Chambre de la sécurité financière (Québec)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0743

 

DATE :

16 juillet 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Monique Puech, Pl. Fin.

Membre

M. Réjean Ross, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

RENÉ JOUBERT conseiller en assurance de personnes, assurance collective de personnes, planificateur financier, représentant en épargne collective et en plans de bourse d’études (certificat 117289)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]           Les 19, 20 et 21 octobre 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s'est réuni à son siège social sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte portée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

À L’ÉGARD DE SES CLIENTS

 

1.     À Montréal, le ou vers le 9 avril 2003, alors qu’il signait une convention d’achat d’actions avec Norbourg Groupe Financier Inc., l’intimé RENÉ JOUBERT s’est placé en situation de conflit d’intérêt et a fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle en acceptant de transférer au moins 25% de ses actifs sous gestion de ses clients dans des produits financiers gérés par Norbourg Services Financiers inc. ou une société liée, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et aux articles 2, 10 et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) ; 

 

2.     À Katevale et à Sherbrooke, entre le ou vers le 1er septembre 2002 et le ou vers le 1er décembre 2002, l’intimé RENÉ JOUBERT a conseillé et fait souscrire aux clients suivants des actions privilégiées « Class F » émises par Balanced Return Fund :

 

a)     À Maryse Denis pour un montant de 128 806,99 $;

b)    À André Bolduc pour un montant de 30 951,23 $;

c)     À Sylvie Brosseau et Guy Leclerc pour un montant de

     51 592,60 $;

d)    À Alice Bujold pour un montant de 40 992,67 $;

e)     À France Couture pour un montant de 35 000,68 $;

f)     À Gabrielle Couture pour un montant de 40 818,49 $;

g)    À Angelina P. Daigle pour un montant de 25 000 $;

h)     À Françoise Fontaine pour un montant de 25 750 $ et de 46 902,78 $;

i)      À Yvonne Hébert Gagnon pour un montant de 30 938,11 $;

j)      À Olivier Goupil pour un montant de 67 020,62 $;

k)     À Lise Mathieu Huard pour un montant de 60 000 $;

l)      À Valois Huard pour un montant de 50 000 $;

m)   À Henri Louis Isabelle pour un montant de 25 301,53 $;

n)     À Renald Lemieux pour un montant de 76 306,49 $;

o)    À Madeleine Lussier pour un montant de 30 689,78 $;

p)    À Normande Pelletier pour un montant de 41 092,25 $;

q)    À Jean-Marc Pépin pour un montant de 30 969,35 $;

r)      À Gaétan Phaneuf pour un montant de 86 480,41 $;

s)     À Chantal Royer pour un montant de 40 397,60 $;

t)      À Suzanne Trépanier pour un montant de 30 752,31 $;

u)     À Roland Bolduc pour un montant de 25 217,39 $;

v)     À Madeleine Bolduc pour un montant de 25 364,49 $;

 

alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

 

3.     À Katevale, entre le ou vers le 1er octobre 2003 et le ou vers le 1er octobre 2004, l’intimé RENÉ JOUBERT a conseillé et fait souscrire aux clients suivants des actions privilégiées « Class U » émises par Balanced Return Fund :

 

a)     À Claire Giard et Réjean Giard pour un montant de 50 000 $;

b)    À Edouard (Eddy) Grenier pour un montant de 50 000 $;

c)     À Gilberte Martin Houle pour un montant de 75 000 $;

d)    À Lilly Lafrenière pour un montant de 50 000 $;

e)     À Serge Madore pour un montant de 55 000 $;

f)     À Micheline Richer pour un montant de 70 000 $;

g)    À Roger Tessier pour un montant de 50 000 $;

 

            alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

 

À L’ÉGARD DE SON CLIENT ROLAND BOLDUC

 

4.     À Katevale, entre le ou vers le 27 avril 2001 et le ou vers le 17 octobre 2006, l’intimé RENÉ JOUBERT n’a pas agi de manière responsable avec respect, intégrité et compétence en signant le nom de son client, Roland Bolduc sur des fiches de transactions en lieu et place de ce dernier, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2);

 

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE MADELEINE BOLDUC

 

5.     À Katevale, entre le ou vers le 27 avril 2001 et le ou vers le 17 octobre 2006, l’intimé RENÉ JOUBERT n’a pas agi de manière responsable avec respect, intégrité et compétence en signant le nom de sa cliente, Madeleine Bolduc sur des fiches de transactions en lieu et place de cette dernière, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2) et à l’article 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2);

[2]          Le comité a requis la transcription des témoignages entendus. L’acheminement des notes sténographiques fut complété le 6 novembre 2009, date de la prise en délibéré.

[3]           Les deux parties étaient représentées par procureurs. La preuve documentaire P-1, P-4 à P-33 pour la plaignante ainsi que I-1 à I-8 pour l’intimé fut produite de consentement.

[4]           La plaignante fit entendre Me Brigitte Poirier, enquêteur pour le bureau du syndic de la CSF, madame Madeleine Bolduc, M. Roland Bolduc ainsi que madame Maryse Denis, les consommateurs visés par les chefs d’accusation 2, 3 ,4 et 5. Enfin, l’intimé fut appelé à témoigner en preuve principale ainsi que pour sa défense.

OBJECTION

[5]           L’intimé, par l’entremise de son procureur, s’objecta à la production d’une copie de la convention des actionnaires de Groupe Futur Inc. («Groupe Futur») et Norbourg Groupe Financier Inc. («Norbourg») contenant une clause 3 dite «incitative», objet du litige du premier chef d’accusation (P-3).  Il allégua que «la copie ne peut faire preuve de l’original que si on en établit la conformité à l’original.»[1]

[6]           Il souligna d’abord que la comparaison entre les versions 10 et 11 de la convention (P-3[2] et I-2A[3]), toutes deux portant la date du 9 avril 2003, démontre que la copie de la version 10 (P-3) est incomplète car ne comportant pas les annexes y mentionnées d’où sa conclusion de non-conformité à l’original.

[7]           Ensuite, invoquant le deuxième alinéa de l’article 2860 C.c.Q., il avança que la plaignante devait démontrer sa bonne foi et sa diligence pour réussir à produire la copie de l’écrit.  Se disant d’avis que la décision rendue dans l’affaire Trudel[4] constituait un bon guide pour apprécier la preuve secondaire fournie, il fit valoir que l’enquêteur avait manqué de diligence en se contentant de la réponse de l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui lui a remis copie de la version 10 (P-3) comme étant la convention recherchée sans questionner à partir de quel document cette copie avait été faite, comment et de qui l’AMF l’avait obtenue.  Il ajouta qu’il aurait été facile de demander à l’intimé lui-même de plus amples informations à ce sujet.

[8]           Le procureur de la plaignante répliqua, à l’encontre de ce dernier argument, que l’enquêteur avait fait des démarches supplémentaires et fait diligence pour obtenir l’original comme le démontrent les lettres échangées avec l’AMF (P-3A et B).  En outre, malgré la demande faite à l’intimé (I-1) concernant toute entente conclue avec Norbourg, celui-ci répondit à l’enquêteur (I-2) que la seule entente conclue était celle qu’il joignait à sa réponse, en l’occurrence, la version 11 (I-2A).  Ainsi, un des auteurs, l’intimé lui-même (en tant que signataire) ne lui a pas fourni ladite convention.

[9]           Il conclut, s’appuyant sur un extrait du traité du professeur Ducharme cité dans la décision Trudel[5], que comme l’intimé a lui-même confirmé, par son témoignage en l’espèce et dans l’affaire Davidson[6] (P-3C), que le 5 avril 2003, les cinq (5) actionnaires se sont présentés pour signer la version 10 de la convention (P-3) qui comportait la clause 3 dite «incitative» et que c’est par la suite qu’ils ont reçu la version 11 la modifiant (I-2A), l’exigence de la meilleure preuve était remplie.

[10]        Quant au fait que la copie de la version 10 de la convention (P-3) serait incomplète, le procureur de la plaignante fit valoir que c’était l’entièreté de la clause 3 dite «incitative» qui était seule en litige et de ce fait, encore une fois, l’exigence de la meilleure preuve serait respectée.

[11]       Se prononçant sur la suffisance de la preuve aux fins du fardeau de preuve des parties, Jean-Claude Royer, dans son traité sur la preuve civile[7], ainsi que la Cour d’appel du Québec[8] énoncent que la suffisance de la preuve secondaire relève de l’appréciation du juge au procès.

[12]        Aussi, le comité estime, en ce qui concerne l’argument relatif au manque de diligence de l’enquêteur, qu’elle a entrepris les démarches utiles en s’adressant à l’intimé lui-même.  Ce dernier lui a affirmé qu’il n’y avait eu qu’une seule entente soit la version 11, celle qu’il a produite sous I-2A.

[13]        Pour ce qui est de la production d’une copie de la version 10 de l’entente (P-3), l’intimé a reconnu lui-même l’impossibilité d’en produire l’original disant que tout avait été détruit.  Il ajouta que la version 10 (P-3) remise à l’enquêteur par l’AMF était probablement une copie que le comptable, M. Éric Asselin (M. Asselin), travaillant pour Norbourg avait conservée dans « ses tiroirs »[9].  Suivant son témoignage, c’est d’ailleurs cette version 10 de la convention qui a été signée le samedi 5 avril 2003 même si datée du 9 avril 2003.

[14]        À propos de l’absence des annexes mentionnées aux conventions signées par les parties, le comité estime que ceci ne saurait affecter la suffisance de la copie de la version 10 produite comme preuve secondaire en l’espèce.  L’intimé n’a, en aucun temps, contesté le contenu de la clause 3 en litige apparaissant à la version 10 de la convention signée par les parties (P-3).  Il a plutôt offert une défense disant que cette version 10 de la convention (P-3) bien que signée le 5 avril 2003 par les parties ne reflétait pas leur intention réelle à l’égard de cette clause. 

[15]        En conséquence, le comité est satisfait de la production de la copie de la version 10 de la convention (P-3) et l’estime, dans les circonstances, suffisante.

[16]        Le comité traitera maintenant du mérite des chefs d’accusation. Pour plus de commodité, le résumé des faits pertinents et l’analyse se feront chef par chef ou par groupe de chefs d’accusation de même nature.

CHEF D’ACCUSATION NUMÉRO 1

[17]       Par ce chef, il est reproché à l’intimé de s’être placé en situation de conflit d’intérêt et d’avoir fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle en acceptant de transférer au moins 25 % des actifs sous gestion de ses clients dans des produits financiers gérés par Norbourg ou une société liée (P-3).

Les faits

[18]        L'intimé était propriétaire de 24,76 % des actions de Groupe Futur.

[19]        La balance des actions était détenue dans la même proportion par MM. Jules Dionne (M. Dionne), Robert Duval (M. Duval), Larry Davidson (M. Davidson) et un 5 % par M. Martial Lupien.

[20]        Ce serait en janvier 2003 que l’intimé a appris de M. Duval que Norbourg était intéressé à acheter le Groupe Futur.  Même si M. Davidson et lui-même étaient satisfaits du statu quo, n’ayant pas la capacité financière d’acheter la part de leurs associés, ils étaient obligés d’accepter de vendre.  C’est M. Dionne, assisté de M. Duval, qui aurait négocié l’entente avec M. Vincent Lacroix (M. Lacroix) pour Norbourg.

[21]        Aux dires de l’intimé, ils ont signé une convention d’achat d’actions du Groupe Futur le samedi 5 avril 2003, aux bureaux de Norbourg à Montréal (P-3). Étaient présents les cinq actionnaires, M. Lacroix, son avocat, Me Dussault et possiblement son comptable, M. Asselin.

[22]        En vertu de la clause 3.1 de cet acte, les actionnaires de Groupe Futur s'engageaient à transférer en partie (au moins 25 %) des actifs sous gestion de leurs clients dans des produits financiers gérés par Norbourg ou une société liée à défaut de quoi, suivant les modalités décrites à la clause 3.2, il y aurait une diminution du prix de vente de leur entreprise.

[23]        Cette clause dite «incitative» ou «d’ajustement» comme appelée par le procureur de l’intimé était libellée comme suit :

« 3. AJUSTEMENT DU PRIX D'ACHAT

3.1      Les Vendeurs s'engagent à ce qu'au moins 25 % des Actifs sous gestion soient transférés dans des produits financiers gérés par Norbourg Services Financiers inc. ou une société liée.

3.2      Dans l'éventualité où les Vendeurs ne respectent pas les objectifs mentionnés au paragraphe 3.1 ci-avant, les Versements subséquents seront ajustés de la façon suivante :

3.2.1       Versement 2 = Solde x actifs dans Fonds Norbourg (@ 6 mois)

                                        25 % des Actifs sous gestion

3.2.2       Versement 3 = Solde x actifs dans Fonds Norbourg (@ 12 mois) – Versement 2

                                                      25 % des Actifs sous gestion

3.2.3.    Versement 4 = Solde x actifs dans Fonds Norbourg (@ 18 mois) - £ Versements 2, 3

                                                        25 % des Actifs sous gestion

3.2.4.     Versement 5 = Solde x actifs dans Fonds Norbourg (@ 24 mois) - £ Versements 2, 3, 4

                                                        25 % des Actifs sous gestion

3.2.5.     Versement 6 = Solde x actifs dans Fonds Norbourg (@ 30 mois) - £ Versements 2, 3, 4, 5

                                                                 25 % des Actifs sous gestion

3.3     La valeur des actifs sous gestion transférés dans des produits financiers gérés par Norbourg Services Financiers inc. ou une société liée (le numérateur des formules prévues au paragraphe 3.2 ci-avant) servant à déterminer les montants des Versements subséquents ne comprendra pas la valeur des actifs sous gestion attribuables à un représentant ayant fait l'objet d'une transaction séparée de celle prévue aux présentes. »

[24]       Selon l’intimé, avant la rencontre pour la signature du 5 avril 2003, une copie du projet de convention incluant la clause 3 identique à celle apparaissant à P-3, avait été expédiée à chacun des actionnaires pour étude.

[25]       Ces derniers, se seraient réunis à Montréal, la veille, pour en discuter. C’est alors qu’ils auraient conclu que cette clause, les plaçant en conflit d’intérêt, devait être retirée de l’entente.  Ils décidèrent de discuter de ce changement face à face avec M. Lacroix le lendemain à la rencontre fixée pour la signature.

[26]       Aux dires de l’intimé, ils furent surpris que M. Lacroix accepte la modification souhaitée aussi facilement et signèrent la version 10 telle quelle en attendant de recevoir la version modifiée.  Ainsi, tous apposèrent leur signature et paraphèrent chaque page du document, y compris la page 3 où se trouvait la clause «incitative» ou clause «d’ajustement» sans toutefois biffer quoi que ce soit à la convention qui leur avait été soumise même pas la clause qui leur causait problème.  Bien que signée le 5 avril 2003, l’intimé expliqua que la date du 9 avril 2003 fut inscrite sur l’entente afin de correspondre avec la date du premier chèque émis en règlement de la convention[10].

[27]       La version 11 de la convention (I-2A) lui aurait été acheminée par la poste dans les quelques jours qui ont suivi.  Il l’aurait ensuite fait suivre au signataire suivant ou à M. Dionne et retourné son exemplaire de la version 10 (P-3).

[28]       Questionné par le procureur de la plaignante sur une déclaration antérieure faite au cours de l’affaire Davidson (P-3C), au sujet de la réception par la poste de la version 11 de la convention (I-2A), où il déclarait qu’il ne l’avait pas reçue tout de suite mais après quelques semaines et même dit possible que cela n’ait été qu’en septembre ou octobre 2003 après les vacances d’été, l’intimé dira avoir, lors de cet interrogatoire, confondu la réception d’une modification qui avait fait l’objet du courriel de M. Dionne, reçu en septembre 2003, indiquant que la page 3 devait être remplacée, modification faite, cette fois, à la version 11 (I-2A) à propos d’une clause de garantie.

[29]       Ce courriel daté du 17 septembre 2003 (P-3D) se lisait comme suit :

« Vous trouverez incluse la modification à la page 3 de la « Convention d'achat d'actions » intervenue entre Norbourg et les actionnaires de Groupe Futur.

Veuillez s.v.p. l'insérer en lieu et place de la page 3 existante, prenant soin de détruire l'ancienne qui est erronée.

Merci,

Jules »

Prétentions des parties

[30]       Le procureur de la plaignante indiqua que la preuve avait démontré que la version 10 de la convention (P-3) a été signée le 5 avril 2003 mais postdatée au 9 avril 2003.  La version 11 de la convention (I-2A) serait intervenue plus tard même si antidatée au 9 avril 2003.

[31]       Il invita le comité à mettre en doute la crédibilité de l’intimé qui, en l’espèce, dit qu’il a reçu la convention modifiée (version 11) par la poste dans les quelques jours qui ont suivi alors qu’il avait admis dans l’affaire Davidson l’avoir reçue autour du mois de septembre ou octobre 2003, « après les vacances, après l’été »[11].  Selon le procureur de la plaignante, cette dernière version se rapprochait davantage de celle de M. Lacroix qui dit « il y a eu une période »[12] avant un deuxième contrat qui modifiait le premier.

[32]       Comme souligné par le comité dans l’affaire Davidson[13], il fit valoir qu’il était invraisemblable :

« […] que des hommes d’affaires non dénués d’expérience aient consenti à signer et parapher un document qui leur imposait des obligations d’importance auxquelles ils auraient souscrits sans même songer à indiquer par écrit les modifications ou faire les ratures appropriées ».

[33]       Rappelant qu’en vertu de la version 10 de la convention (P-3), signée le 5 avril 2003, un premier chèque avait été encaissé, le procureur de la plaignante a soutenu, s’appuyant sur la décision rendue par le comité dans l’affaire Duchesneau[14], que jusqu’à ce que la version 11 de la convention soit signée, cette version 10 de la convention (P-3) régissait les parties.  Par la clause 3 dite «incitative» ou «d’ajustement», l’intimé s’était placé dans une situation de conflit d’intérêt ou avait fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle se rendant coupable d’une faute déontologique. Il précisa que le comité n’avait pas à considérer si les clients avaient subi un préjudice.

[34]       Pour sa part, le procureur de l’intimé signala qu’il incombait à la plaignante de présenter une preuve claire et sans ambiguïté comportant un haut degré de conviction.  La plaignante devait présenter une telle preuve des éléments de l’infraction reprochée[15].

[35]       À ce sujet, il souligna un passage de la décision rendue dans Léveillé c. Lisanu cité par le Tribunal des professions dans l’affaire Paquin[16]:

« […] Pour que le syndic s’acquitte de son fardeau, il ne suffit pas que sa théorie soit probablement plus plausible que celle du professionnel.  Il faut que la version des faits offerts par ses témoins comporte un tel degré de conviction que le comité la retient et écarte celle de l’intimé parce que non digne de foi. »

[36]       Il a ensuite soutenu que l’infraction décrite au premier chef de la plainte disciplinaire, bien qu’elle soit de responsabilité stricte, requérait la démonstration du caractère intentionnel de l’acte dérogatoire et par conséquent, le comité ne pouvait faire abstraction des circonstances entourant l’acte prétendument fautif[17].

[37]       Il fit donc valoir l’importance de considérer, en l’espèce, que le 5 avril 2003 les cinq (5) actionnaires se sont présentés au bureau de M. Lacroix pour discuter de la version 10 de la convention (P-3) qui avait été rédigée par l’avocat de ce dernier, Me Dussault.  Que ces actionnaires auraient informé M. Lacroix de leur désaccord avec la clause dite «incitative» ou «d’ajustement» s’y trouvant. Et qu’enfin, cette version avait été suivie d’une autre version de la convention qui l’éliminait (I-2A).

[38]       À son avis, cette version des faits fournie par l’intimé était corroborée par M. Lacroix lui-même quand il déclare que les actionnaires ont mentionné que «le contrat n’avait pas été fait en fonction de la réglementation» et qu’il avait modifié les contrats compte tenu qu’il était sous inspection[18].

[39]       Le procureur de l’intimé souligna que le comité devait, face à ce contexte, se poser la question à savoir si les signataires de la convention avaient l’intention au moment de la signature le 5 avril 2003 de transférer les actifs sous gestion.  À son avis, le comité doit répondre par la négative parce que ces derniers l’auraient exprimé au moment de la signature, ce qui serait corroboré par le témoignage de M. Lacroix.

[40]       Il a soutenu que même si certains fonds[19] des clients ont été transférés dans les produits Norbourg, ce que le comité devait déterminer était si ce transfert était en exécution de la clause 3.2.  Il s’est d’avis que non.  À cette fin, il rappela qu’aucun ajustement du prix de vente n’avait été fait, les chèques affichant les sommes fixées sans réduction[20].  Il a fait valoir que M. Lacroix aurait bien pu décider d’appliquer la clause en litige et ne pas faire un deuxième versement.  Dans les faits, l’intimé a reçu tous les versements sans ajustement sauf le dernier dû à l’éclatement du scandale Norbourg.

[41]       Reconnaissant que les actionnaires aient pu être imprudents en signant quand même la version 10 qui contenait la clause 3 et qu’ils auraient peut-être dû la raturer, le procureur de l’intimé insista sur le témoignage de son client qui a expliqué qu’ils étaient cinq (5) hommes d’affaires autour de la table en plus de trois (3) autres personnes, M. Lacroix, son avocat et son comptable, donc huit (8) personnes pouvant témoigner que la clause ne s’appliquerait pas.  Ils l’auraient fait ainsi voulant cristalliser la vente.

[42]       Il avança que le fait qu’il n’y ait pas eu d’ajustement du prix de vente constituait l’élément de preuve le plus important car corroborant le témoignage de son client que seule la version 11 (I-2A) devait être retenue.

[43]       Il ajouta qu’il n’y avait pas de preuve d’événement particulier survenu dans les cinq (5) mois suivant le 5 ou 9 avril 2003 qui aurait justifié les actionnaires de refaire le contrat, ce qui appuierait la version de l’intimé voulant que cette clause-là n’ait jamais été appliquée parce qu’ils n’en avaient pas l’intention.

[44]       Puisque la clause d’ajustement ne s’était jamais matérialisée, il n’y avait pas eu acceptation de transférer des actifs sous gestion.  Ainsi l’intimé devait être acquitté vu la nécessité d’une intention blâmable pour être trouvé coupable d’un manque d’honnêteté, d’intégrité ou de probité[21].

[45]       Enfin, le procureur de l’intimé, commentant la décision rendue par le comité de discipline dans l’affaire Davidson[22], a soutenu que le comité avait fait preuve d’une trop grande sévérité dans son analyse et que cette décision, portée en appel, était sujette à caution.

Analyse du chef d’accusation 1

[46]       Essentiellement, l’intimé plaide que la version 10 de la convention (P-3) ne reflétait pas la réelle volonté des cinq (5) actionnaires du Groupe Futur (les vendeurs) qui n’étaient pas d’accord avec la clause 3 les engageant à transférer 25 % de leurs actifs sous gestion.  Ils en auraient informé, avant même sa signature, M. Lacroix. De ce fait, l’intimé n’aurait pas eu l’intention blâmable nécessaire pour être déclaré coupable de cette infraction.

[47]       La preuve non contredite a révélé que le 5 avril 2003 les parties ont signé et apposé leurs initiales sur chacune des pages de la version 10 de la convention (P-3) qui comporte une clause 3 par laquelle les cinq actionnaires du Groupe Futur s’engageaient à transférer au moins 25 % des actifs sous gestion de leurs clients dans des produits financiers gérés par Norbourg ou une société liée.  Ils ont daté cette convention du 9 avril 2003 pour correspondre à la date du premier chèque reçu (I-2D) lors de cette rencontre.

[48]       Quant au moment de la signature de la version 11 (I-2A), la preuve fut composée du témoignage de l’intimé rendu en l’espèce et dans l’affaire Davidson ainsi que des extraits du témoignage rendu par M. Lacroix sur le sujet (I-7) et produit par l’intimé.

[49]       Or, le témoignage de l’intimé s’est révélé confus et contradictoire.  Devant ce comité, il a dit que la signature de la version 11 de la convention (I-2A) avait eu lieu très peu de temps après la rencontre du 5 avril 2003 aux bureaux de M. Lacroix, disant « [...] peu de temps après [...] » sans pouvoir dire « [...] combien de temps après [...] » ou « [...] dans les jours qui ont suivi [...] » et encore, après être requis de préciser, il dira « Je parle de jours »[23].  Ce témoignage de l’intimé suppose ainsi que la version 11 lui a été acheminée rapidement après le 5 avril 2003, jour où les parties ont signé la version 10 (P-3).

[50]       Suivant son témoignage rendu le 18 juin 2009 dans l’affaire Davidson, il déclara plutôt que « […] Ça a peut-être pris quelques semaines. Ça ne s’est pas fait tout de suite parce que, avec M. Lacroix, ça prenait toujours du temps.» et a poursuivi « Mais on se disait on a confiance, il nous a donné notre premier chèque, notre deuxième chèque, ça été correct, je ne sais pas si ça s’est fait entre les deux (2), je ne sais pas quelle date précise, je vous avoue.» et lorsque les mois de septembre ou octobre 2003, lui sont suggérés par le procureur de la plaignante, il dit : « Ça se pourrait, ça se pourrait, après les vacances, après l’été, c’est possible. »[24]

[51]       Selon ce dernier témoignage, la version 11 de la convention (I-2A) n’aurait pas été signée rapidement comme déclaré devant notre comité, mais vraisemblablement entre les mois d’août et octobre 2003, puisque le deuxième chèque était dû le 9 octobre 2003 (I-2D), six (6) mois plus tard, selon les termes des deux conventions alléguées en l’espèce.  Il y a donc, à ce sujet, contradiction entre les deux témoignages de l’intimé.

[52]       Quant à M. Lacroix, il dit, comme déclara l’intimé dans l’affaire Davidson, qu’«une certaine période»[25] s’est écoulée avant la conclusion de la convention modifiée qui éliminait la clause prévoyant l’engagement du transfert de 25% des actifs dans les fonds Norbourg.  Le comité estime, comme le procureur de la plaignante, que ce témoignage de M. Lacroix[26] corrobore davantage celui offert par l’intimé dans l’affaire Davidson.  

[53]       Le comité conclut en conséquence que la période passée avant la signature de la deuxième convention fut plutôt près de cinq (5) ou six (6) mois.

[54]       En outre, malgré une certaine réserve qui doit être faite à l’égard du témoignage de M. Lacroix, compte tenu du scandale entourant l’affaire Norbourg, la lecture de l’ensemble de son témoignage produit jette un éclairage additionnel sur les éléments factuels à apprécier[27].

[55]       Il est vrai que le témoignage de M. Lacroix offre une certaine corroboration des dires de l’intimé quant à l’existence d’une inspection par l’AMF et que les actionnaires auraient soulevé le fait que la clause de transfert de 25 % des actifs sous leur gestion n’était pas réglementaire.[28]  Toutefois, suivant le témoignage de M. Lacroix, ces faits paraissent s’être produits après la conclusion du premier contrat. 

[56]       Par exemple, il ressort du témoignage de M. Lacroix que ce n’est que « Et par la suite» du premier contrat (P-3) que M. Asselin aurait eu des informations disant qu’ils étaient sur le point d’être inspectés dans les réseaux de distribution[29].  Aussi, il y a eu « une période »[30] avant le deuxième contrat (I-2A) qui modifiait les clauses reliées au transfert de 25 % des actifs sous gestion dans les fonds Norbourg.

[57]       Cela paraît conséquent avec la preuve voulant que cette deuxième convention (I-2A) ait été faite plusieurs mois après la première.

[58]       L’intimé demande au comité de croire que malgré la signature de la version 10 (P-3) le 5 avril 2003, seule la version 11 de la convention (P-2A), éliminant la clause dite «incitative» ou «d’ajustement» de la version 10, représentait la volonté des parties.

[59]       Selon ses dires les cinq (5) actionnaires ont consenti à signer et parapher un document qu’ils savaient leur imposer des obligations importantes malgré qu’ils n’étaient pas d’accord d’y souscrire et ce, sans même faire les ratures appropriées ou faire mentionner les modifications prétendument négociées avant la signature.

[60]       Ainsi, ils se seraient engagés, entre autres, à transférer la totalité des actions qu’ils détenaient dans le capital-actions de leur compagnie (clause 4), sans non plus hésiter à lier ainsi leurs héritiers et autres, tel que stipulé à la clause 21.1.

[61]       Somme toute, ils signaient reconnaissant par la clause 23.1 que cette convention constituait la seule convention entre les parties et qu’elle prenait priorité sur toute négociation précédente écrite ou verbale, les parties reconnaissant de plus que l’offre de vente d’actions intervenue entre elle le ou vers le 30 janvier était remplacée, à toutes fins que de droit, par celle-là.

[62]       De même quoique en désaccord avec le transfert de 25 %, ils auraient également signé et apposé leurs signatures et initiales sur chaque page d’une convention de non concurrence et de confidentialité (I-2E), attestant de la vente intervenue le même jour.

[63]       Le comité ne croit pas l’intimé qui prétend qu’au même moment il y a eu une entente verbale pour modifier la clause 3 en litige[31].  Le comité est d’avis que cette version des faits par l’intimé est inconcevable et non crédible. 

[64]       Sachant qu’ils se plaçaient en situation de conflit d’intérêt par ladite clause, pourquoi alors ne pas attendre la convention modifiée avant de signer ? 

[65]       De deux choses l’une, les actionnaires ne savaient pas avant de signer le 5 avril 2003 que, par cette clause, ils se plaçaient en situation de conflit d’intérêt mais auraient dû le savoir ou ils le savaient et s’en «foutaient» pour reprendre le vocabulaire utilisé par l’intimé[32] que le comité considère révélateur à tout le moins de l’état d’esprit de l’intimé ce 5 avril 2003.

[66]       Comme le dit si bien l’intimé de maintes façons au cours de son témoignage[33] :

« […] on est des vendeurs et puis on avait décidé de vendre, puis ce qui était entendu c’était le prix de vente, on était content de ça, puis ce qu’on voulait quand on s’est rencontré le samedi, c’était que la vente se concrétise […]. »

Et

« C’est pour régler le «deal», parce qu’on est ensemble, puis on est des vendeurs, notre bonne intention c’est qu’on part avec notre chèque et puis on conclut, […]. »

Ou encore au sujet du contexte de la signature du 5 avril 2003 et de la modification de la clause 3[34]:

« À cette heure, comment ça allait apparaître, c’était une modification d’une page ou de l’en…, ou que ça devenait doc 11, entre vous et moi, je veux dire, la confiance était là et puis on s’en foutait. Je veux dire, ce qui comptait c’est que ce soit dans les faits, qu’on soit payé selon la formule de, qu’on ait notre million huit (1,8 M) sur trois (3) ans, réparti et puis payé aux six (6) mois. » (Nos soulignés)

[67]       Considérant le délai écoulé entre le 5 avril 2003, date de signature de la version 10 (P-3) et celle de la version 11 (I-2A) la modifiant, le comité tire la même conclusion que, le comité dans l’affaire Davidson[35] :

« Ajoutons enfin que le délai relativement prolongé entre la signature de la première convention d'achat d'actions (P-2) et la deuxième (D-4) laisse davantage croire à une modification subséquente (bien que rétroactive) d'une entente intervenue préalablement entre les parties qu'à la concrétisation en D-4 d'une entente originale. »

[68]       Le comité est aussi d’avis, comme exprimé dans l’affaire Davidson[36], que : « […] puisque de façon contemporaine à la signature dudit document (P-3) une exécution partielle de la contrepartie[37] aurait été effectuée par l’acheteur, une entente translative de propriété est alors intervenue entre les parties».

[69]       C’est un fait non contesté, que les cinq (5) actionnaires ont signé cette version 10 (P-3), qu’ils ont chacun reçu un chèque daté du 9 avril 2003 en contrepartie et que d’autres versements étaient prévus dans les mois suivants.

[70]       Le comité est d’avis qu’en adhérant à la version 10 de la convention (P-3), l’intimé s’y engageait et se plaçait en situation de conflit d’intérêt ou en apparence de conflit d’intérêt, du moins jusqu’à ce que la version 11 (I-2A) la remplace quelques mois plus tard.

[71]       L’argument de l’intimé voulant que le transfert des actifs sous sa gestion ne l’ait pas été en exécution de la clause 3.2 de la version 10 (P-3) au motif qu’il n’y a pas eu application de la clause d’ajustements par l’acheteur par la suite, ne peut être retenu.  Dans les circonstances, la preuve a démontré qu’il y a eu modification de la convention éliminant cette clause avant le deuxième versement du mois d’octobre 2003. 

[72]       Par conséquent, le comité étant d’avis que la plaignante s’est déchargée de son fardeau de preuve, l’intimé sera déclaré coupable sur le chef d’accusation numéro 1 porté contre lui. 

CHEFS D’ACCUSATION NUMÉROS 2 ET 3

Les faits

[73]       Ces chefs d’accusation reprochent à l’intimé d’avoir conseillé et fait souscrire à une trentaine de ses clients des actions privilégiées « Class F » (chef 2) et «Class U » (chef 3) émises par Balanced Return Fund, produits non couverts par sa certification. 

[74]       Sur ces chefs, à part la preuve documentaire produite, seules les consommatrices Mmes Madeleine Bolduc (madame Bolduc) (chef 2v)) et Maryse Denis (madame Denis) (chef 2a)) témoignèrent devant le comité.  Quant à M. Roland Bolduc, époux de madame Bolduc, les procureurs ont admis que s’il venait témoigner, il dirait avoir investi 25 000 $, tel que démontré par la preuve documentaire (P-6 i p. 25).

[75]       Le procureur de la plaignante a, par la suite, appelé l’intimé à témoigner sur ces chefs.

[76]       Madame Bolduc confirma avoir souscrit des actions privilégiées «Class F» (P-6 i), p. 22) émises par Balanced Return Fund.  Elle dit que ces fonds lui avaient été proposés par l’intimé comme un placement intéressant et par conséquent, elle et son époux, Roland Bolduc, ont décidé d’investir.  Ils ont rempli des «papiers» en bonne et due forme à cette fin.  Elle ne se souvient pas avoir rencontré quelqu’un d’autre pour cet investissement.

[77]       Quant aux relevés de compte émis à son nom par la compagnie Cardinal international (P-6 i)), elle indique que l’adresse y figurant n’est pas celle du couple.

[78]       L’adresse y apparaissant est celle de l’intimé.

[79]       Madame Denis dit avoir connu l’intimé au début des années 1990 par l’entremise d’une amie, madame Raymonde Brousseau (madame Brousseau), qui en était à ses débuts comme représentante et travaillait pour le Groupe Investors et se faisait accompagnée de l’intimé qui l’aidait.

[80]       Après quelques temps, madame Brousseau ayant déménagé, madame Denis a poursuivi ses relations d’affaires avec l’intimé qui était toujours chez Investors.  Par la suite, elle l’a suivi chez le Groupe Futur.  Elle a procédé avec lui à différents investissements tant pour des placements non enregistrés que dans des RÉER (P-6 a, p. 83-84).

[81]       Elle avait investi environ 150 000 $ mais avec le marché qui a connu des baisses, elle a subi des pertes importantes.  C’est alors, qu’en août 2002, l’intimé aurait communiqué avec elle pour la rencontrer et lui a proposé de faire un placement « off shore » dans Balanced Return Fund.  

[82]       Madame Denis n’avait jamais entendu parler de ce type de placements auparavant.  L’intimé lui a expliqué qu’il s’agissait de fonds d’actions privilégiées de «Class F » situés aux Bahamas qui rapportaient annuellement environ 12% d’intérêts.  Cela lui permettrait de récupérer l’argent perdu.  Si elle le décidait, il fallait y donner suite au plus tard en septembre 2002.  Elle dit avoir accepté tout de suite mais sans se souvenir s’il y avait eu des formulaires à remplir.

[83]       Madame Denis affirma qu’il n’y avait pas d’autre personne présente lors de ces échanges avec l’intimé et que ce dernier est la seule personne qui lui a parlé de cet investissement.

[84]       Elle confirma que l’adresse apparaissant au relevé de placement n’était pas la sienne mais celle de l’intimé (P-6 a, p. 84). 

[85]       Tous les trois (3) mois, ces relevés indiquant les intérêts accumulés lui étaient acheminés mais en 2005 elle n’en reçut aucun.  N’ayant pas eu de nouvelles de l’intimé alors qu’il avait l’habitude de lui fixer une rencontre en août ou septembre de chaque année, elle communiqua avec lui.  Il lui répondit qu’il y avait eu des ouragans dans la région des Bahamas ce qui expliquait probablement le retard des relevés.  Environ un mois plus tard, l’intimé lui fit parvenir une lettre informant qu’il avait entrepris des démarches pour récupérer les argents investis.

[86]       Madame Denis confirma avoir signé à l’été 2006 une lettre adressée à l’AMF et à RSM Richter préparée par l’intimé mais affirma ne pas avoir participé à l’élaboration de son contenu (P-6h, p. 117).

[87]       Par la suite, étant sans nouvelles des syndics de faillite et de l’intimé, elle communiqua directement avec RSM Richter pour s’assurer que son nom était bien inscrit sur la liste des réclamants.

[88]       En janvier 2009, elle reçut de l’AMF confirmation qu’elle ne recevrait aucun remboursement de ce placement.

[89]       Pour sa part, l’intimé expliqua que les années 1998 à 2002 ont été difficiles pour les investisseurs. Les clients lui demandaient d’autres placements, d’autres fonds d’investissements.  Ainsi, il a assisté à des présentations de placements comme Norshield, Balanced Return Fund, Comax et autres produits liés aux fonds Univest et Trimark.

[90]       Il indiqua avoir fait des recherches sur ces différents produits (P-6 b à q).  Balanced Return Funds étaient associés aux performances du fonds Univest dans lequel des municipalités comme Jonquière et Sherbrooke ainsi que des compagnies telles que Canada-Vie et Transamerica avaient investi.

[91]       L’intimé expliqua que ces placements nécessitaient généralement trois (3) rencontres avec les clients.  Une première où il leur remettait les résultats de ses recherches en leur demandant de les étudier et de le rappeler s’ils étaient intéressés.  Une deuxième, s’il y avait lieu, pour compléter les formulaires nécessaires au retrait de fonds sous sa gestion aux fins de l’investissement et une troisième pour prendre possession des autres informations ou documents requis ainsi que d’une traite bancaire correspondant au montant investi incluant ou non les frais, précisant que les clients payaient plus souvent ces frais à part. 

[92]       Par exemple, pour confirmer l’adresse des clients aux fins de l’ouverture de compte, une preuve de paiement de service public du Québec ou une copie de leur passeport était requise des intéressés. 

[93]       Ensuite, l’intimé dit qu’il acheminait le tout à M. Mechaka de IForum, à Montréal.  Il confirma rencontrer seul les clients. Toutefois, l’intimé dit que les clients connaissaient le nom de M. Mechaka. 

[94]       L’intimé confirma que l’approche décrite par madame Denis était la même avec les autres consommateurs incluant M. Roland Bolduc.

[95]       Il indiqua que les consommateurs visés par les chefs d’accusation 2 a) à v) sont les clients qui lui ont dit être intéressés par les fonds de Balanced Return Fund, « Class F ».

[96]       L’intimé affirma avoir rencontré tous les consommateurs visés par les chefs d’accusation 2 et 3 et leur avoir fourni les documents d’information sur Univest préparés par la Banque Royale ainsi que d’autres informations sur les différents fonds (P-6b, l) et k)).

[97]       L’intimé confirma que ces consommateurs étaient tous ses clients et que c’est lui qui leur a présenté le produit. Il leur expliquait le risque lié aux placements à l’étranger, leur disait qu’il s’agissait d’un placement volatile mais avec un rendement fixe.

[98]       Quant aux fonds Balanced Return Fund de « Class U » visés par le chef d’accusation numéro 3, ceux-ci rapportaient 2% d’intérêts de moins que ceux de « Class F » visés par le chef d’accusation numéro 2, qui étaient en plus garantie pour cinq (5) ans.

[99]       L’intimé indiqua que les mêmes documents étaient remplis pour les placements décrits à ces deux chefs mais que certains consommateurs ont choisi les fonds d’actions «Class F » et d’autres la «Class U » parfois parce que la classe « F » n’était plus disponible.

[100]    Seul un numéro apparaissait sur les confirmations de placements et l’adresse inscrite sur les relevés étaient la sienne.  Une fois reçus, l’intimé indiquait à la main les coordonnées du client à qui appartenait l’investissement.  L’intimé dit qu’il savait ne pas avoir le droit de vendre ces produits mais avoir cru qu’il pouvait référer les clients pour ces placements.  Il confirma être celui qui a inscrit tous les clients auprès de RSM Richter, la firme choisie pour régler la faillite. 

[101]    Questionné quant à la raison pour laquelle les relevés de compte étaient envoyés à son adresse (P-6 i, p. 20), il déclara que cela lui assurait un meilleur suivi des placements de sa clientèle.  L’intimé dit qu’il ne recevait pas de rémunération, qu’il était proche «de son monde» et croyait qu’ainsi il préservait sa clientèle afin de se voir confier de nouveau leur placement. 

[102]    Il confirma que toutes les transactions et relevés de compte transitaient par chez lui avant d’être remis aux clients et que les frais de rachat étaient remboursés par Univest ou Balanced Return Fund.  Il précisa que :

        la confirmation de placement était faite au nom du client mais indiquait son adresse à lui (P-6 a), p. 84);

        le relevé de placement trimestriel portait seulement un numéro et que les notes manuscrites indiquant le nom du client étaient les siennes (P-6 a, p. 83 et P-6 i).

Les prétentions des parties

[103]    Le procureur de la plaignante référa à la preuve documentaire pour chacun des consommateurs visés par les chefs d’accusation 2 et 3.  Il cita des décisions[38] énonçant les principes juridiques pertinents à ce type d’infraction. 

[104]    Il dit que la certification des représentants était délivrée par l’AMF (article 12, LDPSF) et dans les disciplines visées par l’article 13 de la LDPSF, que les obligations déontologiques particulières à ces chefs d’accusation découlaient de l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière ainsi que des articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie et dans les disciplines des valeurs mobilières.

[105]    Il expliqua que les actions privilégiées visées par ces chefs d’accusation n’ayant pas fait l’objet de prospectus et Balanced Return Fund n’ayant pas bénéficié d’une dispense à cette fin, ces produits n’étaient pas couverts par le certificat de l’intimé.

[106]    Il fit valoir que ce n’était pas au client de savoir si le représentant détient le certificat qui l’autorise à agir ou sous quel titre il agit et que les décisions rendues dans les affaires Gagné, Ruest et Tardif confirmaient que celui qui laisse croire qu’il est autorisé à faire un acte, commet un acte dérogatoire.  Il cita les décisions Deslandes, Messier, Balayer et Labarre où le comité de discipline de la CSF a reconnu les mêmes principes même si le libellé des chefs d’accusation était différent. 

[107]    Il insista sur le fait que l’absence d’autre intermédiaire dans la transaction comme en l’espèce était un élément déterminant[39].  Concernant le reproche d’avoir conseillé, il argumenta qu’il faisait partie du devoir du représentant et qu’en agissant ainsi l’intimé avait fait fi du mécanisme que le législateur avait prévu permettant au client d’avoir les conseils d’un représentant compétent avant de souscrire à un produit[40].

[108]    Enfin, il s’appuya sur l’affaire Caya[41] disant que le devoir de conseil était intrinsèquement lié au droit d’offrir un produit. La preuve en l’espèce aurait démontré que l’intimé avait été le conseiller et en quelque sorte été la courroie de transmission concluant qu’il avait fait bien plus que référer ses clients. 

[109]    Le procureur de l’intimé fit appel pour ces chefs d’accusation à la présomption d’innocence.  Il insista sur le fait que le libellé de ces chefs d’accusation commandait, pour réussir, la preuve des deux (2) éléments, le conseil et la souscription.  Faute d’avoir fait la preuve d’un des deux éléments, dès lors, ces chefs devaient être rejetés, le syndic devant composer avec la substance intrinsèque du chef d’accusation[42].  Il a soutenu qu’il n’y avait aucune preuve de souscription et à son avis cet argument seul suffisait pour acquitter l’intimé.

[110]    En ce qui concerne les états de compte affichant l’adresse de l’intimé, il expliqua que c’était la façon habituelle de faire de son client répondant ainsi à un besoin de ses clients qui avaient le loisir de déclarer ou non leurs rendements au fisc. 

[111]    Concernant le devoir de conseil, il est d’avis qu’il doit y avoir un degré d’intensité pour influencer la personne à souscrire et que si le comité en arrivait à la conclusion que l’intimé avait conseillé ces produits, cette faute pouvait valoir qu’à l’égard de Mmes Bolduc et Denis.

[112]    Il vit dans la première phrase de la lettre de l’intimé adressée le 11 octobre 2005 à M. Mechaka de IForum, une corroboration qu’il s’agissait de référence de clients aux fins d’investissement dans un produit à revenus fixes et à capital garanti par les actifs du fonds Univest (P-6 q).

[113]    Il dit que la plaignante n’ayant offert sur ces chefs que le témoignage de deux (2) consommatrices, cette preuve ne pouvait valoir pour les autres consommateurs énumérés à ces chefs d’accusation. L’intimé insista sur l’absence de preuve de souscription à l’égard de tous les consommateurs sur ces deux chefs d’accusation. 

[114]    Quant à la preuve de conseil, la seule preuve offerte est celle à l’égard de Mmes Denis et Bolduc, pour les autres consommateurs la preuve ne reposant que sur l’aveu ou le témoignage de l’intimé serait irrecevable.

[115]    Compte tenu de la présomption d’innocence en droit disciplinaire, la plaignante ne pourrait obtenir une condamnation de l’intimé s’appuyant sur son seul témoignage.

[116]    Répondant à ce dernier argument, le procureur de la plaignante répliqua qu’il ne pouvait trouver application en l’espèce.  Il avança que le témoignage de l’intimé n’avait que servi à compléter la preuve établie préalablement par la preuve documentaire et les témoignages de Mmes Bolduc et Denis.  Ainsi, la preuve n’était pas constituée du seul témoignage de l’intimé.  Au surplus, si l’intimé ne voulait pas que le comité puisse s’appuyer sur son témoignage, il devait s’y objecter au moment où il a été appelé à témoigner et non au moment des plaidoiries.

[117]    En ce qui concerne les autres arguments soulevés par l’intimé, le procureur de la plaignante résuma la preuve du contexte de ces transactions qui a révélé que:

        L’intimé est celui qui a parlé des produits en cause à tous les consommateurs visés par les chefs 2 et 3;

        Ces consommateurs étaient tous ses clients;

        L’intimé est celui qui leur a remis les informations concernant ces produits et qui a fait la cueillette des montants investis, des documents nécessaires à l’ouverture de compte et autres documents (P-6a) à P-6q));

        L’intimé est le seul intermédiaire et celui avec qui tous les clients ont eu deux (2) ou trois (3) rencontres;

        La confirmation et les relevés des placements étaient envoyés à l’adresse de l’intimé;

        L’intimé a clairement expliqué avoir procédé ainsi ne voulant pas que M. Mechaka lui vole sa clientèle, isolant ainsi le client;

[118]    Il conclut que l’argument de l’intimé suggérant une évaluation de l’intensité du conseil devait être rejeté, l’intimé ne pouvant se soustraire à son devoir de conseil en s’appuyant sur le devoir de conseil d’un autre représentant.

Analyse des chefs d’accusation 2 et 3

[119]    Après avoir minutieusement étudié la preuve documentaire le comité est d’avis qu’elle démontre tous les investissements allégués pour les consommateurs visés par ces deux chefs.

[120]    Mmes Bolduc et Denis étaient les clientes de l’intimé et elles ont clairement indiqué avoir investi dans les fonds en cause suivant ses recommandations sans autre intermédiaire.

[121]    L’intimé lui-même, dans une lettre adressée à l’AMF qu’il a préparée, signée et fait signer par sa cliente Madame Denis, écrit lui avoir recommandé en septembre 2002 l’achat d’un placement à taux fixe et à capital garanti par le fonds Univest vendu par l’entremise de IForum (P-6 h, p 117).

[122]    Quant aux autres consommateurs, l’intimé a reconnu que le processus était en tout point semblable à celui suivi avec Mmes Bolduc et Denis.  Ainsi il est celui qui leur a proposé ces produits, leur a fourni les renseignements pertinents, est intervenu lorsqu’un retrait d’actifs déjà sous sa gestion était nécessaire, a obtenu d’eux les documents et informations nécessaires ainsi que la traite bancaire au montant de l’investissement et enfin qui achemina le tout à M. Mechaka de IForum.

[123]    La preuve a de plus démontré que c’est l’intimé qui assurait le suivi de leurs placements, de la confirmation jusqu’aux relevés trimestriels, le tout étant envoyé à son adresse.

[124]    En outre, dans sa réponse à l’enquêteur, datée du 30 novembre 2007[43], au sujet des investissements de ses clients dans les Balanced Return Fund, l’intimé indique que le client signait le document d’investissement, payait les frais de 2% exigés soit en argent ou par traite bancaire et qu’il allait porter le tout directement au bureau d’IForum à Montréal.

[125]    De son témoignage devant le comité et dans sa réponse à l’enquêteur, il ressort que l’intimé est celui qui a recommandé à tous les consommateurs visés par ces chefs d’investir dans Balanced Return Fund[44]. Il leur a montré les analyses de la Banque Royale qu’il qualifia de « la plus grosse banque du pays » et a dit qu’un des avantages, bien compris de ses clients, face au risque de placer « offshore » était de profiter d’un rendement supérieur, en limitant les contraintes.  À la demande de certains clients, il faisait une copie de ce qu’ils signaient.

[126]    Le comité est d’avis que la preuve a démontré de façon prépondérante que l’intimé est celui qui a conseillé ces placements à tous les consommateurs énumérés à ces chefs d’accusation.  Il est aussi d’avis que le «et» du libellé du chef est disjonctif et en conséquence n’oblige pas la plaignante à faire la preuve des deux comportements conseil et souscription pour répondre à son fardeau de preuve sur ces chefs d’accusation.  Le conseil par l’intimé de tels produits constitue une infraction.

[127]    Le comité ne peut non plus souscrire à l’argument de l’intimé voulant qu’il y ait un degré de conseil à évaluer.  Même s’il en était ainsi, en l’espèce, le comité n’entretient aucun doute quant au rôle déterminant de l’intimé dans la décision d’investir de tous ces consommateurs. 

[128]    L’intimé ne peut pas non plus se disculper en prétendant avoir agi en tant que planificateur financier.  Ce n’est pas au client de déterminer s’il agit en vertu de son certificat de courtier en épargne collective ou de celui de planificateur financier ou d’un autre titre et de savoir s’il est autorisé à lui recommander de tels produits.

[129]    L’absence d’autre intermédiaire dans la transaction est un élément déterminant comme dans l’affaire Rifai[45]. Aussi le conseil faisant partie du devoir du représentant, ce faisant l’intimé faisait fi du mécanisme que le législateur avait prévu permettant au client d’avoir les conseils d’un représentant compétent avant de souscrire à un tel produit[46]. Enfin le devoir de conseil est intrinsèquement lié au droit d’offrir un produit[47].

[130]    Enfin, comme soutenu par le procureur de la plaignante, le comité est d’avis que le témoignage de l’intimé a servi à compléter la preuve établie préalablement par la preuve documentaire et les témoignages de Mmes Bolduc et Denis.  Ainsi, la preuve n’était pas constituée du seul témoignage de l’intimé et était donc recevable.

[131]    Par conséquent, l’intimé sera déclaré coupable des chefs d’accusation 2 et 3.

CHEFS D’ACCUSATION NUMÉROS 4 ET 5

[132]    Ces chefs d’accusation reprochent à l’intimé de ne pas avoir agi avec respect, intégrité et compétence en signant, entre le 27 avril 2001 et le 17 octobre 2006, le nom de ses clients, Madame Madeleine Bolduc et M. Roland Bolduc, sur des fiches de transactions en lieu et place de ces derniers.

Les faits

[133]    Madame Bolduc connaît l’intimé depuis plusieurs années.  Elle dit qu’il est son conseiller en placements et a toujours été très satisfaite de ses services. Elle reconnaît que les signatures apparaissant sur les documents P-16 à P-29 ne sont pas les siennes.  Par ailleurs, tant dans sa réponse aux questions de l’enquêteur que lors de son témoignage devant le comité, elle affirma avoir autorisé verbalement l’intimé à faire ces transactions, les avoir approuvées et ce, « même s’il n’avait pas nos signatures »[48]. Elle expliqua qu’elle et son mari se trouvaient alors soit en Floride pour environ six (6) mois par année ou encore à leur chalet à l’extérieur de la ville.

[134]    Les parties ont admis que si M. Bolduc venait témoigner, son témoignage serait identique à celui de son épouse eu égard aux documents qui le concernent (P-8 à P-15).

[135]    L’intimé, précisant que les Bolduc sont ses clients depuis plus de vingt (20) ans, reconnaît avoir signé à leur place pour les accommoder alors qu’ils avaient besoin d’argent quand ils étaient en Floride, ce qui représenterait environ quatre (4) transactions sur six (6) ans. 

[136]    Il reconnaît qu’il n’aurait peut-être pas dû signer en leur nom ou pour eux sans procuration écrite mais qu’il le faisait pour leur rendre service.

Les prétentions des parties

[137]    Le procureur de la plaignante avança que l’intimé, en signant en lieu et place de ses clients sans une procuration à cette fin, a commis une faute déontologique même si la raison invoquée était d’accommoder ses clients. Cette faute est d’une gravité objective sérieuse.  S’appuyant sur l’affaire Bureau[49] où la Cour du Québec a renversé la décision du comité de discipline de la CSF qui avait banalisé l’importance de la faute compte tenu de la nature du document en cause, il argumenta que la faute déontologique s’apprécie indépendamment de l’importance du document.  Il en serait de même du dommage causé[50].

[138]    Quant au procureur de l’intimé, il a soutenu que cette infraction était de responsabilité stricte ce qui donnait ouverture à une défense de bonne foi. Il avança qu’à partir du moment où il ne s’agit pas de responsabilité absolue, le comité se devait d’examiner l’infraction dans son contexte.

[139]    Même s’il reconnaît que cette façon de faire n’est peut-être pas recommandable et qu’il aurait été souhaitable que son client obtienne une procuration ou la signature de ses clients, il insista sur le fait que d’après le contexte décrit par Madame Bolduc et l’intimé, ces transactions avaient été autorisées au préalable.

[140]    Compte tenu que c’était pour servir ses clients et qu’il avait été préalablement autorisé, il y avait absence d’intention blâmable.  Les clients ont été informés, ont autorisé l’intimé et ainsi l’intimé n’a trompé personne.  À son avis, puisque l’intimé a respecté la volonté de ses clients, il n’a pas manqué de respect, d’intégrité ni de compétence comme l’exigent les articles 16 de la LDPSF et 14 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

[141]    Le procureur de la plaignante reconnut que l’intimé n’avait peut-être pas d’intention blâmable mais avait certes l’intention de signer les formulaires de transactions à la place de ses clients. Il mit en garde le comité de confondre entre la « mens rea » et l’intention blâmable concluant que le procureur de l’intimé extrapolait le principe.

[142]    Il ajouta que plusieurs des transactions en litige avaient été effectuées pour opérer des transferts d’un fonds à un autre et non pas seulement pour répondre à des besoins d’argent des clients comme l’intimé s’est limité à dire.

[143]    Enfin, en réponse à l’argument voulant que cette façon d’agir ne déplaise qu’au syndic, il rétorque que par cette façon de faire l’intimé a transmis de fausses informations aux compagnies de fonds qui, par le fait même, ont été trompées. Il conclut que l’importance de la faute commise peut avoir un impact sur la sanction à déterminer mais non sur la culpabilité.

Analyse des chefs d’accusation 4 et 5

[144]    La preuve que l’intimé a lui-même signé les documents en litige en lieu et place de ses deux clients est claire, l’ayant lui-même reconnu dès l’enquête.  Toutefois, il a été également démontré qu’il avait obtenu l’autorisation préalable de ses clients pour procéder aux transactions.

[145]    L’intimé a reconnu qu’il n’aurait pas dû procéder ainsi n’ayant pas de procuration limitée mais expliqua qu’il ne l’a fait seulement alors que ses clients passaient plus de six mois en Floride, de 1995 jusqu’en 2005. Par la suite, il a pu le faire occasionnellement, ses clients lui faisant confiance[51].

[146]    Le témoignage de Madame Bolduc va essentiellement dans le même sens.

[147]    Même s’il est exact que plusieurs des transactions consistaient en des transferts d’un fonds à un autre et non, comme l’intimé a avancé, seulement de sortie d’argent pour ses clients, la preuve prépondérante a démontré que ces transactions ont été préalablement approuvées par ses clients.

[148]    Dans les circonstances, bien que le comité estime qu’une telle pratique n’est pas recommandée, il paraît incontestable que l’intimé n’avait pas d’intention blâmable en agissant ainsi. Le comité donnera donc suite à ce moyen de défense de l’intimé. 

[149]    En conséquence, le comité acquittera l’intimé des chefs d’accusation 4 et 5.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimé coupable des chefs d'accusation 1, 2 et 3 de la plainte portée contre lui;

ACQUITTE l’intimé des chefs d’accusation 4 et 5 de la plainte portée contre lui;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Janine Kean pour et autorisation

Mme Monique Puech, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

(s) Réjean Ross

M. Réjean Ross, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Éric Cantin

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Pierre Labelle

DE GRANPRÉ, CHAIT

Procureurs de la partie intimée

 

Dates d’audience :

19, 20 et 21 octobre 2009

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 

 


COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0743

 

DATE :

29 mars 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Monique Puech, Pl. Fin.

Membre

M. Réjean Ross, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

RENÉ JOUBERT, conseiller en assurance de personnes, assurance collective de personnes, planificateur financier, représentant en épargne collective et en plans de bourse d’études (certificat 117289)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION RECTIFIÉE

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 25 janvier 2011, suite à sa décision sur culpabilité, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à son siège social sis au 300, rue Léo-Parizeau, 26e étage, à Montréal, et a procédé à l’audition sur sanction.

[2]           Par cette décision, l’intimé fut déclaré coupable de trois chefs d’accusation sur cinq.

[3]           Alors que la plaignante déclara n’avoir aucune preuve à offrir, l’intimé choisi de témoigner.

[4]           Les parties présentèrent ensuite leurs recommandations respectives sur sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[5]           Le procureur de la plaignante débuta en faisant les recommandations suivantes :

  Pour le chef 1 relatif au conflit d’intérêts et au défaut d’avoir conservé son indépendance professionnelle, il demanda l’imposition d’une amende de 25 000 $;

  Pour chacun des chefs 2 et 3 relatifs au défaut de certification, il réclama une radiation temporaire d’une durée de cinq ans à être purgée de façon concurrente.

[6]           Il demanda également la publication de la décision et la condamnation de l’intimé aux déboursés puisque la majorité des chefs avaient été retenus par le comité.

[7]           Pour les chefs 2 et 3, il identifia les facteurs aggravants suivants:

a)     la gravité objective de l’infraction, celle-ci allant au cœur de la profession, le client ayant droit à un représentant qualifié pour lui conseiller des produits financiers.  L’infraction se révèle être davantage qu’une faute technique commise par l’intimé;

b)     le grand nombre de clients impliqués (29);

c)      le montant des investissements évalués à environ 1 500 000 $;

d)     la période de deux ans pendant laquelle les infractions ont été commises;

e)     la longue expérience de l’intimé qui savait ou aurait dû savoir qu’il n’avait pas le droit de conseiller ces produits.

[8]           Au titre des facteurs atténuants, il mentionna :

a)     l’absence d’antécédent disciplinaire;

b)        la collaboration particulière de l’intimé à l’enquête en fournissant pour ces chefs 2 et 3 notamment les documents P-6 a) à q).

[9]           À l’appui de la sanction de radiation temporaire pour une période de cinq ans, il invoqua trois décisions[52].

[10]        Il nota dans l’affaire Marston où le comité imposa à l’intimé une radiation temporaire de six ans, les similitudes avec la présente :

le débat contradictoire;

les investissements dans Norshield;

la somme des investissements qui sont de la même envergure (1 000 000 $).

[11]        Dans l’affaire Messier, il s’agissait également d’infractions multiples impliquant plusieurs clients pour des investissements de 1 000 000 $ et pour lesquelles une radiation temporaire de cinq ans fut imposée sur les 58 chefs d’accusation conformément aux recommandations communes des parties, et ce, suite à l’enregistrement d’un plaidoyer de culpabilité par l’intimé.

[12]        Enfin, dans l’affaire Dorion, après que l’intimée ait enregistré un plaidoyer de culpabilité dans les trois dossiers sur tous les chefs d’accusation, le comité ordonna une radiation temporaire de cinq ans conformément aux recommandations communes des parties.

[13]       Quant au chef 1 reprochant à l’intimé de s’être placé en conflit d’intérêt et d’avoir fait défaut de conserver son indépendance professionnelle, bien qu’il reconnaisse que les décisions antérieures prévoient plutôt une radiation temporaire allant de deux mois à une radiation permanente, il fit valoir que puisqu’il s’agissait d’une transaction comportant une rétribution pécuniaire, sa recommandation d’imposer une amende de 25 000 $ était également appropriée.

[14]        Il ajouta, à son soutien, que l’enseignement du Tribunal des professions fourni en 1995 dans Gilbert c. Morgan[53] indique que les décisions antérieures ne constituent qu’un repère pour le comité de discipline qui doit, pour atteindre l’objectif de la protection du public et la dissuasion du comportement reproché, adapter la sanction selon les circonstances particulières de chaque cas.  Il conclut que le comité n’était donc pas lié par les précédents et devait particulariser la sanction en fonction de chaque affaire.

[15]        Enfin, il fit valoir que la recommandation de la plaignante d’imposer une amende de 25 000 $ trouvait également appui sur l’intention manifeste du législateur que les amendes soient augmentées par la modification en décembre 2009 de l’article 376 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers qui prévoit des amendes variant entre 2 000 $ et 50 000 $.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[16]        Le procureur de l’intimé invita, pour le chef 1, le comité à distinguer entre le réel conflit d’intérêts qui doit être réalisé et le conflit d’intérêts potentiel ou appréhendé.

[17]        Il indiqua que dans la présente affaire, il s’agissait seulement d’une apparence de conflit ou de conflit potentiel car l’intimé n’avait retiré aucun avantage.  La clause d’ajustement était à l’avantage de Norbourg et que c’était là la compréhension des deux parties au contrat.  Dans les faits, cette clause a été ignorée et aucun ajustement ne fut appliqué.  Par conséquent, il a conclu que le conflit d’intérêts ne s’était jamais réalisé.

[18]        Il souligna que l’intimé avait reconnu que cette clause n’avait pas sa raison d’être et qu’il avait appris sa leçon.

[19]        Il mentionna les faits atténuants suivants :

a)     L’infraction fut commise à l’occasion de sa profession et non dans l’exercice de celle-ci, puisqu’il s’agissait d’une transaction commerciale pour vendre son entreprise;

b)     Comme le conflit d’intérêts ne s’est pas réalisé, la protection du public n’était pas en péril;

c)      L’intimé avait collaboré avec le syndic;

d)     Le comportement de l’intimé était exempt de malhonnêteté;

e)     L’importance du « battage » médiatique entourant l’affaire Norbourg.

[20]        Quant aux chefs 2 et 3, il signala que les poursuites civiles contre Norshield étaient pendantes et qu’il était encore trop tôt pour conclure à une perte pécuniaire ne sachant pas si les investisseurs seraient indemnisés puisque, entre autres, les institutions financières impliquées pourraient être appelées à indemniser ces derniers.

[21]        Il souligna que les clients de l’intimé n’avaient intenté aucun recours civil contre lui et que malgré leur mésaventure, l’intimé avait su conserver leur confiance.

[22]        Il mentionna que vu le retrait par l’Autorité des marchés financiers (AMF) de ses permis en assurance et en planification financière, l’intimé avait en quelque sorte déjà subi une sanction.

[23]        Il rappela que l’intimé avait exprimé son profond regret face aux pertes subies par ses clients et les avait soutenus de façon constante au travers des démarches nécessaires pour récupérer leur argent.

[24]        Il mentionna de plus qu’il n’y avait eu aucune preuve d’avantage pécuniaire pour l’intimé résultant de ces transactions.

[25]        Enfin, sur ces chefs, le procureur de l’intimé rappela que le comité n’avait retenu que l’élément conseil, M. Mechaka, courtier en valeurs mobilières, étant l’agent souscripteur.

[26]        Pour le chef 1, comme il s’agissait simplement d’un conflit d’intérêts appréhendé et non réel, il suggéra d’imposer une réprimande.  Même si l’intimé savait que la clause dite « incitative » le plaçait en situation de conflit d’intérêts, toutes les parties voulaient que la transaction soit signée ce jour là.  À son avis, le risque de récidive serait inexistant.

[27]        À l’appui de ses recommandations, le procureur de l’intimé rappela la décision rendue dans l’affaire Thibault c. Davidson[54], impliquant un de ses anciens associés, où une radiation temporaire pour une période de deux mois fut ordonnée pour le chef d’accusation semblable.

[28]        Rappelant les critères énoncés dans l’affaire Pigeon c. Daigneault[55], il avança que condamner l’intimé à une amende de 25 000 $ serait punitif.  Il s’est dit d’avis qu’une radiation de deux mois constituait la sanction maximale à considérer pour le premier chef mais qu’une réprimande serait plus appropriée.

[29]        À l’appui de cette dernière recommandation, il commenta la décision rendue par le Tribunal des professions dans l’affaire Racine c. Pharmaciens[56] où un conflit d’intérêts réel existait et avait procuré un avantage financier.  Compte tenu de la bonne foi du pharmacien qui n’agissait pas dans la clandestinité, la radiation de trois mois imposée par le comité fut réduite par le Tribunal des professions à une réprimande, puisque le geste reproché constituait une pratique courante dans l’industrie.

[30]        Pour les deux autres chefs d’accusation, le procureur de l’intimé s’appuya sur la décision rendue dans l’affaire Chambre de la sécurité financière c. Thériault[57] qui présentait des faits semblables à la présente affaire et où une radiation de six mois fut imposée.  La radiation de cinq ans recommandée par la plaignante serait ainsi tout à fait abusive.

[31]        Étant d’avis que le conseil est moindre en terme de gravité que la souscription, il avança par conséquent, qu’une radiation temporaire inférieure à six mois s’imposait.  À l’appui, il mentionna que dans les affaires Thibault c. Côté[58] et Chambre de la sécurité financière c. Tardif[59], des radiations de six mois furent imposées alors que les intimés avaient fait souscrire les produits en cause.

[32]        Il conclut que toute radiation de l’intimé supérieure à six mois représenterait la fin de sa carrière d’autant plus que sa certification en assurance et en planification financière lui avait déjà été retirée par l’AMF.

[33]        Pour la publication, bien qu’elle soit considérée comme la règle, il rappela « le battage médiatique » ayant couru autour de l’affaire Norbourg qui a déjà valu à l’intimé de la publicité négative.  En outre, l’erreur qu’il avait relevée au rôle d’audience sur sanction qui indiquait un manque d’honnêteté et de probité alors que ces manquements n’ont pas été retenus contre l’intimé, militerait en faveur d’une dispense de publication.

[34]        Il termina en demandant un partage des dépens entre les parties puisque seulement trois des cinq chefs avaient été retenus contre l’intimé.

Réplique de la plaignante

[35]        Le procureur de la plaignante s’est dit surpris que le procureur de l’intimé affirme que l’amende soit plus punitive qu’une radiation.  Il contesta la distinction faite par ce dernier entre le conseil et la souscription.  À cette fin, il rappela la décision sur culpabilité (paragraphes 119 et 129) où le comité rapporte que l’intimé était l’intermédiaire dont le conseil fut déterminant pour faire souscrire les clients, malgré que les formulaires fussent remplis par une autre personne.

ANALYSE ET MOTIFS

[36]        Selon la preuve, l’intimé a débuté dans la profession en 1991.  Il exerçait donc depuis plus d’une dizaine d’années au moment des infractions.

[37]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[38]        Selon son témoignage, la publicité défavorable que l’affaire Norbourg lui a value dans les médias a conduit à une diminution substantielle de ses revenus.

[39]        Il a témoigné clairement et donné l’impression d’avoir sincèrement regretté les gestes reprochés.  

[40]        Les événements en cause ont eu de graves conséquences tant sur sa vie personnelle que sur sa vie professionnelle.

[41]        Son permis d’assurance ainsi que de planificateur financier lui ont déjà été retirés par l’AMF.

[42]        Néanmoins les infractions dont il s’est rendu coupable sont objectivement sérieuses.  Elles portent directement atteinte à l’image de la profession.

[43]        Pour le chef 1 de s’être placé en conflit d’intérêts, le comité ne peut souscrire à l’argument de son procureur voulant qu’il faille distinguer entre le conflit apparent et le conflit réel.

[44]        L’intimé s’est clairement placé dans une situation de conflit d’intérêts en signant un contrat comportant la clause dite « incitative ».

[45]        La preuve sur ce chef reprochant la transaction conclue avec M. Lacroix, est fort semblable à celle rapportée dans l’affaire Thibault c. Davidson[60]Comme dans cette affaire, l’intimé, en l’espèce « ne voulait pas que l’entreprise Groupe Futur soit vendue, mais, à cause de circonstances particulières qu’il ne contrôlait pas, il a dû se plier, [comme l’intimé], à la décision de certains de ses co-associés ou co-actionnaires. »[61]

[46]        Aussi, comme le comité saisi du dossier Davidson, le présent comité ne peut ignorer qu’en « souscrivant à une clause par laquelle il s’engageait à transférer les fonds de ses clients chez Norbourg, l’intimé s’est placé en situation évidente de conflit d’intérêts et a posé un geste de nature à discréditer sa profession »[62].  Cette faute de l’intimé touche directement à l’exercice de la profession.

[47]       Le comité ne peut non plus retenir la prétention de l’intimé qui compare la présente affaire à celle de Racine c. Pharmaciens[63].  Contrairement à ce dernier cas, l’intimé savait qu’en acceptant la clause incitative, il se plaçait en conflit d’intérêts.

[48]        Toutefois, il n’a pas été démontré que les clients aient subi quelque perte que ce soit ou que l’intimé aurait fait fi de leurs intérêts.

[49]        Quant à la suggestion de condamner l’intimé à une amende de 25 000 $, le comité ne croit pas devoir y donner suite.  La radiation est la sanction la plus sévère et devrait atteindre l’objectif de dissuasion et d’exemplarité et la protection du public.

[50]        Dans les circonstances, le comité en arrive à la conclusion que ce cas est similaire à celui de Davidson et qu’une radiation de même durée paraît juste et raisonnable.  En conséquence, une radiation de deux mois lui sera imposée.

[51]        Concernant les infractions relatives à l’exercice illégal reproché aux chefs 2 et 3, le comité est d’avis que les affaires Côté et Thériault citées par le procureur de l’intimé ne peuvent servir de guide en l’espèce.  Le nombre de transactions, de clients et l’envergure des investissements ne sont pas comparables.

[52]        En l’espèce, les infractions se sont répétées pendant plus de trois ans et à l’égard de vingt-neuf (29) clients.  Même si les pertes pécuniaires ne peuvent pas encore être évaluées, les sommes investies sont substantielles dépassant le million de dollars.

[53]        Il est évident que l’intimé, de par sa pratique, conservait un contrôle entier sur les comptes de ses clients puisque toute la correspondance pour les placements en cause était acheminée à son domicile.  Ce sont ses conseils et son implication qui ont été déterminants pour la souscription des placements en cause.

[54]        En conséquence, le comité est d’avis, après avoir examiné les différents facteurs objectifs et subjectifs, qu’une radiation de trois ans est appropriée et tient particulièrement compte que l’intimé a grandement collaboré avec le syndic et a offert un soutien constant à ses clients qui sont d’ailleurs toujours avec lui.

[55]        Toutefois, en l’absence de motif qui lui permettrait de conclure autrement, le comité suivra la recommandation de la plaignante relativement à la publication de la décision et au paiement des déboursés.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de deux mois sur le premier chef d’accusation;

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois ans à être purgée de façon concurrente avec la précédente sur chacun des chefs 2 et 3;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q. chap. C‑26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Monique Puech

Mme Monique Puech, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Réjean Ross

M. Réjean Ross, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Éric Cantin

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Pierre Labelle

DE GRANPRÉ, CHAIT

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

25 janvier 2011

 

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ

 


COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0743

 

DATE :

7 juin 2012

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Monique Puech, Pl. Fin.

Membre

______________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, ès qualités de syndic de la Chambre de la sécurité financière

 

Partie plaignante

c.

 

RENÉ JOUBERT, conseiller en assurance de personnes, assurance collective de personnes, planificateur financier, représentant en épargne collective et en plans de bourse d’études (certificat 117 289)

 

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

(CHEFS 4 ET 5)

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 25 avril 2012, à la suite de la décision de la Cour du Québec rendue le 17 janvier 2012 déclarant coupable l’intimé sous chacun des chefs 4 et 5 de la plainte portée contre lui, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le comité) s'est réuni à son siège social sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage, à Montréal, pour procéder à l’audition sur sanction à l’égard de ces deux chefs d’accusation.

[2]          Le comité était initialement composé de trois membres. Durant le processus d’appel à la Cour du Québec, un des membres est devenu inhabile à agir. En conséquence, la présente décision est rendue par les deux autres membres, conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2).

[3]           Les parties déclarèrent ne pas avoir de preuve supplémentaire à offrir sur la sanction.

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[4]           Le procureur de la plaignante indiqua que même s’il ne s’agit pas de contrefaçon de signature en ce que l’intimé n’a pas tenté d’imiter la signature des clients, mais a signé au lieu et place des clients, cette infraction s’apparente à la contrefaçon de signature, son résultat étant de permettre la transaction visée.  L’autorisation verbale préalable des clients n’y changeait rien.

[5]           Il recommanda pour chacun des chefs 4 et 5 une radiation temporaire de l’intimé pour une période de trois mois à être purgée de façon concurrente avec celles déjà imposées le 29 mars 2011 sur les autres chefs de la plainte.

[6]           Il demanda également la publication de la décision et la condamnation de l’intimé au paiement des déboursés.

[7]           À l’appui, il invoqua trois décisions portant sur la contrefaçon de signatures[64].

[8]           Il signala le caractère répétitif des infractions qui se sont échelonnées de 2001 à 2006 même si regroupées sur deux seuls chefs et commises qu’à l’égard de deux clients (un couple).

[9]           Il souligna la longue expérience de l’intimé qui savait ou aurait dû savoir qu’il n’avait pas le droit de signer à la place des clients même avec leur autorisation.

[10]        Au titre des facteurs atténuants, il mentionna l’absence d’antécédent disciplinaire de l’intimé, sa collaboration à l’enquête et l’absence de préjudice pécuniaire pour le couple.

REPRÉSENTATIONS DE L’INTIMÉ

[11]        Le procureur de l’intimé contesta l’interprétation du procureur de la partie plaignante voulant que l’infraction reprochée à l’intimé s’apparente à la contrefaçon de signature.

[12]        Il indiqua que la contrefaçon impliquait que la signature était faite hors la connaissance de la personne visée et non pas avec l’autorisation préalable ou même, comme en l’espèce, confirmée postérieurement par les clients.

[13]        Il insista sur le fait que le couple était toujours clients de l’intimé.

[14]        Pour ces raisons, il avança que les décisions soumises à l’appui des recommandations de la plaignante n’étaient pas pertinentes.

[15]        Bien qu’il reconnût qu’il ne fallait pas banaliser les gestes de l’intimé, il s’est dit par ailleurs d’avis qu’il ne fallait pas non plus les « monter en épingles ».

[16]        Il rappela que la preuve avait démontré que le couple confirmait dès son retour de Floride les transactions opérées par l’intimé.

[17]        Il allégua qu’on ne pouvait reprocher à son client un manque d’honnêteté et d’intégrité, celui-ci ayant suivi les instructions de ses clients.

[18]        Le procureur de l’intimé identifia notamment les facteurs atténuants suivants :

f)       L’absence d’antécédent disciplinaire;

g)     L’absence de malhonnêteté ou de mauvaise foi;

h)     L’absence de profit ou d’avantage pour l’intimé d’agir ainsi;

i)       La protection du patrimoine du couple en agissant ainsi;

j)       La confiance du couple envers l’intimé qui était toujours leur représentant.

[19]        Le procureur de l’intimé invita le comité à relativiser la sanction à déterminer en s’inspirant de la décision rendue par la Cour du Québec dans l’affaire François Ledoux[65] le 1er décembre 2011.

[20]        Il insista sur le droit de l’intimé de continuer de gagner sa vie comme le soulignait la Cour du Québec au paragraphe 63 de la décision Ledoux.

[21]        Il insista sur l’effet global de la sanction indiquant que même si la radiation de trois mois suggérée par la partie plaignante n’avait pas vraiment de conséquence puisque l’intimé s’était déjà vu imposer une radiation de trois ans sur d’autres chefs de la plainte, celui-ci voulait faire valoir ses arguments estimant qu’il s’agissait de son honneur étant d’avis que les infractions reprochées aux chefs 4 et 5 relevaient de la probité de la personne. L’intimé aurait toujours été convaincu qu’il ne manquait pas à ses devoirs de probité en agissant de la sorte puisqu’il avait agi avec l’autorisation de ses clients.

[22]        Le procureur de l’intimé souligna les dommages potentiels subis par l’intimé à l’égard de sa clientèle présente et future en raison de la description erronée des infractions au rôle d’audience de la Chambre de la sécurité financière.

[23]        Il fit valoir que les risques de récidive étaient peu élevés. De plus, il a soutenu que l’importance du repentir était intimement liée à l’importance de la faute et que le fait pour l’intimé de se défendre ne pouvait en aucun cas être interprété comme une absence de repentir comme l’a avancé le procureur de la plaignante.

[24]        Il argumenta que les notions d’intégrité, de respect et de confiance dans la profession avaient un sens large dont l’interprétation était fournie par les comités de discipline de la profession concernée, car les dispositions légales étaient non explicites.

[25]        Il rappela que la radiation qui empêche le représentant de travailler constituait en droit disciplinaire l’équivalent d’une peine capitale. Dans les circonstances, il estimait qu’une réprimande semblait une sanction plus appropriée. 

[26]        Il termina en demandant que la publication soit ordonnée dans le Journal de Sherbrooke, plutôt que dans La Tribune, ce dernier quotidien exigeant des frais beaucoup plus élevés.

ANALYSE ET MOTIFS

[27]        L’intimé a débuté dans la profession en 1984.  Il exerçait donc depuis plus d’une quinzaine d’années au moment des infractions.

[28]        Il n’a aucun antécédent disciplinaire.

[29]        Comme rapporté par le comité dans la décision sur culpabilité rendue le 16 juillet 2010[66], l’intimé a reconnu qu’il n’aurait pas dû signer au lieu et place de ses clients dans les circonstances. 

[30]        Le comité ne partage pas l’opinion du procureur de la plaignante qui ne semble pas faire de distinction, en recommandant les mêmes sanctions, entre l’infraction de contrefaçon et celle de la présente affaire. 

[31]       Il y a lieu de rappeler l’enseignement du Tribunal des professions tiré de la décision rendue en 1995 dans Gilbert c. Morgan[67] indiquant que les décisions antérieures ne constituent qu’un repère pour le comité de discipline qui doit, pour atteindre l’objectif de la protection du public et la dissuasion du comportement reproché, adapter la sanction selon les circonstances particulières de chaque cas.

[32]       Le comité n’est donc pas lié par les précédents et se doit de particulariser la sanction en fonction de chaque affaire. Le comité estime que les infractions en cause s’apparentent davantage au chef 1 de l’affaire Guillaume Côté qui reprochait à l’intimé d’avoir fait signer en blanc un formulaire d’instructions de placement qui n’a toutefois pas été utilisé étant donné que les parts visées pour les placements n’ayant pas été émises en temps utile, la cliente a choisi de placer dans un autre produit.  Une radiation d’un mois a été ordonnée.

[33]       Certes en l’espèce les transactions ont eu lieu.

[34]       Quant aux autres affaires, le comité estime qu’elles présentent des faits qui se distinguent du présent dossier.

[35]       Dans l’affaire Sue Teng Yee, l’intimée avait contrefait la signature des clients à sept reprises, entre novembre 2008 et octobre 2009, sur des cartes d’adhésion de cartes de crédit. Un élément de malhonnêteté et de recherche d’avantage pour elle-même se dégage de ses agissements.

[36]       Dans l’affaire Leclerc, l’intimé a contrefait la signature de ses clients à trois reprises sur des formulaires de placements, et a continué même après avoir été avisé qu’il était interdit de le faire par son superviseur.

[37]       L’intimé dans le présent dossier a toutefois signé pour ses clients pendant une période prolongée, et ce même au-delà de la période où ils étaient en Floride.

[38]       Même avec l’autorisation de leurs clients, signer au lieu et place de ces derniers constitue une infraction objectivement sérieuse et un message clair doit être lancé aux représentants que cette pratique ne peut être tolérée.

[39]        En conséquence, le comité est d’avis, après avoir examiné les différents facteurs objectifs et subjectifs, qu’une radiation d’un mois est appropriée.

[40]        Le comité condamnera l’intimé au paiement des déboursés, mais donnera suite à la demande de l’intimé d’ordonner la publication dans le Journal de Sherbrooke étant donné les coûts moindres exigés par ce dernier plutôt que l’autre journal circulant dans le lieu où ce dernier a eu son domicile professionnel ou a exercé ou pourrait exercer sa profession.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période d’un mois sous chacun des chefs 4 et 5 à être purgée de façon concurrente avec celle imposée le 29 mars 2011 sous les chefs 1, 2 et 3.

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans le Journal de Sherbrooke, conformément aux dispositions de l’alinéa 5 de l’article 156 du Code des professions (L.R.Q. chap. C‑26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions.

 

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Monique Puech

Mme Monique Puech, Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

Me Marc-André Côté

BÉLANGER LONGTIN

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Pierre Labelle

DE GRANPRÉ, CHAIT

Procureurs de la partie intimée

 

Date d’audience :

25 avril 2012

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ

 



[1]Succession Huguette Trudel : Denise Trudel c. Louise Trudel, [1997] R.J.Q. 1362, 1365. (C.S.).

[2] Version 10 selon note au bas de la convention.

[3] Version 11 selon note au bas de la convention.

[4] Préc., note 1.

[5] Préc., note 1, p. 1365.

[6] CSF c. Davidson, CD00-0741, rendue le 15 septembre 2009.

[7] Jean-Claude ROYER, La preuve civile, 4e éd., Éditions Yvon Blais, 2008, p. 1175-1176.

[8] Paquet c. Navada, rendue le 1er octobre 1980, AZ-80011145.

[9] N.S. du 20 octobre 2009, p. 94 ligne 17 à p. 95 ligne 7.

[10] Chèque à M. Joubert de 147 270,65 $ daté du 9 avril 2003 (I-2D, p. 1076).

[11] P-3C, p. 90-93.

[12] I-7, p. 38 extraits du témoignage de M. Lacroix rendu le 25 octobre 2006 au cours de son interrogatoire selon l’article 163 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

[13] Préc., note 6, par. 30.

[14] CSF c. Richard Duscheneau, 2008 CANLII, 45013, par. 75.

[15] Paquin c. Avocats [2002] D.D.O.P. 203.

[16] Id., par. 93.

[17] Francine Côté c. Geneviève Labonté, [2008] Q.C.T.P. 128.

[18] I-7, p. 39 lignes 20 à 25, p. 40 lignes 18 à 25 et p. 41 lignes 1 à 12.

[19] I-4, par. 2. a.

[20] I-2D.

[21] Me Jean Renaud c. Me Jacques Prévost, [2003] D.D.O.P. 358, pp. 3, 7 et 12.

[22] Préc., note 6.

[23] N.S. du 20 octobre 2009, p. 94, ligne 3, p. 95, lignes 21-23, p. 103, lignes 13-25, p. 104-105 et p.110 lignes 8-18.

[24] P-3C, p. 93, lignes 2-15.

[25] I-7, p. 38 lignes 1-5.

[26] N.S. du 20 octobre, p. 189 lignes 2-8; I-7 p. 36 à 55.

[27] I-7, p. 36 à 55 et plus particulièrement p. 37 ligne 8 à p. 38 ligne 11, p. 40 ligne 18 à p 41 lignes 15, p. 44 ligne 24 à p. 45 ligne 18.

[28] I-7, p. 37 lignes 25-26 et p. 39 lignes 22-25.

[29] I-7, p. 37 lignes 21-25.

[30] I-7, p.38 ligne  1-5.

[31] N.S. du 20 octobre 2009, p.140 lignes1-9, lignes 22-25, p. 141 lignes1 et 6.

[32] N.S. du 20 octobre 2009, p. 102 lignes 21 et p. 103 lignes 1-4.

[33] N.S. du 20 octobre 2009, p. 85-86.

[34] N.S. du 20 octobre 2009, p. 102 lignes 21 et p. 103 lignes 1-4.

[35] Préc., note 6 par 39.

[36] Id., par 25.

[37] Chèque à M. Joubert de 147 270.65 (I-2D, p. 1076).

[38] Commission des valeurs mobilières du Québec c. Daigneault, AZ-92021194; Chambre des notaires du Québec c. Gagné, AZ-93021107; Barreau du Québec c. Ruest, AZ-50428024; Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Réjean Tardif, [2007] QCCQ 15822; CSF c. Réjean Poulin, [2007] CANLII 45215; CSF c. Gérald Deslandes, [2007] CANLII 58651; CSF c. Paul Messier [2008] CANLII 13824; CSF c. Christophe Balayer, [2008] CANLII 27532; CSF c. Maryse Labarre,[2008] CANLII 34532.

[39] CSF c. Fayza Rifai, [2008] CANLII 63286.

[40] CSF c. Kalipolidis, [2009] CANLII 294.

[41] CSF c. Caya, [2009] CANLII 28256, par. 24.

[42] Poulin, préc., note 36, par. 129.

[43] P-6, p. 15, dernière ligne du premier paragraphe.

[44] P-6, particulièrement aux paragraphes 6 A, B et D, 7, 11, 12 et 18.

[45] Préc., note 37.

[46] Préc., note 38.

[47] Préc., note 39, par. 24.

[48] P-33. Mme Bolduc dit avoir examiné les formulaires E4 à E18 et E21 à E33 soumis par l’enquêteur.

[49] Bureau c. CSF, [2006] QCCQ 3993, par. 37.

[50] Mario GOULET, Le droit disciplinaire des corporations professionnelles, Éditions Yvon Blais, 1993, p. 49.

[51] P-32, p. 1350.

[52] Thibault c. Marston, CD00-0730, le 31 mai 2010; Thibault c. Messier, CD00-0673, le 27 mars 2008; Thibault c. Dorion, CD00-0628, CD00-0740 et CD00-0742, le 7 juin 2010.

[53] AZ-95041078, pages 28 et 29.

[54] Léna Thibault c. Larry Davidson, CD00-0741, le 18 février 2010.

[55] Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII 32934 QC CA.

[56] Racine c. Pharmaciens, 2009 QCTP 42 (CanLII).

[57] Chambre de la sécurité financière c. Thériault, [2009], no AZ-50565819 (C.D.C.S.F.)

[58] Léna Thibault c. Alexandra Côté, CD00-0703, le 25 novembre 2008.

[59] Chambre de la sécurité financière c. Tardif, [2010], no AZ-50616621 (C.D.C.S.F.).

[60] Léna Thibault c. Larry Davidson, CD00-0741, le 18 février 2010.

[61] Note 9 par. 30.

[62] Note 9 par. 33.

[63] Racine c. Pharmaciens, 2009 QCTP 42 (CanLII).

[64] Champagne c. Leclerc, CD00-0879, décision sur culpabilité et sanction du 4 novembre 2011; Lelièvre c. Sue Teng Yee, CD00-0849, décision sur culpabilité et sanction du 26 août 2011; Lelièvre c. Côté, CD00-0841, décision sur culpabilité et sanction du 7 avril 2011.

[65] 2011 Q.C.C.Q. 15733.

[66] Paragraphe 45.

[67] AZ-95041078, pages 28 et 29.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.