Chambre de la sécurité financière (Québec)

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COMITÉ DE DISCIPLINE
CHAMBRE DE LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

N° :

CD00-1355

 

DATE :

16 octobre 2019       

 

 

LE COMITÉ[*] :

Me George R. Hendy

Président

M. Armand Ethier, A.V.C.

Membre

 

JULIE DAGENAIS, ès qualités de syndique adjointe de la Chambre de la sécurité financière

 Partie plaignante

 

c. 

PHILIPPE BILODEAU (certificat 103183) 

Partie intimée

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE COMITÉ A PRONONCÉ L'ORDONNANCE SUIVANTE :

         Ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs visés par la plainte disciplinaire, ainsi que de toute information permettant de les identifier.

[1]          Le 28 mars 2019, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière (le « Comité ») s'est réuni aux bureaux de la Chambre, sis au 2000, avenue McGill College, 12e étage, à Montréal, et a procédé à l'audition d'une plainte disciplinaire déposée contre l'intimé ainsi libellée :

LA PLAINTE

1.            Dans la région de Québec, vers le mois d'octobre 2017, l'intimé a confectionné ou permis que soit confectionné un Relevé des placements et un Sommaire de régime détaillé laissant croire que A.T. était propriétaire du contrat […] alors que celle-ci ne détenait pas cette police, contrevenant ainsi aux articles 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers  (RLRQ, c. D-9.2) et 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière  (RLRQ, c. D-9.2, r.3).

PLAIDOYER DE CULPABILITÉ

[2]          L'intimé était absent lors de l'audition, mais a déposé un plaidoyer de culpabilité daté du 25 février 2019 dans lequel il renonçait à la signification de l'avis de déclaration de culpabilité suivant l'article 150 du Code des professions et consentait à l'imposition d'une radiation temporaire de quatre à six mois comme sanction.

[3]          De plus, le 27 mars 2019, l'intimé adressa à la Chambre un courriel (pièce I-1) demandant que la décision du Comité lui soit transmise par courriel, ce à quoi la plaignante ne s'est pas opposée.

[4]          Le Comité a alors autorisé la plaignante à procéder ex parte, a pris acte du plaidoyer de culpabilité de l’intimé et l’a déclaré coupable du seul chef d’infraction ci-haut énoncé, séance tenante. Considérant le principe interdisant les condamnations multiples, le Comité déclarera l'intimé coupable de ce chef d’infraction pour avoir contrevenu à l'article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière et ordonnera l'arrêt conditionnel des procédures en vertu de l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers.

[5]           Après l'enregistrement dudit plaidoyer, la plaignante, alors représentée par
Me Julie Piché, mais depuis remplacée par Me Jean-Simon Britten, a présenté au Comité sa preuve et fait ses représentations sur sanction.

 PREUVE DE LA PLAIGNANTE

[6]          Me Piché versa alors au dossier une preuve documentaire non contredite qui fut cotée P-1 à P-6. Elle ne fit entendre aucun témoin.

[7]          Essentiellement, la preuve a démontré qu'entre les 2 et 17 octobre 2017, l'intimé a transmis deux documents (pièce P-4) à l'appui d'une demande de prêt hypothécaire pour sa cliente (A.T.), lesquels laissaient croire que celle-ci était propriétaire d'une police d'assurance avec London Life.

[8]          En fait, la police en question n'appartenait pas à A.T., tel qu'éventuellement confirmé par London Life (pièce P-6, page 000026), mais plutôt à une autre personne (N.F.), n'ayant aucun lien avec A.T. (pièce P-3, page 000029). L'intimé a modifié des documents correspondant à N.F. (pièce P-4) pour y substituer le nom d’A.T. afin de laisser croire que celle-ci possédait des actifs pour appuyer sa demande de prêt hypothécaire.

[9]           Le courtier hypothécaire (C.A.B.) qui a reçu ces documents a rapidement constaté des irrégularités les concernant et a ensuite confirmé directement avec London Life que la police en question n'appartenait pas à A.T. (pièce P-5, pages 000042 et 000043), suite à quoi l'intimé a demandé au courtier de fermer le dossier (pièce P-5, page 000038).

[10]       L'intimé a été congédié par son employeur le 7 novembre 2017 pour cette conduite (pièce P-2), et a avoué sa faute lorsque confronté par son employeur (pièce P-3, page 000031).

[11]       L'attestation de droit de pratique de l'intimé (pièce P-1) fait état de sa radiation temporaire pour une période de trois mois en 2002, pour détournement de fonds en se servant des informations personnelles d'un client (sans permission). Les jugements pertinents à cette radiation sont cités ci-dessous. L'intimé n'était plus inscrit auprès de la Chambre au moment de l'audition (pièce P-1, dernière page).

REPRÉSENTATIONS DE LA PLAIGNANTE

[12]       Me Piché a informé le Comité que les parties avaient une recommandation commune pour la sanction, soit une radiation temporaire de quatre à six mois, notamment en raison de l’antécédent disciplinaire de l’intimé, à partir de sa réinscription, le cas échéant.

[13]       Elle indiqua, de plus, réclamer la condamnation de l'intimé au paiement des déboursés, y compris ceux pour la publication d’un avis de la décision dans les journaux locaux de la région où l'intimé a son domicile professionnel, lors de sa réinscription, le cas échéant.

[14]       Relativement au seul chef d'infraction, Me Piché souligna comme  facteurs aggravants la gravité objective de l'infraction reprochée (falsification de documents pour appuyer une demande de prêt hypothécaire, une pratique qui n'est pas tolérée dans l'industrie), le fait qu'il s'agit d'actes qui vont au cœur de la profession et qui portent atteinte à l'image de celle-ci, la préméditation de l'intimé et ses tentatives de cacher la vérité lorsque confronté par le courtier (C.A.B.), la vulnérabilité de N.F. et la possibilité de récidive.

[15]       Comme facteurs atténuants, elle souligna le fait que les consommateurs concernés n'ont subi aucun préjudice, le fait que l'intimé n'a réalisé aucun gain de ses gestes, le fait qu'il s'agit d'un incident isolé et le congédiement de l'intimé.

[16]       La plaignante a ensuite référé le Comité à la jurisprudence suivante démontrant que, dans des cas similaires, la sanction suggérée était appropriée :

a)            Chambre de la sécurité financière c. Bilodeau, 2001 CanLII 27730 (QC CDCSF);

b)            Bilodeau c. Rioux, 2002 CanLII 12496 (QC CQ);

c)            Chambre de la sécurité financière c. Amar, 2008 CanLII 53173 (QC CDCSF);

d)            Chambre de la sécurité financière c. Cusson, 2010 CanLII 99841 (QC CDCSF);

e)            Chambre de la sécurité financière c. Bernard, 2013 CanLII 40245 (QC CDCSF);

f)             Chambre de la sécurité financière c. Martineau, 2012 CanLII  97163 (QC CDCSF);

g)            Chambre de la sécurité financière c. Schieir, 2016 QCCDCSF 10;

h)           Chambre de la sécurité financière c. Rocha, 2017 QCCDCSF 18;

i)             Chambre de la sécurité financière c. Monette, 2017 QCCDCSF 59.

ANALYSE ET MOTIFS

[17]       Compte tenu de la nature sérieuse et flagrante de cette infraction et de l'antécédent disciplinaire ci-haut décrit de l'intimé, le Comité est d'avis que le principe de gradation des sanctions requiert l'imposition d'une sanction qui correspond à la limite supérieure de la fourchette de sanctions proposées par les parties.

[18]       Considérant ce qui précède, après révision des éléments, tant objectifs que subjectifs, atténuants qu'aggravants, qui lui ont été présentés, le Comité est d'avis que la radiation temporaire de six mois pour le seul chef d'infraction proposé par les parties serait une sanction juste et appropriée, adaptée à chacune des infractions, conforme aux précédents jurisprudentiels applicables, ainsi que respectueuse des principes d'exemplarité, de gradation des sanctions et de dissuasion dont il ne peut faire abstraction.

[19]       En conséquence, le Comité condamnera l'intimé à une radiation temporaire de six mois sous l’unique chef d’infraction, à être purgée à compter de la date à laquelle il reprendra son droit de pratique à la suite de l’émission d’un certificat en son nom par l’Autorité des marchés financiers ou par toute autre autorité compétente, le cas échéant.

[20]       Quant aux déboursés, aucun motif ne lui ayant été soumis qui lui permettrait de passer outre à la règle habituelle voulant que les déboursés nécessaires à la condamnation du représentant fautif lui soient généralement imputés, le Comité condamnera l'intimé à leur paiement, y compris ceux pour les frais de publication d’un avis de la décision dans un journal circulant dans les lieux du domicile professionnel de l'intimé.

[21]       Enfin, le Comité permettra la notification de cette décision à l'intimé par un moyen technologique, soit par courrier électronique.

 

PAR CES MOTIFS, le Comité de discipline :

RÉITÈRE l'ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion du nom et du prénom des consommateurs visés par la plainte disciplinaire ainsi que de toute information permettant de les identifier;

PREND ACTE à nouveau du plaidoyer de culpabilité enregistré par l'intimé sous le seul chef d'infraction contenu à la plainte;

RÉITÈRE la déclaration de culpabilité de l’intimé prononcée à l’audience relativement à l’unique chef d'infraction contenu à la plainte disciplinaire pour avoir contrevenu à l'article 35 du Code de déontologie de la Chambre de la sécurité financière (RLRQ, c. D-9.2,
r. 3);

ORDONNE l'arrêt conditionnel des procédures en vertu de l'article 16 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (RLRQ, c. D-9.2).

ET PROCÉDANT SUR SANCTION :

CONDAMNE l'intimé à une radiation temporaire de six mois sous l’unique chef d'infraction contenu à la plainte disciplinaire, laquelle ne débutera qu’au moment où l’intimé reprendra, le cas échéant, son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autorité compétente émettra un certificat en son nom;

ORDONNE au secrétaire du comité de faire publier, conformément aux dispositions de l’article 156, al. 7 du Code des professions (RLRQ, c. C-26), aux frais de l’intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où ce dernier a son domicile professionnel et dans tout autre lieu où il a exercé ou pourrait exercer sa profession;

ORDONNE au secrétaire du comité de ne procéder à cette publication qu’au moment où, le cas échéant, l’intimé reprendra son droit de pratique et que l’Autorité des marchés financiers ou toute autorité compétente émettra un certificat en son nom;

CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés, y compris les frais d'enregistrement, conformément aux dispositions de l'article 151 du Code des professions (RLRQ, c.
C-26
);

PERMET la notification de la présente décision à l'intimé par un moyen technologique, conformément aux dispositions de l’article 133 du Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25), à savoir par courrier électronique à l'adresse contenue dans la pièce I-1.

 

 

(s) George R. Hendy_________________________
Me George R. Hendy
Président du comité de discipline

 

 

(s) Armand Ethier____________________________
M. Armand Ethier, A.V.C.
Membre du comité de discipline

 

Me Jean-Simon Britten
THERRIEN COUTURE S.E.N.C.R.L.
Procureurs de la partie plaignante 

L'intimé était absent et non représenté

Date d'audience : 28 mars 2019

COPIE CONFORME À L’ORIGINAL SIGNÉ



[*] Le troisième membre du comité de discipline, M. Louis-André Gagnon, étant empêché d’agir, la présente décision est rendue par les deux autres membres, conformément à l’article 371 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers et à l’article 118.3 du Code des professions.

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