Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0795

 

DATE :

6 juillet 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Michèle Barbier, A.V.A.

Membre

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. MARTIN TREMBLAY, conseiller en sécurité financière

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 8 avril 2010, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, bureau 2600, Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

« À L’ÉGARD DE SON CLIENT PHILIPPE GIRARD

1.             À Montréal, vers le 23 octobre 2006, l’intimé, MARTIN TREMBLAY, s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 10 000 $ lui ayant été confiée aux fins d’investissement par son client Philippe Girard, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.01) et 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, 1.1.2);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE DOMINIQUE BÉRUBÉ

2.             À Montréal, le ou vers le 11 juillet 2007, l’intimé, MARTIN TREMBLAY, s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 5 000 $ lui ayant été confiée aux fins d’investissement par sa cliente Dominique Bérubé, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.01) et 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, 1.1.2);

3.             À Montréal, le ou vers le 12 juillet 2007, l’intimé, MARTIN TREMBLAY, s’est approprié pour ses fins personnelles la somme de 1 500 $ lui ayant été confiée aux fins d’investissement par sa cliente Dominique Bérubé, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits financiers (L.R.Q., c. D-9.2), 17 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.01) et 6 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q., c. D-9.2, 1.1.2);

À L’ÉGARD DE LA PROFESSION

4.                   À Montréal, depuis le ou vers le 17 octobre 2008, l’intimé, MARTIN TREMBLAY, a fait défaut de collaborer avec le syndic et de répondre aux demandes de renseignements qui lui étaient adressées au sujet de faits survenus alors qu’il était certifié en épargne collective, entravant ainsi le travail du syndic, contrevenant ainsi aux articles 342 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, (L.R.Q., c. D-9.2), 42 et 43 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q., c. D-9.2, r. 1.01) et 20 du Règlement sur la déontologie dans la discipline des valeurs mobilières, (L.R.Q., c. D-9.2, r.1.1.2). »

[2]           Alors que la plaignante était représentée par son procureur, Me Sylvie Poirier, l’intimé bien que dûment appelé était absent.

[3]           Après un certain temps d’attente, l’intimé ayant fait défaut de se manifester soit auprès du greffe ou de la plaignante, cette dernière demanda et fut autorisée à procéder par défaut.

[4]           Au soutien de sa plainte, elle fit entendre M. Laurent Larivière (M. Larivière), enquêteur au bureau de la syndique, ainsi que M. Philippe Girard (M. Girard). Elle soumit également un affidavit de Mme Dominique Bérubé (Mme Bérubé) ainsi qu’une preuve documentaire cotée P-1 à P-29.

Chefs d’accusation numéros 1, 2 et 3

[5]           Le contexte factuel lié à ces chefs d’accusation est le suivant.

LES FAITS

[6]           L’intimé avait comme client M. Girard et Mme Bérubé. Il agissait auprès d’eux à titre de représentant.

[7]           À l’automne 2006, l’intimé rencontra M. Girard. Lors de la rencontre qui devait servir à évaluer les actifs de son client, l’intimé confia à ce dernier qu’il avait « une occasion d’affaires pour lui ».

[8]           En lui faisant miroiter un retour sur le capital de 10 %, il parvint alors à convaincre M. Girard d’effectuer, par son entremise, un placement de 10 000 $, pour une durée d’une année.

[9]           À la suite de ce qui précède, le ou vers le 2 novembre 2006, M. Girard fit émettre une traite bancaire de 10 000 $ à l’ordre de l’intimé. Afin de disposer de la somme nécessaire, M. Girard procéda au rachat de certains fonds communs de placement qu’il détenait. L’intimé lui remit alors un document intitulé « Contrat de placement garanti » par lequel il garantissait personnellement l’investissement de 10 000 $.

[10]        Puis à l’échéance du placement, après un (1) an, l’intimé persuada M. Girard de réinvestir le capital et les intérêts pour une année additionnelle.

[11]        Quant à Mme Bérubé, suivant sa version des faits, l’intimé communiqua avec elle le ou vers le 10 juillet 2007 pour lui proposer d’effectuer un placement qui lui procurerait un intérêt de 10 % à l’abri de l’impôt en lui expliquant que son statut de membre de « London Life » lui permettait, via un programme interne, d’acheter des parts de la Great West London Life à un meilleur prix.

[12]        Il lui laissa entendre que « pour chaque deux (2) actions qu’il achète de la compagnie celle-ci lui en donne une, ce qui lui procure un rendement de 50 % à la revente ». Il lui fit comprendre qu’il pouvait facilement lui garantir un rendement de 10 % sur le capital en utilisant l’argent qu’elle lui remettrait pour acheter des parts pour elle.

[13]        Le ou vers le 11 juillet 2007, afin de procéder à l’investissement proposé, Mme Bérubé remit à l’intimé une traite bancaire à l’ordre de ce dernier au montant de 5 000 $.

[14]        En retour, l’intimé transmit à Mme Bérubé un document intitulé « Contrat de placement garanti » où il reconnaissait avoir reçu la somme de 5 000 $ et en garantissait personnellement le remboursement.

[15]        Dans l’esprit de Mme Bérubé, elle ne consentait pas un prêt personnel à l’intimé. Elle procédait à un investissement à travers un programme de placement des employés de la «London Life».

[16]        Le lendemain, soit le 12 juillet 2007, M. Vincent Hamel confia à l’intimé un montant additionnel de 1 500 $ au moyen de deux (2) chèques de 750 $, ladite somme devant être investie au nom de sa conjointe, Mme Bérubé, aux mêmes conditions que la veille. En retour, l’intimé signa puis lui remit, comme il l’avait fait antérieurement, un « Contrat de placement garanti ».

[17]        À l’échéance de leurs placements respectifs, malgré plusieurs démarches auprès de l’intimé, ni M. Girard ni Mme Bérubé ne parvinrent à obtenir de ce dernier le remboursement des sommes qui leur étaient dues.

MOTIFS ET DÉCISION

[18]        De l’ensemble de la preuve présentée au comité, il ressort clairement qu’aux dates mentionnées aux chefs d’accusation 1, 2 et 3, l’intimé a profité du lien professionnel qu’il entretenait avec M. Girard (chef 1) et avec Mme Bérubé (chefs 2 et 3) pour les convaincre, en leur faisant miroiter des rendements bien au-delà de ce qu’ils pouvaient s’attendre à recevoir sur le marché, de lui remettre pour fins d’investissement les montants indiqués auxdits chefs.

[19]        À sa demande ou à sa suggestion, les sommes en cause lui ont été versées au moyen d’instruments bancaires émis à son ordre personnel.

[20]        Par la suite, ce dernier a détourné lesdites sommes à ses fins personnelles et, à l’échéance de leurs placements, aucun des clients n’est parvenu à obtenir une quelconque forme de remboursement des montants confiés à l’intimé.

[21]        Dans de telles circonstances, l’intimé doit être et sera déclaré coupable des chefs d’accusation 1, 2 et 3.

Chef d’accusation numéro 4

[22]        La trame factuelle liée à ce chef d’accusation est la suivante.

LES FAITS

[23]        Le ou vers le 30 juillet 2008, Me Venise Lévesque (Me Lévesque), syndique adjointe par intérim de la Chambre, adresse une correspondance à l’intimé l’avisant de l’ouverture d’un dossier d’enquête à son endroit. Dans sa correspondance, elle l’informe qu’à titre d’enquêtrice au dossier elle va communiquer avec lui peu après afin d’obtenir certaines informations et sa version des faits.

[24]        Puis le ou vers le 24 septembre 2008, Mme Léna Thibault (Mme Thibault), syndique en titre de la Chambre, avise par écrit l’intimé de l’ouverture d’un second dossier d’enquête et lui indique que M. Michel Langlois (M. Langlois), un enquêteur à son bureau, va aussi communiquer avec lui.

[25]        Le 3 octobre 2008, M. Langlois fait tenir une correspondance à l’intimé l’informant qu’il a effectué l’analyse du dossier qui lui a été confié et convoque ce dernier, dans le but d’en discuter, à un rendez-vous fixé au 16 octobre 2008, à 10 h, au siège social de la Chambre.

[26]        À ladite date, l’intimé fait défaut de se présenter. La preuve ne révèle aucune démarche de sa part pour justifier de son absence.

[27]        Par ailleurs, le même jour, soit le 16 octobre 2008, Me Lévesque fait tenir à l’intimé une nouvelle correspondance lui demandant de répondre à certaines questions précises en lien avec le dossier d’enquête dont elle a la charge.

[28]        Le 3 novembre 2008, l’intimé ayant fait défaut de se manifester ou de lui transmettre une réponse, Me Lévesque transmet une nouvelle correspondance à ce dernier. Elle lui souligne son défaut de répondre à sa correspondance antérieure et le prie d’y donner suite dans les plus brefs délais.

[29]        Le 12 novembre 2008, au moyen d’une nouvelle correspondance, Mme Thibault avise l’intimé de l’ouverture d’un troisième dossier d’enquête à son endroit et lui indique que l’enquêtrice au dossier, Mme Alexandra Tonghoiu, verra à communiquer avec lui si nécessaire.

MOTIFS ET DÉCISION

[30]        À ce chef, il est reproché à l’intimé d’avoir fait défaut de collaborer avec la syndique et de répondre aux demandes de renseignements qui lui étaient adressées par cette dernière ou les membres de son bureau.

[31]        Or la preuve présentée au comité a révélé d’une part que l’intimé, sans justification ou explication, a fait défaut de se présenter au rendez-vous que lui avait fixé M. Langlois le 16 octobre 2008.

[32]        Elle a également révélé que l’intimé a fait défaut de répondre aux questions précises que, dans le cadre de son enquête, lui soumettait Me Lévesque dans sa correspondance du 16 octobre 2008.

[33]        En résumé, il ressort de celle-ci que malgré les démarches effectuées par les représentants du bureau de la syndique pour tenter d’obtenir sa collaboration à leurs enquêtes, son assistance ou sa coopération, l’intimé a fait la sourde oreille. Rien dans la preuve soumise au comité n’indique que l’intimé aurait réagi ou tenté quelque démarche que ce soit aux fins de donner suite à leurs demandes.

[34]        Dans de telles circonstances l’intimé doit être et sera déclaré coupable du chef d’accusation numéro 4.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs d’accusation 1, 2, 3 et 4;

CONVOQUE les parties, avec l’assistance de la secrétaire du comité de discipline, à une audition sur sanction.

 

 

 

 

 

(s François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Michèle Barbier

Mme MICHÈLE BARBIER, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Bruno Therrien

M. BRUNO THERRIEN, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

 

Me Sylvie Poirier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent et non représenté.

 

Date d’audience :

8 avril 2010

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ


 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0795

 

DATE :

26 janvier 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me François Folot

Président

Mme Michèle Barbier, A.V.A.

Membre

M. Bruno Therrien, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

Me CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. MARTIN TREMBLAY, conseiller en sécurité financière (certificat 149 830)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

 

[1]           À la suite de sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s'est réuni le 12 octobre 2010 à la salle 18.114 de la Commission des lésions professionnelles située au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, Montréal, et a procédé à l'audition sur sanction.

[2]           Alors que la plaignante était représentée par son procureur, Me Sylvie Poirier, l’intimé, bien que dûment signifié d’un avis d’audition, était absent.

[3]           Après un certain temps d’attente, l’intimé n’ayant communiqué ni avec le greffe ni avec la plaignante ou ses représentants, cette dernière demanda à être autorisée et fut autorisée à procéder par défaut.

[4]           À titre de preuve sur sanction, la plaignante déposa en liasse sous la cote PS-1 un échange de courriels entre son procureur et M. Philippe Girard ainsi que copie d’une demande de ce dernier produite auprès de la Cour des petites créances réclamant une somme de 7 000 $ à l’intimé.

[5]           La plaignante soumit ensuite au comité ses recommandations sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[6]           La plaignante débuta en rappelant que l’intimé avait été reconnu coupable, sous les chefs 1, 2 et 3, d’avoir détourné à ses fins personnelles les fonds appartenant à ses clients.

[7]           Elle insista donc sur la gravité objective des infractions commises par l’intimé.

[8]           Elle indiqua que ce dernier avait à son avis agi de façon préméditée, commettant la même faute à trois (3) reprises sur une période de dix (10) mois.

[9]           Elle souligna ensuite le préjudice causé aux clients en cause et évoqua leur vulnérabilité, ces derniers étant des investisseurs peu aguerris qui faisaient entièrement confiance à leur représentant.

[10]        Elle signala enfin que lesdites infractions étaient de nature à porter atteinte à l’image de la profession.

[11]        Relativement au quatrième chef, elle rappela que l’intimé a été déclaré coupable du défaut de collaborer avec le syndic et de répondre aux demandes de renseignements qui lui étaient adressées par ce dernier ou son représentant.

[12]        Elle invoqua que l’infraction qui s’était continuée tout au long du processus d’enquête paraissait s’inscrire dans le cadre d’une volonté de l’intimé de refuser d’être confronté au processus disciplinaire. Elle qualifia le comportement de ce dernier de « tentative de s’esquiver des conséquences de ses actes ».

[13]        Elle mentionna que l’intimé, âgé d’environ 32 ans, n’avait aucun antécédent disciplinaire, avait débuté dans l’exercice de la profession en 2001 à titre de courtier en épargne collective puis avait obtenu en 2002 une certification dans le domaine de l’assurance de personnes.

[14]        Elle indiqua que bien que celui-ci avait peu d’expérience au moment des événements qui lui sont reprochés, les fautes qui lui étaient imputées ne pouvaient d’aucune façon être mises sur le compte de son inexpérience.

[15]        Après avoir signalé que l’intimé était inactif en assurance de personnes depuis le 26 août 2008 et en épargne collective depuis le 1er novembre 2008, elle soumit que ce dernier représentait néanmoins à son avis un risque sérieux de récidive puisqu’il avait répété à trois (3) reprises la même faute d’appropriation de fonds et qu’il avait jusqu’à ce jour refusé de répondre de ses actes.

[16]        Elle référa ensuite à un cahier d’autorités et, après avoir commenté celles-ci, recommanda au comité d’imposer sous chacun des chefs 1, 2 et 3 la radiation permanente de l’intimé et de lui ordonner en plus sous le chef 1 de rembourser à M. Girard la somme de 10 000 $ dont il s’est appropriée[1].

[17]        Relativement au chef numéro 4, après avoir invoqué l’importance du message devant être transmis aux représentants, particulièrement lorsqu’une enquête vise des infractions aussi sérieuses que celles qui sont ici en cause, elle suggéra au comité d’ordonner également sous ce chef la radiation permanente de l’intimé.

[18]        Elle laissa entendre qu’une trop grande clémence de la part du comité pourrait se traduire en une invitation au défaut de collaborer, notamment lorsque comme en l’espèce les événements sur lesquels enquête le syndic sont de nature à donner lieu à des chefs d’accusation en lien avec des infractions parmi les plus sérieuses qui puissent être reprochées à un représentant.

[19]        Elle suggéra que lorsque le refus de collaborer avec le syndic est clair et non-équivoque et qu’il s’agit d’un refus délibéré, la sanction qui devrait être imposée par le comité, afin d’avoir un effet dissuasif, devrait être aussi sévère que celle qui s’appliquerait à l’infraction sous-jacente.

[20]        À l’appui de sa proposition, elle invoqua la décision de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières c. Marc Beaudoin (2007) ainsi que la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Pharmascience[2], cette dernière ayant confirmé que les syndics des ordres professionnels devaient disposer des moyens nécessaires pour exercer leur travail, remplir leurs devoirs et se décharger de leurs responsabilités.

[21]        Faisant également référence aux décisions du comité dans les affaires Diane Hentschel[3] et Jane Butler[4], elle indiqua qu’ayant été en mesure, malgré l’absence de collaboration de l’intimé, de procéder à déposer les chefs d’accusation qui s’imposaient (pour lesquels l’intimé a été reconnu coupable), elle n’avait pas l’intention, comme elle le fit dans ces cas, de réclamer l’émission d’une ordonnance contraignant l’intimé à se conformer aux demandes d’information ainsi que la suspension de son permis jusqu’à ce qu’il s’exécute.

[22]        Elle ajouta néanmoins que bien que l’enquête ait pu être conduite à terme malgré l’absence de collaboration de l’intimé, le comité ne devrait pas considérer cette situation comme un facteur atténuant en faveur de ce dernier.

[23]        Elle termina en suggérant au comité d’ordonner la publication de la décision, aux frais de l’intimé, et la condamnation de ce dernier au paiement des déboursés.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[24]        L’intimé ayant fait défaut de se présenter aux auditions sur la culpabilité et sur la sanction, outre son absence d’antécédents disciplinaires peu ou pas d’éléments atténuants n’ont été présentés en sa faveur. Ainsi, aucune preuve tendant à démontrer chez ce dernier quelques remords ou regrets de ses fautes de même qu’aucun fait permettant de croire à une volonté de s’amender de sa part n’ont été soumis au comité.

Chefs d’accusation numéros 1, 2 et 3

[25]        Les fautes reprochées à l’intimé sous ces chefs sont d’une gravité objective incontestable. Elles vont au cœur de la profession et portent directement atteinte à l’image de celle-ci.

[26]        L’intimé a détourné à ses fins personnelles les sommes que lui avaient confiées les deux (2) clients en cause et n’a remboursé que très partiellement l’un d’eux. En agissant au mépris des règles de la probité, il leur a causé un préjudice important.

[27]        Bien que l’intimé soit inactif dans le domaine de l’épargne collective depuis le 1er novembre 2008 et dans le domaine de l’assurance de personnes depuis le 26 août 2008, le comité est d’avis qu’il est à craindre que s’il devait reprendre ou être autorisé à reprendre l’exercice de la profession, la protection du public ne soit mise en péril. Les risques de récidive dans son cas pourraient être élevés.

[28]        Aussi le comité, en accord avec les représentations et arguments de la plaignante sur ces chefs, pour les motifs plus amplement invoqués par cette dernière, donnera suite à sa recommandation et ordonnera la radiation permanente de l’intimé sous chacun d’eux. Il ordonnera de plus à l’intimé de rembourser la somme de 10 000 $ appartenant à M. Girard, dont il s’est illégalement appropriée, sous réserve toutefois des montants que la Cour des petites créances pourrait attribuer à ce dernier suite au recours qu’il a exercé devant cette instance.

Chef d’accusation numéro 4

[29]        À ce chef, l’intimé a été reconnu coupable du défaut de collaborer avec la syndique et de répondre aux demandes de renseignements qui lui avaient été adressées par cette dernière ou les membres de son bureau.

[30]        La preuve a révélé que l’intimé n’a tenté aucune démarche aux fins de donner suite aux demandes que lui avait acheminées le bureau de la syndique.

[31]        Or, comme le comité l’a déjà déclaré à quelques reprises, un système professionnel qui assure la protection du public exige l’entière coopération et collaboration de ses membres avec le bureau du syndic.

[32]        Aussi la sanction en l’espèce doit-elle comporter un effet dissuasif à l’endroit de représentants qui pourraient être tentés d’imiter la conduite de l’intimé.

[33]        Néanmoins la suggestion de la plaignante d’imposer à ce dernier une radiation permanente sur ce chef paraît excessive.

[34]        Lors de ses représentations, la plaignante a cité deux (2) décisions récentes du comité où celui-ci a été confronté au défaut par des représentants de collaborer avec le bureau de la plaignante, soit les décisions rendues dans les dossiers Hentschel[5] et Butler[6].

[35]        Dans les deux (2) cas, les représentantes ont été condamnées à des radiations temporaires de trois (3) mois ne devant prendre effet qu’à compter de la remise en vigueur de leur certificat ou de l’obtention d’un nouveau certificat. De plus, dans chacun d’eux le comité a ordonné aux représentantes de donner suite aux demandes de la plaignante ainsi que prescrit la suspension de leur permis jusqu’à ce qu’elles se soient conformées à celles-ci.

[36]        En l’espèce toutefois, ayant pu poursuivre son enquête malgré l’absence de collaboration de l’intimé et ayant obtenu sa condamnation, la plaignante ne réclame pas et il n’y a pas lieu à l’émission d’une telle ordonnance.

[37]        La question qui se pose est plutôt celle de la période de radiation qui, compte tenu de l’ensemble des circonstances propres à l’affaire, constituerait une sanction juste et appropriée.

[38]        Dans l’affaire Di Stefano[7] le comité, confronté à une infraction reprochant au représentant d’avoir nui au travail du syndic, notamment en tentant d’induire celui-ci ou son enquêteur en erreur, a condamné ce dernier à une période de radiation de six (6) mois ainsi qu’à une amende de 1 000 $.

[39]        Bien que le cas précité comporte des dissemblances et doit à bien des points de vue être distingué du cas en l’espèce, il comporte néanmoins une similitude : le représentant a entravé le travail du syndic alors que l’enquête de ce dernier portait sur une ou des infractions de détournement de fonds.

[40]        Aussi, en l’absence de facteurs atténuants et considérant que l’absence de collaboration de l’intimé était directement reliée à une enquête portant sur des infractions d’appropriation de fonds de clients à des fins personnelles, le comité est d’avis de s’écarter des sanctions imposées dans les décisions précitées de Hentschel et Butler et ordonnera la radiation temporaire de l’intimé pour une période de six (6) mois sur ce chef.

[41]        Enfin, aucun motif le justifiant de déroger à la règle habituelle ne lui ayant été exposé, le comité ordonnera également la publication de la décision et condamnera l’intimé au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

Sous chacun des chefs 1, 2 et 3 de la plainte :

ORDONNE la radiation permanente de l’intimé;

Et, sous le chef 1 :

ORDONNE à l’intimé de rembourser à M. Philippe Girard la somme de 10 000 $ appartenant à ce dernier et dont il s’est appropriée à ses fins personnelles sous réserve des montants que la Cour des petites créances pourrait lui attribuer au recours qu’il a exercé devant cette instance;

Sous le chef numéro 4 :

IMPOSE à l’intimé une radiation temporaire de six (6) mois, laquelle ne devra prendre effet qu’à compter de la remise en vigueur de son certificat ou de l’obtention d’un nouveau certificat;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où ce dernier a son domicile professionnel ou dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26;

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions, L.R.Q. chap. C-26.

 

 

 

 

 

(s) François Folot

Me FRANÇOIS FOLOT

Président du comité de discipline

 

(s) Michèle Barbier

Mme MICHÈLE BARBIER, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

(s) Bruno Therrien

M. BRUNO THERRIEN, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Sylvie Poirier

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

L’intimé était absent et non représenté.

 

Date d’audience :

12 octobre 2010

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1]     Au soutien de sa recommandation sur les chefs 1, 2 et 3, la plaignante invoqua les décisions suivantes : Venise Levesque c. Stéphane Poirier, 2008 CanLII 70058 (QC C.D.C.S.F.), Léna Thibault c. Micheline Ricard, 2009 CanLII 127 (QC C.D.S.C.F.), Léna Thibault c. Jean-Eudes Arsenault, 2009 CanLII 2507 (QC C.D.C.S.F.).

[2]     Jocelyn Binet c. Pharmascience inc. et al., 2006 CSC 48 (Can LII).

[3]     Mme Léna Thibault c. Diane Hentschel, 2009 Can LII 57595 (QCCD, C.S.F.).

[4]     Me Caroline Champagne c. Jane Butler, CD00-0780.

[5]     Mme Léna Thibault c. Mme Diane Hentschel, 2009 Can LII 57595.

[6]     Me Caroline Champagne c. Jane Butler, CD00-0780.

[7]     Mme Léna Thibault c. M. Rocco Di Stefano, CD00-0711, décision du 23 juin 2008.

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