Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

CD00-0776

 

DATE :

31 août 2010

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre

M. Michel Gendron

Membre

______________________________________________________________________

 

ME CAROLINE CHAMPAGNE, ès qualités de syndique de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. DOMINIQUE LE CORVEC, conseiller en sécurité financière et représentant en plans garantis par hypothèque immobilière (certificat 120 236)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

______________________________________________________________________

 

[1]   Le 6 avril 2010, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni aux locaux de la Commission des lésions professionnelles, sis au 500, boulevard René-Lévesque Ouest, 18e étage à Montréal et a procédé à l’audition d’une plainte disciplinaire portée contre l’intimé et ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.     « À LaSalle, le ou vers le 20 juin 2005, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC, alors qu’il faisait souscrire à ses clients, Louise Dubreuil et Norbert Gauthier, une proposition d’assurance-vie numéro 021332291L auprès de L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie, a fait défaut de procéder à une analyse des besoins financiers de ces derniers, contrevenant ainsi à l’article 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

 

2.    À Brossard, à compter du 20 juin 2005, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC n’a pas expédié le préavis de remplacement à la Great West dont le contrat était susceptible d’être remplacé, contrevenant ainsi à l’article 22(4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

 

3.    À LaSalle, le ou vers le 22 novembre 2005, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC, alors qu’il faisait souscrire à son client, Norbert Gauthier, une proposition d’assurance-vie numéro 021399793L auprès de L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie, a fait défaut de procéder à une analyse des besoins financiers de ce dernier, contrevenant ainsi à l’article 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

 

4.    À Brossard, à compter du 22 novembre 2005, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC n’a pas expédié le préavis de remplacement à la Great West dont le contrat était susceptible d’être remplacé, contrevenant ainsi à l’article 22(4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

 

5.    À Brossard, le ou vers le 22 novembre 2005, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC, a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de son client Norbert Gauthier, sur le formulaire intitulé «Préavis de remplacement de police» portant le numéro 111308, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

 

6.    À Brossard, le ou vers le 21 décembre 2005, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC, a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de son client Norbert Gauthier, sur le formulaire intitulé «Formulaire de modification de la proposition (numéro 021399793L)» de L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

 

7.    À Brossard, le ou vers le 21 décembre 2005, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC, a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de son client Norbert Gauthier, sur le formulaire intitulé «Reçu de livraison» de la police numéro 021399793L de L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

 

8.    À LaSalle, le ou vers le 8 novembre 2006, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC, alors qu’il faisait souscrire à sa cliente, Louise Dubreuil, une proposition d’assurance-vie numéro 021574402L auprès de L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie, a fait défaut de procéder à une analyse des besoins financiers de cette dernière, contrevenant ainsi à l’article 27 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 6 et 22(1) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants;

 

9.    À Brossard, le ou vers le 8 novembre 2006, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC, a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de sa cliente Louise Dubreuil, sur un document intitulé «Autorisation de transmission de renseignements» pour la proposition 021574402L, contrevenant à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et ainsi aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière;

 

10.  À Brossard, le ou vers le 8 novembre 2006, l’intimé DOMINIQUE LE CORVEC, a contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de sa cliente Louise Dubreuil, sur un document intitulé «Déclaration, attestation, autorisation et consentement» pour la proposition 021574402L, contrevenant ainsi à l’article 16 de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et aux articles 11 et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière »;

[2]   Bien que dûment convoqué, l’intimé était absent. Le 22 mars 2010, il avait informé le comité par lettre qu’il n’entendait pas se présenter à l’audition (P-19). La plaignante a donc été autorisée à procéder par défaut. Elle fit entendre Madame Françoise Blouin, enquêteur au bureau du syndic de la Chambre de la sécurité financière, Madame Louise Dubreuil, la consommatrice en cause et Madame Yolande Gervais, expert en écriture.  Elle produisit également une preuve documentaire (P-1 à P-20).

LA PREUVE

[3]   Au moment des faits reprochés, l’intimé détenait un certificat dans la discipline d’assurance de personnes en tant que représentant autonome ( P-1).

[4]   Monsieur Norbert Gauthier (Monsieur Gauthier) et Madame Louise Dubreuil (Madame Dubreuil) étaient conjoints à l’époque des faits.

[5]   Monsieur Gauthier détenait en 2005, et ce depuis 1997, une police d’assurance-vie temporaire 20 ans émise par la Great-West Compagnie d’assurance-vie (« Great-West »)  pour un capital assuré de 100 000 $ (Pièce P-3).  Le bénéficiaire de cette police est sa conjointe, Madame Dubreuil.

[6]   La preuve ne révèle pas si Madame Dubreuil détenait aussi une police d’assurance-vie.

[7]   En 2005, un représentant du nom de Serge Desjardins aurait demandé à l’intimé de contacter Monsieur Gauthier (P-14).

[8]   Ce représentant avait fait une analyse des besoins en assurance-vie de Monsieur Gauthier et de Madame Dubreuil (Pièce P-2).

[9]   Le 20 juin 2005, l’intimé fait alors souscrire à Monsieur Gauthier et Madame Dubreuil une proposition conjointe d’assurance-vie (Pièce P-4), qui sera acheminée à L’Empire, Compagnie d’Assurance-Vie (« L’Empire »).  Cette proposition visait l’émission d’une police composée d’assurance-vie temporaire 10 ans, pour chacun, d’un montant de 80 000 $, et d’assurance-vie permanente dite nivelée d’un montant de 20 000 $.

[10] La proposition de Monsieur Gauthier est acceptée mais celle de Madame Dubreuil est refusée.

[11] Selon la réponse de l’intimé transmise à l’enquêteur le 6 mars 2008 (P-14), le couple Gauthier-Dubreuil a alors décidé d’attendre et de soumettre plus tard une nouvelle proposition afin d’obtenir l’acceptation des deux proposants.

[12] C’est ainsi que le 22 novembre 2005, l’intimé leur fait déposer une nouvelle proposition conjointe d’assurance-vie laquelle porte le numéro 021399793L (Pièce P-6, divulgation de la preuve, page 104).  Celle-ci prévoit cette fois l’émission d’une police d’assurance-vie temporaire au montant de 100 000 $ et une permanente au montant de 20 000 $.

[13] Le 20 décembre 2005, seule la proposition de Monsieur Gauthier est acceptée et une police portant le numéro 021399793L est émise à son nom avec comme bénéficiaire révocable Madame Dubreuil.

[14] Le 21 décembre 2005, un formulaire de modification de la proposition est signé par Monsieur Gauthier (Pièce P-8).

[15] Il ressort du témoignage de Madame Gervais, expert en écriture que  la signature apparaissant à ce document n’est pas celle de Monsieur Gauthier.  Il s’agit d’une signature forgée.

[16] Un reçu de livraison de police est aussi signé par Monsieur Gauthier le 21 décembre 2005(Pièce P-9).  Selon l’opinion de Madame Gervais, cette signature n’est pas la sienne. Il s’agit également d’une signature forgée.

[17] Le 16 janvier 2006, Monsieur Gauthier, comme titulaire de la police et Madame  Dubreuil, comme bénéficiaire, signent un formulaire de demande d’annulation de la police #10029792 de la Great-West.  Ce document est bel et bien signé de la main de Monsieur Gauthier et de Madame Dubreuil (Pièce P-11). 

[18] Le 8 novembre 2006, l’intimé fait souscrire à Madame Dubreuil une nouvelle proposition d’assurance-vie qui porte le numéro 021574402L (Pièce P-10) toujours auprès de L’Empire.  Cette proposition prévoit l’émission d’une assurance-vie temporaire 10 ans au montant de 80 000 $ et permanente au montant de 20 000 $.  Au paragraphe 8.2 de cette proposition, sous « Signature du titulaire » et également au paragraphe 9 sous « Autorisation de transmission de renseignements », apparaissent des signatures forgées de Madame Dubreuil.  Ces signatures forgées semblent faites par le même auteur selon l’expertise de Madame Gervais.

[19] Le 17 janvier 2007, L’Empire émet la police numéro 021574402L au nom de Madame Dubreuil.  Cette police comprend une assurance-vie temporaire renouvelable 10 ans au montant de 80 000 $ et une assurance-vie permanente au montant de 20 000 $.

[20] Le 5 avril 2007, Monsieur Gauthier met fin à ses jours.

[21] Le 14 janvier 2008, l’enquêteur Françoise Blouin de la Chambre de la sécurité financière écrit une lettre à l’intimé (Pièce P-13).

[22] Dans cette lettre, l’enquêteur questionne l’intimé sur les circonstances entourant sa rencontre avec Monsieur Gauthier et Madame Dubreuil et sur l’analyse qu’il a fait des besoins de ces derniers avant de leur proposer de souscrire à un nouveau produit d’assurance.  Enfin, elle demande à l’intimé d’expliquer les avantages du remplacement de la police #10029792 de la Great-West par celle de L’Empire #021399793L.

[23] La lettre de réponse de l’intimé porte la date du 6 mars 2008 (Pièce P-14).  Dans cette lettre, l’intimé soutient que c’est à la demande de Monsieur Serge Desjardins, le « conseiller financier » de Monsieur Gauthier, qu’il a contacté Monsieur Gauthier et qu’il a ensuite rencontré Monsieur Gauthier et Madame Dubreuil à leur domicile.  Voici ce qu’il dit quant aux besoins des clients (divulgation de la preuve, page 66, Pièce P-14):

« Dès le début de l’entrevue, Monsieur Gauthier et Mme. Dubreuil m’informe (sic) que l’analyse des besoins a été complétée par M. Desjardins, dans le cadre d’un bilan financier complet et d’une restructuration de leur budget familial.

Le résultat de cette analyse démontrait un besoin de 100 000 $ d’assurance-vie pour M. Gauthier composé d’un montant de 20 000 $ d’assurance permanente et de 80 000 $ d’assurance temporaire. De même un montant de 100 000 $ d’assurance était nécessaire pour Mme Dubreuil. »

[24] Concernant la question du dépôt d’une nouvelle proposition au nom de Monsieur Gauthier en novembre 2005, lorsque sa proposition de juin 2005 avait été acceptée et que celle de Madame Dubreuil avait été refusée, l’intimé mentionne :

« À la fin de novembre 2005, je demande à l’Empire Vie, avec l’accord de M. Gauthier, d’émettre un contrat à son nom, puisque nous étions dans le délai de 6 mois au cours des quels nous pouvions demandé (sic) l’émission de la police sans fournir d’autres preuves médicales »

[25] L’intimé indique que la nouvelle demande a été acceptée le 20 décembre 2005.

[26] L’enquêteur demande aussi à l’intimé : « Pour la livraison de la nouvelle police Empire Vie, qui était présent lors de cette rencontre? »

[27] L’intimé répond ce qui suit : « Monsieur Gauthier seulement était présent ».

[28] Le reçu de livraison de police daté du 21 décembre 2005 (Pièce P-9) est signé par Monsieur Gauthier mais il s’agit d’une signature forgée, tel que mentionné précédemment.

[29] L’enquêteur demande à la question numéro 16 : « Veuillez nous fournir une copie des documents que vous avez fait signer afin que le contrat prenne effet, tel que requis par la compagnie ». L’intimé répond ce qui suit : « Lettre manuscrite de Monsieur Gauthier demandant à la Great-West d’annuler sa police, dont je n’ai pas gardé de copie ». Or, le formulaire d’annulation de la police est la pièce P-11 et a effectivement été signé par Monsieur Gauthier et Madame Dubreuil, comme bénéficiaire, le 16 janvier 2006.

MOTIFS ET DISPOSITIF

[30] Il ressort de l’ensemble des documents produits et de la preuve qu’une signature forgée de Monsieur Gauthier ou de Madame Dubreuil apparaît sur 4 d’entres eux. Il s’agit du document P-5, le préavis de remplacement de la police d’assurance-vie du 22 novembre 2005; du document P-8, le formulaire de modification de la proposition du 21 décembre 2005 pour la police 021399793L; du document P-9, le reçu de livraison de la police du 21 décembre 2005 pour la police 021399793L; et du document P-10, la proposition du 8 novembre 2006 en vue de l’émission de la police numéro 021574402L et ses annexes.

[31] La proposition individuelle datée du 8 novembre 2006 (Pièce P-10) porte une signature forgée de Madame Dubreuil, par contre la section « Renseignements médicaux supplémentaires » de cette même proposition mais datée du 16 novembre 2006 porte la signature véritable de Madame Dubreuil. La demande de remplacement de la police Great-West (Pièce P-11) porte bien les signatures véritables de Monsieur Gauthier, comme détenteur de la police et de Madame Dubreuil, comme bénéficiaire.  La proposition conjointe (Pièce P-4) a également été signée par Monsieur Gauthier et Madame Dubreuil.  Le comité croit qu’il doit en déduire que Monsieur Gauthier et Madame Dubreuil consentaient aux dépôts des propositions d’assurance et à l’annulation de la police émise par la Great-West et qu’ils l’ont fait en toute connaissance de cause. Le comité devra en tenir compte lors du prononcé de la sanction.

EXPERTISE 

[32]      Madame Yolande Gervais a été qualifiée comme témoin expert.

[33]     Les conclusions de son rapport, produit comme Pièce P-19, sont les suivantes:

« Quant aux écritures de Norbert Gauthier et Louise Dubreuil, l’échantillonnage permet d’établir des ressemblances ou dissemblances avec les signatures en question mais aucune caractéristique de leurs écritures ne permet d’établir l’hypothèse d’autoforgerie ni d’une tentative d’imitation par l’un ou par l’autre des signataires. » page 3

 

« La probabilité est que nous ne pouvons pas exclure Dominique Le Corvec comme auteur des signatures litigieuses compte tenu des ressemblances avec sa propre écriture et compte tenu que les signatures sont fausses et que les caractéristiques dissemblables ne peuvent être attribuées aux auteurs. » page 4

 

« L’examen de comparaison des spécimens d’écriture de Dominique Le Corvec avec les signatures en litige démontre des similitudes dans les caractéristiques générales et morphologiques et cela malgré le fait que les signatures soient contraintes par le déguisement.  Les résultats du nombre de similitudes ne permettent pas de l’exclure.  Notre opinion est qu’il est probable qu’il soit l’auteur des signatures en litige. » page 10

Chefs d’accusation numéros 1, 3 et 8

[34]     À ces chefs, il est reproché à l’intimé de ne pas avoir procédé à une analyse des besoins financiers de ses clients avant de leur faire souscrire des propositions d’assurance.

[35]     Les articles 6 et 22 du Règlement sur l’exercice des activités des représentants se lisent comme suit :

 

« 6. Le représentant en assurance de personnes doit, avant de faire remplir une proposition d’assurance, analyser avec le preneur ou l’assuré ses besoins d’assurance, les polices ou contrats qu’il détient, leurs caractéristiques, le nom des assureurs qui les ont émis et tout autre élément nécessaire, tels ses revenus, son bilan financier, le nombre de personnes à charge et ses obligations personnelles et familiales. Il doit consigner par écrit ces renseignements.

 

22. Lorsque la souscription d’un contrat d’assurance est susceptible d’entraîner la résiliation, l’annulation ou la réduction des bénéfices d’un autre contrat d’assurance, le représentant doit:

1° procéder à une analyse des besoins de l’assuré ou du preneur conformément à l’article 6. »

[36]     Le texte du règlement est clair et impératif[1].  Dans le cas du dépôt d’une proposition d’assurance ou dans le cas où la souscription d’un contrat d’assurance est susceptible d’entraîner l’annulation d’une police, le représentant doit analyser avec le preneur ses besoins d’assurance.  Dans le présent cas, l’intimé n’a pas fait l’analyse et s’est contenté de celle préparée par un autre représentant lors de la souscription du 20 juin 2005 ainsi que celles des 22 novembre 2005 et 8 novembre 2006, et donc, il doit être déclaré coupable sous ces chefs.

Chefs d’accusation numéros 2 et 4

[37]     À ces chefs, il est reproché à l’intimé de ne pas avoir expédié de préavis de remplacement à la compagnie d’assurance dont le contrat était susceptible de remplacement.

[38]     L’article 22(4) du Règlement sur l’exercice des activités des représentants prévoit ce qui suit :

« 22. Lorsque la souscription d’un contrat d’assurance est susceptible d’entraîner la résiliation, l’annulation ou la réduction des bénéfices d’un autre contrat d’assurance, le représentant doit:

….

….

….

4° expédier le formulaire rempli par tout moyen permettant d’attester la date de l’envoi au siège des assureurs dont les contrats sont susceptibles d’être remplacés dans les cinq jours ouvrables de la signature de la proposition d’assurance; »

[39]     À la question 10 de la Pièce P-13, l’enquêteur demande à l’intimé une copie du préavis de remplacement. Bien que nous retrouvions à la Pièce P-14, le préavis de remplacement signé par Monsieur Gauthier, il appert de la lettre émanant de la Great-West que cette dernière n’a jamais reçu ledit préavis de remplacement en 2005 (Pièce P-20). Il faut donc en déduire que le préavis n’a pas été expédié à la Great-West. Ainsi, le comité considère que l’intimé doit être condamné sous ces chefs.

Chefs d’accusation numéros 5, 6, 7, 9 et 10

[40]     À ces chefs, il est reproché à l’intimé d’avoir contrefait ou incité une tiers à contrefaire la signature de ses clients.

[41]     Il est évident, suite au témoignage ainsi qu’au dépôt du rapport d’expertise de Madame Gervais, que le préavis de remplacement du 22 novembre 2005 (Pièce P-5), le formulaire de la modification de la proposition (Pièce P-8) et le reçu de livraison de la police (Pièce P-9) n’ont pas été signés par Monsieur Gauthier. De même, la preuve présentée au comité a démontré que les sections 8.2 et 9 de la pièce P-10 n’ont pas été signées par Madame Dubreuil.

[42]     La question que le comité doit se poser est de savoir si les signatures de Monsieur Gauthier et de Madame Dubreuil ont  été forgées par l’intimé ou par quelqu’un d’autre mais qui aurait été incité par l’intimé.

[43]     Aucune preuve n’a été présentée au comité démontrant que quelqu’un d’autre a été incité par l’intimé pour forger les signatures de Monsieur Gauthier et de Madame Dubreuil.

[44]     Par contre, le rapport d’expertise de Madame Gervais démontre au comité qu’il est probable que l’intimé ait forgé la signature de Monsieur Gauthier et celle de Madame Dubreuil.  En conséquence, la balance des probabilités penche du côté de la thèse que l’intimé a forgé les signatures de Monsieur Gauthier et de Madame Dubreuil, de sorte que l’intimé doit être déclaré coupable sous ces chefs.

PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

DÉCLARE l'intimé coupable des chefs d'accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 de la plainte;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de fixer une date et une heure pour l’audition de la preuve et des représentations des parties sur sanction.

 

 

 

 

 

 

 (s) Jean-Marc Clément_______________

Me JEAN-MARC CLÉMENT

Président du comité de discipline

 

  (s) Ginette Racine___________________

MME GINETTE RACINE, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

  (s) Michel Gendron__________________

M. MICHEL GENDRON

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Partie intimée

Absente et non représentée

 

Date d’audience :

31 août 2009

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ


COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

CD00-0776

 

DATE :

31 mai 2011

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Jean-Marc Clément

Président

Mme Ginette Racine, A.V.C.

M. Michel Gendron

Membre

Membre

______________________________________________________________________

 

Me VENISE LEVESQUE, ès qualités de syndique adjointe par intérim de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

M. DOMINIQUE LE CORVEC, conseiller en sécurité financière et représentant en plans garantis par hypothèque immobilière (certificat 120 236)

Partie intimée

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR SANCTION

______________________________________________________________________

[1]          À la suite de la décision sur culpabilité rendue dans cette affaire par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (CSF) le 31 août 2010, le comité s’est réuni de nouveau au siège social de la Chambre, situé au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal, le 2 février 2011, pour procéder à l’audition sur la sanction.

[2]          Bien que dûment convoqué, l’intimé a informé le comité, dans une correspondance datée du 31 janvier 2011, qu’il ne se présenterait pas. La plaignante a alors été autorisée à procéder par défaut.

[3]          Rappelons les chefs d’infraction dont il a été déclaré coupable.

[4]          L’intimé a été reconnu coupable d’avoir fait défaut de faire l’analyse des besoins financiers de ses clients Monsieur Norbert Gauthier (Gauthier) et Madame Louise Dubreuil (Dubreuil)[2] (chefs 1, 3 et 8), d’avoir fait défaut de transmettre à l’assureur le préavis de remplacement de police (chefs 2 et 4) et d’avoir contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de clients sur des documents de soumission de propositions d’assurance (chefs 5, 6, 7, 9 et 10).

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[5]          La plaignante a procédé à faire un bref rappel des faits ayant conduit au dépôt de la plainte disciplinaire et à la condamnation de l’intimé le 31 août 2010 et a suggéré des sanctions.

[6]          En 2005 et 2006, les clients recherchaient l’émission d’une police conjointe en assurance-vie. Gauthier détenait déjà une police d’assurance-vie. Après quelques tentatives, vu le refus de la proposition de Dubreuil, une police est émise au nom de Gauthier et ensuite, plus d’un an plus tard, une police est émise au nom de Dubreuil.

[7]          L’intimé n’a jamais fait d’analyse de leurs besoins financiers et n’a pas transmis le préavis de remplacement de police de Gauthier.

[8]          Enfin l’intimé a contrefait les signatures de Gauthier et de Dubreuil sur des documents de propositions ou des documents connexes.

[9]          Malheureusement le 5 avril 2007, Gauthier est décédé. En raison de la clause suicide contenue à la nouvelle police, Dubreuil n’a pu bénéficier du produit de l’assurance car Gauthier avait mis fin à ses jours.

[10]       La plaignante a suggéré l’imposition des sanctions suivantes :

  Pour les chefs d’infraction numéros 1, 3 et 8 : une amende de 5 000 $ par chef d’infraction pour un total de 15 000 $;

   Pour les chefs d’infraction numéros 2 et 4 : une amende de 3 000 $ pour chacun des chefs d’infraction pour un total de 6 000 $;

  Pour les chefs d’infraction numéros 5, 6, 7, 9 et 10 : une radiation temporaire pour une période de 3 mois à être purgée de façon concurrente sous chacun des chefs ne prenant effet qu’à compter de la réinscription de l’intimé.

[11]       Elle a demandé également au comité d’ordonner la publication de la décision et de condamner l’intimé au paiement des déboursés.

[12]       Elle a informé le comité que l’intimé n’avait pas demandé le renouvellement de sa certification échue depuis le 30 juin 2010.

[13]       Elle a ensuite exposé les facteurs aggravants et atténuants liés à cette affaire et a soumis un cahier d’autorités.

FACTEURS ATTÉNUANTS ET AGGRAVANTS EXPOSÉS

  Les consommateurs n’ont pas subi de dommage.

  L’intimé n’a pas d’antécédent disciplinaire.

  L’intimé est par contre un représentant d’expérience et il n’était pas sans savoir que sa conduite était condamnable.

  Les infractions sont très graves.

  Les infractions ont été commises sur une période étendue donc on doit en déduire une préméditation. Il y a eu aussi répétition de l’infraction.

  Il y a absence de reconnaissance de la faute, absence de remords ou de repentir. L’intimé a persisté à prétendre que ce qu’il a fait était dans l’intérêt des clients.

[14]       Avant de citer ses autorités, la plaignante a expliqué que depuis décembre 2009, les amendes que le comité de discipline doit imposer dans le cas d’infractions déontologiques doivent être d’un minimum de 2 000 $ tel que le prévoit dorénavant la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., chapitre D-9.2). Elle a ajouté que ce minimum s’applique à toutes les infractions, même celles commises antérieurement à décembre 2009, comme il en a été décidé dans l’affaire Burns[3].

[15]       Elle a soumis ensuite plusieurs décisions du comité de discipline de la CSF concernant des chefs d’infractions semblables au présent dossier dont elle a fait un résumé concis et clair soulignant celles qui avaient été rendues avant l’amendement de décembre 2009 et qu’il fallait distinguer.

[16]       Ainsi, elle a soumis :

         La décision dans l’affaire Binet[4] qui porte sur une sanction rendue dans un cas de défaut de remplir un « préavis de remplacement » de police. Le comité a imposé une amende de 1 500 $ tenant compte de l’effet global des sanctions.

         La décision dans l’affaire Larochelle[5] dans laquelle le comité a imposé une amende de 4 500 $ pour le défaut du représentant d’avoir procédé à l’analyse des besoins financiers d’un client.

         La décision dans l’affaire Amar[6] dans laquelle le comité de discipline a imposé une amende de 2 500 $ au représentant déclaré coupable d’avoir fait défaut de procéder à l’analyse des besoins financiers d’un client.

         La décision dans l’affaire Boucher[7] dans laquelle la représentante a été radiée pour deux mois pour avoir modifié les dates de proposition et/ou de signature ainsi que le numéro de contrat et pour avoir transmis ces pages de signature ainsi modifiées à l’assureur. Plusieurs facteurs subjectifs avaient milité cependant en sa faveur notamment l’absence d’antécédent, ses nombreuses années de pratique et l’absence de préjudice réel à ses clients. Elle n’aurait pas été motivée par une intention malhonnête.

         La décision dans l’affaire Trottier[8] dans laquelle le représentant avait été déclaré coupable d’avoir fait défaut de procéder à l’analyse des besoins financiers de sa cliente et d’avoir contrefait ou d’avoir incité un tiers à contrefaire la signature de cette dernière sur un document provenant de l’assureur. Rappelant que l’analyse des besoins financiers est la pierre d’assise de toute intervention du représentant, le comité a imposé une amende de 3 000 $. Sur l’accusation d’avoir contrefait une signature le représentant s’est vu imposé une radiation de cinq mois comme il s’agissait d’une récidive.

         La décision dans l’affaire Jarry[9] dans laquelle le représentant s’est vu imposer une radiation de trois mois pour avoir contrefait ou incité un tiers à contrefaire la signature de ses clients.

ANALYSE ET MOTIFS

[17]       Les infractions commises par l’intimé et dont il a été reconnu coupable se classent parmi celles qui témoignent du non professionnalisme et de la négligence (ABF et préavis) ainsi que du manque de probité du représentant (contrefaçon).

[18]       À première vue, le couple Gauthier/Dubreuil n’apparaît pas avoir été bien servi par leur représentant bien qu’aucun lien n’a été fait entre leur décision de souscrire à de nouvelles polices d’assurance et le départ tragique de Gauthier. Il est manifeste, des documents produits, qu’ils se sont rendus volontairement au bout de leur démarche afin d’obtenir l’émission de leurs nouvelles polices d’assurance.

[19]       L’intimé ne pourrait bénéficier que de deux facteurs atténuants, selon la plaignante, soit l’absence d’antécédent disciplinaire et l’absence de perte pécuniaire.

[20]       Bien que ce soit clair pour le premier facteur, ce l’est beaucoup moins pour le deuxième. Dubreuil a perdu le bénéficie de l’assurance-vie de son mari en raison de la clause d’exclusion portant sur le suicide. Même si l’intimé ne peut en être tenu responsable, la perte de Dubreuil résulte de la souscription à une nouvelle police d’assurance qui a été faite sans analyse des besoins et sans respecter les exigences du préavis de remplacement.

[21]       Le comité retient surtout qu’il y a de la part de l’intimé absence de reconnaissance de la faute, absence de remords ou de repentir. Le comité retient également qu’il y eu répétition des infractions sur une période assez longue, ce qui fait craindre évidemment la récidive.

[22]       Il n’existe donc aucun motif qui justifierait le comité de ne pas se rendre aux suggestions de la plaignante quant aux sanctions même si elles nous apparaissent un peu plus sévères que celles qui ont été données dans le passé pour ce genre d’infractions (ABF et préavis).

[23]       Ainsi, compte tenu des décisions Trottier, Amar et Larochelle et compte tenu de l’amendement de 2009 qui appelle à des amendes plus sévères, le comité se rendra à la suggestion de la plaignante et imposera une amende de 5 000 $ par infraction pour avoir fait défaut de faire l’analyse des besoins financiers de ses clients pour un total de 15 000 $ (chefs 1, 3 et 8).

[24]       Pour ces mêmes raisons et bien qu’aussi l’amende suggérée soit plus importante que celle imposée dans l’affaire Binet (qui avait pris en considération les autres sanctions imposées à ce représentant), le comité se rendra également à la suggestion de la plaignante et imposera une amende de 3 000 $ par chef pour un total de 6 000 $ pour le défaut de transmission de préavis (chefs 2 et 4).

[25]       Enfin, s’appuyant sur les décisions Boucher et Trottier, le comité se rendra à la suggestion de la plaignante et radiera l’intimé pour une période de 3 mois pour les chefs de contrefaçon (chefs 5, 6, 7, 9 et 10). Cette suggestion se situe à mi-chemin des sanctions imposées dans ces deux affaires. Soulignons que dans l’affaire Boucher, il avait été mis en preuve que la représentante n’avait pas été motivée par une intention malhonnête et que dans l’affaire Trottier, il y avait eu récidive du représentant.

[26]       Compte tenu des circonstances de cette affaire, il n’y a pas lieu de déroger à la règle qui veut que l’intimé soit condamné au paiement des déboursés et que la présente décision soit publiée.

 

POUR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

CONDAMNE l’intimé au paiement d'une amende de 5 000 $ pour chacun des chefs 1, 3 et 8 (total de 15 000 $);

CONDAMNE l’intimé au paiement d'une amende de 3 000 $ pour chacun des chefs 2 et 4 (total de 6 000 $);

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé pour une période de 3 mois à être purgée de façon concurrente sous chacun des chefs 5, 6, 7, 9 et 10, cette radiation ne prenant  effet qu’à compter de la réinscription de l’intimé;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier aux frais de l’intimé un avis de la présente décision dans un journal où l’intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession conformément à l’article 156 (5) du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(s) Jean-Marc Clément

Me Jean-Marc Clément

Président du comité de discipline

 

 

(s) Ginette Racine

Mme Ginette Racine, A.V.C.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Michel Gendron

M. Michel Gendron

Membre du comité de discipline

 

 

Me Julie Piché

THERRIEN COUTURE

Procureurs de la partie plaignante

 

Partie intimée

Absente et non représentée

 

 

Date d’audience :

2 février 2011

 

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[1] Micheline Rioux c. Denis Hamel, décision sur culpabilité du 12 octobre 2006, dossier no. CD00-0604.

[2] Seuls les noms de famille seront utilisés dans un souci de concision et non par non respect.

[3] Levesque c. Burns, CD00-0731, décision sur sanction rendue le 1er mars 2010.

[4] Rioux c. Binet, CD00-0623, décision sur sanction rendue le 20 février 2008.

[5] Levesque c. Larochelle, CD00-0728, décision sur culpabilité rendue le 10 novembre 2009 et décision sur sanction rendue le 30 novembre 2010.  Ces décisions ont été portées en appel.

[6] Rioux c. Amar, CD00-0653, décision sur sanction rendue le 22 mai 2009.

[7] Levesque c. Boucher, CD00-0700, décision sur culpabilité et sanction rendue le 1er mai 2008.

[8] Rioux c. Trottier, CD00-0678, décision sur sanction rendue le 22 mars 2010.  Cette décision fait l’objet d’un appel.

[9] Thibault c. Jarry, CD00-0764, décision sur sanction rendue le 24 août 2010.

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