Chambre de la sécurité financière (Québec)

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Contenu de la décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

CD00-0753

 

DATE :

2 septembre 2009

______________________________________________________________________

 

LE COMITÉ :

Me Janine Kean

Présidente

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre

M. Tan Pham

Membre

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LÉNA THIBAULT, en sa qualité de syndic de la Chambre de la sécurité financière

Partie plaignante

c.

BRIAN RUSE, conseiller en sécurité financière, conseiller en assurance et rentes collectives et planificateur financier

Partie intimée

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DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

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[1]          Le 1er juin 2009, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière s’est réuni au siège social de la Chambre sis au 300, rue Léo-Pariseau, 26e étage à Montréal, pour procéder à l’audition d’une plainte portée contre l’intimé et libellée comme suit :

À L’ÉGARD DE SON CLIENT IVAN DJOKICH

1.     À Montréal, le ou vers le 15 octobre 2002, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à son client, Ivan Djokich, un placement auprès de Focus Management Inc., pour un montant de 35 161 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

2.     À Montréal, le ou vers le 1er février 2004, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à son client, Ivan Djokich, des titres de Balanced Return Fund, pour un montant de 25 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SES CLIENTS MIODRAG DJOKICH ET JELICA DJOKICH

3.     À Montréal, le ou vers le 21 janvier 1994, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à son client, Miodrag Djokich, un placement auprès de Commax Management Inc., pour un montant de 50 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi à l’article 148 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q. c. V-1.1), aux articles 192 et 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) ainsi qu’aux articles  3, 130, 132 et 157 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes, D. 1014-91, (1991) 123 G.O. II, 4403 ­­(I-15.1, r. 0.5);

4.     À Montréal, le ou vers le 13 février 1995, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à ses clients, Miodrag Djokich et Jelica Djokich, un placement auprès de Commax Management Inc., pour un montant de 50 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi à l’article 148 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q. c. V-1.1), aux articles 192 et 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) ainsi qu’aux articles  3, 130, 132 et 157 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes, D. 1014-91, (1991) 123 G.O. II, 4403 ­­(I-15.1, r. 0.5);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE JANE HARVARD

5.     À Montréal, le ou vers le 1er février 2002, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Jane Harvard, un placement auprès de Focus Management Inc., pour un montant de 59 120,33 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE TAMARA LEMENTOWSKA

6.     À Montréal, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Tamara Lementowska, des placements auprès de Focus Management Inc., aux dates et aux montants suivants :

1.     Le 15 octobre 2002,  pour un montant de 87 885,81 $US;

2.     Le 15 janvier 2004, pour un montant de 145 944,64 $US;

3.     Le 1er avril 2004, pour un montant de 195 486,97 $;

alors qu’il n’était pas autorisé à offrir de tels placements en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT MARK KUZYK

7.     À Montréal, le ou vers le 15 février 2003, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à son client, Mark Kuzyk, un placement auprès de Focus Management Inc., pour un montant de 10 045 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT PASQUALE ROSSI

8.     À Montréal, le ou vers le 1er décembre 2003, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à son client, Pasquale Rossi, un placement auprès de Focus Management Inc., pour un montant de 68 800,81 $US, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SON CLIENT WILLIAM HRYCYK

9.     À Montréal, le ou vers le 15 décembre 2003, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à son client, William Hrycyk, un placement auprès de Focus Management Inc., pour un montant de 20 578,22 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE ELIZABETH ZABRANSKY

10.   À Montréal, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Elizabeth Zabransky, des placements auprès de Focus Management Inc., aux dates et aux montants suivants :

1.       Le 1 octobre 2003, pour un montant de 120 400,46 $;

2.       Le 1 avril 2004, pour un montant de 28 652,34 $;

alors qu’il n’était pas autorisé à offrir de tels placements en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SA CLIENTE MARIA MANZETTA

11.   À Montréal, le ou vers le 1er juin 2004, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à sa cliente, Maria Manzetta, des titres de Balanced Return Fund, pour un montant de 85 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), à aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

À L’ÉGARD DE SES CLIENTS CAROLE CARRELLI ET GEORGE NETO

12.   À Montréal, le ou vers le 1er février 1996, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à ses clients, Carole Carrelli et George Neto, un placement auprès de Commax Management Inc., pour un montant de 15 000 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi à l’article 148 de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q. c. V-1.1), aux articles 192 et 234.1 du Règlement sur les valeurs mobilières (c. V-1.1, r.1) ainsi qu’aux articles  3, 130, 132 et 157 du Règlement du Conseil des assurances de personnes sur les intermédiaires de marché en assurance de personnes, D. 1014-91, (1991) 123 G.O. II, 4403 ­­(I-15.1, r. 0.5);

13.   À Montréal, le ou vers le 15 février 2005, l’intimé BRIAN RUSE a conseillé et fait souscrire à son client, George Neto, un placement auprès de Focus Management Inc., pour un montant de 10 038,74 $, alors qu’il n’était pas autorisé à offrir un tel placement en vertu de sa certification, contrevenant ainsi aux articles 9, 12, 13 et 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (L.R.Q., c. D-9.2), aux articles 12 et 16 du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.1.2) et à l’article 9 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (L.R.Q. c. D-9.2, r. 1.01);

[2]          L’intimé enregistra, par l’entremise de son procureur, un plaidoyer de culpabilité sur chacun des treize chefs de la plainte.

[3]          Les différentes accusations reprochées à l’intimé ont été commises de 1994 à 2005 et portées en vertu de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (LDPSF) et du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et du Règlement sur la déontologie dans les disciplines de valeurs mobilières.

[4]          Tous les chefs d’accusation de cette plainte, portée le 7 novembre 2008 et visant dix consommateurs, reprochent à l’intimé de leur avoir conseillé et fait souscrire des produits pour lesquels il n’était pas autorisé en vertu de sa certification.  Ces investissements s’élèvent à plus d’un million de dollars. 

[5]          La preuve documentaire de la plaignante (P-1 à P-25) ainsi que celle de l’intimé (BR-1 à BR-6) furent produites de consentement. 

[6]          L’intimé était, au moment des infractions, certifié en assurance de personnes, en assurance collective de personnes, en planification financière et en courtage en épargne collective.  Il a aussi été inscrit à titre de représentant de courtier en valeurs de plein exercice mais son inscription fut radiée le 7 février 1990 (P-1). 

[7]          Le 24 janvier 2008, une décision sur ordonnance de blocage, d’interdiction d’opération sur valeurs, d’interdiction d’agir à titre de conseiller en valeurs fut rendue par le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières (BDRVM) à l’égard de plusieurs conseillers dont l’intimé.

[8]          Le 30 janvier 2008, Services financiers Dundee Inc. (Dundee) mettait fin au rattachement de l’intimé de telle sorte que ce dernier n’était plus lié à un cabinet tel que le requiert la LDPSF.

[9]          Dans le cadre de l’audition de blocage, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a consenti à lever l’interdiction à l’égard de l’intimé vu sa collaboration aux fins de la poursuite impliquant Gestion de Capital Triglobal Inc. (Triglobal) mais le 12 mai 2008, le BDRVM en a décidé autrement ordonnant le maintien du blocage jusqu’au 31 décembre 2012.  Cependant, le 17 juin 2008, la Cour du Québec suspendit l’exécution de cette dernière décision du BDRVM suite à l’appel logé par l’intimé.  L’audition de cet appel est fixée au 6 octobre 2009.

[10]       Par la suite, l’intimé a entrepris des démarches pour trouver un cabinet auquel se rattacher moyennant certaines conditions convenues avec l’AMF. 

PREUVE SUR SANCTION

[11]       L’intimé fit entendre Madame Nathalie Missakian, agent de la conformité pour le cabinet Promutuel Capital Cabinet de Services financiers Inc., f/a Promutuel Capital (Promutuels).  Madame Missakian agit comme superviseure de l’intimé en vertu de l’entente intervenue entre ce dernier et l’AMF.  Elle fut, elle-même, à l’emploi de Triglobal de novembre 2005 à décembre 2007, moment où le BDRVM rendit une ordonnance de blocage, entre autres, à l’égard de Triglobal et de ses dirigeants.  En tant que superviseure de l’intimé, elle doit remettre bi-annuellement un rapport sur les activités de l’intimé, le premier étant daté du 28 mai 2009 (BR-6). 

[12]       Elle dit n’avoir que des éloges à faire au sujet de l’intimé et n’avoir aucune raison de douter de son intégrité.  À savoir de quelle façon elle s’assure que l’intimé ne fait pas de placement à son insu ou à l’insu de Promutuels, elle dit suivre ses courriels entrants ainsi que son courrier.  L’intimé serait de plus exposé aux questions des vérificateurs régulièrement. 

[13]       Madame Missakian dit vérifier toute et chacune des transactions faites par l’intimé en plus de surveiller les heures travaillées compte tenu qu’elle a exigé qu’il travaille «in house», afin de faciliter sa supervision.

[14]       L’intimé, lors de son témoignage, a exprimé son regret face aux pertes de ses clients précisant n’avoir été qu’un intermédiaire.  En ce qui concerne les explications transmises à ses clients concernant les risques liés à ces placements, l’intimé déclara avoir dit chacun d’entre eux que ces placements étaient plus risqués puisque les compagnies se trouvaient à l’extérieur du Canada, qu’ils ne bénéficiaient pas des assurances canadiennes sur les dépôts et que s’agissant de compagnies, il existait toujours le risque d’une faillite.  Enfin, il les avisait de n’investir que des sommes dont la perte n’affecterait pas leur train de vie.  Il prenait rendez-vous avec Madame Anna Papathanasio, son contact chez Triglobal, et accompagnait ses clients aux bureaux de cette compagnie ou ceux de PNB Management.  Il assistait aux explications fournies au client par Madame Panathanasio sur le produit.  Par la suite, elle remplissait les formulaires de souscription, celui de «connaître son client» («know your client») ainsi que la désignation de bénéficiaire.  Par la suite, le client remettait à Madame Panathanasio les fonds payables à Focus Management Inc (Focus).

[15]       Quant au placement dans Commax Management Inc. (Commax) devenu Balanced Return Fund, ce serait le gérant de succursale de la firme à laquelle il était rattaché à l’époque (P-23), le cabinet Regal Ltée, qui lui en aurait parlé ainsi qu’à d’autres représentants.  S’il arrivait qu’un client demande un relevé de ces placements, le gérant ou lui-même en préparait un, indiquant même le nom de Regal Ltée dans l’entête du relevé.  À ce sujet, l’intimé avoua que le bureau chef («head office») de Regal Ltée n’était probablement pas au courant pas plus d’ailleurs que celui de Dundee par la suite.

[16]       L’intimé a dit qu’il croyait qu’il s’agissait de placements dans des dépôts à terme et non de valeurs mobilières («securities»).  Ce ne serait que lorsqu’il eut connaissance par les journaux du scandale au sujet de Triglobal, qu’il apprit qu’il s’agissait de valeurs mobilières.  Il précisa que sachant maintenant que ces investissements étaient des valeurs mobilières, il reconnaissait qu’il n’avait pas le droit de vendre ces produits ne détenant pas le permis l’autorisant.  Il dit aussi qu’il aurait dû s’enquérir davantage sur ces produits à risques puisque les compagnies étaient à l’extérieur du pays («offshore») et que l’assurance canadienne sur les dépôts ne pouvait s’appliquer. 

[17]       Bien que le rapport de Madame Missakian indique que l’intimé gère actuellement des investissements d’environ deux millions de dollars, celui-ci souligna qu’il s’agit plutôt de trois millions.  Il expliqua cette différence en disant qu’ayant deux numéros de conseiller, le bureau a probablement omis de compiler ceux liés au deuxième numéro.

[18]       Enfin, l’intimé demanda au comité de lui donner une deuxième chance «a second chance», expliquant avoir dû hypothéquer de 200 000 $ la maison familiale qui était entièrement payée afin de répondre aux besoins de sa famille et faire face aux honoraires juridiques encourus pour sa défense depuis un an puisqu’il n’avait pas de revenu de travail. 

REPRÉSENTATION SUR SANCTION

[19]       Le procureur de la plaignante recommanda la radiation temporaire de 5 ans sur chacun des 13 chefs à être purgée de façon concurrente, la publication de la décision, les frais de cette publication et les déboursés.

[20]       L’intimé, pour sa part, demanda la clémence du comité s’appuyant, entre autres sur la décision du comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière rendue dans l’affaire Duvivier[1], et recommanda des amendes de 2 000 $ sur les chefs 3, 4 et 12 et 1 000 $ sur les autres chefs pour un total de 16 000 $ et un délai de 16 mois pour leur paiement.

[21]       Son procureur a rappelé les principes établis en la matière par la Cour d’appel dans Pigeon c. Daigneault[2] et passa en revue chacun des facteurs à considérer rapportés par Me Pierre Bernard[3].  Il insista sur le droit du professionnel de travailler, la quasi impossibilité pour son client, âgé de 53 ans, de se recycler, le fait que les investissements pour lesquels l’intimé a agi ne représentaient qu’un million de dollars sur les soixante-neuf millions impliqués dans le scandale de Triglobal.  Il signala que l’intimé avait collaboré dès le début de l’enquête avec l’AMF et la CSF, qu’il avait déjà en partie payé par l’année passée sans pratiquer suite à la décision du BDRVM le privant de revenus.  Il ajouta que l’intimé a dû s’endetter et devrait le faire encore pour faire face aux besoins de sa famille et aux honoraires professionnels engendrés alors qu’il touche des revenus mensuels d’à peine 1 300 $ à 1 400 $ actuellement.  Enfin, il fit valoir que, selon lui, l’intimé était un homme honnête et intègre. 

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[22]       Le comité prend acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et le déclarera coupable de chacun des treize chefs d’accusations portés contre lui par la plainte.

[23]       Quant aux sanctions, le comité doit se demander si les sanctions proposées sont conformes aux principes de détermination de la sanction disciplinaire et de nature à assurer adéquatement la protection du public.

[24]       Les infractions prouvées sont objectivement sérieuses et vont au cœur de la profession.  Comme avançait le comité de discipline de la CSF dans l’affaire Poulin[4] :

«La personne qui choisit de devenir représentant en vertu de la LDPSF accepte les conditions entourant l’encadrement de sa pratique professionnelle[5]. M. Poulin a donc «volontairement adhéré à une profession qui - comme corollaire des privilèges qu'elle accorde - demande le respect des obligations déontologiques auxquelles [il] s'est engagé[ ]»[6].  Le respect des limites de son ou ses certificats devrait normalement aller de soi.»

[25]       L’étude de la preuve documentaire fournie par la plaignante révèle qu’il s’agissait de clients, pour la plupart, de longue date de l’intimé.  Le comité a aussi noté une divergence entre le témoignage de l’intimé, au sujet des explications fournies aux clients sur les risques de tels investissements et les déclarations, à tout le moins, de Messieurs Ivan Djokich[7] et George Nito[8] qui déclarent que l’intimé ne leur aurait jamais mentionné ne pas avoir le droit de leur offrir ou vendre ces placements ni qu’ils étaient à risques[9].  Il leur aurait plutôt représenté que les placements étaient très sécuritaires ajoutant même sans risques, qu’ils généraient un haut taux de rendement et étaient appuyés par la majorité des banques[10].

[26]       De l’avis du comité, en qualifiant son rôle de simple intermédiaire lors de ces investissements, l’intimé minimise son rôle dans ces transactions oubliant que c’est lui qui a conseillé ces placements aux clients, qui leur a fait faire des chèques à l’ordre de Commax et par la suite de Balanced Return Fund, pour ensuite les acheminer à ces compagnies.  Dans le cas de Focus, non seulement il leur conseillait ce placement mais c’est lui qui prenait rendez-vous avec son contact, Madame Panathanasio, accompagnait ceux-ci à ce rendez-vous aux bureaux de la compagnie pour qu’ils complètent la paperasse et remettre l’argent à celle-ci et touchait une commission de 1.5% à 2% du montant investi par ces derniers. 

[27]       Enfin, l’intimé détenant jadis une licence de courtier en valeurs mobilières de plein exercice, de deux choses l’une : il ne pouvait ignorer de quel type de produit il s’agissait et ainsi savait qu’il agissait à l’extérieur des limites de son certificat ou bien il a fait preuve de négligence et d’un manque flagrant de professionnalisme en ne s’informant pas davantage sur la nature du produit.  Certes, ces interrogations n’ont aucun impact, en l’espèce, sur la culpabilité de l’intimé mais laisse le comité songeur quant à l’honnêteté de son témoignage à ce sujet[11].

[28]       À tout événement, compte tenu qu’il agissait à l’extérieur des limites de son certificat, ses clients-victimes ne peuvent être indemnisées par le Fonds d’indemnisation des services financiers.  Le montant de leur préjudice est extrêmement important.  Les consommateurs, en l’espèce, n’avaient pas beaucoup de connaissances en matière de placements et étaient pour la plupart des clients de longue date de l’intimé.  Ce dernier a abusé de leur confiance.  Son procureur avança que l’honnêteté et l’intégrité de l’intimé n’étaient pas en cause.  Le comité ne peut conclure en ce sens à l’égard d’un représentant qui, entre autres, recommande des produits sans s’informer davantage, qu’il le fait à l’insu du bureau chef du cabinet au sein duquel il travaille et émet même des relevés à des clients en inscrivant le nom de ce cabinet, qui ne déclare pas au fisc les revenus en découlant et ce, de façon répétée et continue sur près de dix ans.

[29]       Le comité estime qu’il est difficile de trouver appui dans la décision Duvivier[12] citée par l’intimé pour donner suite à sa demande de clémence.  D’abord les infractions sont d’une autre nature et comme il s’agissait de recommandations communes des parties, le comité a décidé de ne pas s’en écarter mais a tenu à préciser à l’intimé qu’il ne devait pas compter de nouveau sur sa clémence advenant une récidive.

[30]       Dans la preuve soumise en l’instance, le comité a relevé, à l’égard des investissements dans Focus, la plupart des facteurs aggravants déjà énumérés dans la décision refusant la levée d’interdiction (BR-4, p. 19).  Tel qu’il y est mentionné, ces mêmes faits s’appliquent aussi à d’autres placements que Focus.  Ces facteurs sont les suivants :

         Le montant des investissements est important;

         Il n’a pas vérifié la légalité des placements;

         Il n’a pas cherché à obtenir l’information sur la nature de ces placements;

         Il a reçu des commissions sans que les clients ne soient au courant;

         Il n’a pas déclaré ces commissions au fisc;

         Il s’est fié au caractère luxueux des bureaux négligeant les états financiers de la compagnie;

         Il a recommandé les produits sans passer par son cabinet Dundee. Notons qu’il en a été de même chez Regal Ltée;

         Il est un représentant d’expérience et non pas un néophyte et avait débuté sa carrière comme représentant en valeurs de plein exercice;

         Il ne s’agit pas d’un acte isolé;

         Il savait que le placement était illégal ou a fait preuve d’aveuglément volontaire;

         Il n’a aucunement vérifié s’il avait le droit de recommander ces produits.

[31]       D’autre part, les facteurs atténuants sont, entre autres, l’absence de dossier disciplinaire antérieur, le fait qu’il ait reconnu sa faute et ait collaboré à l’enquête de l’AMF au sujet de Triglobal et ait plaidé coupable sur la présente plainte.

[32]       Le comité est d’avis que l’ensemble des faits commandent une sanction de radiation pour atteindre l’effet dissuasif recherché et le fait que l’intimé avoue et collabore ne suffit pas pour l’en soustraire.  Ses clients avaient mis leur confiance en lui et les infractions commises vont au cœur de la profession.  Comme rapporté dans les décisions fournies par la plaignante et malheureusement constaté dans l’actualité, ces infractions sont devenues un fléau dans la profession et un message clair doit être fait aux représentants que ces infractions ne peuvent être tolérées.  Les conséquences de toute cette affaire sur la vie de l’intimé et de sa famille et la situation financière difficile dans laquelle il se retrouve est certes malheureuse.  Toutefois, elles ne sauraient non plus justifier de passer outre à la radiation temporaire de l’intimé et de n’ordonner que des amendes tel que proposé par son avocat. 

[33]       Le comité tient compte, dans une certaine mesure, du fait que l’intimé a déjà été empêché de pratiquer en raison de l’ordonnance d’interdiction d’opération rendue par le BRVDM, et des conséquences financières auxquelles il a dû et devra encore faire face.

[34]       Ainsi, le comité ne donnera suite, qu’en partie, aux recommandations de la plaignante, estimant qu’une radiation temporaire de trois ans sur chacun des chefs à être purgée de façon concurrente est, en l’espèce, raisonnable, adéquate et non contraire à l’intérêt public. 


PAR CES MOTIFS, le comité de discipline :

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur chacun des 13 chefs de la plainte;

DÉCLARE l’intimé coupable de chacun des 13 chefs de la plainte;

ET STATUANT SUR LA SANCTION

ORDONNE la radiation temporaire de l’intimé comme membre de la Chambre de la sécurité financière pour une durée de trois ans sur chacun des treize chefs de la plainte, à être purgée de façon concurrente;

ORDONNE à la secrétaire du comité de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, un avis de la décision rendue, dans un journal circulant dans le lieu où l'intimé a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession, conformément aux dispositions de l’article 156 (5) du Code des professions (L.R.Q., c. C-26);

CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d’enregistrement conformément aux dispositions de l’article 151 du Code des professions (L.R.Q., c. C-26).

 

 

(s) Janine Kean

Me Janine Kean

Présidente du comité de discipline

 

 

(s) Felice Torre

M. Felice Torre, A.V.A., Pl. Fin.

Membre du comité de discipline

 

 

(s) Tan Pham

M. Tan Pham

Membre du comité de discipline

 

 

 

 

Me Éric Cantin

BÉLANGER, LONGTIN, s.e.n.c.

Procureurs de la partie plaignante

 

Me Patrick Ouellet

WOODS, s.e.n.c.r.l.

Procureurs de la partie intimée

 

 

Date d’audience :

1er juin 2009

 

COPIE CONFORME À L'ORIGINAL SIGNÉ



[1] Thibault c. Duvivier CD00-0688 rendue le 26 août 2008.

[2] 2003 Can LII 32934 (QC C.A.).

[3] Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire (2004) EYB2004DEV416.

[4] Rioux c. Poulin CD00-0600 rendue le 11 avril 2007.

[5] R. c. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, 163; R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154, 177-178.

[6] Infirmières et infirmiers c. Williams-Stevenson, 2002 QCTP 110, [2002] D.D.O.P. 265, par. 22; Médecins c. Perlmutter, [1997] D.T.P.Q. no 114.

[7] Chefs 1 & 2.

[8] Chefs 12 &13.

[9] Pièces P-6 et P-25.

[10] Pièce P-6 p.p. 1002-1003; Pièce P-25 p.p. 1029-1030.

[11] Notes sténographiques de l’audition du 1er juin 2009 p. 47.

[12] Précitée note 1.

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