Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0680

 

DATE :

 17 juin 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre

______________________________________________________________________

 

LÉNA THIBAULT, en sa qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

JACINTHE FOREST, conseillère en assurance de personnes et en assurance collective de personnes  (certificat 112 441)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR REQUÊTE EN RÉTRACTATION

______________________________________________________________________

 

[1]          Le 27 août 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) s’est réuni pour procéder à l'audition d’une requête en rétractation de la décision sur culpabilité rendue contre l’intimée le 25 mars 2008.

[2]          Le comité était initialement composé de trois membres. À la suite de l’audition, M. Pierre Beaugrand, membre du comité, n’a pas renouvelé sa certification et de ce fait est devenu inhabile. En conséquence, la présente décision est rendue par les deux autres membres, conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2).

[3]          Le comité entendit pour l’intimée, Me Claude Leduc, procureur qui a cessé d’occuper pour elle en septembre 2007, Dr Paul L’Espérance, psychiatre et expert ainsi que M. Pascal Baril, conjoint et représentant impliqué dans la commission des infractions pour lesquelles l’intimée a été déclarée coupable par le présent comité.

[4]          Notons que l’intimée, bien que présente, n’a pas témoigné.

[5]          Pour sa part, la plaignante déclara ne pas avoir de témoins à faire entendre.

[6]          D’entrée de jeu, le procureur de l’intimée présenta une demande d’ordonnance de non-publication des témoignages de l’intimée et de son expert portant sur son état de santé. Cette demande ne fut pas contestée par la plaignante. Le comité y donna suite, séance tenante.

LA PREUVE

TÉMOIGNAGE DE ME LEDUC

[7]          C’est le 2 avril 2007 que Me Leduc a reçu mandat de l’intimée de la représenter sur la plainte disciplinaire et la requête pour ordonnance de radiation provisoire logées contre elle.

[8]          Comme il quittait pour vacances le 5 avril 2007, il a rencontré l’intimée le 2 avril et examiné les procédures reçues par elle, mais sans avoir eu communication de la preuve. L’intimée a paru bouleversée par ces procédures et l’a informé qu’elle n’avait rien à voir avec les faits reprochés dans les quatre chefs d’accusation portés contre elle.

[9]          À son retour, il prit contact avec l’intimée qui n’était plus « elle-même ». Elle était incapable de communiquer avec lui et de lui donner des instructions. Par exemple, l’intimée resta muette, après avoir répondu à son appel, alors qu’il tentait d’obtenir ses instructions. À une occasion, il se souvient même avoir attendu près de quinze minutes, l’intimée restant en ligne, mais silencieuse. Il lui aurait suggéré de consulter pour obtenir l’aide d’un médecin. Au début du mois de juin 2007, il a rencontré sa cliente pour discuter de la divulgation du complément d’enquête qu’il avait reçu mais a dû mettre un terme à l’entrevue, car l’intimée [...].

[10]       C’est ainsi qu’il fit parvenir, le 6 juin 2007, une lettre au comité de discipline de la CSF l’avisant qu’il désirait cesser de représenter l’intimée. Toutefois, le même jour, M. Baril l’informa [...]. Dans les circonstances, il informa le comité le 7 juin qu’il reportait sa décision de cesser d’occuper pour l’intimée. Il fit parvenir, le 18 juin 2007, au secrétariat du comité de discipline [...]. Au mois de septembre 2007, n’ayant toujours pas de nouvelles ou d’instructions de l’intimée, il cessa définitivement de la représenter.

TÉMOIGNAGE DU Dr PAUL L’ESPÉRANCE

[11]       Son curriculum vitae (IR-1) fait état d’un parcours impressionnant depuis l’obtention de sa licence en médecine en 1989. Il a acquis diverses spécialisations dont, entre autres, la neuropsychiatrie, qu’il précise particulièrement pertinente en l’espèce. De 2005 à 2009, il est le patron de plus de 60 résidents au CHUM, il est l’auteur de nombreux articles destinés à ses pairs, a donné près de 60 conférences et agit comme directeur de thèse auprès d’étudiants de maîtrise dont deux pour l’obtention d’un doctorat (PHD). Enfin, il procède à des expertises semblables à raison de quatre par semaine, à la demande de compagnies d’assurance, de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ), de la CSST et autres. Son expertise fut aussi retenue à deux reprises pour les tribunaux, mais sans nécessiter son témoignage. Il en est à sa première expérience devant un tribunal. Sa qualification d’expert ne fut pas contestée.

[12]       Il a notamment consulté pour son expertise (IR-2) les notes de suivi, [...]. Ses conclusions s’appuient sur son questionnaire de l’intimée et sur ce qu’il a observé au sujet [...] de la patiente à partir des faits rapportés par elle pour le diagnostic.

[13]       Il dit que l’intimée présentait des [...]. Il lui est difficile de déterminer à partir de quand [...].ont commencé à se manifester, détenant peu de données objectives. Cette détermination s’appuie surtout sur les notes au dossier et sur le rapport par le patient de symptômes vécus, quoique seul 50 % des patients arrivent à trouver des changements dans leur état avant d’être hospitalisés ou de consulter dans les urgences. La grande majorité d’entre eux éprouverait de la difficulté à s’observer eux-mêmes.

[14]       À son avis, l’intimée présentait [...].

[15]       Lors de son entrevue avec l’intimée en novembre 2008, [...].  

[16]       Il est d’avis que, [...].


TÉMOIGNAGE DE M. PASCAL BARIL

[17]       M. Baril a refusé de divulguer son adresse résidentielle après avoir prêté serment devant le comité. Dans les circonstances, le comité demanda aux procureurs de lui faire part de leurs prétentions sur l’impact de ce refus sur l’admissibilité de son témoignage et sur l’appréciation de sa crédibilité. Les procureurs ont fait parvenir leurs prétentions respectives à cette fin par écrit dans les semaines qui ont suivi. Les deux procureurs en sont arrivés à la conclusion que la seule exigence posée par l’article 299 du Code de procédure civile quant à la validité d’un témoignage était le serment. Par conséquent, le comité considère comme valide le témoignage de M. Baril malgré son refus de révéler son adresse résidentielle.

[18]       M. Baril est le conjoint de fait de l’intimée depuis plus de vingt-six ans. Il dit que [...]. L’intimée aurait commencé à [...]. Il dit que ce sont probablement les litiges intervenus entre lui, la CSF ainsi que l’Autorité des marchés financiers (AMF) qui ont fragilisé l’intimée. Elle a commencé à [...] à partir de la réception d’une lettre de la compagnie d’assurance Industrielle Alliance en [...]. De [...] jusqu’à [...], c’est lui qui a vu aux tâches courantes de la maison. Il s’occupait également des comptes de la maison et du bureau.

[19]       À la suite d’une rencontre de l’intimée avec un urgentologue d’une clinique, il a convoqué, [...].

[20]       S’estimant responsable de l’état de santé de l’intimée, M. Baril dit avoir décidé de prendre soin d’elle. C’est ainsi qu’en juin 2007, [...], il a accepté un emploi temporaire de nuit afin de pouvoir être avec elle le jour.

[21]       Selon ses dires, à sa sortie de l’hôpital, l’intimée était [...].

[22]       Il dit avoir toujours été celui qui s’occupait des affaires courantes de leur cabinet depuis l’existence même de PRATIC 2000 et Les Services financiers Japa ltée. Il était la seule personne à faire les dépôts et les retraits à l’institution bancaire. Concernant les trois chèques à l’ordre de madame Liliane Martel, émis par la compagnie d’assurance Empire, il dit que c’est lui qui les a endossés, mais avec la permission de madame Martel qui était sa cliente depuis plus de vingt-cinq ans. Il dit avoir utilisé des accessoires pour imiter sa signature.

[23]       Il dit que tous les documents bancaires étaient rangés dans son bureau et que même l’intimée n’y avait pas accès. Personne d’autre que lui ne signait les bordereaux de dépôt.

CONTRE-INTERROGATOIRE DE M. BARIL

[24]       Il dit avoir continué à habiter avec l’intimée durant la majeure partie de sa maladie. D’abord, au [...] à ville d’Anjou, l’adresse résidentielle du couple jusqu’en juillet 2007 ou jusqu'à [...]. Par la suite, ils ont changé souvent d’adresse habitant parfois chez des amis ou connaissances. M. Baril savait que des procédures étaient intentées contre lui, mais à partir de [...], il lui a consacré tout son temps. Quand l’intimée ne résidait pas avec lui, elle vivait chez sa mère dans la région de Joliette, et ce, surtout depuis le mois de mai 2008. Ce serait à partir de ce moment qu’il aurait accepté d’autres emplois jusqu’à en occuper parfois quatre en même temps.

[25]       Du mois d’août 2007 jusqu’au début du mois de mai 2008, le couple vivotait ne pouvant compter que sur les revenus de son travail de nuit. À l’automne 2008, l’intimée a commencé à [...].

[26]       Il savait que Me Leduc représentait l’intimée. C’est lui qui a communiqué en juin 2007 avec ce dernier pour l’informer [...].

[27]       Pour faire suite à la demande de l’intimée ou de la correspondance reçue de Me Leduc, il a procédé aux photocopies des dépôts et copies des chèques et les a fait parvenir par télécopieur.

PRÉTENTIONS DE L’INTIMÉE

[28]       En ce qui concerne l’impossibilité pour l’intimée d’agir en temps utile, son procureur s’est dit d’avis que les témoignages de Me Leduc, du conjoint de l’intimée et de son expert-psychiatre, Dr L’Espérance, le démontraient de façon prépondérante. Il souligna l’absence de contre expertise de la part de la plaignante.

[29]       Il avança que l’intimée avait [...].

[30]       Les faits rapportés par Me Leduc et M. Baril sont semblables et concordent avec l’opinion et les conclusions du Dr L’Espérance. Il rappela que Me Leduc avait déclaré qu’entre les mois d’avril 2007 et juin 2007, l’intimée ne lui donnait pas d’instructions et lui avait paru une personne [...] à tel point qu’il lui a suggéré de demander de l’aide.

[31]       Quant au témoignage de son conjoint, M. Baril, il l’a décrit comme étant [...].

[32]       Concernant l’exigence d’un moyen de défense apparent, il soumit que les conclusions de l’expert en écriture, M. Marco Ghirotto (IR-3), invalidaient celles de Mme Yolande Gervais, également expert en écriture, retenu par la plaignante au soutien de la culpabilité de l’intimée, qui avait conclu qu’il était probable que la signature en litige apparaissant sur l’endos des chèques ait été imitée par l’intimée.

[33]       À cela s’ajouterait l’aveu de M. Baril déclarant avoir lui-même contrefait la signature de Mme Martel avec le consentement de celle-ci.

PRÉTENTIONS DE LA PLAIGNANTE

[34]       D’entrée de jeu, la procureure de la plaignante, s’appuyant sur deux décisions[1], affirma que le comité est habilité à se prononcer sur la rétractation même s’il est celui qui s’est prononcé sur la culpabilité de l’intimée.

[35]       Aussi, elle invoqua les articles 482 et suivants du Code de procédure civile portant sur la rétractation de jugement indiquant que les délais étaient déterminants en l’espèce.

[36]       À ce sujet, elle rappela que la requête en rétractation doit être signifiée dans les quinze jours du moment où la partie a pris connaissance du jugement rendu contre elle, que ce délai est de rigueur et pourvu que ne se soient pas écoulés plus de six mois depuis le jugement. Elle fit valoir qu’en l’espèce ce délai était largement dépassé et qu’aucune demande pour être relevé du défaut de produire la requête dans ce délai n’avait été présentée quoique signifiée avant l’expiration du délai de six mois.

[37]       La décision sur culpabilité rendue le 25 mars 2008 a été publiée et signifiée par voie de journaux dans la région de Montréal, le 10 avril 2008. L’avis fixant l’audition sur sanction au 18 juin 2008 fut aussi signifié le même jour par voie des journaux.

[38]       Elle signala que l’intimée n’avait fourni aucune preuve du moment où elle a pris connaissance de la décision sur culpabilité ni comment elle en a eu connaissance. Le délai serait donc réputé avoir commencé à courir dès le 10 avril 2008, date de signification de la décision sur culpabilité.

[39]       Même en supposant qu’il y aurait eu avis d’une requête en rétractation le 18 juin 2008, lorsque l’intimée s’est présentée devant le comité, la procureure argumenta que le délai de 15 jours de la connaissance de la décision sur culpabilité serait toujours dépassé.

[40]       Subsidiairement à ses arguments sur les délais, la procureure de la plaignante rappela qu’il doit y avoir preuve par la partie demandant la rétractation d’une cause suffisante démontrant son impossibilité d’agir en temps utile.

[41]       Elle dit qu’il n’est pas contesté qu’en juin où même en mai 2007, l’intimée n’était pas capable d’agir. D’ailleurs, le comité avait, en conséquence, remis les auditions fixées, et ce, jusqu’à ce que Me Leduc cesse d’occuper définitivement en septembre 2007 au motif qu’il n’avait pas réussi à obtenir d’instructions de sa cliente et ne pouvait la rejoindre.

[42]       Toutefois, bien que la plaignante ait choisi de ne pas produire de contre-expertise et qu’elle ne conteste pas la crédibilité à accorder au Dr L’Espérance, elle invita à la prudence pour ne pas faire dire plus à son expertise que ce qui découle de son rapport et de son témoignage.

[43]       À son avis, Dr L’Espérance s’est limité à poser un diagnostic de [...] et à dire que l’intimée présentait [...]. Il a constaté que la situation [...].

[44]       Elle releva des passages[2] de l’expertise du Dr L’Espérance où il mentionne [...].

[45]       Elle fit remarquer aussi que Dr L’Espérance, lorsque questionné sur l’impact de son diagnostic [...], il ne pouvait se fier qu’à des études cliniques en général et non sur le cas précis de l’intimée.

[46]       Elle concéda que la preuve [...] était claire pour la période avant [...], mais a soutenu qu’elle était non concluante pour la suite. Elle allégua que l’intimée [...].

[47]       Quant au témoignage de M. Baril, la procureure de la plaignante a soutenu qu’aucune crédibilité ne devait lui être accordée. Elle s’appuya, d’une part, sur le témoignage de l’expert voulant que les observations des conjoints soient peu aidantes, car ils manqueraient de recul par rapport au malade. D’autre part, elle fit valoir qu’une personne qui s’est soustraite à ses obligations disciplinaires, qui camoufle son adresse durant les procédures afin de ne pas être retrouvée et qui lors de son assermentation comme témoin refuse encore de la transmettre, peut difficilement être crédible.

[48]       Elle soutient qu’il est facile de venir, après coup, dire au comité que l’intimée n’était pas sa complice et que c’est lui qui a tout fait.

[49]       La procureure de la plaignante dit que la stratégie du couple a changé [...], M. Baril a collaboré à l’enquête et donné mandat à l’avocat de l’intimée de faire ce qu’il fallait alors qu’après [...], il déménage et laisse procéder par défaut dans les deux dossiers disciplinaires les concernant. Maintenant, M. Baril a modifié sa stratégie en prenant tous les torts.

[50]       Elle a maintenu que ceci ne pouvait constituer une cause suffisante ni répondre à l’impossibilité d’agir requise pour obtenir une rétractation.

[51]       Enfin, elle s’appuya sur la décision rendue dans Ultramar c. Ross & al,[3] où le juge conclut [...] ne peut constituer en soi une cause suffisante. Il en est de même de la décision rendue rendue dans la Caisse populaire de Cabano c. Quincaillerie L.W. Bilodeau inc.,[4] où l’intimé a soulevé l’existence d’une [...] pour obtenir rétractation, qui a été refusée.

[52]       Dans Corporation municipale de St-Michel-des-Saints c. Kowalewski & al.,[5] décision de la Cour du Québec, rendue en 1988, le juge a également décidé que [...] ne peut constituer une cause suffisante pour démontrer l’impossibilité d’agir dans le délai à partir du moment où le requérant a eu connaissance des procédures. Il précisa, arrêts de la Cour d’appel à l’appui, qu’une rétractation peut être accordée pourvu qu’il n’y ait preuve d'aucune négligence[6]. Enfin, une autre décision rendue dans Dumais c. Solutions Conex inc., & al.,[7] a conclu de la même façon.

[53]       La procureure de la plaignante argumenta que le diagnostic de [...] ne peut suffire et que la seule période où l’intimée était réellement empêchée d’agir était en [...]. Or, l’audition avait eu lieu en novembre 2007 et la décision rendue en mars 2008.

[54]       Elle signala que selon Dr L’Espérance, l’intimée qui [...], a été capable de retenir les services d’un procureur lorsque les procédures lui ont été signifiées au printemps 2007. Une fois malade, c’est M. Baril qui a vu à ses affaires et la cause d’incapacité de l’intimée a cessé [...].

RÉPLIQUE DU PROCUREUR DE L’INTIMÉE

[55]       En ce qui concerne l’argument des délais, le procureur de l’intimée avança qu’il s’agissait d’une preuve circonstancielle, entre autres, par le témoignage de M. Baril disant que l’intimée n’était [...]. De plus, il fit valoir que le 16 juin 2008 était la date à retenir comme étant celle où l’intimée a eu connaissance de la décision rendue contre elle, comme indiqué au troisième paragraphe de sa requête et appuyé de la déclaration assermentée de l’intimée.

[56]       Quant au témoignage du Dr L’Espérance, il argumenta que ce dernier avait plutôt conclu que l’intimée n’était [...]. Il ajouta qu’il ne s’agissait pas seulement de [...] comme dans les affaires soumises par la plaignante, mais selon Dr L’Espérance de la [...].

ANALYSE ET CONCLUSIONS

[57]       L’intimée présente une requête en rétractation de la décision sur culpabilité rendue le 25 mars 2008 par le comité de discipline de la CSF la déclarant coupable sur les quatre chefs d’accusation portés contre elle.

[58]       Les articles 482 et suivants du Code de procédure civile déterminant les règles propres aux demandes de rétractation servent d’inspiration en droit disciplinaire avec les adaptations nécessaires.

[59]       En vertu de ces dispositions, l’intimée doit, pour réussir, établir par preuve prépondérante qu’elle a été empêchée d’agir pour toute autre cause jugée suffisante.

[60]       Elle allègue principalement avoir été empêchée d’agir en raison de son état de santé.

[61]       La question en litige est de savoir si elle a démontré par prépondérance que son état de santé l’empêchait d’agir en temps utile et si elle a un moyen de défense apparent aux infractions reprochées dans la plainte.

[62]       En ce qui concerne la question des délais, la plaignante proposa que le délai de quinze jours était dépassé car commençant le 10 avril 2008, date de la publication et signification de la décision sur culpabilité et de l’avis d’audition sur sanction.

[63]       Le comité ne partage pas son avis considérant, qu’en l’espèce, il ne s’agit pas d’une signification personnelle, mais bien par voie des journaux. Comme mentionné par le juge Marcel Nichols dans Janelle c. Champagne[8] :

«La discrétion qu’en accorde au Tribunal permet donc de considérer comme cause suffisante l’absence et la maladie grave d’un défendeur comme motif de rétractation quand il n’a pas été assigné personnellement, ni à son véritable domicile, ni au lieu ordinaire et actuel de sa résidence, ni à sa place d’affaires…

Nonobstant la régularité technique de l’assignation il y a matière à rétractation si un défendeur peut se réclamer des motifs prévus par ces articles pourvu que son défaut de comparaître ou de plaider ne résulte pas d’une négligence qui lui soit imputable.»

[64]       Suivant la preuve, le comité est d’avis que l’intimée a pris connaissance le 16 juin 2008 de la décision sur culpabilité rendue contre elle le 25 mars 2008. Le comité ne partage pas l’opinion de la partie plaignante soutenant que l’intimée n’ayant pas témoigné, l’affidavit accompagnant sa requête ne peut être retenu comme preuve de la date du 16 juin 2008 alléguée au troisième paragraphe de sa requête en rétractation de jugement. L’intimée n’a pas été appelée à témoigner par son procureur et la plaignante ne s’est pas prévalue de son droit de l’interroger sur ce point ou tout autre jugé pertinent. Par son omission, la plaignante a choisi de ne pas offrir d’autre preuve à ce sujet. Même si la force probante concernant cette date n’est pas celle souhaitée, en l’absence d’autre preuve, le comité la retiendra étant la seule preuve offerte à cette fin.

[65]       Aussi, quant à l’absence de demande de l’intimée pour être relevée du défaut d’agir dans le délai de 15 jours, le comité rappellera qu’en aucun moment la plaignante ne s’est objectée aux prolongations de délai demandées par l’intimée elle-même aux fins de se constituer un procureur que par la suite par son procureur pour le dépôt de sa requête en rétractation. Ces demandes non contestées ont été en conséquence accordées et la requête en rétractation fut signifiée et produite le ou vers le 20 octobre 2008.

[66]       En matière disciplinaire, les règles de procédures applicables doivent être interprétées largement, d’autant plus que les infractions reprochées en l’espèce sont susceptibles d’entraîner une sanction de radiation laquelle peut mettre un terme plus ou moins définitif à la carrière du professionnel d’où la comparaison à la peine de mort en droit criminel. L’argument de la plaignante portant sur les délais est donc rejeté.

[67]       Quant à celui portant sur l’exigence d’une cause suffisante et l’impossibilité d’agir de l’intimée, le comité considère que la preuve prépondérante a démontré que l’intimée était dans l’impossibilité d’agir plus tôt. Selon Dr L’Espérance, l’intimée [...]. La période en litige s’étend du mois d’avril 2007 où la plainte disciplinaire a été signifiée à l’intimée et le 16 juin 2008, date de la connaissance de la décision par l’intimée. 

[68]       La procureure de la plaignante a insisté sur le fait que l’intimée [...]. Par ailleurs, au sujet [...], Dr L’Espérance a précisé [...].

[69]       Au surplus, notons que les passages sur lesquels la procureure de la plaignante s’est appuyée sont tirés de parties de l’expertise où l’expert rapporte [...]. Ce n’est donc pas l’opinion de l’expert qui s’y trouve. Celle-ci se trouve plutôt [...].

[70]       Dr L’Espérance y explique clairement que [...], l’intimée devait être [...][9]. Le témoignage de M. Baril, quoique devant être pris à caution pour les raisons invoquées par la procureure de la plaignante, corrobore certains faits rapportés par l’intimée. Aussi son témoignage corrobore, pour la période du mois [...], certaines observations de Me Leduc sur l’état de l’intimée.

[71]       Enfin, [...] a pu être constatée chez l’intimée lors de l’audition prévue pour la sanction le 18 juin 2008 ainsi qu’au cours de l’audition de la présente requête en rétractation. La présidente du comité a d’ailleurs dû intervenir pour [...].

[72]       Le comité a pris connaissance des décisions soumises par les parties et ne commentera que les plus pertinentes. Dans l’affaire Ultramar[10], il s’agissait d’une [...] qui avait été diagnostiquée après le fait, c’est-à-dire le 4 mars 2002. Le tribunal a conclu, eu égard à l’ensemble du dossier et de son appréciation du témoignage du requérant, que ceci ne l’empêchait pas d’agir au moment de l’enregistrement de l’inscription ex-parte le 19 mars 2002. Il souligna quil n’y avait eu aucune intervention des procureurs du requérant qui était toujours représenté pour empêcher que ce jugement soit rendu. Il s’agissait dans ce cas d’une deuxième inscription ex-parte signifiée à ses procureurs, la première ayant été rayée le 27 février précédent. Force est de constater que ces faits diffèrent grandement du cas en l’espèce où l’intimée n’était plus représentée par procureur, que le diagnostic fait état [...] remontant au début des procédures et que la signification s’est faite par voie des journaux.

[73]       Quant à la décision rendue dans Corporation municipale de St-Michel-des-Saints c. Kowalewski[11], il y avait eu signification personnelle à la requérante ce qui est une différence importante avec le cas présent.

[74]       Le comité est d’avis que la preuve prépondérante a démontré que l’état de santé de l’intimée était tel qu’elle était empêchée de s’occuper de ses affaires tant au plan professionnel que personnel entre le mois de [...] et le mois de [...].

[75]       Quant à la preuve d’un moyen apparent de défense, le comité estime que la preuve prépondérante l’a aussi établi. Aux fins de la réception de la requête en rétractation, le comité tient compte du témoignage de M. Baril estimant qu’il n’a pas, à ce stade-ci des procédures, à se prononcer sur sa crédibilité.

[76]       Ainsi, selon le témoignage de M. Baril, madame Martel était sa cliente et non celle de l’intimée et il est l’auteur des endossements imitant sa signature. De plus, il ressort de la contre-expertise en écriture de M. Ghirotto (IR-3), produite par l’intimée, que les signatures de madame Martel sur l’endos des chèques en litige ne peuvent être identifiées ni éliminées comme étant exécutées par l’intimée. Ce témoignage combiné aux conclusions de l’expertise de M. Ghirotto établit certes un moyen de défense apparent aux chefs d’accusation portés contre l’intimée.

[77]       En conséquence, à la lumière des exigences établies par la jurisprudence en matière de rétractation, le comité accueillera la requête de l’intimée. 

[78]       Toutefois, l’intimée sera condamnée aux dépens résultant de son défaut, conformément à l’article 487 du Code de procédure civile du Québec.


PAR CES MOTIFS, le comité de discipline

ACCUEILLE la requête en rétractation de l’intimée;

RÉTRACTE la décision sur culpabilité rendue par le comité le 25 mars 2008;

ORDONNE la réouverture des débats dans le présent dossier afin de permettre à l’intimée de présenter une défense aux quatre chefs d’accusation contenus à la plainte;

CONDAMNE l’intimée aux dépens résultant de son défaut.

 

 

 

 

 

 

(s) Janine Kean  ______________

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

(s) Gisèle Balthazard___________

Mme Gisèle Balthazard, A.V.A.

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Marie-Claude Sarrazin

BORDEN LADNER GERVAIS

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Stephen Angers

STEPHEN ANGERS AVOCAT INC.

Procureur de la partie intimée

 

Date d’audience :

27 août 2009

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1]Sophie Maheu (Ordre des chimistes du Québec) c. Robert M. Bell, AZ-5012466, rendue le 15 mars 2002; Léna Thibault c. Normand Bouchard, CD00-0650, rendue le 1er octobre 2008.

[2] IR-2, pages 6, 7, 9 et 10.

[3] 2002 CANLII 13565 (QC.C.S.).

[4] REJB 2001-25945 (C.S.).

[5] EYB 1988-78131 (C.Q.).

[6] Voir note 5 paragraphe 21.

[7] EYB 2005-91765 (C.Q.).

[8] (1981) C.S. p. 898.

[9] IR-2, p. 15, 1er paragraphe.

[10] Voir note 3.

[11] Voir note 5.

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