lorsqu’ils agissent en dénonciateurs, surtout si les allégations sont faites de bonne foi et non pas pour une raison impropre, comme c’est le cas dans les circonstances actuelles. À mon avis, cette considération milite en faveur de la protection de la vie privée.

 

La personne affectée a également fait référence à l’exception des «renseignements de tiers» du paragraphe 17 (1) de la Loi. À mon avis, cette exception vise à protéger les renseignements commerciaux, financiers et autres fournis à titre confidentiel à une institution par un tiers. Dans les circonstances de la présente cause, les renseignements n’ont pas été fournis par le tiers à l’entité visée, à savoir le Collège. La personne affectée a fourni les renseignements au Ministère, sans que le Collège n’en ait connaissance ou ait donné son assentiment. Par conséquent, je déclare que les renseignements contenus dans les documents ne répondent pas aux critères d’exception de cet article.

 

Il est particulièrement difficile, dans la présente cause, de départager le droit à la vie privée de la personne affectée et le droit d’accès des clients de l’appelant. Les facteurs qui militent en faveur de la divulgation sont convaincants, tout comme les considérations qui favorisent la protection de la vie privée.

 

Cependant, dans une décision que j’ai rendue récemment, ordonnance M-1162, j’ai eu l’occasion d’analyser l’importance d’une autre considération non énumérée qui a été articulée pour la première fois par l’ancien commissaire Sidney B. Linden dans l’ordonnance 37. J’ai déclaré ce qui suit :

 

Dans l’ordonnance 37, l’ancien commissaire Sidney B. Linden a traité des documents réunis dans le cadre d’une enquête sur une plainte liée à l’emploi. Dans cette décision, l’ancien commissaire Linden a affirmé que :

l’équité exige que l’on doit autant que possible divulguer à la personne faisant l’objet d’une plainte la substance des allégations soulevées contre elle. L’ampleur de la divulgation ... doit être plus vaste s’il est probable que la plainte occasionnera des mesures disciplinaires.

 

J’affirme que cette considération non énumérée, qui milite en faveur de la divulgation des renseignements contenus dans les documents, s’applique à la partie des documents qui concerne directement l’appelant.

 

Dans les circonstances de cet appel, j’avais déterminé qu’étant donné que les parties des documents qui répondaient à la demande contenaient des allégations au sujet de la conduite de l’appelant et d’une autre personne affectée, la divulgation de ces renseignements était nécessaire pour donner à l’appelant suffisamment de détails au sujet de la substance des allégations faites contre lui. Dans le présent appel, les allégations d’irrégularités contre les clients de l’appelant contenues dans les documents sont sérieuses et se rapportent directement aux clients de l’appelant. À mon avis, comme l’a déclaré l’ancien commissaire, l’équité exige que l’on divulgue autant que possible à la personne faisant l’objet d’une plainte la substance des allégations soulevées contre elle. Étant donné que les allégations portent sur des irrégularités financières de la part des clients de l’appelant, j’estime que la nécessité d’assurer un degré de divulgation équitable est encore plus impérieuse que dans le cas visé par l’ordonnance M-1162. À mon avis, cette considération favorise la divulgation à l’appelant des renseignements contenus dans les documents.

 

Par conséquent, je détermine que la divulgation des documents ne constituerait pas une invasion injustifiée de la vie privée de la personne affectée. Les documents ne sont pas exemptés en vertu du paragraphe 49 (b) et, étant donné qu’aucune autre exception obligatoire ne s’applique, ils devraient être divulgués à l’appelant.

 

ORDONNANCE :

 

1.         J’ordonne au Ministère de divulguer les documents à l’appelant en lui fournissant une copie d’ici le 7 janvier 1999 mais pas avant le 4 janvier 1999.

 

 

 

 

 

 

2.         Afin de vérifier la conformité aux modalités de la présente ordonnance, je me réserve le droit d’exiger que le Ministère me fournisse une copie des documents divulgués à l’appelant en vertu de la disposition 1.

 

 

 

 

 

 

Loriginale signée par:                                                                          2 décembre 1998                   

Donald Hale

Arbitre

 

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